Le
sujet de la rémunération de la haute direction ne cesse d’animer la gouvernance
d’entreprise, encore plus lorsque vient le temps des assemblées annuelles.
Cette fois, ce sont les boni (ou primes de rendement) versés aux hauts dirigeants
de plusieurs sociétés d’État qui sont pointés du doigt et dénoncés dans la
presse[1]. Le sujet a même rebondi à
l’Assemblée nationale. Le premier Ministre a pris l’engagement d’y mettre fin,
du moins éventuellement[2]. La réaction de la classe
politique québécoise illustre le profond malaise existant entre rémunération de
la direction et fonds publics.
Raison
d’être et objectifs
Les régimes de rémunération sont
conçus pour répondre à trois objectifs : attirer le meilleur dirigeant, le
fidéliser et l’inciter à avoir le meilleur rendement possible[3]. La rémunération
constitue un moyen pour une entreprise de trouver et de conserver l’élément le
plus adéquat pour satisfaire ses besoins en compétence. En effet, dans les
organisations à vocation commerciale, les motivations intrinsèques occupent une
place moindre. La « bonne rémunération » est d’autant plus importante
que les hauts dirigeants sont sur un marché des dirigeants et ne sont pas à
l’abri d’être courtisés par des sociétés concurrentes. Ce risque permanent
conduit les entreprises à devoir toujours réajuster les conditions salariales.
Or, comme tout marché, dès lors que la qualité d’un bon dirigeant est perçue
comme un avantage concurrentiel, il devient inévitable que les sociétés sont
tentées de fixer des barrières aussi élevées que possible à l’entrée du marché
des dirigeants pour restreindre autant que possible la capacité de séduction de
la concurrence. À cela, s’ajoute une concurrence accrue entre les grandes
entreprises du fait de l’internationalisation des marchés. De plus, la
rémunération est certes un moyen de récompenser les efforts accomplis, mais
elle est aussi un encouragement à travailler toujours plus et mieux. Il ne
s’agit pas de demander aux hauts dirigeants de rester dans leur zone de confort
en fournissant le minimum, mais bien d’aller chercher au-delà pour faire
croitre la prospérité et la productivité de l’entreprise. L’atteinte de paliers
ou de seuils corrélée à des objectifs le plus souvent économiques (part de
marché, valorisation boursière, chiffre d’affaire, bénéfice) contribue
directement à aligner l’arbitrage du dirigeant sur la politique à adopter pour
la société sur son augmentation de rémunération. C’est alors le talent de
gestionnaires qui est récompensé. Tout cet argumentaire a du sens et a
d’ailleurs était récemment utilisé par le P.D.-G. d’Investissement Québec (IQ)[4], mais…
Des dérives
Le niveau de la rémunération
des hauts dirigeants agace et crée des crispations dans la société québécoise[5]. Les
entreprises ne peuvent s’en prendre qu’à elles-mêmes : depuis plus d’une
quinzaine d’année, force est de constater que le niveau et la composition de la
rémunération interrogent. Complexité, tendance haussière, stratégie de
légitimation ressemblant à du lavage… sont autant de maux. Au fil du temps, le sacrosaint
lien entre rémunération et performance a même été remis en question; les
travaux démontrant son incertitude. Les hauts dirigeants sont souvent récompensés lorsque le cours de l’action d’une
entreprise grimpe, tandis qu’ils ne sont que rarement sanctionnés lorsque
l’action baisse. La multiplication accrue des régimes incitatifs basés sur
des mesures particulières de performance et des référentiels assure d’ailleurs aux
P.-D.G. des montants supplémentaires dans à peu près toutes les circonstances[6]. Les réalités économiques des entreprises ne sont que
trop rarement prises en considération (salaire moyen, bénéfices…) pour fixer la
rémunération. Pour les primes au rendement dans les sociétés d’État à visée
lucrative, la Vérificatrice générale du Québec avait constaté en 2019 que la
rémunération incitative faisait partie intégrante de la rémunération attendue
des hauts dirigeants, faisant peu de place à l’évaluation de la performance
notamment individuelle[7].
La chance s’avère finalement être le facteur explicatif principal du niveau de
rémunération des hauts dirigeants. Les crises économico-financière et
la pandémie ont confirmé que les rémunérations échappaient à toute règle
logique économique : certaines (rares) ayant disparu, d’autres étant maintenues,
d’autres encore étant diminuées ou augmentées. Les rémunérations influencent
même certaines stratégies financières (rachat d’actions…), critiquées à juste
titre dans la presse spécialisées, qui n’ont pas d’autres justifications que de
maintenir un haut niveau de rémunération des dirigeants. Le fameux « pile,
je gagne ; face, tu perds » cher à Joseph
Stiglits s’applique particulièrement bien à la rémunération des hauts
dirigeants. L’application de critères ESG (environnement, social et
gouvernance) ou de la responsabilité sociale à la rémunération progresse, mais se
fait encore trop attendre en ce domaine, malgré les préconisations de certaines
autorités boursières (comme l’AMF France). Les réformes adoptées dans certains
pays (tel le vote des actionnaires) ne changent rien à ce phénomène. Alors,
pourquoi ce sujet continue-t-il d’irriter autant le Québec ? Pour une raison
simple : la rémunération des hauts dirigeants vient ébranler le pacte
social. Les différences salariales trop importantes incommodent une partie des Québécois.
Comment justifier raisonnablement que certains gagnent en quelques heures ce
que d’autres mettent une année à gagner ? L’influence de la pratique des
entreprises privées sur celle des entreprises publiques et des organisations
proches de l’État se fait de plus en plus ressentir. Or, elle demeure critiquée
quand la rémunération des dirigeants est en jeu. D’un enjeu propre à
l’entreprise, la rémunération devient un enjeu de société. Équité et justice
sociale sont balayées.
Sociétés d’État, CDPQ…
Le sujet de la rémunération
est encore plus sensible lorsque ce sont les hauts dirigeants de sociétés
d’État (SAQ et Loto-Québec), de la Caisse de dépôt et placement (CDPQ)[8] ou
d’IQ qui sont concernés. Les rémunérations de la haute direction confirment le
mouvement de convergence qui s’opère depuis près de vingt ans entre entreprises
publiques et privées. Toutefois, derrière la SAQ, Loto-Québec, la CDPQ et IQ se
dissimule l’État et sa présence change la done. Les sociétés d’État
appartiennent à l’État, la CDPQ et IQ sont des organisations constituées par
l’État. Cette filiation avec l’État ajoute une dose de complexité à la
réflexion : comment espérer atteindre
l’équilibre entre objectifs commerciaux et accomplissement d’une mission
d’intérêt général ? L’État demeure porteur de politiques publiques et
prescripteur de missions de service public, même sur le plan économique (protection
des intérêts essentiels de la Nation, protection de la santé et de l’environnement,
politique de l’emploi, action sociale, aménagement du territoire, politique des
transports, gestion du domaine public…). Or, servir l’intérêt général, dût-il
être économique, entraîne des conséquences. La Vérificatrice générale du Québec
l’a affirmé en 2019 quand elle a écrit que les rémunérations nécessitaient
l’atteinte d’un équilibre fragile[9].
Au-delà des sociétés d’État, c’est la seule présence d’une participation de
l’État dans le capital des entreprises qui fait aujourd’hui réagir le citoyen :
ce dernier s’estime personnellement propriétaire et actionnaire de celles-ci et
doit, à ce titre, contribuer à la rémunération (manque d’encaissement) ou à une
perte de l’entreprise (décaissement). Le citoyen a-t-il tort ? Pas sûr…
Des moyens d’encadrement ?
En 2019, la Vérificatrice générale
du Québec (ainsi que certaines organisations œuvrant dans le domaine de la
gouvernance d’entreprise comme l’IGOPP[10]) a
insisté dans ses recommandations sur une remise à plat de pratiques et sur la
transparence qui devait régner en matière de rémunération des hauts dirigeants
de sociétés d’État à vocation lucrative[11].
Pourtant, la régulation publique doit-elle être pour autant exclue ? N’est-elle tout simplement pas inexploitée à
l’heure actuelle ? La société d’État possède, en effet, un conseil
d’administration qui est nommé par le Gouvernement. Or, le conseil est l’entité
qui doit donner son accord pour la rémunération des dirigeants. Par conséquent,
la réévaluation du rôle du conseil est une piste à explorer. L’État dispose là
d’un moyen pour encadrer la rémunération des hauts dirigeants à condition
d’instaurer une culture de stratégie et de surveillance de la rémunération. Par
ailleurs, les « administrateurs publics » sont soumis « aux
normes d’éthique et de déontologie, y compris celles relatives à la
rémunération, édictées par règlement du gouvernement », ce qui permet de limiter
le risque attaché au phénomène de réseau entre les conseils d’administration et
les hautes directions. Mais
plus encore, conformément à l’article 27 de Loi sur la gouvernance des
sociétés d’État, le Gouvernement dispose d’un droit de délimiter le rôle du
comité des ressources humaines vis-à-vis du conseil d’administration concernant
la rémunération du P.-D.G., à « l’intérieur des paramètres fixés ». De manière
complémentaire au conseil d’administration, un renforcement de l’implication de
l’État québécois dans le processus de détermination de la rémunération doit
être sérieusement encouragé. La transparence, au centre de la politique de
rémunération au Québec, implique que l’encadrement de la rémunération des
dirigeants soit voulu par les actionnaires. Or, l’actionnaire est l’État; sa
toute puissant lui donne plein pouvoir sur la direction et sa rémunération. Il est
incertain que ces mesures suffisent. Des réformes plus radicales pourraient être adoptées
pour que le mécontentement cesse, quitte à être à contre-courant des théories
économiques traditionnelles. La France a par exemple plafonné à 450 000 €
(environ 693 000 $), part fixe
et variable incluse, la rémunération des dirigeants des entreprises publiques
françaises. Pourquoi le Québec ne s’en inspirerait-il pas, au moins pour ses
sociétés d’État à vocation commerciale ?
La rémunération des hauts dirigeants
des entreprises dans lequel l’État québécois est impliqué a besoin de retrouver
un équilibre. Le balancier est clairement en faveur d’une vision de marché,
assimilant entreprises privées et publics. C’est ce balancier qu’il faut
rééquilibrer au moyen de la régulation publique existante ou à venir. Mais
au-delà, il apparaît fondamental que les hauts dirigeants, tout comme les membres
des conseils d’administration, des sociétés d’État ou d’organisations comme la
CDPQ et IQ n’oublient pas qu’ils demeurent au service de l’intérêt général avant
d’être au service d’une logique de marché pensée au travers de profits et de
rendements. Telle demeure la raison d’être et les valeurs de ces organisations.
[1] Jean-Michel
Genois Gagnon, « La pluie de bonis se poursuit à la SAQ et chez
Loto-Québec », Le journal de Québec, 4 mai 2022. Depuis l’année financière 2016-2017, seules quatre sociétés d’État à
vocation commerciale sont autorisées à maintenir un programme de rémunération incitative,
dont Investissement Québec, Loto-Québec et la SAQ.
[2] « Legault
veut la fin des bonis mais justifie le salaire du patron de la CDPQ », La
presse, 4 mai 2022; « François Legault
prône la fin des bonis, mais pas pour le patron de la Caisse », Radio-Canada,
4mai 2022.
[3] Matthieu Zolomian, La
rémunération excessive des dirigeants de sociétés : Identification des
difficultés et voies de solution, mémoire de maîtrise, Québec, Faculté de
droit, Université Laval, 2008, aux p. 8 et s.
[4] Sylvain Larocque,
« Investissement Québec : condamnée à la médiocrité si les bonis sont
abandonnés », Le journal de Montréal, 5 mai 2022.
[5] Michel Girard, « J’en ai
marre des primes de rendement », Le journal de Montréal,
6 mai 2022.
[6] Sylvie St-Onge et
Michel Magnan, « La rémunération des dirigeants : mythes et
recommandations », Gestion, 2008, vol. 33, n° 3,
p. 25-40, à la p. 32.
[7] Vérificateur
général du Québec, «
Chapitre 3. Rémunération des hauts dirigeants », dans Rapport du Vérificateur
général du Québec à l’Assemblée nationale pour l’année 2019-2020, Québec,
mai 2019, à la p. 29, par. 100.
[8] Sylvain Larocque,
« Le grand patron de la Caisse reçoit une rémunération record », le
journal de Montréal, 28 avril 2022.
[9] Vérificateur
général du Québec, «
Chapitre 3. Rémunération des hauts dirigeants », dans Rapport du Vérificateur
général du Québec à l’Assemblée nationale pour l’année 2019-2020, Québec,
mai 2019, à la p. 3.
[10] François Desjardins, « Il faut plus de transparence sur la rémunération des
p.-d.g. de sociétés d’État, affirme l’IGOPP », Le Devoir, 3 octobre
2019.
[11] Vérificateur général du Québec, « Chapitre 3. Rémunération des hauts
dirigeants », dans Rapport du Vérificateur général du Québec à l’Assemblée
nationale pour l’année 2019-2020, Québec, mai 2019.
Dans la série L’esprit d’affaires, Pierre-Sébastien Gauthier reçoit Chantal Coulombe, présidente et chef de la direction du Collège des administrateurs, et Jacques Topping, professionnel de l’administration qui siège sur de nombreux conseils d’administration. Les deux administrateurs, issus de la Faculté des sciences de l’administration de l’Université Laval, démystifient le rôle du conseil d’administration et du comité consultatif au sein d’une organisation.
Le Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires (MÉDAC) dresse une revue de presse des actualités du monde de la finance et de l’investissement. Celle-ci est maintenant en vidéo !
Élections annuelles par un vote distinct pour chacun des candidats
Les administrateurs de sociétés ouvertes régies par la LCSA devront être élus par vote individuel chaque année. À l’heure actuelle, la LCSA permet aux administrateurs d’être élus en tant que partie d’une liste de candidats et pour un mandat d’au plus trois ans. La TSX exige déjà la tenue d’élections annuelles et de votes individuels plutôt que par liste de candidats. Or, les modifications donneront lieu à un changement pour certains émetteurs cotés à la TSXV et à la CSE, puisque ces bourses permettent les élections échelonnées et le vote par liste tant que les actionnaires acceptent ces modalités.
Vote majoritaire pour les administrateurs dans le cadre d’élections sans opposition
Lorsqu’il n’y a qu’un seul candidat par poste d’administrateur à combler au conseil, les actionnaires seront en mesure de voter « en faveur » ou « contre » chaque candidat au poste d’administrateur (plutôt que de voter « en faveur » ou de « s’abstenir » de voter selon le régime actuel), et chaque candidat à un poste d’administrateur devra recevoir la majorité des voix exprimées en sa faveur pour être élu. De plus, si un candidat à un poste d’administrateur ne reçoit pas une majorité des voix en sa faveur, il ne pourra être nommé en tant qu’administrateur par le conseil avant la prochaine assemblée annuelle des actionnaires, sauf si cette nomination est nécessaire pour faire en sorte que le conseil compte le nombre requis d’administrateurs qui sont des résidents canadiens ou indépendants.
Aux termes des exigences actuelles de la TSX, un administrateur est tenu de présenter sa démission s’il ne reçoit pas la majorité des voix exprimées en sa faveur, mais le conseil a la latitude voulue pour ne pas accepter cette démission dans des « circonstances exceptionnelles ». Les modifications suppriment ce pouvoir discrétionnaire du conseil. Les modifications toucheront également bon nombre d’émetteurs cotés à la TSXV et à la CSE, puisque ceux-ci ne sont pas tenus actuellement de suivre une politique de vote majoritaire.
Il convient de souligner que si un administrateur en poste n’obtient pas la majorité des voix en sa faveur à l’assemblée des actionnaires, cet administrateur pourra continuer à siéger comme administrateur pendant une période de transition d’au plus 90 jours suivant l’assemblée.
Propositions d’actionnaire
Les modifications et le projet de réglementation changent le délai à l’intérieur duquel un actionnaire peut présenter des propositions à une société régie par la LCSA, établissant une période qui commence 150 jours avant l’expiration d’un an à compter de la dernière assemblée annuelle des actionnaires et se termine 90 jours avant (plutôt qu’une date butoir qui tombe 90 jours avant l’expiration d’un an à compter de la date de l’avis de convocation à la dernière assemblée annuelle). Ce changement donnera une idée plus précise de la date butoir et permettra aux actionnaires de présenter des propositions plus près de la date de l’assemblée annuelle. Les sociétés qui choisissent d’indiquer dans leur circulaire actuelle la date butoir fixée pour soumettre une proposition l’année prochaine devraient tenir compte de ce changement au moment de finaliser les circulaires se rapportant aux assemblées de 2022.
Pas de raison d’être sans gouvernance ! clament André Coupet et Marie-France Veilleux (Gestion, 21 avril 2021). Cet articles est intéressant car il fait le lien entre la raison d’être et la gouvernance et montre que la gouvernance doit évoluer si la raison d’être ne veut pas être de façade.
Extrait :
(…) Il existe une troisième implication sous-jacente aux deux premières. Elle implique la gouvernance de l’entreprise. Celle-ci est l’élément central qui fait que l’exercice de se donner une raison d’être devient une réussite. C’est la gouvernance de l’entreprise qui doit déployer la nouvelle stratégie et qui doit piloter la mise en œuvre effective de cette raison d’être et des engagements stratégiques qui en découlent.
Le moteur de la raison d’être
La gouvernance est trop souvent comprise sous l’angle de la conformité aux réglementations et aux institutions. Or, il s’agit plutôt de l’art de diriger et de prendre des décisions, dans le respect des règles ou des statuts de l’organisation, tout en ayant en tête l’horizon des décisions. Les choix à court terme ne doivent pas aller à l’encontre de la pérennité de l’organisation.
Pour construire une raison d’être et s’assurer que celle-ci soit transformative, la gouvernance doit être forte. Elle doit être capable de réorienter l’entreprise et d’assumer les engagements, par exemple en lançant de nouveaux produits et services conformes à la raison d’être, ou en abandonnant, s’il le faut, une partie du chiffre d’affaires jugé trop émetteur de CO².
La gouvernance doit être ouverte :
À la consultation effective des parties prenantes : cette consultation, qui servivra à la définition de la raison d’être de l’organisation, doit retenir aussi bien les critiques à l’égard de l’entreprise que les besoins, les attentes et les suggestions pour bâtir les différentes propositions de valeur.
Au partage de la prise de décision par de nouveaux acteurs : habituellement moins présents autour des tables de décision. Un conseil diversifié à tous niveaux démontre l’acceptation d’une autre façon de penser. Pensons à la nomination d’administrateurs salariés au sein des conseils d’administration (CA). Aujourd’hui, le succès d’une organisation est davantage basé sur le talent que sur le capital. Les actionnaires ne sont donc plus les seuls détenteurs du savoir. Le capitalisme des parties prenantes, perspective évoquée notamment au dernier forum de Davos2, ne sera une réalité que lorsque les CA, lieux de pouvoir par excellence, s’ouvriront aux parties prenantes, soit directement, soit, à minima, en tenant compte des avis d’un comité des parties prenantes
À l’ajustement des valeurs de l’organisation : le respect, la solidarité ou la générosité sont des guides indispensables qui permettent à l’entreprise de s’adresser à des problématiques de pauvreté, d’éducation, d’isolement, etc.
Une boussole entre les mains du CA
Si la raison d’être de l’entreprise est comprise comme étant non seulement le but de l’organisation, mais aussi la boussole de l’entreprise qui donne quotidiennement la route à suivre, alors il est clair que le gardien de la raison d’être est le CA. Son nouveau rôle vient conforter le premier, soit celui de gardien de la pérennité de l’organisation.
Axé sur le long terme, le CA doit s’impliquer totalement, tant dans l’exercice de la définition de la raison d’être que dans celui du plan stratégique. Il doit choisir et décider. L’équipe de direction doit opérationnaliser les choix, ce qui est tout un défi d’agilité et de résilience.
Cette vision d’un CA compétent et impliqué, centrée sur la raison d’être et la stratégie, débouche logiquement sur une séparation des pouvoirs entre la présidence du conseil et la direction générale. Cela semble d’ailleurs devenir la règle. En effet, près de 60% des entreprises américaines inscrites et cotées à l’indice Standard and Poor’s appliquent cette séparation des pouvoirs.
Les deux instances se complètent en termes d’horizon. Le CA n’a clairement pas à s’immiscer dans la gestion quotidienne. Son rôle «n’est pas de gérer, mais bien de formuler une vision de l’avenir», selon Michel Nadeau, cofondateur de l’Institut sur la gouvernance d’organisations publiques et privées.
L’entreprise sud-coréenne Samsung, spécialisée dans l’électronique, a été contrainte de se défendre, jeudi 11 janvier, après que deux ONG avaient apporté de nouveaux éléments à leurs accusations de violations des droits de l’homme dans les usines chinoises du constructeur (ici). Le Monde nous apprend que les poursuites judiciaires n’auront pas lieu : « Conditions de travail des ouvriers chinois : les poursuites contre Samsung France annulées » (26 avril 2021).
Extrait :
La filiale du leader mondial des smartphones avait en effet été mise en examen en avril 2019 pour « pratiques commerciales trompeuses », du fait de la présence sur son site Internet de son opposition au travail forcé et au travail des enfants.
(…) Selon une source judiciaire, cette plainte a été jugée irrecevable le 30 mars par la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris, au motif que les ONG ne disposaient pas de l’agrément pour agir en justice contre des « pratiques commerciales trompeuses ».
Cette décision entraîne de fait la nullité de la procédure qu’elles avaient lancée, et a donc pour conséquence d’annuler la mise en examen de Samsung France. La maison mère, Samsung Electronics, a dit « prendre acte » de ces décisions, sans plus de commentaires.
(…)
Afin de justifier une procédure pénale en France, les ONG estimaient suffisant que le message incriminé soit accessible aux consommateurs français pour que les juridictions du pays soient compétentes. S’appuyant sur divers rapports d’ONG qui ont pu se rendre dans les usines du groupe en Chine, en Corée du Sud et au Vietnam, Sherpa et Actionaid dénonçaient l’« emploi d’enfants de moins de seize ans », des « horaires de travail abusifs », des « conditions de travail et d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine » et une « mise en danger des travailleurs ».
Une autre association, UFC-Que choisir, a déposé elle aussi en février à Paris une plainte avec constitution de partie civile pour pratiques commerciales trompeuses visant le groupe, et attend désormais que la justice se prononce.
« Nous sommes maintenant actionnaires d’Air Canada » (Le Journal de Montréal, 14 avril 2021), c’est sous ce titre que Michel Girard livre une opinion intéressante qui aborde la thématique de l’État actionnaire.
Aux termes de l’accord, le fédéral obtient un premier bloc de 21,6 millions d’actions (à 23,18 $), pour la somme de 500 millions de dollars. À cela, s’ajoutera un bloc de 14,6 millions de bons de souscription lui permettant d’acquérir autant d’actions au prix de 27,27 $ d’ici 10 ans, pour une somme additionnelle de presque 400 millions $.
Extrait :
AUTRES CONDITIONS
Bien entendu, le remboursement des clients d’Air Canada dont les vols ont été annulés à cause de la COVID-19 faisait partie des conditions essentielles qu’imposait le gouvernement Trudeau pour obtenir l’aide fédérale. C’est réglé : bravo !
Concernant maintenant le plafonnement à un million $ de la rémunération annuelle de chacun des hauts dirigeants d’Air Canada, et ce, d’ici le remboursement des prêts de 4 milliards $ consentis par le gouvernement fédéral, permettez-moi d’émettre une petite réserve.
En 2019, le PDG Calin Rovinescu a encaissé une rémunération de 12,8 millions $ et son bras droit, le chef des affaires financières Michael Rousseau, a reçu 4,4 millions $.
Hâte de voir combien de temps M. Rousseau, le nouveau PDG d’Air Canada, va se contenter d’encaisser « seulement » un million de dollars par année. Même chose pour ses quatre collègues de la haute direction de l’entreprise.
Je prédis une révision de cette mesure… d’ici la reprise normale des activités.
Au sujet de l’obligation imposée à Air Canada de suspendre les rachats d’actions et le versement de dividendes, cela allait de soi.
Tout comme d’ailleurs le maintien des niveaux d’emplois actuels à 14 859 employés. C’est 18 044 employés de moins qu’en 2019 alors qu’Air Canada avait 32 903 employés à sa charge.