L’affaire Lafarge en Syrie : Un pas en avant, deux pas en arrière de la justice française?

En juin 2018, la Société Lafarge SA, filiale du cimentier franco-suisse LafrageHolcim, avait été mise en examen en France en sa qualité de société mère de sa filiale syrienne[1] pour des faits présumés répréhensibles survenus en Syrie. Cette mise en examen était intervenue à la Suite d’une plainte qu’avait déposée le Centre européen pour les droits constitutionnels et humains (ECCHR) et l’association Sherpa. Plusieurs chefs d’accusations[2] étaient retenues contre elle : « violation d’un embargo », « mise en danger de la vie d’autrui », « financement d’une entreprise terroriste » et « complicité de crimes contre l’humanité ». Une première mondiale qu’une personne morale soit poursuivie pour complicité de crimes contre l’humanité.

Cette mise en examen avait été saluée par les victimes et de nombreuses associations et défenseurs des droits de l’homme. Elle constituait un pas en avant dans le processus de responsabilisation des entreprises multinationales en matière de respect des droits de l’homme. Cependant, ces derniers jours les victimes et les associations à l’origine de la plainte ont subi une douche froide.

D’abord le 24 octobre 2019, l’ECCHR et l’association Sherpa, qui s’étaient constitués parties civiles au moment du dépôt de la plainte, ont subi un revers. En effet, leur demande d’être partie civile au procès a été déclarée irrecevable par la Chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris. Cette dernière a considéré que l’objet social de ces associations étaient en inadéquation au regard des infractions visées par l’enquête. Les deux associations ont décidé de se pourvoir en cassation[3].

Ensuite, le 7 novembre 2019, cette même Chambre de l’instruction a annulé la mise en examen de la société Lafarge et de trois de ses dirigeants s’agissant du chef d’accusation de « complicité de crimes contre l’humanité »[4]. Cependant, elle a maintenu les mises en examen pour les autres chefs d’accusation : «financement du terrorisme»«violation d’un embargo» et «mise en danger de la vie» d’anciens salariés de son usine syrienne.

Ces deux décisions constituent deux pas en arrière dans le processus de recherche de responsabilité des multinationales en matière d’atteinte aux droits de l’homme. Mais le pourvoi en cassation offrira à la juridiction suprême française l’opportunité soit de faire un nouveau pas en avant soit de reculer à nouveau…

A suivre…


[1] https://www.lemonde.fr/societe/article/2018/06/28/financement-du-terrorisme-lafarge-sa-mise-en-examen-pour-complicite-de-crimes-contre-l-humanite Consulté le 7/11/2019

[2]https://www.business-humanrights.org/fr/proc%C3%A8s-contre-lafarge-complicit%C3%A9-pour-crimes-contre-l%E2%80%99humanit%C3%A9-syrie Consulté le 7/11/2019  

[3] https://www.business-humanrights.org/en/french-court-of-appeals-rejects-civil-society-organizations-admissibility-as-civil-parties-in-case-against-lafarge-for-alleged-complicity  Consulté le 7/11/2019

[4] https://www.ecchr.eu/nc/en/press-release/sherpa-and-ecchr-to-appeal-decision-in-lafargesyria-case-at-french-supreme-court-1/ Consulté le 9/11/2019.

Ce contenu a été mis à jour le 15 novembre 2019 à 3 h 28 min.

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