Entreprise à mission : nouveautés nord-américaines
La société à mission est une figure marquante de ces dernières années. Si elle est en réalité plus ancienne et que ses bases peuvent être trouvées dans la société à finalité sociale de Belgique (aujourd’hui emportée par la réforme intervenue en droit des sociétés en 2019), elle occupe une grande actualité dans le domaine juridique. Plusieurs pays et États ont fait place à cette nouvelle organisation alliant objectif lucratif et sociétal. Ils ont tantôt consacré une forme sociale à part entière (Angleterre, Italie, Colombie-Britannique, multiples États américains), tantôt intégré l’idée de l’entreprise à mission sans recourir à une structure juridique particulière (dernièrement la France avec la loi PACTE et les articles L. 210-10 et s. du Code de commerce). Au Canada et aux États-Unis, l’entreprise à mission vient de faire parler d’elle sur le plan législatif.
Ivan Tchotourian et Camille d’Astous publient un chapitre portant sur la rémunération des hauts-dirigeants en temps de COVID-19. Ce chapitre sera publié dans l’ouvrage « La rémunération dans tous ses états » aux Presses de l’Université Laval sous la direction d’ Yves Hallée, Renée Michaud et Patrice Jalette, à paraître.
Rémunération des hauts dirigeants au temps de la COVID-19 – Lecture éthique et juridique
La rémunération des hauts-dirigeants constitue depuis de nombreuses années un sujet intarissable de discussions et de débats. La littérature universitaire est foisonnante et la presse amène son lot quotidien d’affaires. Alors que les montants de cette rémunération n’ont cessé de croître, les États avancent en ordre dispersé sur cette problématique. Si certains se montrent discrets laissant le contrôle de la rémunération au marché, d’autres sont plus proactifs et ont fait évoluer leur droit. Toutefois, la rémunération demeure un thème que le juriste peine à encadrer comme en témoignent l’incohérence ou l’insuffisance de certaines modifications législatives. Une des questions qui se pose est de savoir si, au final, les modifications constituent des réactions de circonstances ou, au contraire, démontrent une démarche éthique pour promouvoir un bon comportement. Sans une recherche de plus d’éthique, le droit ne se révèle-t-il pas impuissant à changer les comportements en ce domaine ? Le contexte de la COVID-19 enrichit la réflexion sur les liens entre rémunération, positionnement du droit et éthique. La pandémie mondiale démontre que l’éthique n’a pas peut-être pas besoin de droit, sauf que la place et la pérennité de l’éthique en matière de rémunération apparaissent incertaines.
The governance of the modern corporation is broadly understood as the mechanisms, relations, and processes for balancing the interests of stakeholders. It spells out the rules and procedures for decision-making, accountability and transparency, and distributional rights. Corporate governance thus provides the framework in which corporate objectives are set, the means of attaining them, the kind of performance monitoring required, and by whom. In the aftermath of the global financial crisis and large-scale corporate failures, the issue of corporate governance has repeatedly received the attention of policy-makers and the wider public. Extending the study of corporate governance beyond that of listed corporations sheds new light on the overall performance of corporations in market economies. These include small to medium-sized corporations, nonprofit organisations and philanthropic foundations, public corporations and public-private partnerships, social enterprises and cooperatives, international organisations, and corporations in cyberspace. A decade after the massive failures in the governance of financial corporations, and with continued governance failures in other parts of the economy since then, this volume takes stock and asks: what has been the performance of corporate governance regimes, and have regulatory changes and corporate governance codes made a difference? What are the strengths and weaknesses of current corporate governance systems and codes? How do corporate forms differ in their governance performance, and what have been the experiences across countries? And, finally, what implications for understanding governance behaviour and for policy-makers and regulators come to mind?
Le séminaire à la maîtrise de Gouvernance de l’entreprise (DRT-7022) dispensé à la Faculté de droit de l’Université Laval entend apporter aux étudiants une réflexion originale sur les liens entre la sphère économico-juridique, la gouvernance des entreprises et les enjeux sociétaux actuels. Le séminaire s’interroge sur le contenu des normes de gouvernance et leur pertinence dans un contexte de profonds questionnements des modèles économique et financier. Dans le cadre de ce séminaire, il est proposé aux étudiants depuis l’hiver 2014 d’avoir une expérience originale de publication de leurs travaux de recherche qui ont porté sur des sujets d’actualité de gouvernance d’entreprise. C’est dans cette optique que s’inscrit cette publication qui utilise un format original de diffusion : le billet de blogue. Cette publication numérique entend contribuer au partage des connaissances à une large échelle (provinciale, fédérale et internationale).
Le présent billet est une fiche de lecture réalisée par Mmes Maëva Huctin et Déborah Lochon. À cette occasion, Maëva et Déborah analysent l’article de la professeure Jennifer Hill intitulé « Good Activist/Bad Activist: The Rise of International Stewardship Codes » (ECGI – Law Series No. 368/2017). Je vous en souhaite bonne lecture et suis certain que vous prendrez autant de plaisir à le lire que j’ai pu en prendre à le corriger.
Essor des Stewardship Code : place à l’engagement (par Jennifer Hill)
« L’activiste
est utile […], ce qu’il faut combattre c’est les excès »[1].
Cette phrase d’Éric Woerth dans la présentation de son rapport d’information
sur l’activisme actionnarial représente bien le débat doctrinal actuel sur
l’activisme. C’est également le sujet de l’article de Jennifer Hill qui se
penche sur ces différentes doctrines et sur leurs conséquences réglementaires[2].
L’activisme des actionnaires : Docteur Jekyll et Mister Hyde
Depuis le
début du XXe siècle, le profil des actionnaires a radicalement
changé. S’est alors posée la question de leur rôle dans la gouvernance.
L’actionnaire ne se trouve plus en position de faiblesse : il s’implique
dans la vie de l’entreprise. Aujourd’hui, le
petit actionnaire particulier s’est transformé en un investisseur
institutionnel ayant une meilleure connaissance du marché et un objectif
d’investissement différent. L’émergence des investisseurs institutionnels (notamment
les fonds de pension) a donné naissance au débat sur l’activisme.
À la suite de
la crise financière mondiale de 2007-2008, l’activisme a été décrié principalement
aux États-Unis en rendant les actionnaires activistes responsables de celle-ci.
La doctrine américaine les décrit comme des participants infidèles à
l’entreprise et des prédateurs à l’affût de profit[3].
L’activisme a surtout été durcit par l’arrivée des hedges funds avec un engagement presque « hostile »
envers les CA et la direction. Ils seraient court-termistes et pousseraient les
dirigeants à prendre des risques excessifs et modifier leur stratégie pour
obtenir plus de profit à court terme. Selon M. Lipton, la situation est
telle que toute nouvelle législation devrait inclure une protection contre les
pressions actionnariales[4]…
dangereuses pour l’entreprise et l’économie[5].
Activisme = Court-termisme = actionnaires ?
Lier actionnaires, activisme et court-termisme peut constituer un
raccourci, car les profils et objectifs des actionnaires sont souvent bien
différents. Les actionnaires représentent souvent des petits porteurs (ayant
investi chez eux et recherchant la pérennité de leur investissement), auxquels les
grands investisseurs institutionnels doivent alors rendre des comptes. À ce
titre, leur activisme peut être positif.
Selon une doctrine autorisée, lors de la crise financière, les actionnaires
n’exerçaient pas assez de pression sur les dirigeants. En étant plus impliqué,
l’actionnaire va veiller à ce que les décisions prises soient optimales; or il
est compliqué d’exercer une telle influence avec un actionnariat trop dispersé
et désintéressé. Des expérimentations ont d’ailleurs démontré une meilleure
valorisation des actions lorsqu’une part importante de l’actionnariat est
représentée par les investisseurs institutionnels. En outre, les enjeux de
l’activisme sont forts et ne comportent pas uniquement un volet économique.
Certains actionnaires utilisent déjà leur pouvoir pour influencer ou
sensibiliser l’entreprise à des enjeux sociaux ou environnementaux. Enfin, au
Royaume-Uni, le Kay Review de 2012[6]
conclut que l’augmentation de l’engagement des actionnaires et des actions
collectives peut être une solution au court-termisme et promeut un engagement
accru des investisseurs institutionnels qui pourraient être la liaison entre
les dirigeants et les autres actionnaires pour discuter des questions de bonne
gouvernance. Ces investisseurs sont encouragés à nouer plus de relations avec
l’entreprise dans laquelle ils investissent.
Le boom des codes de gouvernance
Le profil de
l’actionnaire ayant changé, la réglementation s’en trouve à devoir évoluer
également. Malgré le débat doctrinal, le droit est venu consacrer une vision
positive de l’activisme : loin de
considérer l’activisme des actionnaires comme un problème, il est même vu comme
une partie de la solution à la réussite à long terme des entreprises. C’est ainsi les techniques réglementaires ont
évolué et ont fait place aux codes de gouvernance. Cette réglementation
émane tantôt des gouvernements et organismes gouvernementaux, tantôt des
industries (organismes privés), mais parfois aussi des investisseurs eux-mêmes (favorable
alors à une autorégulation). Les codes viennent parfois instrumentaliser les actionnaires
en les utilisant pour inciter à la mise en place d’outils de bonne gouvernance.
Dans son
article, la professeure Hill relève la montée des codes de gouvernance et
compare les deux premiers codes favorables à une vision à long terme des
entreprises, tous deux émanant d’un organisme de réglementation et
d’application volontaire, basée sur le principe du « comply or
explain » : le UK Stewardship Code de 2012 et le Japanese Stewardship Code de 2014. Ces codes sont des précurseurs
qui ont encouragé d’autres pays à aller plus loin en intégrant de nouveaux
enjeux dans leur réglementation. Ces codes rappellent que les investisseurs
jouent un rôle important en matière de responsabilisation de la société. Toutefois,
ils n’ont pas pour autant un droit de gestion dans les affaires. Si ces deux
codes sont relativement similaires, leur manière d’aborder l’activisme diffère
notamment en raison de leur fondement et leurs objectifs. Le premier vient
répondre à un besoin de contrôle efficace des risques après la crise
financière; le second quant à lui, est né d’une lutte contre la baisse de
rentabilité des entreprises. Le code britannique prône un engagement important
des investisseurs institutionnels à travers une responsabilité de nouer des
relations avec les sociétés dans lesquelles ils investissent. Il encourage
alors la gestion par le vote, la surveillance ou encore le dialogue sur des
sujets ciblés avec la direction. Il fournit également un cadre pour une montée
progressive de l’activisme si le CA ne répond pas aux préoccupations des
actionnaires. Le code japonais est plus ambigu dans sa manière de considérer
l’activisme et prône un engagement plutôt modéré et une approche plus
consensuelle avec le CA.
Limiter les pouvoirs du CA par l’engagement
Ces codes de gouvernance se concentrent sur la limitation des pouvoirs
du CA (en augmentant le niveau d’engagement) plutôt que sur le contrôle du
pouvoir des actionnaires. En effet, ils ne posent pas de
« barrières » aux actionnaires, mais font en sorte que ces derniers
en posent au conseil d’administration. La question de l’engagement des
actionnaires dans la gouvernance fait encore débat au niveau international,
même s’il est possible de constater un consensus pour dire que la participation
des actionnaires fait désormais partie intégrante d’une bonne gouvernance… que
l’engagement tend à se renforcer.
Maëva Huctin et Déborah Lochon
Anciennes étudiantes du cours de Gouvernance de l’entreprise (DRT-7022)
[4] Martin LIPTON, « Will a New Paradigm for
Corporate Governance Bring Peace to the Thirty Years’ War », Wachtell, Lipton, Rosen & Katz, 2 octobre 2015.
[5] Martin LIPTON,
« Do Activist Hedge Funds Really Create Long- Term Value? », Harvard Law School Forum on Corporate
Governance and Financial Regulation, 22 juillet 2014.
[6]The kay Review of UK Equity
Markets and Long Term Decision-Marking, rapport
final, juillet 2012.
Dozens of judicial opinions have held that shareholders own corporations, that directors are agents of shareholders, and even that directors are trustees of shareholders’ property. Yet, until now, it has never been proven. These doctrines rest on unsubstantiated assumptions.
In this book the author performs a rigorous, systematic analysis of common law, contract law, property law, agency law, partnership law, trust law, and corporate statutory law using judicial rulings that prove shareholders do not own corporations, that there is no separation of ownership and control, directors are not agents of shareholders, and shareholders are not investors in corporations. Furthermore, the author proves the theory of the firm, which is founded on the separation of ownership and control and directors as agents of shareholders, promotes an agenda that wilfully ignores fundamental property law and agency law. However, since shareholders do not own the corporation, and directors are not agents of shareholders, the theory of the firm collapses.
The book corrects decades of confusion and misguided research in corporate law and the economic theory of the firm and will allow readers to understand how property law, agency law, and economics contradict each other when applied to corporate law. It will appeal to researchers and upper-level and graduate students in economics, finance, accounting, law, and sociology, as well as attorneys and accountants.
Le professeur de UBC Joel Bakan nous gâte avec un nouvel ouvrage intitulé : « The New Corporation: How « Good » Corporations Are Bad for Democracy » (Allen Lane).
Résumé :
From the author of The Corporation: The Pathological Pursuit of Profit and Power comes this deeply informed and unflinching look at the way corporations have slyly rebranded themselves as socially conscious entities ready to tackle society’s problems, while CEO compensation soars, income inequality is at all-time highs, and democracy sits in a precarious situation.
Over the last decade and a half, business leaders, Silicon Valley executives, and the Davos elite have been calling for a new kind of capitalism. The writing was on the wall. With income inequality soaring, wages stagnating, and a climate crisis escalating, it was no longer viable to justify harming the environment and ducking taxes in the name of shareholder value. Business leaders realized that to get out in front of these problems, they had to make social and environmental values the very core of their messaging. Their essential pitch was: Who could be better suited to address major societal issues than efficiently run corporations? There is just one small problem with their doing well by doing good pitch. Corporations are still, ultimately, answerable to their shareholders, and doing well always comes first.
This essential truth lies at the heart of Joel Bakan’s argument. In lucid and engaging prose, Bakan lays bare a litany of immoral corporate actions and documents corporate power grabs dressed up as social initiatives. He makes clear the urgency of the problem of the corporatization of society itself and shows how people are fighting back and making gains on a grassroots level.
In the last decades, transnational corporate activities have given rise to serious human rights abuses. In this doctoral thesis, the author provides an exhaustive account of the obstacles preventing the implementation of an effective corporate social responsibility system. The first chapter analyses the mechanisms developed in public international law to introduce corporate regulation. The second chapter explains the inadequacies of both American and European private international law systems to receive victims’ claims. Finally, the third chapter elaborates a comparative study of the different national law mechanisms to establish the responsibility of transnational corporations. The present book is addressed to all lawyers and more generally to all readers interested in the question of business and human rights.