Nouvelles diverses

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Les étudiants du cours DRT-2352 publient : retour sur la commission pancanadienne (billet de Clarice Duclos et Juliette Oudin)

Dans le cadre du cours DRT-2352 Droit des valeurs mobilières, les étudiants sont amenés à partager des réflexions sur des actualités touchant le droit des valeurs mobilières. Plusieurs ont accepté de partager leur analyse sur ce blogue. Dans ce billet, Mmes Clarice Duclos et Juliette Oudin proposent une belle synthèse du projet de commission pancanadienne des valeurs mobilières.

 

Le secteur financier du Québec est actuellement régi par l’Autorité des marchés financiers, mais depuis 2009 un groupe d’experts recommande la création d’une Commission des valeurs mobilières pancanadienne qui ferait respecter le droit des valeurs mobilières à l’échelle nationale. À la suite de cette recommandation, le gouvernement canadien a rédigé un projet fédéral de Loi sur les valeurs mobilières qui avait pour objectif de supprimer le partage des compétences en accordant au législateur canadien l’initiative législative et en donnant à une seule autorité pancanadienne le contrôle de l’application des règles dans le secteur financier.

Plusieurs raisons poussaient Ottawa à la création d’un commission fédérale :

  • Uniformiser et harmoniser le droit des valeurs mobilières canadien, ce qui renforcerait l’application de la Loi.
  • Éviter les informations redondantes et répondre plus rapidement aux besoins des acteurs du marché.
  • Avoir une seule voix sur la scène internationale.

Décision de la Cour Suprême

Face à la réticence du Québec, de l’Alberta et du Manitoba devant ce projet, le sujet est soumis à la Cour Suprême du Canada afin de déterminer sa constitutionnalité. En 2011, elle juge à l’unanimité que le projet de Loi sur les valeurs mobilières est invalide et inconstitutionnel car il empiète trop fortement sur les compétences des provinces. Elle qualifie « d’intrusion massive » la volonté du gouvernement fédéral. Selon elle, « la préservation des marchés des capitaux et le maintien de la stabilité financière du Canada ne justifient pas la supplantation intégrale de la réglementation du secteur des valeurs mobilières ».

Cette décision a été très bien accueillie par le Québec puisqu’elle permet la conservation de l’autonomie du droit et du partage de compétences en faveur du droit québécois. De plus, le système québécois semble déjà fonctionner correctement avec l’Autorité des marches financiers. En outre, les Autorités Canadiennes en valeurs mobilières permettent déjà une coopération entre les différents autorités provinciales en valeurs mobilières.

Démarche coopérative

Au terme de son jugement la Cour a émis l’idée de créer une démarche coopérative avec les provinces. Cette démarche, selon la Cour, consisterait à habiliter le Parlement canadien à s’immiscer dans les compétences des provinces lorsque les « enjeux [sont] véritablement nationaux », mais « tout en reconnaissant la nature essentiellement provinciale de la réglementation des valeurs mobilières ». Cette démarche serait non contraignante pour les provinces qui seraient libres d’y adhérer ou pas.

Ottawa a ainsi agi en conséquence et a tenté de mettre en place cette solution alternative avec la Loi sur la stabilité des marchés des capitaux qui mettrait sur pied l’Autorité de réglementation des marchés des capitaux. « En collaboration avec les provinces intéressées, le gouvernement est prêt à poursuivre la création du régime coopératif en matière de réglementation des marchés des capitaux », a expliqué Daniel Lauzon, Directeur des communications du ministre fédéral Bill Morneau.

Pour

Au départ seul l’Ontario s’était montré favorable au projet et l’a défendu sur la scène nationale. Selon le gouvernement ontarien, les commissions de valeurs mobilières provinciales sont inefficientes dans la régulation des marchés financiers en cas de crises interprovinciales ou internationales. Par la suite, six provinces se sont ralliées au projet (la Colombie-Britannique, l’Île-du-Prince-Édouard, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse, la Saskatchewan et Terre-Neuve-et-Labrador).

Arguments en faveur du projet :

  • Rendre les marchés des capitaux canadiens plus efficients et concurrentiels à l’échelle internationale.
  • Au niveau du Canada, mieux protéger les investisseurs avec un contrôle de l’application de la loi uniforme et coordonné.
  • Permettre au Canada de devenir plus performant dans la gestion des risques systémiques qui ont trait aux marchés des capitaux et renforcer l’influence et le pouvoir du Canada quant aux initiatives législatives internationales (les risques systémiques visent les risques qui peuvent toucher une économie dans son ensemble et non pas juste une entreprise ou un ménage).

Contre

Les acteurs politiques québécois, albertains et manitobains y sont fortement opposés. La communauté d’affaires quant à elle estime qu’une telle démarche coopérative ne permettrait pas une répartition juste des pouvoirs entre le gouvernement et les provinces qui se trouveraient en bout de ligne privées de leur capacité de réglementer les valeurs mobilières. De même, cette solution conduirait à la perte de nombreux emplois dans le secteur financier ailleurs qu’à Toronto. Par ailleurs, ces provinces se plaignent de la centralisation du pouvoir à Toronto qui conduirait à la perte des spécificités de chaque marché.

Le gouvernement Couillard a interjeté appel en juillet 2016 afin de mettre un frein au gouvernement fédéral dans sa deuxième tentative de création d’une Commission pancanadienne des valeurs mobilières. Ce projet de loi semble encore une fois être une tentative d’intervention dans le champ provincial des compétences. Des chefs d’entreprises québécois, des représentants de chambres de commerce et d’anciens ministres se sont adressés au ministre des finances par le biais d’une lettre afin de dénoncer le caractère similaire du nouveau projet de loi avec celui de 2011. En effet, ils affirment que le projet est « pratiquement le même » malgré les objections émises par la Cour Suprême. « La position du gouvernement, c’est qu’il existe déjà un système coopératif entre les provinces pour la régulation des valeurs mobilières », a déclaré la porte-parole du ministre, Nathalie Roberge. « Ça a fait ses preuves, ils servent très bien les intérêts des provinces, ça apporte une très bonne protection aux investisseurs ».

Le Québec craint également le système de libre adhésion des provinces au régime coopératif. En effet, l’influence et la pression des sept provinces déjà adhérentes au projet pourraient conduire le Québec à céder devant un système quasi-généralisé. Les trois provinces récalcitrantes que sont le Québec, l’Alberta et le Manitoba seront presque contraintes de se tourner vers la démarche coopérative. Toutefois, s’il s’avère que, comme le prétend le Québec, les bases juridiques de ce nouveau projet sont fondamentalement les mêmes qu’en 2011, il y a de fortes chances que la Cour Suprême réitère sa décision.

 

Clarice Duclos

Juliette Oudin

Étudiantes du cours DRT-2352 Droit des valeurs mobilières (Hiver 2017)