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doctrine Gouvernance mission et composition du conseil d'administration Nouvelles diverses prépublications de l'équipe Publications

En prépublication : « Le risque « cyber », mission centrale du CA… encore plus avec la COVID-19 » du Professeur Ivan Tchotourian.

Ivan TCHOTOURIAN publie un chapitre portant sur le CA et le « cyber » risque. Ce chapitre sera publié dans l’ouvrage « Criminalité économique, cybercriminalité et gestion des risques : Mélanges en l’honneur de la Professeure Isabelle Augsburger-Bucheli » aux Éditions Helbing Lichtenhahn, à paraître.

Le risque « cyber », mission centrale du CA… encore plus avec la COVID-19

Les sociétés commerciales et les banques – et leurs CA – sont susceptibles d’être exposés à une plus grande responsabilité en matière de risque « cyber » pendant la pandémie de COVID-1959. Il faut rappeler que le CA a un devoir de loyauté envers l’entreprise et il doit agir avec honnêteté, de bonne foi et au mieux de ses intérêts. En outre, chaque administrateur doit agir avec le soin, la diligence et la compétence dont ferait preuve, en pareilles circonstances, une personne raisonnablement prudente. Le devoir de tout CA consiste donc à éviter que le risque « cyber » ne se concrétise ou à atténuer rapidement ses répercussions. Ceci implique des actions-clés qu’il ne faut surtout pas négliger ou implanter trop tardivement.



À très vite pour de nouvelles publications…

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En prépublication : COVID-19 et multinationales, le temps du contre-pouvoir du Professeur Ivan Tchotourian.

Ivan TCHOTOURIAN publie un article portant sur le COVID-19 et son impact sur les multinationales. Cet article sera accessible sur le blogue de la « British Association of Comparative Law ».

COVID-19 et multinationales : le temps du contre-pouvoir



La crise sanitaire liée à la COVID-19 amène à une réaction intéressante des États : imposer aux grandes entreprises de dessiner une économie différente construite sur l’idée de la soutenabilité. Crise sanitaire née en Asie, la COVID-19 est devenue depuis une crise économique mondiale poussant les États à fermer leurs frontières, à confiner leurs citoyens et à soutenir massivement leurs entreprises pour éviter l’effondrement de leur économie. Une des réactions des plusieurs États est d’octroyer des aides publiques en trésorerie aux entreprises. Avec la COVID-19, les États ont l’occasion de reprendre la main et de responsabiliser enfin les grandes entreprises. Mais, la comparaison de la position des États démontre une chose : l’idée de conditionner ce type d’aide à un comportement « vertueux » des entreprises n’est pas une évidence.

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RSE et parties prenantes : une bonne pratique canadienne

Les entreprises et les banques canadiennes semblent avoir fait le choix de la RSE et des parties prenantes comme l’illustre cet article : « Canadian companies can care about more than profit, and could pay a price if they don’t «  (Financial Post, 3 juin 2020).

Extrait :

It is not the first time a leader with a fiduciary responsibility waded into the public discourse. In January, Michael McCain, chief executive of Maple Leaf Foods Inc., used Twitter to criticize the White House for creating geopolitical conditions that led to Iran’s military destroying a Ukrainian airliner carrying more than 170 people, including 55 Canadian citizens and 30 permanent residents.  

(…) Corporate stances on environmental, social and political issues are becoming more common. And in Canada, a change to corporate law last year freed executives of some companies to expand their mandates beyond simply maximizing shareholder returns without fear of legal reprisal.

(…) “Companies and investors are beginning to recognize that what happens out there in the real world is arguably even more important than what happens on their spreadsheets and terminals,” said Kevin Thomas, chief executive of the Shareholder Association for Research and Education, a not-for-profit group focused on responsible investing. 

The responses by the heads of some of Canada’s biggest companies to the protests in the United States, as well as their various attempts to assist customers during the coronavirus pandemic, come as companies are also embracing more “stakeholder” capitalism, wherein the raison d’être for firms is more than just returning cash to shareholders. 

(…) Stakeholder capitalism was the theme of this year’s World Economic Forum’s gathering in Davos, Switzerland, where one of Masrani’s peers, Royal Bank of Canada chief executive Dave McKay, was in attendance. 

“As trust in governments wanes, and the complexity of society’s problems grows, companies are charting their own course on environment, social and governance issues, to maintain public confidence in business and ensure the prosperity of communities that business serves,” McKay wrote in January. 

On Tuesday, McKay published a post on LinkedIn stating he was “personally outraged at the senseless and tragic deaths in the U.S., which are clearly symptomatic of ongoing racial discrimination and injustice, and I know we are not immune to it in Canada.”

A year ago, Parliament passed legislation that amended the Canada Business Corporations Act (CBCA), which lays out the legal and regulatory framework for thousands of federally incorporated firms, to spell out in greater detail how directors and company officers could meet their legal responsibility to “act honestly and in good faith with a view to the best interests of the corporation.”

The updated law states that directors and officers may consider shareholders, as well as employees, retirees, creditors, consumers and governments when setting corporate strategy. The law also now states that both the environment and “the long-term interests of the corporation” can be taken into consideration.

À la prochaine…

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COVID-19 : pour plus d’éthique dans les CA !

Encore une fois le cabinet Langlois publie un intéressant billet « La gouvernance : la sensibilité et le leadership éthiques des administrateurs, des éléments nécessaires pour l’après-crise » sous la plume de Mes Brizard, Ferron et François Larouche (21 mai 2020).

Je suis content de voir que les auteur.e.s partagent mon sentiment sur la nécessité de l’éthique et la pertinence de pousser le modèle des entreprises à mission sociétale !

Extrait (références omises) :

Dans le cadre de nos derniers articles1, nous interpellions les membres des conseils d’administration sur leur rôle en ce temps de crise et, notamment, sur la valeur ajoutée qu’ils devraient apporter pour préparer l’après-crise. Nous avons alors évoqué l’importance, pour l’entreprise, de déterminer les nouveaux risques, dont ceux liés à l’éthique et la nécessité de prendre des décisions en tenant compte de leurs impacts sur l’ensemble des parties prenantes2.

Si nous sommes un tant soit peu attentifs à l’actualité, nous constatons que celle-ci est devenue le lieu d’enjeux éthiques majeurs, lesquels sont rapportés dans les médias et jugés par l’opinion publique, tels le non-respect des droits de l’homme, les faillites frauduleuses, les catastrophes environnementales, la corruption, les détournements de fonds publics, la mise en danger de la vie d’autrui et, tout particulièrement ces jours-ci, la protection des aînés. Le respect du cadre légal ne suffit pas à assurer le caractère éthique des processus de prise de décision par le conseil d’administration. Il nous apparaît important de réfléchir plus particulièrement à la place de l’éthique dans le processus de prise de décision des administrateurs.

La mise en pause forcée par la crise de la COVID-19 est l’occasion pour les entreprises et l’économie de se réinventer. Dans le cadre de cette réflexion, les entreprises devront évaluer comment elles peuvent assurer leur pérennité, tout en contribuant aux atteintes des grands objectifs sociétaux. Pour réussir cette transformation, les membres des conseils d’administration devront faire preuve d’une sensibilité éthique. Tout comme le disait récemment le sociologue et philosophe Bruno Latour3 « il faut profiter de ce temps d’arrêt pour réfléchir, infléchir et remettre en cause certaines façons de faire ou de penser ».

Sensibilité éthique

Mais qu’est-ce que la sensibilité éthique? Une étude menée par la Chaire Éthique et gouvernement d’entreprise de l’Université Paris-Dauphine, dont l’objectif de recherche était de mieux comprendre comment des administrateurs mobilisaient l’éthique dans l’exercice de leurs fonctions, offre des pistes de réflexion intéressantes à ce sujet. Après une revue de la littérature, une des définitions retenues est celle de l’éthicienne Lyse Langlois qui définit la sensibilité éthique comme une « aptitude à s’interroger de manière consciente sur les situations complexes en maintenant une attitude authentique, ouverte et critique face à soi-même et aux autres »4. La sensibilité éthique fait donc référence à la capacité qu’a une personne de reconnaître les conséquences négatives qu’une situation donnée aura sur d’autres et permet à un individu de se questionner, de débattre d’un enjeu et de prendre position. Il devient donc évident de soutenir qu’une personne qui ne reconnaît pas les aspects éthiques d’une situation ne peut gérer les problèmes éthiques.

Toutefois, rassurons-nous, cette capacité à faire preuve de sensibilité éthique peut s’acquérir et se développer. C’est notamment ce qu’en disent les rédacteurs du rapport spécial sur l’importance de l’éthique dans l’amélioration de la gouvernance5 « … but there is also broader evidence within organizational behavior research about how you may shift an organization’s culture – and not necessarily just along the ethical dimension. It could also be something like innovation. Training is one of the ways in which you can try and shift the culture. I most certainly believe that you can shift the culture so that people start to think about ethical issues ».

Il n’y a qu’un pas à faire pour conclure qu’un lien étroit existe entre la sensibilité éthique et la culture organisationnelle. La sensibilité éthique semble émerger difficilement dans les organisations caractérisées par une culture éthique pouvant être qualifiée de très « contrôlante » et fondée essentiellement sur le respect des règlements, codes de conduite et politiques. A contrario, la sensibilité éthique se décline plus facilement dans une culture organisationnelle faisant une place à l’autonomie et la responsabilisation des membres du conseil d’administration, de l’équipe de dirigeants et de l’ensemble des employés6.

Pourtant, des recherches sur la sensibilité éthique des membres de conseil d’administration d’entreprise démontrent que l’éthique est en grande partie perçue dans une perspective normative, soit celle du respect des obligations légales imposées7. Chez plusieurs de nos gestionnaires ou membres de conseils d’administration, il semble aussi y avoir une confusion entre le concept de l’éthique et celui de la déontologie. Cet état de fait s’explique-t-il uniquement par manque d’habileté à reconnaître un enjeu éthique lorsqu’il se présente ou à le traiter ou, plus largement, par une carence dans les conditions permettant d’exercer cette capacité?

L’étude exploratoire de chercheurs en gouvernance éthique8 a permis d’observer que plusieurs administrateurs avaient peur des conséquences négatives (sociales, financières ou professionnelles) qu’ils pourraient subir lorsqu’il s’agissait pour eux d’évoquer leurs préoccupations en matière éthique lors de réunions des conseils d’administration. Cette crainte contribuait ainsi à anesthésier leur sensibilité éthique. Plusieurs administrateurs ont évoqué la trop forte pression sociale qui les inciterait à adhérer à la position de la majorité du groupe.

Comment un administrateur peut-il s’affranchir de ces contraintes? Le courage n’est-il pas une des qualités essentielles d’un administrateur? Nous croyons que c’est là que le leadership éthique entre en jeu.

Leadership éthique

Le leadership éthique s’incarne dans une organisation qui le soutient et qui permet des instances de délibération. Le président du conseil a sûrement un rôle clé à jouer à cet égard. Il doit favoriser un environnement qui permet aux administrateurs de poser les bonnes questions sur les situations qui soulèvent des questions éthiques. Il doit mettre en place des espaces de partage et d’échanges exempts d’enjeux politiques; un environnement « capacitant9 » où les administrateurs peuvent aborder les situations avec un esprit ouvert et indépendant. Ces acteurs doivent pouvoir être attentifs aux conditions par lesquelles ils vont pouvoir mettre en œuvre collectivement un agir adéquat en situation, dans un environnement et au sein de structures permettant des réflexions et des interactions10. Ces délibérations ouvertes, permettant aux administrateurs de s’exprimer librement et de prendre le recul nécessaire pour envisager les divers points de vue des parties prenantes, sont essentielles.

La Wharton School de l’université de Pennsylvanie traite de ce milieu « capacitant » pour que s’expriment les préoccupations sur les valeurs éthiques comme suit11 : « One of the hallmarks of an ethical culture is openness, an environment where people not only feel encouraged to do the right thing, but also speak up about things that may be going wrong. Michael Useem, a professor of management at Wharton and director of the school’s Center for Leadership and Change Management, notes that one of the most visible hallmarks of an ethical culture is when leaders help create an environment where people at all levels of the organization feel safe to “speak truth to power” – a phrase whose origin is attributed to an old Quaker saying – without fear of punishment. Trust is the glue that binds organizations together. Trust withers when truth-tellers are victimized for speaking up when they feel they must ».

Un autre élément qui pourrait expliquer les hésitations d’un membre de conseil à prendre parole serait la reconnaissance de la limite de sa compétence sur certains enjeux éthiques. Il nous semble que, sans formation appropriée en prise de décision éthique, il sera difficile pour ces membres d’apprécier à leur juste valeur les différents aspects éthiques d’une situation et de prendre parole librement. Ainsi, il importe donc au conseil, collectivement, de s’assurer que ses membres ont reçu une formation en éthique adéquate et qu’elle soit mise à jour régulièrement. Cette formation ne devrait pas se cantonner simplement à enseigner les valeurs ou les principes issus de grandes traditions philosophiques ni se limiter à ne fournir que des outils pour développer des capacités analytiques ou discursives. Il faudrait penser à du coaching ou du mentorat et au développement collaboratif d’outils. On peut également songer à des retours d’expériences, des mises en situation qui contribuent à prendre en compte l’expérience vécue. La formation éthique en situation permettra, comme le dit Grégory Aiguier « de rendre les acteurs attentifs aux conditions par lesquelles ils vont pouvoir mettre en œuvre collectivement un agir adéquat en situation autrement dit de les capaciter pour qu’ils développent un réel pouvoir d’agir »12.

Le gouvernement peut-il favoriser l’instillation de la réflexion éthique?

Puisque, tel que nous l’avons vu, l’éthique a une indéniable dimension dynamique qui implique toutes les parties, le gouvernement pourrait-il favoriser l’arrimage des comportements de nos organisations aux nouveaux impératifs de la société civile? La venue de nouveaux modèles d’entreprise reconnus par le gouvernement pourrait-elle mobiliser le leadership éthique et le changement de culture au sein des entreprises?

À titre d’exemple, au Québec, la Table d’accompagnement-conseil des entreprises pour le développement durable aide, grâce à de l’accompagnement et de nombreux outils, les entreprises à intégrer le développement durable dans leur modèle d’affaires. Les entreprises québécoises peuvent profiter de cette ressource pour améliorer leur performance et leur productivité, tout en démontrant une conscience sociale vis-à-vis le développement durable. Entre autres, la norme BNQ 21000 du Bureau de normalisation du Québec (BNQ) favorise la mise en place d’une démarche structurée de gestion du développement durable dans les entreprises. Il est intéressant de constater l’apparition récente, dans le paysage juridique, des entreprises lucratives à mission sociétale « entreprises sociales » ou Benefit Corporation. Ce nouveau modèle d’entreprise a émergé au début des années 2000. La motivation principale à l’origine de cette initiative était de bâtir des entreprises prospères qui procurent de grands bienfaits à la collectivité en mettant l’entreprise au service du bien commun. Ce modèle se décline soit par l’obtention d’une « certification B Corp »13 ou par une reconnaissance légale d’un statut reconnu par des législations particulières (Public Benefit Corporation).

La certification B Corp est délivrée par une organisation à but non lucratif aux entreprises qui démontrent des normes élevées de performance sociale et environnementale14. Pour être certifiées, ces entreprises doivent répondre à plusieurs exigences. Elles sont également sujettes à des redditions de comptes ainsi qu’à un audit externe de l’organisme certificateur.

Par ailleurs, près d’une quarantaine d’états américains ont adopté des législations autorisant la constitution d’entreprises à vocation sociale et leur accordant le statut de Public Benefit Corporation. Par l’acquisition de ce statut, les entreprises indiquent clairement que leur but n’est pas uniquement de maximiser le profit pour les actionnaires, mais de générer un bénéfice public général ainsi qu’un ou plusieurs bénéfices sociaux spécifiques, tels que la préservation de l’environnement, l’amélioration de la santé, la promotion des arts et des sciences, etc. La règle générale est que, pour qu’une entreprise puisse se constituer en Public Benefit Corporation, elle doit prévoir dans ses statuts au moins un apport positif ou une réduction d’effets négatifs sur une certaine catégorie de personnes, d’entités, de communautés ou autres parties prenantes. Par ce statut, les administrateurs bénéficient de certains assouplissements concernant leurs devoirs fiduciaires. Comme corollaire, l’entreprise a aussi l’obligation de produire un rapport bisannuel détaillé sur les actions prises pour respecter les engagements inscrits dans ses statuts. La même tendance est observable en France où le gouvernement a adopté, en 2019, la loi dite PACTE15 qui cherche à promouvoir l’intégration d’objectifs sociaux et environnementaux via la reconnaissance du statut de « Sociétés à mission ».

Au Canada, soulignons les efforts déployés en Colombie-Britannique en 2012 pour amender le Business Corporation Act16 afin d’y introduire une nouvelle structure d’entreprise axée sur la responsabilité sociale et le développement durable : la Community Contribution Company (aussi nommée « C3 »). Ce type de société comprend à la fois des éléments propres aux entreprises à but lucratif et non lucratif et permet la réalisation d’objectifs à caractère sociaux par le biais de ses activités. Les restrictions imposées aux C3, notamment au niveau des transferts de capitaux, du paiement de dividendes et de la distribution des actifs de la société lors de sa dissolution, démontrent tout le sérieux de la démarche britanno-colombienne visant à créer un modèle d’entreprise soucieux des enjeux sociaux et environnementaux liés à la conduite des affaires.   

Dans cette même optique, la Colombie-Britannique a récemment récidivé en adoptant le projet de loi M 20917, sanctionné le 16 mai 2019, qui prévoit la possibilité pour certaines entreprises d’obtenir le statut de Benefit Company. Cette qualification implique certaines obligations, dont la prise en compte du bien-être des personnes affectées par la conduite de l’entreprise ainsi qu’une utilisation juste et proportionnelle des ressources environnementales, sociales et économiques disponibles18. Ces entreprises devront aussi annuellement produire un rapport détaillé démontrant le respect de leurs engagements, rapport qui devra s’inscrire en conformité avec les normes édictées par de tierces parties indépendantes.

Bien qu’elles comportent certaines limites et puissent prêter flanc à la critique19, ces certifications, qu’elles soient législatives ou autorégulatrices, renforcent la crédibilité et la transparence des entreprises et consolident leur réputation ou leur image de marque. Elles constituent aussi un outil de différenciation sur les marchés à l’égard des investisseurs, des agences de notation, des employés, des consommateurs et des donneurs d’ouvrage, puisqu’elles reconnaissent le haut niveau de performance sociale et environnementale de celles-ci.

Les gouvernements du Québec et du Canada pourraient considérer l’adoption de telles législations ou favoriser, par des mesures incitatives, les organisations qui auraient la certification B Corp. À notre sens, ils contribueraient ainsi à instiller un certain virage aux entreprises vers un nouveau modèle d’affaires favorisant la réflexion éthique par des objectifs qui transcenderaient la simple production de biens et de services, en y ajoutant une production sociale et environnementale axée sur le long terme, respectueuse de l’intérêt des parties prenantes.

Le gouvernement du Québec avançait déjà dans la bonne direction avant la crise en proposant des mesures qui favorisent les comportements de gouvernance d’entreprise en faveur de l’économie verte dans le deuxième budget du ministre des Finances Éric Girard. De plus, plusieurs États et gouvernements veulent relancer l’économie avec des mesures vertes et écologiques, pour assurer la transition énergétique et écologique de concert avec la bonne marche de l’économie.

Il est en outre possible de penser que la crise de la COVID-19 aura comme effet de favoriser cette réflexion. Effectivement, depuis le début de la crise, il a été possible de voir émerger de nombreuses initiatives provenant de l’entreprise privée pour participer à l’effort global de lutte contre le virus. Par exemple, le lancement de la plate-forme numérique Le Panier Bleu20, qui rassemble sous une même bannière les initiatives d’achat local au Québec et stimule leur vente. Aussi, un bon nombre d’entreprises privées ont décidé, du jour au lendemain, de modifier leur production traditionnelle pour l’orienter vers les besoins en fournitures spécialisées dans les hôpitaux21.

Saisir l’opportunité de penser une ère nouvelle

Comme nous l’avons mentionné dans nos derniers articles, les entreprises devront être prêtes pour l’après-crise. Elles devront se donner les moyens de faire face aux prochaines crises et de bifurquer vers une société plus résiliente. Rebâtir, en fonction d’une nouvelle représentation du monde. Le conseil devra faire preuve d’indépendance, de courage, du souci d’autrui et du personnel, de rigueur, d’intégrité et de transparence. Il devra s’assurer de la cohérence entre le discours et l’action, et du nécessaire alignement de la mission, de la vision et des valeurs de l’organisation post COVID-19. Pour citer Michel Clair,22 « [o]n voit bien que la vie continue malgré les contraintes actuelles. Comme administrateur, voir loin veut dire déjà réfléchir sur les leçons à tirer de cette crise sans précédent, pour voir dans quelle mesure notre entreprise pourrait contribuer positivement à mieux prendre soin de notre planète et de l’humanité, tout en étant plus robuste devant l’adversité. Comment ajouter de la valeur pour toute l’humanité à nos produits et services? » 

Dans ce redémarrage, les questions sociales et de gouvernance seront cruciales. Les changements climatiques et l’urgence environnementale, les tendances de consommation durable et, plus largement, les autres attentes de la société civile ne pourront pas être ignorés. Il faudra donc mettre en balance la préservation ou la performance économique, les ressources humaines et la préservation des ressources naturelles. Une équation difficile, mais nécessaire pour assurer la pérennité de l’entreprise. Les administrateurs devront être prêts, formés, et jouir d’un environnement « capacitant » pour qu’ils fournissent la valeur ajoutée que l’on s’attend d’eux.

À la prochaine…

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Un commentaire du CUGE par le cabinet Stikeman Elliott

Le 20 mai 2020, le cabinet Stikeman Elliott a publié une belle synthèse du Crédit d’urgence aux grands employeurs (CUGE) dans un billet intitulé : « Canada Development Investment Corporation Clarifies Certain Aspects of the Large Employer Emergency Financing Facility Program ». Une occasion de bien comprendre cette aide…

Extrait :

On May 20, 2020, Canada Development Investment Corporation (CDEV) clarified certain aspects of the Large Employer Emergency Financing Facility (LEEFF) program which was announced by Canada’s federal government on March 11, 2020, including (i) the terms and conditions that would apply to the loans provided to large Canadian businesses under the LEEFF program and (ii) the compensation payable by such businesses in exchange for the loans provided under the LEEFF program.

À la prochaine…

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COVID-19 : les CA doivent être proactifs et impliqués

C’est sur ce conseil pertinent que le cabinet BCF Avocats d’affaire offre un billet dans son dossier consacré à l’après-COVID (ici) intitulé « COVID-19 : à l’aube du déconfinement, les conseils d’administration doivent être proactifs et impliqués » (27 avril 2020).

Extrait :

(…) À crise exceptionnelle, réponse exceptionnelle. Cela est vrai non seulement de nos gouvernements, mais également des sociétés et de leurs conseils d’administration. Plus que jamais, le conseil doit être proactif et impliqué. Voici certaines suggestions :

1. Soyez un exemple pour toute l’organisation. En temps de crise, on doit tirer le meilleur de chacun.

2. Adoptez un plan de contingence. Ce plan doit vous aider à évaluer les menaces et les enjeux ainsi qu’à gérer la situation actuelle. Il doit inclure un plan d’action contenant des mesures robustes non seulement pour protéger les employés, mais aussi toute personne faisant affaires avec la société ou faisant partie de son environnement. Adoptez un échéancier avec des objectifs spécifiques, tout en réévaluant fréquemment votre plan de contingence.

3. Créez un comité de gestion de crise et assurez-vous qu’il puisse agir de façon avisée et efficace.Celui-ci doit faire preuve d’agilité et de maniabilité.

4. N’hésitez pas à assumer un plus grand rôle et à intervenir directement, particulièrement si cela peut aider la direction en poste. Augmentez la fréquence des réunions et des interventions du conseil (par téléphone ou par vidéoconférence, si possible). Restez bien informé.

5. Assurez-vous d’un suivi serré de toutes les activités, des finances, des budgets, de la trésorerie, etc.

6. N’hésitez pas à prendre des décisions, même si elles sont difficiles, et surtout prenez ces décisions en temps opportun.

7. Tenez compte des impacts réels et appréhendés de la pandémie sur votre société. Établissez des hypothèses raisonnables et adaptées à l’environnement particulier dans lequel votre société évolue. Chaque société sera affectée de façon différente.

8. Planifiez en fonction de plusieurs scénarios possibles. Plusieurs facteurs, outre le secteur d’activités de la société, comme le fait qu’elle puisse ou non poursuivre ses activités et qu’elle offre des biens ou services essentiels ou faisant partie de la chaine d’approvisionnement, auront un impact sur la façon de gérer la crise et la sortie de crise.

9. Plus que jamais, une constante demeure : celle du changement. Remettez en question les façons de faire des différentes activités à l’intérieur de la société. Rien ne doit être tenu pour acquis. Remettez en question les décisions   : ce qui semblait bon hier ne l’est peut-être plus aujourd’hui (comme nos autorités sanitaires nous l’ont admis en toute humilité).

10. Insistez sur l’importance des communications. Comme premier gardien du plan de communication, le conseil devrait notamment s’assurer de l’uniformité de toute communication, en gardant en tête que plusieurs naviguent dans l’inconnu et que les répercussions de la COVID-19 peuvent rapidement apporter avec elles leur lot d’inquiétudes.

11. Soyez transparent avec les employés, les clients, les fournisseurs, les prêteurs, etc. Vous aurez besoin de leur support.

12. Identifiez les risques pour la société, mais recherchez aussi les opportunités.

13. Posez-vous les bonnes questions en ce contexte de changement

(…)

DILIGENCE

Suivant cette obligation, les administrateurs doivent faire preuve de prudence et de diligence, tout en usant de la compétence d’une personne raisonnablement prudente. Ainsi, les administrateurs devront agir de manière informée et prudente, selon les circonstances de chaque situation. Une bonne planification de la crise et de la sortie de crise incluant l’adoption de mesures et d’actions appropriées et en temps opportun aidera à s’acquitter de cette obligation.

LOYAUTÉ

Conformément à l’obligation de loyauté, les administrateurs doivent agir honnêtement et de bonne foi, dans l’intérêt premier de la société. Une tendance jurisprudentielle est à l’effet qu’en agissant conformément à l’obligation de loyauté envers la société, les administrateurs peuvent aussi considérer les intérêts de toutes les parties prenantes, ce qui inclut notamment les actionnaires, les employés, les créanciers, les clients, l’environnement et les gouvernements. Il est pertinent de se demander si la réalité post-pandémie ne fera que renforcer les attentes de ces parties prenantes.

LE PIÈGE DU GEL DE LA PRISE DE DÉCISIONS

L’administrateur avisé ne devrait pas s’abstenir de participer à une prise de décision en succombant à la peur de prendre une mauvaise décision susceptible d’engager sa responsabilité personnelle. Bien que les décisions prises ne produisent pas toujours le résultat escompté, les administrateurs d’une société n’engageront pas leur responsabilité personnelle dans la mesure où ces décisions sont raisonnables et justifiables au moment où elles sont prises, compte tenu du contexte. Ici, ce n’est pas la perfection qui est exigée de la part des administrateurs, mais plutôt de faire preuve d’un degré de prudence approprié, ainsi que la diligence nécessaire pour parvenir à une décision commerciale raisonnable. Cette règle de l’appréciation commerciale élaborée par les tribunaux exige que les décisions soient prises sans conflit d’intérêt, de manière éclairée et de bonne foi. Une présomption à l’effet qu’une décision fondée, de bonne foi, sur l’opinion d’un dirigeant, d’un comité du conseil d’administration fiable et compétent de la société ou d’un expert satisfera l’obligation de prudence et de diligence de l’administrateur.

Les administrateurs conscients de la situation actuelle se protégeront, non seulement en respectant leurs devoirs et en assumant leurs obligations, mais aussi en ayant recours à certains instruments pour documenter le processus décisionnel et la base sur laquelle les décisions ont été prises. Ainsi, il est important d’être rigoureux avec l’ordre du jour et les procès-verbaux et ne pas hésiter à s’appuyer sur l’opinion d’experts. Il serait justifié de revoir le contenu et la fréquence du certificat ou de l’attestation de la direction sur le respect des lois statutaires et autres ainsi que la couverture de la police d’assurance responsabilité des administrateurs et dirigeants. Finalement l’administrateur devrait également consigner sa dissidence s’il est en désaccord avec une décision du conseil.

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COVID-19 : une mission plus large pour les CA

Le cabinet d’avocat Stikeman Elliott revient dans un billet court sur la mission du CA en contexte de pandémie : « COVID and Corporate Governance: A Broader Mission for Corporate Boards » (24 avril 2020).

Extrait :

The discussion focuses on the key challenges facing Canada’s corporate leaders as the reopening phase approaches:

  • Focusing on issues that matter;
  • Immediate crisis management and board readiness;
  • Re-thinking strategy and risk management;
  • Re-thinking incentive frameworks; and
  • Re-thinking corporate purpose.

À la prochaine…