Parité dans les organes de direction et Loi PACTE


Ces dernières années ont été riches en dispositions nouvelles visant à garantir l’égalité femme/homme au sein des entreprises françaises. En effet, alors que les données du Forum économique mondial plaçait la France 129ème sur 144 en termes d’égalité salariale[1], il était nécessaire qu’enfin l’article 3 du préambule de la Constitution de 1946, consacré par la Constitution de 1958, soit respecté. Il prévoit en ces termes que « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme ». Pour ce faire, la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel[2] (dite loi « Pénicaud 2 ») complétée par le décret n° 2019-15 du 8 janvier 2019[3], est venue notamment imposer aux entreprises de plus de 1000 salariés de publier des indicateurs qui permettent de calculer l’index de l’égalité salariale femme/homme à compter du 1er mars 2019. Cette note devra être publiée à compter du 1er septembre pour les entreprises d’au moins 250 salariés et du 1er mars 2020 pour les entreprises d’au moins 50 salariés[4]. En cas de mauvais résultats consécutifs sur trois ans, une pénalité financière pourra être appliquée à l’entreprise dont les indicateurs visés à l’article L.1142-8 du Code du travail ne respecteraient pas les niveaux fixés par un décret à paraître. Celle-ci pourra être d’un montant équivalent à 1% des cotisations sociales versées par l’entreprise au visa de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et du premier alinéa de l’article L. 741-10 du code rural et de la pêche maritime[5].

Au 1er janvier 2017, entrait en vigueur l’article L225-18-1 du Code de commerce, modifié par la Copé-Zimmerman[1] en son article 1er, qui prévoit que « La proportion des administrateurs de chaque sexe ne peut être inférieure à 40 % dans les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé et, à l’issue de la plus prochaine assemblée générale ayant à statuer sur des nominations, dans les sociétés qui, pour le troisième exercice consécutif, emploient un nombre moyen d’au moins deux cent cinquante salariés permanents et présentent un montant net de chiffre d’affaires ou un total de bilan d’au moins 50 millions d’euros ». Après l’égalité salariale, il était question, par l’effet de la loi, de rétablir une parité dans la représentation des deux sexes au sein des conseils d’administration des sociétés cotées d’abord puis des grandes entreprises ensuite[2]. Si les effets de cette loi semblent concluants selon le selon le cabinet Ethics & Boards qui indiquait en 2018 que dans les sociétés du CAC 40 l’on comptait 42,7 % d’administratrices, le bât blessait encore quant à la parité homme/femme au sein des comités exécutifs et de direction où l’on comptait seulement 15.6% de femme[3].

Afin de limiter cet écart et ainsi de favoriser la présence de femmes au sein des instances dirigeantes des entreprises, l’article 188 de la loi PACTE[1], est venu modifier l’article L.225-53 du Code de commerce relatif au comité exécutif et qui prévoit à présent pour les SA monistes que le Conseil d’administration « détermine (…) un processus de sélection qui garantit jusqu’à son terme la présence d’au moins une personne de chaque sexe parmi les candidats. » L’on se doute qu’une société qui ne respecterait pas ledit processus paritaire pourrait voir la responsabilité de ses administrateurs engagés sur le fondement d’une faute civile tirée de la violation de cette disposition. Concernant les SA dualistes, une modification est apportée à l’article L.225-58 du Code de commerce[2] : « Le directoire exerce ses fonctions sous le contrôle d’un conseil de surveillance. Il détermine à cette fin un processus de sélection qui garantit jusqu’à son terme la présence d’au moins une personne de chaque sexe parmi les candidats. » Si ces processus d’égalité des chances sont à saluer, il semble que le législateur ait commis une approximation rédactionnelle qui se concilie mal avec l’article R.225-38 du Code de commerce. En effet, ce dernier prévoit que « Les personnes désignées pour être membres du conseil de surveillance sont habilitées, dès leur nomination, à désigner les membres du directoire ou le directeur général unique » alors que le nouvel article L.225-58 prévoit que le processus de sélection sera organisé par le directoire. Une telle incohérence sur le rôle de l’organisation du processus de désignation équitable devra être clarifiée rapidement car en l’état du droit positif, une SA bicéphale qui organiserait une sélection des candidats par l’intermédiaire du Conseil de Surveillance violerait l’article L.225-58 et celle qui l’organiserait par son directoire agirait en violation de l’article R.225-38 du Code de Commerce.

La mesure la plus importante en matière d’égalité homme/femme de la loi PACTE se situe sans doute dans son article 189 qui vient renforcer le dispositif établi par la loi Copé-Zimmerman au sein de l’article L.225-18-1 du Code de commerce. Si par le passé, le quota de 40% n’était pas respecté, alors la nomination des administrateurs en question était considérée comme nulle au contraire des délibérations auxquelles ils avaient participées. Aujourd’hui, toutes les délibérations du Conseil irrégulièrement formées seront nulles. A ce jour, le dispositif concerne les entreprises d’au moins 500 salariés permanents qui présentent un montant net de chiffre d’affaires ou un total de bilan d’au moins 50 millions d’euros et s’étendra aux sociétés d’au moins 250 salariés permanents et qui présentent un montant net de chiffre d’affaires ou un total de bilan d’au moins 50 millions d’euros au 1er janvier 2020. On comprend bien qu’une telle sanction de nullité de l’intégralité des délibérations du Conseil mal formé amèneront inéluctablement des nullités en cascade qui feront supporter aux tiers avec lesquels le Conseil aurait contracté, les conséquences d’une situation qui relève des rapports internes à la société. L’on imagine bien que les sociétés cotées rentreront rapidement dans le rang mais il serait dommage de fragiliser celles qui ne le sont pas et à qui le dispositif mentionné pourrait s’appliquer dès le début de l’année 2020.

A n’en point douter, les dispositifs présentés sont en faveur de l’égalité professionnelle sur la forme mais force est de constater que dans le fond, leur mise en pratique amènera sans doute une insécurité juridique qu’il faudra rapidement pallier au risque de voir une telle réforme engendrer des conséquences non souhaitées par le législateur.


[1] Assemblée nationale, Rapport fait au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, 1er juin 2018, Rapport n° 1019, par C. Fabre, A. Taché, N. Élimas, t. 2, commentaires d’article, p. 442, sous art. 61.

[2] Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel (dite loi « Pénicaud 2»), Journal officiel, n°0205, 6 septembre 2018

[3] Décret n° 2019-15 du 8 janvier 2019 portant application des dispositions visant à supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes dans l’entreprise et relatives à la lutte contre les violences sexuelles et les agissements sexistes au travail, Journal officiel, n°0007, 8 janvier 2019.

[4] Décret n° 2019-15 du 8 janvier 2019 portant application des dispositions visant à supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes dans l’entreprise et relatives à la lutte contre les violences sexuelles et les agissements sexistes au travail – Article 4, Journal officiel, n°0007, 8 janvier 2019.

[5] C. trav. Art. L.1142-10

[6] Loi n° 2011-103 du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle, Journal officiel, n°0023, 28 janvier 2011

[7] C. com., art. L. 225-18-1, al. 1er ; V. pour la SA à directoire, art. L. 225-69-1, al. 1er, et, pour la société en commandite par actions, art. L. 226-4-1, al. 1er.

[8] A.-M. Rocco, La mesure annuelle de la féminisation du Top 100 des grandes entreprises va devenir obligatoire, Challenges, 23 juill. 2018 in FRANÇOIS Bénédicte, « Indemnisation des instances dirigeantes : vers une représentation plus équilibrée ? ; Note sous Loi numéro 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, Journal officiel numéro 0205 du 6 septembre 2018 », Revue des sociétés, 10, octobre 2018, p. 612‑614.

[9] LOI n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, Journal Officiel n°0119 du 23 mai 2019

[10] « Loi Pacte : Un meilleur équilibre hommes-femmes au sein des organes de gestion des SA », La Quotidienne [en ligne] mai 2019, [consulté le 21 août 2019] , www.efl.fr

Ce contenu a été mis à jour le 5 mai 2020 à 15 h 51 min.

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