Responsabilité sociale des entreprises

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Salariés dans les CA = moins bonne performance ?

Dans The conversation, les chercheurs Nagati, Boukadhaba et Nekhili livrent un constat étonnant sur la présence des salariés dans les CA en France : oui, ils sont plus présents que par le passé, mais leur impact sur la performance de l’entreprise est critiquable… d’où la méfiance des actionnaires ! (« Salariés dans les conseils d’administration : une présence qui dérange les actionnaires… », 17 septembre 2020).

Extrait :

Une gouvernance de plus en plus partenariale

Pour ce qui est des critères de gouvernance, la régulation du mode de fonctionnement du conseil d’administration n’a ainsi cessé d’évoluer ces dernières années. Celle-ci contraint davantage les entreprises à une plus grande diversité des membres du conseil d’administration, qui intègrent notamment de plus en plus de salariés.

Le taux moyen de représentation des salariés dans le conseil d’administration des sociétés non financières du SBF 120 a ainsi évolué de 4,95 % en 2007 à 9,17 % en 2017 (voir graphique ci-dessous).

Une augmentation significative est notamment constatée à partir de 2014. Celle-ci s’explique par la loi n° 2013-504 de 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi rendant obligatoire la présence d’au moins deux représentants de salariés pour les entreprises ayant des conseils d’administration de plus de 12 administrateurs et d’au moins un représentant pour les autres.

Cela témoigne de la volonté de s’orienter vers une gouvernance partenariale (stakeholders) qui s’oppose, dans ses grands principes, à la gouvernance actionnariale (shareholders).

Or, la présence de salariés au sein des conseils d’administration est généralement vue d’un mauvais œil par les actionnaires. C’est ce qui ressort de notre article de recherche publié en 2019 dans la revue International Journal of Human Resource Management sous le titre ESG Performance and Market Value : the Moderating Role of Employee Board Representation.

Cette étude porte sur un échantillon de grandes entreprises françaises non financières de l’indice SBF 120 durant la période 2007-2017.

À travers l’appréciation de la performance boursière des entreprises, les résultats de nos estimations montrent que, si le marché financier réagit positivement à la performance extrafinancière, il reste néanmoins réticent à la représentation des salariés dans le conseil d’administration.

En effet, la valeur moyenne de la performance boursière, mesurée par le Q de Tobin (rapport entre la somme de la capitalisation boursière et de la valeur de la dette, d’une part, et le total de l’actif du bilan, d’autre part), est de 1,142 chez les entreprises d’au moins un administrateur représentant des salariés contre 1,271 chez les entreprises n’ayant pas d’administrateurs représentants de salariés.

Conflits d’intérêts

De toute évidence, les actionnaires sont sensibles à la réalisation d’une bonne performance extrafinancière dont ils supportent à eux seuls les coûts s’y rapportant. Cependant, les actionnaires peuvent aussi voir dans la réalisation d’une bonne performance extrafinancière une stratégie pour les dirigeants de s’enraciner en jouant la carte des autres stakeholders, principalement les salariés, dont les intérêts ne coïncident pas nécessairement avec leurs propres intérêts.

Pour les actionnaires, donner des droits de vote aux salariés au sein du conseil d’administration peut donc contrebalancer leur pouvoir, mettant fin à leur suprématie, si relative soit-elle, dans le processus décisionnel.

Partant de l’idée qu’il existe une relation, souvent entretenue par des intérêts communs, entre les dirigeants et les employés, les recherches antérieures mettent en avant le postulat que les dirigeants peuvent procéder à l’augmentation des investissements sociétaux dans un objectif moins louable qui est celui de gagner le soutien et la confiance des salariés pour se soustraire du pouvoir, parfois excessif, des actionnaires.

De surcroît, la réalisation d’un niveau élevé de performance extrafinancière doublée par la nomination des administrateurs salariés dans le conseil d’administration ne peut que renforcer le sentiment de prudence des actionnaires envers les choix stratégiques des dirigeants en matière de développement sociétal.

Les mêmes résultats sont aussi trouvés lorsqu’on considère individuellement les différents piliers de la performance extrafinancière (environnemental, social, et de gouvernance). Nos conclusions confortent l’idée de la présence de conflits d’intérêts majeurs entre les actionnaires et les salariés autour des questions relatives au développement sociétal.

En somme, nos résultats interrogent la façon dont la participation des salariés à la prise de décision est conçue et présentée aux investisseurs financiers. Ces enseignements devraient inciter les entreprises à renforcer leurs efforts de formation et de communication pour plaider en faveur de l’adoption d’un conseil d’administration ouvert aux différentes parties prenantes.

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Bulletin Joly Travail : deux articles à lire

Dans le dossier Droit du travail et droit des sociétés : questions d’actualité réalisé sous la coordination scientifique de Jérôme Chacornac et Grégoire Duchange, je signale deux articles intéressants touchant les thématiques du blogue :

À la prochaine…

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COVID-19 : le test de la RSE

Bel article publié le 1er avril 2020 dans la Harvard Business Review intitulé : « Coronavirus Is Putting Corporate Social Responsibility to the Test ». La RSE passera-t-elle le texte de l’empirique ?

Extrait :

A great many large companies talk about having a social purpose and set of values, or about how much they care for their employees and other stakeholders. Now is the time for them to make good on that commitment. Research suggests that people only truly believe that their company has a purpose and clear values when they see management making a decision that sacrifices short-term profitability for the sake of adhering to those values.

(…) Here are some things that companies can do to help their employees, small suppliers, health care providers, and communities.

Employees. What companies do to help their laid-off employees  — above and beyond what is required or expected — will be remembered and repaid in increased loyalty, higher productivity, and a lasting reputational benefit for many years to come.

Continuing to pay wages, even at less than full pay, is one option. Walmart, Microsoft, Apple, and Lyft have all made commitments to continue payments to hourly workers for at least the first two weeks of lockdown. This is essential not only as a matter of corporate responsibility; it will also substantially reduce the costs of rehiring employees when the economy returns to normal.

Lending money to employees is another option. Left on their own, many employees will turn to the exorbitant charges of credit card debt and payday lenders who will levy a 20%-plus interest rate at a time when corporations can borrow at 2% or 3%. That difference in interest rates can be the difference between bankruptcy and economic survival. Corporations should use their corporate credit and collateral to arrange low- or no-interest loans to their employees. They should calculate employees’ take-home pay after payroll deductions, and ask their banks to make loans available equal to a month of net wages at 3% interest, guaranteed by the corporation. Employees can pay the loans back over the next year out of their salaries when they return to work.

In all likelihood, very few of a company’s employees will actually require medical care, but if they have no insurance, that too can bankrupt them. Companies should offer to cover the medical expenses of all non-insured employees — probably somewhere between 2% and 5% will actually incur significant bills, and companies can negotiate with their insurer an additional premium to cover them. Sadly, employees may also need help to cover funeral costs for the few who succumb.

Small suppliers. Companies should offer advance payments to their small suppliers, giving them cash today for goods that they will need when they return to production. It’s the corporate equivalent of buying gift cards to keep your local store in business.

Health care providers. Some parts of the world face severe shortages in basic medical supplies, but as a global company you have access to resources everywhere. The need for masks in China and South Korea has waned while it is still growing in the United States and Europe. Companies should purchase and ship supplies from where they are available to where they are needed. They should tap their inventory of whatever they have that might help, send it where it will do the most good, and take the loss.

Communities. Major corporations should use their foundations to aid food pantries, free clinics, and other nonprofits in addressing immediate needs of the communities where they have operations.

Pour rappel, j’ai publié récemment un billet de blogue sur Contact partageant mes réflexions sur les liens entre COVID-19, entreprises et RSE : « La RSE à l’heure de la COVID-19 » (26 mars 2020).

À la prochaine…

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COVID-19 : comment maintenir une approche partie prenante ?

Drôle de question qui vient d’un article publié sur : « How To Be A Stakeholder-Driven Company During the Coronavirus Pandemic » (Just Capital, Alison Omens, 11 mars 2020). La question est pertinente et une vraie RSE est à ce prix : prendre en compte les salariés !

Extrait :

What should companies be doing?

First, paid sick leave. Every worker, regardless of classification, needs access to paid sick leave. And with too few tests available and concerns about hospital overuse, it can’t only be available when a worker has a proven case of COVID-19. We’re seeing announcements from companies like Walmart and Darden Restaurants on new sick leave policies. Fundamentally in this environment, workers need 14 days of leave. Companies should also press Congress to implement sick leave universally. This will level the playing field for those companies that are committed to doing the right thing for their workers and communities.

Second, we’re seeing many tech and white collar companies encourage or require employees to work from home. Those companies must also be thinking about their contractors, vendors, and suppliers. We’ve seen companies like Microsoft and Alphabet pledge to cover lost wages of hourly workers at their headquarters. Every company should include this as part of their calculation over the coming days and weeks. Stakeholder-run companies connect the interests of their workers to their suppliers and communities, and this is a critical example of that. 

And third: Companies need to know the financial security of their workforce and ask if their workers are making ends meet each month. JUST Capital can help with conducting a financial stress test. This is the moment where recommendations like storing up a month’s worth of food is simply not possible for workers in financial distress. We know that 40% of Americans can’t afford a $400 emergency and according to our initial estimates, 10.4 million people (of the 20 million overall) who work at Russell 1000 companies do not make enough to support a family of three, even with a spouse working part time. It goes without saying that a pandemic is one of those emergencies – necessitating that people obtain additional medication, food, and healthcare. 

À la prochaine…