Bonjour à toutes et à tous, voici la vidéo d’un colloque (daté du 12 juin 2023) qui vous intéressera : « RSE : quelle entreprise pour quelle société ? ». La vidéo est disponible sur Internet…
Au cours de ces 10 ans, les attentes à l’égard de la RSE, le cadre règlementaire et les pratiques des entreprises ont beaucoup évolué. La loi Pacte, l’harmonisation européenne des obligations de transparence et de mise en œuvre du devoir de vigilance, la réponse des entreprises aux crises écologiques, sanitaires, géopolitiques et économiques sont venu enrichir les débats et augmenter les ambitions de la RSE.
En réunissant les parties prenantes françaises de l’entreprise, la Plateforme RSE a ouvert le débat, avec notamment M. François ASSELIN, président de la Confédération des petites et moyennes entreprises, Mme Cécile DUFLOT, directrice générale d’Oxfam France, Mme Cécile RENOUARD, présidente du Campus de la Transition, M. Pierre VICTORIA, président de la Plateforme RSE.
Les célèbres éditions Dalloz viennent de publier l’ouvrage Grand Angle consacré à la loi PACTE : « L’intérêt social dans la loi PACTE » (4 septembre 2019. Devinez qui a l’honneur de voir un de ses articles repris ?
Cet ouvrage est dédié à l’objet social des entreprises, une des mesures emblématiques de la loi relative à la croissance et à la transformation des entreprises (PACTE) et sûrement la plus discutée au sein du Parlement. Cette mesure consiste à repenser la place de l’entreprise dans la société en redéfinissant leur raison d’être. La loi propose ainsi de modifier le code civil et le code de commerce afin de « renforcer la prise en considération des enjeux sociaux et environnementaux dans la stratégie et l’activité des entreprises ». Le texte de loi s’inspire pour cela des propositions du rapport « Entreprise, objet d’intérêt collectif », remis le 9 mars 2018, par Nicole Notat et Jean-Dominique Sénart aux ministres de la transition écologique et solidaire, de la justice, de l’économie et des finances, et du travail. L’ouvrage propose d’analyser ainsi les enjeux de ce changement non seulement en droit des sociétés, mais également au regard du droit social. L’approche retenue est pluridisciplinaire et transversale.
Le statut de société à mission, également prévu par la loi Pacte , est plus engageant. Pour Bruno Dondero, avocat associé au sein du cabinet CMS Francis Lefebvre Avocats, la démarche est loin d’être anodine : « Si un dirigeant se contente d’inscrire sa démarche dans les statuts, et qu’il ne fait rien pour prendre en compte les enjeux sociaux ou environnementaux dans ses choix, ou que son comportement est contraire à ses engagements, le ministère public ou toute personne intéressée, comme un fournisseur, un client ou une organisation associative, pourra demander la suppression de la mention », prévient l’avocat. Les risques qui pèsent sur le dirigeant sont-ils aussi importants pour la raison d’être ? Pas si sûr. « Les conséquences juridiques de cette nouvelle notion sont assez incertaines. Cela dépend en partie de la façon dont la raison d’être est rédigée dans les statuts, tout en sachant que les associés pourront la modifier ou la supprimer. Plus elle est précise, plus elle sera contraignante », estime Nicolas Borga. Mais une raison d’être définie de façon excessivement large pourrait également avoir des effets pervers tant son champ d’application serait vaste et tant elle donnerait prise à interprétation.
Des labels pour sortir du lot
Une entreprise, dont la raison d’être serait de promouvoir le travail en France, qui déciderait de fermer une usine et de la délocaliser dans un pays où les coûts de production sont moins élevés, pourrait être chahutée. « Une association pourrait se plaindre des effets d’une telle décision. Mais pourra-t-on reprocher à cette société d’avoir méconnu sa raison d’être lorsqu’elle sera en mesure d’établir qu’il en allait de sa survie et que son intérêt social commandait la prise d’une telle décision ? C’est improbable, poursuit Nicolas Borga. La raison d’être pourrait donc plus s’apparenter à un outil marketing. » Pour éviter qu’elle ne se limite à un effet de mode, sans lien avec la stratégie, les entreprises peuvent se tourner vers des labels. Des agréments comme Esus (entreprise solidaire d’utilité sociale), le label Lucie, ou B Corp, dont l’objectif est d’identifier et de faire progresser les entreprises qui intègrent à leurs activités des objectifs sociaux et environnementaux, vont réellement prendre de l’ampleur et devenir le moyen le plus évident de repérer les entreprises qui s’engagent.
Pour celles et ceux qui se questionnent sur la raison d’être (introduite par la loi PACTE), je vous invite à lire cet article de Mathieu Menegaux publié dans Les Échos : « Les sept piliers de la raison d’être d’une entreprise » (20 septembre 2019).
Extrait :
Au-delà du seul slogan, les entreprises doivent engager une démarche structurante et mobilisatrice dont les fondamentaux sont les suivants.
Une approche participative : associer le corps social à la réflexion pour capturer l’essence de l’entreprise, et en faire un sujet partagé par tous les collaborateurs et non pas l’unique expression du leader.
Une grille de lecture stratégique : la raison d’être doit permettre de faire des choix. « Apporter la santé par l’alimentation au plus grand nombre » a conduit Danone à des restructurations stratégiques, l’abandon de la branche biscuits au profit de l’acquisition de Numico et de la montée en charge de la nutrition médicale.
Des engagements concrets : quand CVS aux Etats-Unis choisit « Helping people on their path to a better health », il devient le premier distributeur à cesser la vente de cigarettes, du jour au lendemain, et voit sa part de marché progresser. La perte de chiffre d’affaires a ainsi été compensée en moins d’un an.
Une modification de la gouvernance : sans changement de logique au sein du conseil d’administration, pas de changement de fond. La création d’un comité des parties prenantes est un début, qui associe les salariés, les fournisseurs, les ONG, l’écosystème, les territoires, les jeunes générations.
Une déclinaison dans les comportements : la raison d’être doit se refléter dans des principes, qui décrivent la façon dont l’entreprise conduit les affaires. Au premier écart de comportement d’un leader, c’est tout l’effort qui tombe à l’eau.
Un récit : Comme le dit Thirion Lannister dans « Game of Thrones » : « Il n’est rien au monde de plus puissant qu’une bonne histoire. Rien ne peut l’arrêter. Aucun ennemi ne peut l’abattre. » Le pouvoir des mots compte. La recherche de l’émotion doit inspirer la raison d’être, sans nuire à son authenticité. Un collaborateur inspiré est 2,25 fois plus productif qu’un collaborateur engagé.
Une aspiration : plus la raison d’être répond à des besoins humains ou sociétaux (par opposition à des attentes directes de marché ou de fonctionnalités), plus elle déclenchera la mise en mouvement de l’entreprise. La raison d’être n’est pas un objectif à atteindre. C’est une quête, une vocation, qui guide et inspire toutes les actions.
Une raison d’être donne le sens, la direction de l’entreprise. Elle fait sens, car elle s’incarne dans un récit propre à l’entreprise, que le collaborateur comprend et auquel il adhère. Et elle est accompagnée d’une série d’actions sensées. A défaut, la belle histoire sera vite cataloguée… en conte de fées.
La loi Pacte entend repenser la place des entreprises dans la société. Cela passe par trois mesures « d’ouverture » : l’intérêt social élargi, la possibilité de doter la société d’une raison d’être ou de lui donner une mission. Découvrez les différences entre ces trois notions.
Depuis
la fin de l’année 2017, le projet de loi PACTE sur la croissance et la
transformation des entreprises anime grandement l’actualité française en matière
de droit des sociétés. Alors que le chemin semblait tracé vers la consécration
des enjeux sociétaux et environnementaux dans la gouvernance d’entreprise, le
Sénat a décidé de supprimer l’article 61 relatif à ces considérations dans
le projet adopté le 12 février 2019.
Retour sur les étapes antérieures du
projet de loi PACTE
En
octobre 2017, le plan d’action pour la croissance et la transformation des
entreprises (PACTE) prenait naissance dans la stratégie du gouvernement
français alors nouvellement élu. Dans cette optique de modernisation de
l’économie, la présentation du rapport L’entreprise,
objet d’intérêt collectif[1]
proposait la réécriture des articles 1832, 1833 et 1835 du Code civil, qui
constituent les fondements juridiques du droit des sociétés en France. Derrière
cette idée, il s’agissait d’intégrer dans la gestion courante des affaires de
l’entreprise la prise en compte de l’intérêt général d’une façon assez élargie
pour y intégrer les parties prenantes, la société dans sa globalité et l’environnement.
En
juillet 2018, le projet de loi prenait forme et était présenté à l’Assemblée
nationale dans le cadre d’une procédure législative accélérée[2]. Or,
ce texte ne reprenait alors que la modification des articles 1833 et 1835
pour parvenir à « repenser la place de l’entreprise dans la société » [3].
Ainsi, il s’agissait de réécrire l’article 1833 en y incluant un nouvel
alinéa disposant que « La société est gérée dans son intérêt social et en
prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son
activité »[4].
Un changement majeur intervenait plus particulièrement dans l’article 1835.
En effet, le projet de loi présenté à l’Assemblée nationale entendait doter le
droit des affaires français de son propre modèle d’entreprise hybride, alors
nommée entreprise à mission sociétale[5]. En
venant rompre avec l’idée traditionnelle que les entreprises ne poursuivent
comme unique finalité que la maximisation des profits pour les actionnaires, M.
Bruno Lemaire, ministre de l’économie et des finances, et M. Édouard Philippe,
premier ministre, à travers cette proposition, souhaitaient permettre aux
entreprises de se doter d’une « raison d’être », précisée dans les
statuts de la société, et qui orienterait la gestion de l’entreprise
conformément à son objet social[6].
L’avenir du droit des sociétés français tendait ainsi à se moderniser face aux
enjeux sociaux et environnementaux majeurs du XXIe siècle. En octobre 2018, ce
projet de loi été adopté par l’Assemblée nationale.
Le recul du Sénat
Alors
que l’optimisme avait envahi les partisans de l’entreprise à mission sociétale,
le Sénat a décidé de ne pas se ranger de leur côté en supprimant l’article 61
du projet voté le 12 février 2019. Dans les discussions ayant eu lieu autour de
ces articles, plusieurs arguments ont été soulevés. D’une part, les sénateurs
favorables à ces articles défendent l’idée que les enjeux sociaux et
environnementaux doivent être intégrés à la gouvernance d’une entreprise qui
évolue dans un contexte aujourd’hui soucieux d’un développement durable,
responsable et pérenne[7]. De
ce fait, le gouvernement s’est prononcé à ce sujet par le biais de sa
secrétaire d’État, Mme Agnès Pannier-Runacher en soutenant que
le droit serait ainsi en accord avec la
réalité dans laquelle il s’inscrit, qui est celle d’un monde entrepreneurial où
les chefs d’entreprise ont la volonté de faire évoluer leur structure pour
faire le bien dans la communauté ;
qu’il est actuellement impossible
d’ignorer que les activités économiques ont un impact social et environnemental
et que la prévention des risques au sein d’une entreprise passe par la prise en
compte de la RSE, qui a su démontrer qu’elle agit positivement sur la
performance de cette dernière[8].
À
l’opposé, les sénateurs qui n’y sont pas favorables ont dénoncé « un
risque juridique et contentieux important sur les sociétés de toute
taille » par rapport à des actions en responsabilités qui pourraient être
menées envers les dirigeants d’entreprises pour ne pas avoir pris suffisamment
en compte les enjeux sociaux et environnementaux[9]. La
problématique que la RSE puisse devenir un « alibi juridique » a
également été soulevée, emportant avec elle le risque
d’« annihiler l’élan réel » qu’elle connaît actuellement[10].
Enfin, la rédaction de l’article 61 du projet de loi PACTE a été vivement
critiquée. La « prise en considération » des enjeux sociaux et
environnementaux ainsi que le « pouvoir » de définir une
« raison d’être » dans les statuts manquent pour certains de clarté, altérant
ainsi le droit positif français et ouvrant la porte à des ambiguïtés et de
l’insécurité juridique si des litiges venaient à être portés devant les juges[11].
Le
débat s’est clôturé avec un vote favorable à l’amendement n° 653 qui
visait à supprimer l’article 61 du projet de loi PACTE. À l’heure
actuelle, il n’est donc plus question pour le Sénat de « repenser la place
de l’entreprise dans la société ».
Et maintenant ?
Étant
donné les modifications majeures qui ont été adoptées par le Sénat, le
processus législatif accéléré qui régit ce projet de loi s’ouvre maintenant sur
une commission mixte paritaire qui se réunira le 20 février 2019 pour tenter de
trouver un consensus sur ce texte.
[3] C’est
ainsi qu’est intitulée la section 2 du Chapitre III – Des entreprises plus
justes, comprenant les articles 61 et suivants du projet de loi PACTE,
voir : Projet de loi relatif à la
croissance et la transformation des entreprises, projet de loi n° 1088
(19 juillet 2018 – renvoyé à une commission spéciale), 15e légis., en ligne : http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/projets/pl1088.pdf.
[4]Projet de loi relatif à la croissance et la
transformation des entreprises, projet de loi n° 1088 (19 juillet 2018
– renvoyé à une commission spéciale), 15e légis., article 61,
p. 190, en ligne : http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/projets/pl1088.pdf.
[5] Une
entreprise à mission sociétale est une entreprise lucrative qui a pour activité
une vente de biens et/de services, et qui limite la distribution des bénéfices
réalisés pour les réinvestir dans la réalisation d’une mission extrafinancière.
[6]Projet de loi relatif à la croissance et la
transformation des entreprises, projet de loi n° 1088 (19 juillet 2018
– renvoyé à une commission spéciale), 15e légis., article 61,
p. 191, en ligne : http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/projets/pl1088.pdf.