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Nouveau rapport de l’IGOPP sur les entrées en bourse

Bravo à l’IGOPP qui vient de publier un nouveau rapport portant sur les entrées en bourse : « Entrée en bourse, un rêve du passé ? » (16 juillet 2024). Une belle occasion d’aborder le capital-actions à classe multiple.

  • Pour accéder au rapport : cliquez ici

 

Résumé :

Au Canada, l’année 2023 fut famélique en matière de nouvelles sociétés procédant à un premier appel public à l’épargne (PAPE) sur le principal marché boursier, le TSX. En effet, une seule société, Lithium Royalty Corp., a procédé à une telle opération, levant ainsi environ 150 M $ en mars 2023. Plus d’un an plus tard, au terme du mois de juin 2024, aucune nouvelle société conventionnelle[1] n’a depuis été introduite par voie de PAPE sur le TSX. Il s’agit d’une période anormalement longue, voire historique.

« Les marchés publics sont un grand facteur d’égalisation économique, ce qui permet aux petits épargnants, soutenus par des protections appropriées pour les investisseurs, de participer directement à la croissance de l’économie » (Groupe de travail sur la modernisation relative aux marchés financiers, 2021). Des études montrent que la taille du marché des capitaux d’un pays est positivement corrélée à son développement économique (mesuré par le taux de croissance réel à long terme du PIB par habitant), et que, dans le cas des marchés boursiers, la relation est estimée à 1 pour 1 (Kaserer et Rapp, 2014). Des marchés en santé et attrayants sont essentiels, car ils favorisent également l’innovation, la diversification de l’économie, un plus grand partage de la richesse créée tout en rendant l’économie d’un pays plus robuste aux chocs (European IPO Task Force, 2020).

Pour les entrepreneurs, les avantages d’une introduction en bourse sont nombreux. Il s’agit bien sûr d’abord d’un moyen de financer la croissance, mais aussi d’améliorer la notoriété de la marque et la réputation (Pešterac, 2020). Les exigences de conformité imposées par les régulateurs et les opérateurs boursiers confèrent une forte crédibilité aux entreprises, ce qui facilite grandement le recrutement et la rétention des employés et dirigeants. C’est aussi un avantage indéniable lors de la négociation auprès de fournisseurs locaux et étrangers.

Bien sûr, une introduction en bourse s’accompagne inévitablement de coûts additionnels liés aux exigences associées à la divulgation publique de renseignements et autres obligations de conformité, sans compter les risques associés aux tentatives hostiles de prise de contrôle ou encore de devoir composer avec une attaque d’un actionnaire activiste. Le Tableau 1 reprend certains des arguments favorables et défavorables les plus fréquemment soulevés pour justifier une introduction – ou non – en bourse.

 

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Gouvernance mission et composition du conseil d'administration

Composition du CA : petits conseils

Intéressante synthèse de M. Stéphane Vidal sur LinkedIn qui revient dans un billet sur l’importance de la composition d’un conseil avec quelques conseils à la clé : « La composition du conseil d’administration : un facteur clé de la gouvernance d’entreprise » (9 juillet 2024).

 

Extrait :

 

  • Expertise diversifiée

Un conseil d’administration bien composé réunit des administrateurs aux compétences et expériences variées. Cette diversité d’expertise permet d’aborder les défis de l’entreprise sous différents angles et d’enrichir la prise de décision. Par exemple, la présence d’experts financiers, juridiques, technologiques ou sectoriels apporte des perspectives complémentaires essentielles.

  • Indépendance et objectivité

La présence d’administrateurs indépendants, sans lien direct avec la direction, est primordiale. Ils apportent un regard extérieur et objectif, limitant les risques de conflits d’intérêts. Leur indépendance favorise une surveillance efficace de la direction et la protection des intérêts des actionnaires minoritaires.

  • Diversité et inclusion

Une composition diversifiée en termes de genre, d’âge, d’origine ethnique et culturelle enrichit les débats du conseil. Elle permet de mieux refléter la diversité des parties prenantes et d’intégrer différentes sensibilités dans les décisions. Cette diversité est aussi un atout pour attirer les talents et améliorer l’image de l’entreprise.

  • Équilibre des pouvoirs

La composition du conseil doit assurer un juste équilibre des pouvoirs, notamment entre le président et le directeur général/chef de l’exploitation. Une répartition claire des rôles et responsabilités, ainsi qu’une représentation équilibrée des différents actionnaires ou parties prenantes, contribuent à une gouvernance saine.

  • Compétences adaptées aux enjeux

La composition du conseil doit évoluer pour répondre aux défis actuels et futurs de l’entreprise. L’intégration de compétences en transformation digitale, en responsabilité sociale d’entreprise ou en cybersécurité, par exemple, permet d’accompagner efficacement les mutations de l’entreprise.

  • Culture de débat constructif

Au-delà des compétences individuelles, la composition du conseil doit favoriser une dynamique collective positive. La complémentarité des profils et la capacité à travailler ensemble sont essentielles pour créer une culture de débat ouvert et constructif.

  • Renouvellement et continuité

Un équilibre entre renouvellement et continuité dans la composition du conseil est nécessaire. L’arrivée régulière de nouveaux administrateurs apporte un regard neuf, tandis que la présence d’administrateurs expérimentés assure la transmission des connaissances et la stabilité.

  • Alignement avec la stratégie

La composition du conseil doit refléter les orientations stratégiques de l’entreprise. Par exemple, une société visant une expansion internationale gagnerait à intégrer des administrateurs ayant une expérience des marchés visés.

  • Conformité réglementaire

La composition du conseil doit respecter les exigences légales et réglementaires, qui varient selon les pays et les secteurs d’activité. Ces règles concernent notamment la proportion d’administrateurs indépendants ou la représentation des exécutifs.

  • Engagement et disponibilité

Enfin, la composition du conseil doit privilégier des administrateurs engagés et disponibles. Leur capacité à consacrer du temps et de l’énergie à leur mission est cruciale pour une gouvernance efficace.

 

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devoirs des administrateurs Gouvernance mission et composition du conseil d'administration normes de droit Responsabilité sociale des entreprises

Devoir de loyauté : vers une évolution couplée à la raison d’être ?

Très intéressant papier de recherche de l’ECGI de Susan Watson et Lynn Buckley intitutlé « Directors’ Positive Duty to Act in the Interests of the Entity: Shareholders’ Interests Bounded by Corporate Purpose ». La maximisation actionnariale a du plomb dans l’aile !

 

Résumé :

Directors’ duty to act in good faith and to act in the best interests of the company relates to the interests of shareholders held in the company as a separate legal entity. The obligation to act in the best interests of shareholders is potentially bounded by corporate purpose as the office requires directors to act in accordance with the constitution and Companies Act.  The origin of the duty is traced to the emergence of permanent capital in the business corporation and the resulting new oaths sworn by directors in the seventeenth and eighteenth centuries with Charitable Corporation v Sutton considered in that historical context.

The analysis illustrates that the duty is not owed to shareholders collectively at any time, but rather to the company as a separate entity from its shareholders. The interests of shareholders are held in the company as its capital base. The duty is considered in relation to the even longer-standing obligation that officers of corporations act faithfully to ensure compliance with the corporation’s charter.

The article concludes that the re-inclusion of purpose provisions in company constitutions combined with recognition that the modern company is an entity rather than contractual could significantly influence the application of the good faith and best interests duty.

 

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Gouvernance

OPINION : Gouvernance de Soccer Canada… le temps de l’éthique organisationnelle ?

Nous avons tous été choqués d’apprendre l’affaire de tricherie de l’équipe féminine de soccer qui est parue dans la presse la semaine passée. Nous l’avons été encore plus en apprenant que l’espionnage était une pratique institutionnalisée sans que personne au sein de l’équipe d’encadrement (et peut-être au niveau de la direction) ne se pose la moindre question d’éthique sportive ! Vous me direz que d’autres fédérations, sportifs ou pays trichent parfois, mais ce n’est pas une raison pour le faire.

 

Une tache indélébile

Les équipes nationales et Soccer Canada vont devoir dorénavant vivre avec cette affaire qui éclabousse le Canada en plein Jeux olympiques 2024 de Paris, une épreuve mythique parmi les plus regardées au monde. Faut-il le rappeler, dans le domaine sportif, la tricherie est le comportement le plus grave tant il viole l’esprit même entourant l’activité sportive. Dans notre cas, il y a eu clairement violation d’une règle. Ce comportement n’est pas excusable. La tricherie ou, simplement, son apparence entache toute performance passée d’un doute sérieux et d’une perte de légitimité si dure à gagner pour tout sportif. Si l’équipe nationale féminine gagne depuis des années, triche-t-elle pour obtenir ce résultat ? Et que penser des résultats de l’équipe masculine ? Il y a un « doute » en dépit de ce que clament les joueuses dans les médias. Qu’elles ne trichent pas sur le terrain, tout le monde en convient. Mais, il reste que préparer un match en espionnant est interdit et contribue à tronquer la performance. Pour l’avenir, ce sont les membres de la communauté de soccer – professionnels et amateurs – qui vont être qualifiés de tricheurs, sérieusement ou sur le ton de la plaisanterie (ce qui est peut-être pire, tant ce genre de plaisanterie demeure de nombreuses années). Qu’importe le ton, le mal est fait et il faut gérer ce qu’il s’est passé. La réaction doit être à la hauteur de ce qu’il s’est passé.

 

Un urgent changement de culture

Au niveau de la gouvernance, Soccer Canada doit prendre conscience d’un fait : l’impensable s’est produit. L’espionnage par drone soulève un enjeu d’éthique organisationnelle et de gouvernance. Derrière cette affaire, c’est la culture de l’organisation de Soccer Canada qui est en question. Soccer Canada traverse une crise majeure, voire existentielle. Cet actif incorporel bâti avec le temps qu’est la réputation, est ébranlée. Plus que jamais, Soccer Canada doit remettre en place une relation éthique et responsable avec ses parties prenantes sous peine de mettre à mal sa crédibilité. Dans un contexte hautement concurrentiel des pratiques sportives, le soccer a perdu la bataille de l’image et risque également de perdre à terme, celle du chiffre (les pratiquants ne vont-ils pas aller vers d’autres sports : basket-ball, hockey, volley-ball… ?). Les commanditaires resteront-ils partenaires ? Comment les gouvernements vont-ils réagir par rapport à leur soutien ? Le conseil d’administration (CA) et la direction de Soccer Canada doivent donc envoyer un message fort et agir pour influencer positivement les comportements de ses équipes d’encadrement. Le CA doit prendre sa responsabilité au sérieux. En matière de culture et d’éthique, il est fondamental que le message provienne d’en haut : tone at the top. L’objectif de performance ne doit pas tout justifier. Dans le sport, il faut échouer et l’accepter, l’éthique sportive est à ce prix. Sinon que seraient les valeurs prônées par une organisation comme Soccer Canada ?

 

Or, pour le moment, il faut constater que le CA et la direction se font bien discrets. Certes, il y a eu ouverture d’une enquête et retour au pays de l’entraîneuse canadienne. Mais, le temps n’est pas à la sous-réaction, il faut gérer les conséquences de cette crise. À terme, il va falloir un changement de l’équipe d’encadrement accompagné du départ de certains membres de la direction, aussi douloureux soit-il. Trêve de naïveté, il est impensable que personne ne soit au courant et encore moins les entraîneurs. Les excuses récentes de l’entraineuse ne sont pas suffisantes, tant l’image et la réputation de Soccer Canada sont à reconstruire. Le CA va devoir aussi mener une réflexion profonde sur la gouvernance de Soccer Canada et prendre un engagement réel de changement afin de prévenir ce genre de comportement. Pour cela, il va falloir :

  • Identifier les contextes organisationnels et sociaux ayant poussé l’équipe d’encadrement à systématiser la tricherie et à fouler aux pieds une norme fondamentale du sport;
  • Repenser le leadership, les valeurs et la culture prônés par l’organisation (est-il admissible que le mot représailles ait été évoqué dans la presse ?);
  • S’assurer dorénavant d’intégrer les valeurs et la mission sportive et éthique de Soccer Canada dans les décisions quotidiennes;
  • Revoir la cartographie des risques de l’organisation et les mesures de mitigation et de gestion;
  • Repenser les structures et les programmes d’éthique organisationnelle : existe-t-il une ligne de dénonciation ? Qu’en est-il d’un comité éthique ? Pourquoi pas une participation des salariés dans l’élaboration d’initiatives éthiques ? Et que penser de l’intégration de critères éthiques et sportifs dans l’évaluation des salariés ?…

 

Sur le site Internet de de Soccer Canada, le cadre de gouvernance conduit étonnamment à une page vide. Il est temps de revoir cette page blanche pour avoir un processus de réflexion débouchant sur une décision sportivement éthique et assumée. A défaut, le plan stratégique 2022-2026 de Soccer Canada visant à s’assurer de son leadership responsable risque de n’être que de la poudre aux yeux. Soccer Canada n’est peut-être que l’arbre qui cache la forêt : chaque fédération sportive canadienne devrait s’inspirer de cette situation pour mettre à jour sa gouvernance en matière d’éthique et de gestion de risques.

 

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Gouvernance mission et composition du conseil d'administration

Des CA qui se préoccupent de plus en plus des risques

Le Corporate Board Member publie une étude pertinente sur la prise en compte des risques par les CA dans ce billet : « New Survey Shows ERM Conversations Increasing Across U.S. Boardrooms, With Room to Grow » (par Melanie C. Nolen, juillet 2024). Assurément une bonne nouvelle !

 

Chart on ERM in boardrooms

Extrait :

Taking risk is part of running a business, but in today’s environment it may seem like every move comes with a certain amount of unexpected risk. The level of emerging risks, both predictable and unpredictable, is high, so it’s no surprise that boards are having to spend more time than ever on this issue. 

More than three-quarters (77 percent) of the directors we polled as part of our Director Confidence Index survey in July, conducted in collaboration with Diligent Institute, say their full board is having regular conversation around new risks and what they mean for the company, with nearly half saying they’re discussing ERM more frequently today than in years past. 

So much so that 56 percent say they have formalized enterprise risk oversight in governing documents (including charters)—a trend that aligns with other research out of the Diligent Institute. “This is a growing trend, even when it comes to matters such as ESG for instance,” says Dottie Schindlinger, executive director of the Diligent Institute. “In our recent Sustainability in the Spotlight report, we found that of the directors who had changed their company’s ESG oversight in the last year, about a third (30 percent) had formalized oversight in governing documents.”  

 

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From greenwashing to green trust : une tribune

Merci à Sonia Trottier de L’Initiative canadienne de droit climatique pour son analyse : « From greenwashing to green trust: How Bill C-59 strengthens regulations and protects Canadians » (juin 2024).

Extrait :

In November 2023, the government introduced Bill C-59, the Act to implement the Fall Economic Statement, which includes some considerations that aim to improve greenwashing regulations through the Competition Act. While welcomed by many, some argue that the bill is insufficient to effectively tackle greenwashing and protect consumers in Canada. Others have concerns that the proposed changes will negatively impact the economy.

Pamela Wallin, Senator and Chair of the Senate Banking Committee, asked the Competition Bureau to respond to the concerns of Pathways Alliance, Canada’s largest fossil fuel producers consortium that has a net-zero target by 2050. Pathways Alliance believes that the new greenwashing provisions to be added to the Competition Act would prevent companies from making statements about their environmental performance or plans.

Bill C-59 was passed without amendments on June 19, 2024 and received Royal Assent on June 20, 2024. Pathways Alliance followed with a notice on its website, removing all content from its website, social media, and public communications. It also stated that the consortium remained committed to its work and reducing environmental impacts from oil sands production.

While companies must be careful with their statements to avoid greenwashing risks and the other risks arising therefrom, they should not fear or refuse to publicly disclose climate-related information. This practice is called greenhushing. Instead, companies should engage in real climate actions, avoid boilerplate disclosures, get third-party verification, and be transparent in their communications.

By mitigating greenwashing risk, companies will also reduce the reputational, litigation, and regulatory risks they may face from greenwashing allegations. Greenwashing accusations can damage a company’s reputation and impact its clients’ trust. Consumers increasingly care about buying sustainable products, and pay attention and hold companies accountable for their products, services, and statements related to sustainability. Information travels fast with the internet and social media. Companies need to be aware of how even suspicions of greenwashing can negatively impact their brand, credibility, the general public’s trust, and consumers’ loyalty.

 

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finance sociale et investissement responsable Gouvernance Nouvelles diverses

Facteurs ESG ou facteurs GSE

Bel article à parcourir sur les priorités des critères ESG… peut-être à inverser (!) : Gouvernance, Social, puis Environnement.

 

Extrait :

 

La durabilité, un enjeu de… durabilité et de performance pour les entreprises

La bonne nouvelle est que de plus en plus de dirigeants se rendent compte que la prise en compte des enjeux sociaux et environnementaux devient indispensable afin d’assurer la durabilité de leurs modèles d’affaires et, par là même, la pérennité de leurs entreprises.

De plus en plus d’études témoignent par ailleurs que la prise en compte des enjeux ESG a un impact positif sur les indicateurs financiers de l’entreprise. L’étude d’Eiffel Sustainability & Impact Innovation Center de Mai 2024 sur des PME & Eti européennes, démontre que 83% des objectifs ESG ont eu une répercussion nette positive sur les indicateurs financiers des entreprises étudiées. En prenant conscience que ces enjeux représentent désormais des risques avérés, mais sont aussi des opportunités de création de valeur globale pour leurs entreprises, les dirigeants comprennent qu’ils doivent mieux prendre en considération les impacts positifs ou négatifs que leurs activités génèrent. Ainsi, ils sont de plus en plus nombreux à positionner ces sujets là où ils doivent l’être : au cœur de leur stratégie pour adapter les modèles d’affaires et les propositions de valeur.

Il y a urgence, car il y va de la pérennité même des entreprises à moyen terme. En effet, bien au-delà d’un objectif de réduction de l’empreinte environnementale de leurs activités, les exigences des parties prenantes vis-à-vis de l’entreprise se sont considérablement renforcées en très peu de temps. Cela implique que les entreprises prennent des engagements qui vont très au-delà de la mise en place d’une feuille de route RSE classique. Depuis le Covid, les salariés, au-delà d’un revenu décent et de la perspective d’évolution de carrière alléchante, attendent désormais de leur employeur du sens et un engagement sincère sur les sujets sociaux et environnementaux, pouvant aller jusqu’à quitter leur entreprise ou à refuser un poste ; les donneurs d’ordre accordent une importance croissante voire centrale aux critères ESG dans la sélection de leurs fournisseurs ; le monde de la finance est de plus en plus actif, avec, d’un côté, les fonds d’investissement qui font de l’ESG un critère de sélection et de valorisation objective de leurs participations et, de l’autre, les banques, qui proposent des prêts à taux bonifiés indexés sur l’amélioration d’indicateurs de performance extra-financiers.

On le voit bien, le risque pour une entreprise à ne pas s’engager est réel et dépasse très largement le cadre de la conformité réglementaire. Car si elle ne peut plus attirer ou retenir les talents, si elle vend de plus en plus difficilement et si elle a de plus en plus de mal à se financer, elle est inexorablement amenée à disparaître à plus ou moins brève échéance…

Un enjeu global, systémique et existentiel

La durabilité devient ainsi le nouveau grand sujet de transformation de l’entreprise car une condition essentielle à sa pérennité. Il est global car il les concerne toutes, systémique car il touche à toutes ses fonctions, et essentiel car il interroge sur sa finalité même. Il est plus profond que le digital qui reste, malgré les considérables changements qu’il a occasionnés, un moyen, alors qu’il a bouleversé de façon brutale le paysage concurrentiel de la plupart des secteurs d’activité.

(…)

Si on attend d’elle qu’elle ait un impact sur la société et sur son environnement, elle doit évidemment avoir la capacité d’investir et de se projeter sur le long terme et donc avoir un modèle économique qui fonctionne. Mais la nécessaire transformation d’une entreprise pour la rendre résiliente face aux nouveaux enjeux de durabilité impose de dépasser l’urgence du court terme pour mener une réflexion et s’engager sur un temps long, qui va au-delà de son horizon classique de réflexion.

Pour une démarche GSE : Gouvernance, Social, Environnement

La prise de conscience et la construction de convictions fortes du dirigeant et l’alignement avec les instances de gouvernance constituent la première condition pour que l’entreprise se mette en mouvement. Un dirigeant climato sceptique ou qui ne voit dans l’ESG qu’un ensemble de contraintes ne pourra pas créer la dynamique nécessaire pour lancer un chantier de transformation qui affecte toutes les dimensions de l’entreprise. À l’opposé, un dirigeant convaincu mais entouré d’actionnaires qui exigent des résultats à court terme aura du mal à imposer à ses associés des arbitrages visant à renoncer à une performance immédiate au profit d’un investissement dont les retours ne seront visibles qu’au-delà de leur horizon naturel de réflexion. Une entreprise sous LBO, dont les fonds majoritaires exigent un TRI très élevé avec une sortie prévue à deux ou trois ans ou encore une entreprise cotée avec des fonds activistes à son capital n’auront pas la même capacité de projection qu’une entreprise dont le capital est détenu depuis plusieurs générations par une famille et qui s’inscrit dans une tradition de transmission patrimoniale. En considérant la durabilité comme un sujet désormais essentiel, dont les effets se mesurent sur le temps long, la gouvernance va devoir adapter son système de mesure et de reconnaissance de la performance pour y intégrer des critères extra-financiers. La CSRD par le cadre qu’elle pose, invite progressivement les 50 000 plus grandes entreprises européennes à mener cette réflexion dès 2024 et à publier des engagements concrets qui se généraliseront par la suite à l’ensemble de leur chaîne de valeur.

La conviction du dirigeant, l’alignement avec les représentants des actionnaires et le board, de nouveaux indicateurs de performances sont des préalables indispensables pour créer l’impulsion nécessaire. L’étape suivante consiste à embarquer les véritables acteurs de la transformation : les équipes. Là encore, il s’agit de faire les choses dans le bon ordre : des dirigeants qui ont toujours appliqué un modèle de management classique basé sur la recherche de croissance et de profit risquent de susciter scepticisme, voire désengagement s’ils affichent une volonté soudaine de contribuer au bien commun, même s’ils sont sincères.

Le procès en green ou en purpose washing n’est jamais loin. Il faut donc expliquer, donner de la perspective et de la profondeur au sujet pour embarquer les équipes, indispensables pour opérer une transformation qui touche à l’ensemble des métiers et nécessitera donc l’implication de tous. Le besoin de comprendre des équipes est réel, ne serait-ce que pour démontrer qu’il ne s’agit pas d’un effet de mode mais la conséquence d’une évolution en profondeur du modèle capitaliste dont l’entreprise doit se saisir sans tarder.

Mais cela ne suffit évidemment pas. On ne change pas cinquante ans de culture friedmanienne dans les entreprises par la magie de quelques heures de sensibilisation aux grandes évolutions du monde capitaliste. L’ESG est souvent déstabilisant pour des équipes qui se retrouvent face à des injonctions contradictoires et qui vont devoir renoncer à prendre des décisions qui paraissaient évidentes jusque-là.

Accepter des coûts supérieurs pour acheter local, renoncer à un investissement très rentable à court terme car il générera des nuisances sur le long terme, incompatibles avec le nouveau projet de l’entreprise, modifier la structure de rémunération des équipes commerciales jusque-là basée sur des critères de performance au mois pour le remplacer par un indice de satisfaction clients sur le long terme est déstabilisant. Le dirigeant devra être entouré d’une équipe de comité de direction convaincue qui, à son tour, pourra embarquer le management intermédiaire et l’ensemble des équipes.

Intégrer la durabilité devient une nécessité vitale pour l’entreprise et requiert conviction du dirigeant et alignement de la gouvernance avant la mise en œuvre d’un volet social incontournable pour accompagner la transformation et le changement. C’est à cette condition qu’on pourra embarquer les équipes et les motiver à imaginer et lancer les offres qui permettront d’avoir un impact positif et réellement décisif sur l’environnement. C’est précisément la philosophie à laquelle nous invite le reporting de durabilité CSRD qui permet aux entreprises d’encadrer leur démarche.

Il faut donc bouleverser l’ordre des choses : l’impact environnemental est une conséquence et non pas la finalité d’un programme ESG.

D’ailleurs, ne devrions-nous pas désormais parler de programme GSE ?

 

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