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OPINION : SNC-Lavalin… s’indigner !

Il y a peu, la presse a fait savoir que les six plus hauts dirigeants de SNC-Lavalin s’étaient partagé en 2020 une rémunération totale de 23,7 millions de dollars, soit 2,7 millions $ de plus qu’en 2019. Son P.D.-G. avait de son côté empoché 8,02 M$ en 2020. Pourtant, la COVID-19 a accéléré le besoin d’éthique des entreprises. Depuis mars 2020, réductions de salaires de base et des heures travaillées, mises à pied temporaire du personnel, attribution de congés, licenciements sont le quotidien du monde des affaires comme l’illustre SNC-Lavalin. Dans un tel contexte, les attentes des parties prenantes n’ont jamais été aussi élevées. Des comportements non vertueux (méprisant son environnement et ses parties prenantes) autrefois considérés comme acceptables le sont de moins en moins. En décembre 2019, le Forum de Davos a ainsi affirmé qu’une entreprise était plus qu’une simple entité économique qui génère des richesses. Elle répond à des aspirations humaines et sociétales dans le cadre du système social général. Comment SNC-Lavalin peut-elle tourner le dos à cette responsabilité de poursuivre le bien commun ? Simplement par manque d’éthique !

Licite

Même si les rémunérations des hauts dirigeants de SNC-Lavalin ne sont pas illicites, elles choquent l’opinion. Elles choquent parce qu’elles démontrent un excès, loin de l’esprit de solidarité, d’entraide et de réciprocité qui s’impose dans le monde post-pandémie. Si l’éthique est devenue aujourd’hui une évidence pour les entreprises, SNC-Lavalin semble l’ignorer et rappeler de ce fait un passé récent. Ces rémunérations ne sont toutefois qu’à l’image des polémiques qui ont lieu en ce domaine. Dans les grandes entreprises, la rémunération des hauts dirigeants suscite de vives tensions. Les raisons en sont diverses : montant astronomique; caractère excessif des augmentations; complexité des formes de rémunération; écarts entre rémunération des hauts dirigeants et celles des salariés; discordance entre rémunération et performance des entreprises; disparité entre rémunérations de sociétés comparables.

Des comportements exemplaires

Les recherches démontrent que certaines entreprises ont adopté dans le contexte de la COVID-19 un comportement éthique pour promouvoir l’idée de justice et assurer leur survie. Elles ont diminué la rémunération de leurs P.D-G. et hauts dirigeants, certains d’entre eux n’hésitant pas à reporter ou à diminuer leurs salaires. Aux États-Unis, plusieursdirigeants de sociétés ont renoncé à l’intégralité de leur salaire : Lyft, Airbnb et Marriott. D’autres ont également renoncé à une partie de leur rémunération afin de la rediriger vers des objectifs commerciaux et sociaux. Parmi ces derniers se trouvent des entreprises dont le siège social est au Québec. Air Canada, par exemple, a diminué de 100 % le salaire de son président et de 20 à 50 % les salaires versés à ses hauts dirigeants et à ses cadres supérieurs pendant le second trimestre 2020. Bombardier, BRP et CGI ont aussi choisi de diminuer de 100 % la rémunération du président et des hauts dirigeants pour une durée indéterminée. Chez CAE, le salaire du président a été diminué de 50 % et celle des hauts dirigeants et des cadres supérieurs de 20 à 50 %. La même décision a été prise chez Gildan Activewear. Plusieurs entreprises ont pris des mesures particulières pour s’ajuster à la COVID-19 et assurer une meilleure préservation de leurs liquidités. À ce titre, Signet Jewelers a réduit le salaire de son P.D-G. de 50 %, a différé le paiement de sa prime de l’année précédente au mois de juin, en plus de diviser la prime de l’année en cours en deux parties. Dans le même sens, Independance Contract Drilling a réduit le montant de la rémunération des directeurs et des membres exécutifs principaux de son CA, et ce, en plus de diminuer le nombre de membres de son équipe de direction et de son CA.

Où était le CA ?

Les CA et les hauts dirigeants canadiens sont à l’heure actuelle sous une plus forte pression pour assurer la survie de leurs entreprises. Les CA sont confrontés à un choix au moment de déterminer la politique de rémunération des hauts dirigeants. Or, de nouvelles valeurs comme l’éthique et la justice s’imposent en toile de fond de la rémunération. Ces valeurs s’imposent aux CA. Or, le CA de SNC-Lavalin a-t-il compris que la rémunération était devenue un sujet de moins en moins économique ? Le Le CA a-t-il compris que le risque éthique est une composante fondamentale de la mission des CA ? Pas sûr, d’autant que lesdites rémunérations ont été octroyées alors que SNC-Lavalin a avait retranché temporairement une partie de la rémunération versée aux présidents et aux vice-prési­dents exécutifs, a essuyé des pertes considérables en 2020, a vu son cours boursier chuté, et a versé des dividendes tout en bénéficiant d’aides publiques. Faut-il blâmer le CA de SNC-Lavalin ? Sans doute même s’il faut remarquer que sa position n’est pas isolée. Le cabinet Davies a relevé dans son rapport 2020 sur la gouvernance que les mesures de réduction de rémunération n’étaient pas particulièrement répandues parmi les grandes entreprises nord-américaines. Pourtant, l’éthique est un atout pour les entreprises et les CA. Elle est une réponse aux critiques qui leur seraient faites dans l’attribution des rémunérations, notamment de la part de leurs salariés. Au-delà de corriger les comportements, l’éthique redonne son plein sens au travail des hauts dirigeants. Elle est enfin un moyen d’aboutir à une nouvelle doctrine en matière de rémunération, ô combien salutaire – en ces temps difficiles –, celle de la prudence. Elle réduit les coûts, permet de se montrer solidaires avec les salariés, favorise des objectifs à long terme et préserve les liquidités. Attention toutefois, l’éthique doit reposer sur des convictions, parmi lesquelles la recherche d’une justice et l’absence d’instrumentalisation au service de la profitabilité. Comme une évidence, éliminer l’éthique ne doit pas être l’objectif d’un programme de rémunération. Pourtant, SNC-Lavalin semble l’avoir fait. L’éthique a ses limites et c’est dommage…

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Moraliser les dividendes et la rémunération : ma tribune dans Le Devoir

Bonjour à toutes et à tous, j’ai eu l’immense honneur de voir mon opinion publiée dans le quotidien québécois Le Devoir sous le titre « Moraliser les dividendes et la rémunération » (10 avril 2020).

Extrait :

En comparant les positions de part et d’autre de l’Atlantique, on constate que le Canada et le Québec ne se sont pas prononcés sur deux sujets brûlants de la gouvernance d’entreprise : les dividendes et la rémunération des hauts dirigeants. Les fonds publics sont certes mobilisés, mais la responsabilité des entreprises l’est peu en comparaison, si ce n’est à travers de simples déclarations publiques énonçant ce qui est attendu d’elles. En ces deux domaines, faut-il réellement faire reposer les espoirs d’une responsabilisation des entreprises sur une base volontaire ? Le message que les liquidités ne devraient pas payer des dividendes ou rémunérer l’équipe de haute direction (mais aider les entreprises à affronter la COVID-19) est-il à l’heure actuelle suffisamment clair pour les entreprises ? Elles ont parfois une ouïe sélective… Le passé l’a démontré. Aux États-Unis par exemple, la crise économico-financière de 2007-2008 a montré que l’octroi d’aides d’État ne s’accompagnait pas nécessairement d’une moralisation des rémunérations de la direction.

Les silences canadien et québécois sont dommageables. 

À la prochaine…

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Nouveau billet sur Contact : RSE et COVID-19… quelques réflexions

Bonjour à toutes et à tous, je viens de publier mon nouveau billet sur Contact intitulé « La RSE à l’heure de la COVID-19 » (26 mars 2020). La crise sanitaire mondiale est malheureusement le prétexte tout trouver de parler de la responsabilité sociétale des entreprises par rapport à leurs salariés.

Extrait :

Intéressons-nous un peu à ces grandes entreprises. Certes, rien ne leur est demandé de manière explicite par les États ou les citoyens, mais la RSE ne devrait-elle pas les conduire à prendre les devants et à mettre en place des initiatives moralement souhaitables (dans une approche axiologique)? Ces grandes entreprises ne peuvent-elles pas faire plus que le trop peu dont nous informe la presse? Ne devraient-elles pas traiter différemment leurs salariés? Les salariés sont une partie prenante des entreprises et, à ce titre, celles-ci doivent les intégrer au cœur de leur stratégie. La théorie des parties prenantes abandonne la vision «valeur d’ajustement» que constituent les salariés. Elle ajoute une dimension au modèle servant à décrire l’entreprise: celle selon laquelle l’entreprise doit concilier les multiples attentes des parties qui sont en relation avec elle. Elle préconise une gouvernance centrée sur les intérêts des différentes parties qui interagissent avec elle. Dans la théorie de la gouvernance d’entreprise, cette approche s’inscrit dans une vision collective de l’entreprise qui s’est traduite dans de nouveaux modèles (production en équipe, gouvernance partenariale). Ces modèles de gestion confèrent une place tout aussi importante aux salariés et autres parties prenantes (clients, fournisseurs, collectivités, etc.) qu’aux actionnaires dans la création de valeur.

(…) Les grandes entreprises qui se targuent d’être innovantes, d’avoir adapté leur modèle d’affaires, d’être dotées d’une gouvernance de nouvelle génération attentive à leurs parties prenantes en les prenant en compte et en équilibrant leurs divers intérêts, d’être centrées avant tout sur les personnes et tellement prêtes à être des citoyens responsables de leur communauté doivent le démontrer et faire la preuve de ces affirmations maintenant. Mais comment le faire? La question est belle et sa réponse dépasse largement l’objet de ce billet. Cependant, j’évoque, ci-dessous, quelques idées destinées aux entreprises, même si certains les jugeront utopiques…

Je vous laisse découvrir la suite !

À la prochaine…

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« L’argent des entreprises et ses sentiers : Mythes, croyances et vérités » (dans Où va votre argent?)

Bonjour, j’ai eu l’occasion de m’exprimer en février 2018 lors d’un atelier organisé par la Chaire publique de l’AELIÉS/Cogito sur le thème suivant : « L’argent des entreprises et ses sentiers : Mythes, croyances et vérités » (dans Où va votre argent ? (150e conférence)). Voici la vidéo…

À la prochaine…

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Publication au Bulletin Joly Sociétés !

« Une loi PACTE au Canada ? : le « meilleur intérêt de la société » bientôt précisé par le législateur » : telle est ma dernière publication dans le Bulletin Joly Bourse, nov. 2019, n° 120, p. 52

Résumé :

La France a adopté, le 22 mai 2019, la loi PACTE et souligne par ce biais le rôle sociétal des entreprises. Si la France a été audacieuse, elle n’est pas isolée. À ce titre, le Canada a récemment déposé un projet de loi modifiant le contenu du devoir de loyauté défini dans la Loi canadienne sur les sociétés par actions. Au travers de cette proposition déposée le 8 avril 2019 devant la Chambre des communes, le législateur canadien offre une définition originale de l’intérêt de la société.

À la prochaine…

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Comparons Benefit Corporation et B Corp

« Benefit Corporation : une normativité de concurrence au service de la RSE », c’est sous ce titre que Margaux Morteo et moi-même avons publié un article dans la revue en ligne Éthique publique : Ivan Tchotourian et Margaux Morteo, « Benefit Corporation : une normativité de concurrence au service de la RSE »Éthique publique [En ligne], vol. 21, n° 1 | 2019, mis en ligne le 24 septembre 2019, consulté le 13 novembre 2019 .

Nous y développons la thèse d’une normativité de concurrence.

Plan :

1. Introduction

2. Certification B Corp.

2.1. Intérêts de la certification

2.2. Procédure de certification : les trois étapes

3. Réglementation étatsunienne : présentation de la Public Benefit Corporation

3.1. Définition de bénéfices publics dans les statuts

3.2. Assouplissement des devoirs fiduciaires

3.3. Instauration d’une super-majorité

3.4. Obligation de reporting renforcée

4. Nouvelle forme d’interaction normative

4.1. Normativité de concurrence

4.2. Avantages et inconvénients des normes concurrentes

5. Conclusion

Résumé :

Les entreprises à mission sociétale (dont la fameuse Benefit Corporation américaine) constituent une innovation majeure du droit des sociétés et de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Poussée par la finance d’impact, la Benefit Corporation a la particularité de permettre à des sociétés par actions de poursuivre des fins lucratives et sociales. Cette étude s’intéresse à l’instrument normatif à la base de l’émergence de ces entreprises. Elle analyse l’interaction entre les normes pour démontrer qu’il y a hybridation autour d’une normativité originale de « concurrence ». La certification B Corp. constitue la première base normative de ces entreprises. Toutefois, le législateur américain de l’État du Delaware (mais également d’autres États américains) est venu contribuer à cette normativité en adoptant une législation consacrée à la Benefit Corporation. Cette étude met en lumière qu’en matière de Benefit Corporation, autorégulation et réglementation se concurrencent, en rupture avec l’opposition, la substitution, la supériorité ou la complémentarité entre normes traditionnellement soulignées dans la littérature.

À la prochaine…