Il y a peu, la presse a fait savoir que les six plus
hauts dirigeants de SNC-Lavalin s’étaient partagé en 2020 une
rémunération totale de 23,7 millions de dollars, soit 2,7 millions $ de plus
qu’en 2019. Son P.D.-G. avait de son côté empoché 8,02 M$ en 2020. Pourtant, la
COVID-19 a accéléré le besoin d’éthique des entreprises. Depuis mars 2020,
réductions de salaires de base et des heures travaillées, mises à pied temporaire
du personnel, attribution de congés, licenciements sont le quotidien du monde
des affaires comme l’illustre SNC-Lavalin. Dans un tel contexte, les
attentes des parties prenantes n’ont jamais été aussi élevées. Des
comportements non vertueux (méprisant son environnement et ses parties
prenantes) autrefois considérés comme acceptables le sont de moins en moins. En
décembre 2019, le Forum de Davos a ainsi affirmé qu’une entreprise était plus qu’une simple
entité économique qui génère des richesses. Elle répond à des aspirations
humaines et sociétales dans le cadre du système social général. Comment
SNC-Lavalin peut-elle tourner le dos à cette responsabilité de
poursuivre le bien commun ? Simplement par manque d’éthique !
Licite
Même si les rémunérations des hauts dirigeants de SNC-Lavalin
ne sont pas illicites, elles choquent l’opinion. Elles choquent parce qu’elles
démontrent un excès, loin de l’esprit de solidarité, d’entraide et de
réciprocité qui s’impose dans le monde post-pandémie. Si l’éthique est devenue
aujourd’hui une évidence pour les entreprises, SNC-Lavalin semble
l’ignorer et rappeler de ce fait un passé récent. Ces rémunérations ne sont toutefois
qu’à l’image des polémiques qui ont lieu en ce domaine. Dans les grandes
entreprises, la rémunération des hauts dirigeants suscite
de vives tensions. Les raisons en sont diverses : montant astronomique;
caractère excessif des augmentations; complexité des formes de rémunération;
écarts entre rémunération des hauts dirigeants et celles des salariés;
discordance entre rémunération et performance des entreprises; disparité entre
rémunérations de sociétés comparables.
Des comportements
exemplaires
Les recherches démontrent que certaines entreprises ont
adopté dans le contexte de la COVID-19 un comportement éthique pour promouvoir l’idée
de justice et assurer leur survie. Elles ont diminué la rémunération de leurs P.D-G.
et hauts dirigeants, certains d’entre eux n’hésitant pas à reporter ou à
diminuer leurs salaires. Aux États-Unis, plusieursdirigeants de sociétés ont renoncé à l’intégralité de leur salaire :
Lyft, Airbnb et Marriott. D’autres ont également renoncé à une partie de leur
rémunération afin de la rediriger vers des objectifs commerciaux et sociaux.
Parmi ces derniers se trouvent des entreprises dont le siège social est au
Québec. Air Canada, par exemple, a
diminué de 100 % le salaire de son président et de 20 à 50 % les
salaires versés à ses hauts dirigeants et à ses cadres supérieurs pendant le
second trimestre 2020. Bombardier, BRP et CGI ont aussi choisi de diminuer de 100 % la rémunération du
président et des hauts dirigeants pour une durée indéterminée. Chez CAE,
le salaire du président a été diminué de 50 % et celle des hauts
dirigeants et des cadres supérieurs de 20 à 50 %. La même décision a été
prise chez Gildan Activewear. Plusieurs
entreprises ont pris des mesures particulières pour s’ajuster à la COVID-19 et
assurer une meilleure préservation de leurs liquidités. À ce titre, Signet Jewelers a réduit le salaire de
son P.D-G. de 50 %, a différé le paiement de sa prime de l’année
précédente au mois de juin, en plus de diviser la prime de l’année en cours en
deux parties. Dans le même sens, Independance
Contract Drilling a réduit le montant de la rémunération des directeurs et
des membres exécutifs principaux de son CA, et ce, en plus de diminuer le
nombre de membres de son équipe de direction et de son CA.
Où était le CA ?
Les CA et les hauts dirigeants canadiens sont à l’heure actuelle sous une plus forte pression pour assurer la survie de leurs entreprises. Les CA sont confrontés à un choix au moment de déterminer la politique de rémunération des hauts dirigeants. Or, de nouvelles valeurs comme l’éthique et la justice s’imposent en toile de fond de la rémunération. Ces valeurs s’imposent aux CA. Or, le CA de SNC-Lavalin a-t-il compris que la rémunération était devenue un sujet de moins en moins économique ? Le Le CA a-t-il compris que le risque éthique est une composante fondamentale de la mission des CA ? Pas sûr, d’autant que lesdites rémunérations ont été octroyées alors que SNC-Lavalin a avait retranché temporairement une partie de la rémunération versée aux présidents et aux vice-présidents exécutifs, a essuyé des pertes considérables en 2020, a vu son cours boursier chuté, et a versé des dividendes tout en bénéficiant d’aides publiques. Faut-il blâmer le CA de SNC-Lavalin ? Sans doute même s’il faut remarquer que sa position n’est pas isolée. Le cabinet Davies a relevé dans son rapport 2020 sur la gouvernance que les mesures de réduction de rémunération n’étaient pas particulièrement répandues parmi les grandes entreprises nord-américaines. Pourtant, l’éthique est un atout pour les entreprises et les CA. Elle est une réponse aux critiques qui leur seraient faites dans l’attribution des rémunérations, notamment de la part de leurs salariés. Au-delà de corriger les comportements, l’éthique redonne son plein sens au travail des hauts dirigeants. Elle est enfin un moyen d’aboutir à une nouvelle doctrine en matière de rémunération, ô combien salutaire – en ces temps difficiles –, celle de la prudence. Elle réduit les coûts, permet de se montrer solidaires avec les salariés, favorise des objectifs à long terme et préserve les liquidités. Attention toutefois, l’éthique doit reposer sur des convictions, parmi lesquelles la recherche d’une justice et l’absence d’instrumentalisation au service de la profitabilité. Comme une évidence, éliminer l’éthique ne doit pas être l’objectif d’un programme de rémunération. Pourtant, SNC-Lavalin semble l’avoir fait. L’éthique a ses limites et c’est dommage…
Avec Alexis, nous partageons la plume aujourd’hui pour publier la première opinion du blogue. Les membres de l’équipe du blogue produiront régulièrement des opinions pour vous apporter un regard critique, court et percutant autour de sujets d’actualité qui les animent.
Le 12 mars 2021, les partisans d’une plus grande responsabilité sociale des entreprises (RSE) ont été déçus par le gouvernement du Canada. Dans une décision passée inaperçue, les pouvoirs de l’Ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises(OCRE) ont été définis. Or, c’est un ombudsman sans réel pouvoir d’enquête et de sanction qui est consacré. Pourtant, pour changer le comportement irresponsable des grandes entreprises du secteur minier tant pointé du doigt, il faut bien plus qu’un tigre de papier.
Le choix du non
judiciaire
Au Canada, la
question de savoir si les entreprises minières canadiennes devraient faire face
à des sanctions juridiques (de nature civile et/ou pénale) est vive. Pour le
moment, il n’existe ni loi spécifique responsabilisant les entreprises par
rapport à leurs activités à l’étranger ni base législative permettant aux
victimes de les poursuivre devant les tribunaux pour leurs inconduites à
l’étranger. Certes, un
projet de loi visant à combattre l’esclavage moderne par la transparence (n° C-423) a été déposé en 2018,
mais cette initiative semble être tombée aux oubliettes. Quant aux tribunaux,
ils offrent un
avenir prometteur au devoir de diligence, à l’exécution
de jugements rendus à l’étranger et aux interdictions
issues du droit international coutumier,
mais sont à confirmer. La crainte de voir l’industrie minière se détourner du
Canada fait sans doute partie des raisons qui expliquent la timidité des
gouvernements de prendre position. Pour autant, le gouvernement canadien ne se
montre pas inactif puisqu’il a développé des voies de
recours non judiciaires. Le gouvernement fédéral a récemment créé une nouvelle
voie de recours parajudiciaire visant spécifiquement à connaître de la RSE des
entreprises canadiennes extractives et textiles opérant à l’étranger. Il s’agit
de l’OCRE dont la création a été annoncée en janvier 2018. Si on peut regretter
ce choix, cette nouvelle voie de recours a le mérite d’exister. Est-elle
pleinement satisfaisante ? Nous en doutons comme l’illustre une actualité
récente entourant l’OCRE qui a été peu relayée dans le public…
Un mandat qui
restait à préciser
Le
mandat de l’OCRE est encadré par le décretCP 2019-1323 qui a été
adopté le 6 septembre 2019
en remplacement de celui du 4 août 2019. Si l’OCRE se
voit confier quatre missions, celle le faisant participer à la mise au
règlement des différends opposant des entreprises canadiennes des domaines
extractifs et textiles à leurs parties prenantes étrangères constitue le cœur
de celle-ci. Dans le cadre de cette mission uniquement extraterritoriale,
l’OCRE a vocation à connaître des atteintes aux droits de la personne
internationalement reconnues. Ce décret a été complété par les Procédures
opérationnelles du Mécanisme de responsabilisation des droits de la personne de
l’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises (OCRE) qui ont
été rendues publiques le 12 mars 2021 à l’issue d’une consultation
multipartite. Ces procédures détaillent la manière dont l’OCRE conduit ses
examens. Si une lecture juridique attentive du mandat confié à l’OCRE démontre incontestablement
des avancées depuis le passage éclair du Bureau du conseiller en RSE, des
critiques demeurent (limite de ses compétences, manque d’indépendance…). Parmi
celles-ci, figure la faiblesse de ses pouvoirs d’enquête et de sanction qu’une
lecture attentive de la position de mars 2021 sur les procédures confirme.
Des pouvoirs sans substance
Alors
que l’OCRE a finalement été habilité à démarrer des examens de sa propre
initiative, il dispose de moyens extrêmement limités une fois que l’examen
arrive à l’étape de la recherche des faits. L’adoption du nouveau décret n’a
pas réglé les problèmes entourant l’absence de réels pouvoirs d’enquête de
l’OCRE à l’origine de la fronde des parties prenantes. Une entreprise
canadienne peut refuser de coopérer avec l’OCRE sans qu’un tel refus soit
considéré comme de la mauvaise foi. Il faudra passer par une recherche
indépendante des faits dans laquelle il ne sera pas possible d’avoir accès aux
diverses preuves et autres éléments importants qu’elle pourrait détenir. De
manière naïve, le gouvernement a tablé sur le succès d’une procédure non
contraignante fondée sur la coopération des parties et le consensualisme. Dès
lors, ne faut-il pas craindre que les entreprises fassent avorter les enquêtes
en refusant de coopérer ? Les premiers examens apporteront peut-être une
réponse à une question qui reste aujourd’hui ouverte. De même, à l’issue de
l’enquête, l’OCRE ne dispose pas du pouvoir de contraindre les entreprises à
réparer le préjudice que d’éventuelles victimes pourraient subir. Il ne peut
que leur recommander l’adoption de certaines mesures telles que le changement
des pratiques de l’entreprise, la présentation d’excuses officielles et
l’octroi d’une compensation financière. Néanmoins, les entreprises sont libres d’appliquer
ces recommandations.
Une étape à la fois
La RSE est devenue un incontournable des priorités politiques, même au Canada. Mais, face à la puissance du secteur minier et aux intérêts économico-financiers, le Canada n’avance que timidement. Il manque d’audace et craint sans doute de se mettre les multinationales à dos. La posture du gouvernement canadien frôle même la naïveté coupable. Croire que l’abandon de la logique de rentabilité viendra du seul volontariat des entreprises est une chimère. Les recherches montrent que la RSE doit être appuyée par des dispositifs institutionnels tels que le droit. En durcissant réellement les pouvoirs de l’OCRE, le Canada pourrait enfin faire en sorte que les entreprises minières assument la responsabilité qui les attend dans le monde de l’après-COVID-19. Sans modifier toutes les règles canadiennes, il suffirait déjà de réécrire le mandat de l’OCRE. Il faut bien commencer…
Ivan Tchotourian et Camille d’Astous publient un chapitre portant sur la rémunération des hauts-dirigeants en temps de COVID-19. Ce chapitre sera publié dans l’ouvrage « La rémunération dans tous ses états » aux Presses de l’Université Laval sous la direction d’ Yves Hallée, Renée Michaud et Patrice Jalette, à paraître.
Rémunération des hauts dirigeants au temps de la COVID-19 – Lecture éthique et juridique
La rémunération des hauts-dirigeants constitue depuis de nombreuses années un sujet intarissable de discussions et de débats. La littérature universitaire est foisonnante et la presse amène son lot quotidien d’affaires. Alors que les montants de cette rémunération n’ont cessé de croître, les États avancent en ordre dispersé sur cette problématique. Si certains se montrent discrets laissant le contrôle de la rémunération au marché, d’autres sont plus proactifs et ont fait évoluer leur droit. Toutefois, la rémunération demeure un thème que le juriste peine à encadrer comme en témoignent l’incohérence ou l’insuffisance de certaines modifications législatives. Une des questions qui se pose est de savoir si, au final, les modifications constituent des réactions de circonstances ou, au contraire, démontrent une démarche éthique pour promouvoir un bon comportement. Sans une recherche de plus d’éthique, le droit ne se révèle-t-il pas impuissant à changer les comportements en ce domaine ? Le contexte de la COVID-19 enrichit la réflexion sur les liens entre rémunération, positionnement du droit et éthique. La pandémie mondiale démontre que l’éthique n’a pas peut-être pas besoin de droit, sauf que la place et la pérennité de l’éthique en matière de rémunération apparaissent incertaines.
L’évolution actuelle du droit des affaires démontre une influence considérable de la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) dans la gouvernance des sociétés. Suite à de nombreux scandales d’envergure internationale, le choix de la RSE se dessine désormais comme un incontournable pour les entrepreneurs d’aujourd’hui et de demain. Le droit traduit cette nouvelle orientation du système économique au travers de l’évolution combinée du droit dur et du droit souple. L’émergence depuis plusieurs années d’entreprises à mission sociétale en constitue une illustration marquante. Toutefois, le risque d’aboutir à une RSE sans contenu est présent, comme l’illustre la thématique connue de « l’écoblanchiment ». Pour y faire face, le droit a passé la vitesse supérieure avec la récente réforme française portée par le projet de loi PACTE. Ces nouveaux mécanismes, souvent salués et parfois institutionnalisés, posent tout de même la question de l’efficacité pour la RSE d’irriguer la sphère économique, de savoir si le droit se construit de la bonne manière et, finalement, de déterminer si cette finance sociale est une réelle opportunité d’appropriation sociétale pour ces organisations qualifiées d’hybrides.
La crise sanitaire à laquelle le monde entier assiste
depuis le début de l’année continue d’avoir des conséquences à grande échelle. Au-delà
du secteur sanitaire, l’économie mondiale est bouleversée. Cette réalité contraint
les États à penser au soutien de l’économie et au renflouement des pertes
énormes des derniers mois. À cette fin, les sociétés publiques du Québec demeurent
un allié important, car elles jouent un rôle essentiel dans l’exécution des
objectifs stratégiques du gouvernement. La pandémie a (re) mis en valeur le
rôle du secteur public dans la protection des vies[1].
Le gouvernement n’a pas ménagé ses efforts pour
minimiser les dégâts de la pandémie. Il a décidé du maintien des activités des
entreprises désignées comme essentielles, concernant aussi bien les entreprises
privées (pharmacies, entreprises de
production alimentaire…) que celles de propriété étatique (Société des Alcools
et de cannabis, Hydro-Québec, hôpitaux, services de police, etc..). .
Au Québec, comment le gouvernement pourvoit et
accompagne les entreprises ? Dans
la ville de Montréal par exemple, les entreprises privées ou d’économie sociale
ont récemment bénéficié d’un soutien financier d’urgence du gouvernement[2],
d’un report des moratoires (taxes et dettes), et un plan de relance est globalement
annoncé. Le soutien technique et le virage au numérique se fera avec le concours
de certaines OBNL.
En ce qui concerne les sociétés d’État à vocation commerciales – qui sont particulières par leur double objectif commercial et d’intérêt public -, on s’interroge sur les mesures prises les incluant pour faire face au coronavirus. L’incontournable question de la bonne gouvernance se pose, mais sous un prisme totalement différent. L’État-actionnaire est attendu au niveau du soutien des entreprises du secteur privé et public, et au niveau de son efficacité à répondre aux besoins des citoyens en temps de crise. Il n’est pas ici question de convoquer ou de remettre en question les règles de gestion ou de fonctionnement des entreprises publiques, ni leur contrôle. Il s’agit plutôt de visualiser dans quelles mesures ces instruments de l’État se sont montrées contributrices à la gestion de la crise sanitaire ou au soutien de l’économie en souffrance. La société d’État a des objectifs commerciaux et d’intérêt public. C’est sous ces deux axes que nous tenterons de visualiser l’impact de la COVID-19 sur ces entreprises de propriété gouvernementale.
Plus ou moins de
ventes…
Une chose est sure, les revenus habituellement générés par les sociétés d’État seront loin des prévisions annuelles. De l’avis de Julien Arsenault, les sociétés d’État seront beaucoup moins « généreuses » pour les coffres du Québec en ces temps de crise. Les cas d’Hydro-Québec, de la SAQ (Société des Alcools du Québec) et de Loto Québec sont parlants. La société de distribution de l’énergie affiche un taux de consommation en baisse de 4,45%[3] depuis le 13 mars dernier. Certains syndicats ont demandé la suspension des factures d’Hydro-Québec.[4].
Les dividendes habituellement versées (4,6 milliards en 2017 selon le rapport de l’Institut sur la Gouvernance d’Organisations Privées et Publiques et 4.8 milliards pour l’année financière en cours) est, selon Marie-Soleil Tremblay, « non-négligeable ». Joint au téléphone par le journaliste, la professeure à l’Ecole nationale d’administration publique recommande aux entreprises publiques d’effectuer des mises à jour sur leurs prévisions afin de mieux estimer l’impact de leurs budgets révisés sur les finances publiques.
Mais la crise a des effets contraires. Certaines
sociétés comme la SAQ et Loto Québec ne sont pas autant concernées par la
baisse des ventes. Dans son article, Julien Arsenault mentionne que la SAQ
serait à même de reverser davantage que le 1.2 milliard prévu.
Quoiqu’il en soit, le secteur économique perd de son
équilibre. Les dirigeants des sociétés d’État ont opté pour la prudence dans
leur sorties, car il pour l’instant difficile d’évaluer les pertes réelles
d’une crise qui sévit encore. Chaque entreprise ira de sa propre stratégie pour
se prémunir contre des résultats trop négatifs.
…Mais un soutien infaillible pour la continuité de l’État
Pour les sociétés d’État, tout n’est pourtant pas
qu’une question de chiffres, leur essence réside aussi dans leur contribution à
fournir au public des solutions, comme c’est le cas en cas de crise
sanito-financière. A ce titre, la Caisse de dépôt et de placement du Québec a
répondu présente, en annonçant pour sa part un soutien d’une valeur de 4 milliards,
apporté aux entreprises affectées sous certaines conditions[5].
En sus, Québec a mis en place un plan de relance. Ce projet, appuyé par la
Banque Nationale, consiste en la création d’un fonds de capital-actions pour
stimuler le redémarrage économique après la crise[6].
Plus tôt en avril 2020, le gouvernement avait dévoilé
par l’intermédiaire de son premier Ministre François Legault, puis des
ministres des finances et de l’économie, que la société d’Etat Investissement
Québec était prête à soutenir les entreprises.
Quoique tous les secteurs ne puissent en l’état actuel
de la crise être soutenus par le gouvernement du Québec, il faut observer que
malgré les critiques (notamment les montants alloués et les conditions
d’admissibilité), les sociétés d’État semblent faire bonne figure dans la
gestion de la crise. Par les incitations à consommer local, par le soutien
logistique pour les entreprises développant le service à distance, et par les
prêts à taux d’intérêt réduits, l’État plie mais ne rompt pas la continuité de
la vie économique au Québec.
Globalement, le ministre Girard a indiqué que le
gouvernement du Québec aura accordé 11 milliards en aide aux individus et aux
entreprises, ce qui équivaut à 2,5% de son PIB. Néanmoins, du côté des
politiques, certains observateurs ont soulevé la facilité excessive du
gouvernement à se servir de la finance publique pour gérer une crise mal
maitrisée.
[1] Vitor
Gaspar, Paulo Medas, John Ralyea, Les
entreprises publiques à l’ère de la COVID-19, Fonds Monétaire
International, 7 Mai 2020.
[2] « COVID-19 :
Mesures en soutien aux entreprises montréalaises », via www.montréal.ca, consulté le 13 Juillet
2020. Les petites et moyennes entreprises du Québec seront admissibles à
recevoir un soutien financier d’un montant inférieur à 50.000 $, cette
aide est accordée sous forme de prêt au taux d’intérêt de 3%.
[3] Julien
Arsenault, « Des sociétés d’Etat moins généreuses pour les coffres du
Québec », dans La Presse Canadienne,
12 Juillet 2020, www.ledroit.com.
[4] Caroline
Plante, « Québec annonce un plan d’urgence de 2,5 milliards », dans La Presse Canadienne, 19 Mars 2020.
[5] Les
conditions évoquées sont liées à la rentabilité des entreprises avant la crise,
le montant du soutien requis supérieur ou égal à 5millions, et la justification
d’un potentiel de croissance intéressant.
[6] François
Desjardins, « Québec mettra 100 millions dans un fonds pour les
PME », dans Le Devoir, du 12
juillet 2020, www.ledevoir.com.
Ivan Tchotourian et Alexis Langenfeld publient à la Revue de Management et de Stratégie un article en cours de finalisation portant sur la reddition de comptes des entreprises concernant la lutte contre l’esclavage moderne. Cet article a été présenté lors du Colloque ORIANE 2019 à Bayonne (France).
La Californie, l’Angleterre et l’Australie ont adopté des lois visant à lutter contre l’esclavage moderne dans la chaîne d’approvisionnement des grandes entreprises. Ces lois relativement similaires prévoient que les entreprises doivent divulguer de l’information sur la manière dont elles gèrent cette problématique. L’instrument sur lequel s’appuie le législateur est donc l’accountability, ce devoir de rendre des comptes. Ce choix normatif reflète la place grandissante de la logique de la régulation qui complète aujourd’hui la réglementation. Si la régulation fait assurément face à des critiques, elle offre une solution innovante aux comportements contestables des grandes entreprises relativement aux problématiques sociétales de notre siècle. Les États s’en remettent à la régulation pour exiger des entreprises qu’elles fassent mieux. En plus de plusieurs avantages « techniques », elle permet de contourner le law shopping et la déterritorialisation des entreprises. Loin d’être dépourvue de sanction comme cela est souvent invoqué, l’accountability s’appuie sur une sanction de marché liée à la réputation. La réputation constitue en effet la sanction privilégiée par ces lois en matière d’esclavage moderne. Cette étude apporte un éclairage juridique peu réalisé sur les notions d’accountability et de risque de réputation.
Ce chapitre a été publié dans l’ouvrage collectif « Gouvernance d’entreprise, conformité et criminalité économique » sous la direction du Professeur Ivan Tchotourian et de Me Jean-Christophe Bernier [1].
Résumé de l’article :
La conformité ou compliance occupe un terrain croissant dans le domaine juridique. Fonction par nature technique et au périmètre clairement définie, celle-ci est devenue centrale pour les entreprises, quelle que soit leur forme. Il est traditionnel d’affirmer que la conformité a des liens étroits avec la gouvernance d’entreprise et la gestion des risques. Conformité, gouvernance et gestion des risques alimentent le contenu de la mission du conseil d’administration. Depuis quelques années, il est demandé aux administrateurs d’appréhender ces trois notions et d’en maîtriser les conséquences pour leurs entreprises. Il est en revanche plus novateur d’affirmer que la conformité et la RSE s’entrecroisent aujourd’hui et viennent mutuellement se renforcer pour donner au conseil d’administration une mission de plus en plus complexe. La loi est alors utilisée en relais pour définir une assise philosophique commune à la croisée des chemins entre conformité et RSE. En se basant sur les nombreuses réformes législatives intervenues en France, ce chapitre entend démontrer que la notion de conformité en tant que telle a évolué. De légale, la conformité est devenue sociétale. Le conseil d’administration se voit donc confier de nouvelles responsabilités destinées non seulement à favoriser la création de valeur, mais encore à prévenir la destruction de valeur. En charge de la conformité et de la gouvernance, le conseil d’administration doit dorénavant assurer l’avenir de son entreprise.
Ce volume propose une approche globale et comparative sur la gouvernance d’entreprise, la conformité et la criminalité économique. Il regroupe les textes d’une vingtaine d’experts nationaux et internationalement reconnus (universitaires et praticiens).
Sous un regard pluridisciplinaire, l’ouvrage s’interroge sur le rôle de l’éthique organisationnelle, met en lumière le cadre de prévention contre la fraude et la corruption et traite de la réglementation résiliente, ainsi que du rôle de la conformité à l’ère de l’automatisation des services financiers.
Sous un regard pluridisciplinaire, l’ouvrage s’interroge sur le rôle de l’éthique organisationnelle, met en lumière le cadre de prévention contre la fraude et la corruption et traite de la réglementation résiliente, ainsi que du rôle de la conformité à l’ère de l’automatisation des services financiers.
Dans une optique de prévention, l’évaluation d’une entreprise est abordée sous l’angle de l’exposition aux risques de fraude au moyen d’indicateurs basés sur des données librement accessibles. Un état des lieux est dressé relativement aux « Sociétés offshores » et « criminalité des PEPs » et relativement à la lutte européenne contre le blanchiment de capitaux, de la naissance du phénomène au cadre légal supranational en vigueur.
En termes de répression, l’ouvrage traite du partage d’informations en matière de criminalité économique, du contrôle de l’application de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et du financement des activités terroristes, des mesures françaises et européennes face à la corruption et à la fraude fiscale, du blanchiment d’argent et présente des regards pratiques notamment celui de la conformité chez Desjardins.
[1] Jean-Christophe Bernier et Ivan
Tchotourian, Gouvernance d’entreprise, conformité et criminalité économique:
approche comparative sur les perspectives préventives, répressives et pratiques,
Éditions Yvon Blais, 2018.