Normes d’encadrement | Page 8

Gouvernance Normes d'encadrement Responsabilité sociale des entreprises

Raison d’être : interrogation autour de la guerre

Drôle de réflexion que propose le professeur Armand Hatchuel, mais ô combien intéressante ! « La « raison d’être » des entreprises à l’épreuve de la guerre en Ukraine » (Le Monde, 22 mars 2022).

Extrait

Inscrite dans le droit par la loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) de 2019, la « raison d’être » d’une entreprise stipule « les principes dont la société se dote et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité » (article 1835 du code civil). Conçue en temps de paix, cette disposition permet aux entreprises de préciser leurs engagements sociaux et environnementaux, mais peut-elle aussi éclairer les décisions difficiles à prendre en situation de conflit armé ?

Les guerres posent aux entreprises des dilemmes de plusieurs types. Les plus connus sont ceux qui émergent lors des périodes d’occupation. Sous la botte nazie, fallait-il se saborder ou continuer à produire ? En poursuivant l’activité, l’intérêt des actionnaires rejoignait celui de l’occupant, mais la préservation de l’appareil de production préparait aussi le futur de la nation libérée.

En revanche, sauf réquisition, la raison d’être devrait exclure de servir l’appareil militaire de l’occupant, car de telles collaborations ont conduit à disqualifier de nombreuses entreprises après la Libération.

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Gouvernance mission et composition du conseil d'administration Normes d'encadrement

CA et enjeux assurantiels

Rarement évoquée, la question des enjeux assurantiels mérite d’être discutée dans les CA. Du moins, je vous invite à lire cet article de La Tribune : « Pourquoi et comment associer les conseils d’administration aux enjeux assurantiels ? » de Marc Verspyck.

Extrait

Les conseils d’administration sont désormais résolument actifs en matière de cartographie des risques, mais sont-ils au fait des couvertures assurantielles existantes sur le marché et souscrites par l’entreprise ? Un sujet souvent traité par des spécialistes internes – mais in fine, qui valide les orientations ? En l’absence de revue par les commissaires aux comptes ou d’autres intervenants indépendants, l’implication des administrateurs peut donc se poser, dans un cadre que nous proposons de définir.

(…) Mais soyons clairs : un conseil d’administration n’a pas pour objet de rentrer dans le détail, de passer en revue des tableaux d’occurrence et de subsister au management. C’est donc d’une autre manière que cette supervision doit être conduite ; à chaque contexte et sensibilité au risque, une approche plus ou moins détaillée peut être proposée, ou avec le soutien d’un œil extérieur. Un comité de direction pourrait par exemple assurer au conseil qu’il a pris soin de passer ces sujets en revue et lui transmettre une synthèse.

(…) Il n’en demeure pas moins que l’entreprise se doit de vérifier le degré de couverture et les risques résiduels. Il n’est pas question ici de « sur-assurer » ou d’adopter un comportement pusillanime en « ouvrant des parapluies » pour se protéger juridiquement. On peut arguer du contraire : comment améliorer les actions préventives, diminuer les coûts et alerter les équipes managériales sur ces sujets (et donc aligner les revues et les reportings en ce sens).  Au fond, et en simplifiant, comment un board peut-il évaluer la performance d’un groupe s’il ne s’attache qu’à la revue des risques et non aux actions de « mitigation » et aux couvertures assurantielles correspondantes ? Il en sera réduit à constater après coup les conséquences d’un incendie de data center, la défaillance d’un gros client ou les effets d’un rançongiciel.

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devoirs des administrateurs Gouvernance mission et composition du conseil d'administration normes de droit objectifs de l'entreprise Valeur actionnariale vs. sociétale

Continuer d’enseigner Dodge v. Ford Motor Co. : la tribune du professeur Bainbridge

Intéressant article du professeur étatsunien Stephen Bainbridge sur la fameuse décision américaine Dodge v. Ford Motor Co. : « Why We Should Keep Teaching Dodge v. Ford Motor Co. » (UCLA School of Law, Public Law Research Paper No. 22-05, 5 avril 2022). Le titre ne laissera personne indifférent puisqu’il est exactement à l’opposé de celui de la professeure Lynn Stout publié en 2008 !

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Devoir de vigilance en UE : vidéo d’une experte

Je vous invite à regarder cette capsule-vidéo de Mme Charlotte Michon sur le devoir de vigilance. Elle revient sur le projet de directive sur le devoir de vigilance de la Commission européenne et le rapport de la mission d’information parlementaire d’évaluation de la loi française, tous deux publiés le 23 février 2022.

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devoir de vigilance Gouvernance Normes d'encadrement Responsabilité sociale des entreprises

Raison d’être et devoir de vigilance

Bel article de réflexion offert par Beate Sjåfjell et Jukka Mähönen (professeurs à Oslo) sur la directive vigilance : « Corporate Purpose and the EU Corporate Sustainability Due Diligence Proposal » (Oxford Business Law Blog, 25 février 2022).

Extrait

Taking sustainability seriously: sustainable value creation within planetary boundaries

The question of how to secure the contribution of our businesses to the fundamental transformation to sustainability is not one that should be responded to in the ideological and emotional way as we have seen in some of the responses when the Sustainable Corporate Governance initiative was launched. Now that the Directive proposal is out, we encourage all who wish to participate in the discussion to lay aside any ideological ‘shareholder vs stakeholders’ viewpoints. That is not what is at stake. While the IPCC report on climate change of 2021 has been referred to as ‘code red for humanity’, planetary boundaries research shows that reality is even more grim – we have a whole set of code reds for humanity and they are increasing in number (as the latest planetary boundaries research shows), and the status for the European Union is not good. Working towards sustainability also entails questions of social justice – just as we cannot silo environmental issues into various categories to be dealt with separately, we cannot separate environmental and social issues. These are all interconnected elements. All of these issues must be dealt with simultaneously. The sustainability challenges of our time are complex and interconnected and attempting to silo sustainability work into dealing piecemeal with isolated elements will not work.

While there seems generally to be an increasing consensus among governments and businesses on the need to integrate sustainability into the governance of our globalized businesses, the attempts to do this so far seem to have been based on three principles: a) as few clear and enforceable rules as possible, b) support voluntary measures although they haven’t worked  so far, and c) if we must regulate, be sure to leave company law out of the picture.

However, to get real about integrating sustainability, we need to go to company law, which is the regulatory infrastructure for decision-making in business. As all company law scholars who have analysed the sources know, company law gives a broad discretion to corporate boards and by extension senior management in their corporate governance. There is, in other words, space within the current company law and corporate governance systems to steer businesses in more sustainable directions. This has been used by some as an argument for the sanctity of company law – no need for change, move on, nothing to see here! The problem is that this discretionary space is taken up by the social norm of shareholder primacy. We therefore suggest, on the basis of over a decade of multijurisdictional comparative analyses of the drivers for and the barriers to sustainable business, that company law must take back that space and clarify why we have companies (corporate purpose) and give a principle-based instruction to boards on how to do their jobs in this era that is defined by the extreme unsustainabilities resulting from business as usual.

Sustainable value creation is already an emerging concept in corporate governance all over the world. What needs to be done is to position sustainable value creation within the ecological limits of our planet. We therefore propose both ‘sustainable value’ and ‘planetary boundaries’ as general clauses in company law, the content of which gradually can be firmed up as practice develops. This doesn’t mean we don’t think there should be any guidance in the law – quite the opposite, as we see the need to ensure that business does not take these two concepts and turn them into opportunities for greenwashing, bluewashing or ‘sustainability washing’.  Integrating these concepts into the duties of the board is therefore also paramount, outlining this in a way that provides legal certainty.

Avoiding the shareholder vs stakeholder trap does not mean that we do not in our proposal encompass a wide variety of interests affected by the company’s business. However, while involving affected communities, trade unions, and civil society is crucial, a mere canvassing of ‘stakeholder interests’ and giving priority to the ones that make themselves heard the most is insufficient, misleading and potentially destructive for the overarching purpose of sustainable value creation. The backdrop must always be the interconnected complexities and the vulnerability of the often-unrepresented groups (whether invisible workers deep in the global value chains, Indigenous communities, or future generations), and the aim of a sustainable future within planetary boundaries.

Under pressure: the proposed Corporate Sustainability Due Diligence Directive

The European Commission’s Corporate Sustainability Due Diligence Directive proposal, presented on 23 February 2022, aims to put into place mandatory and harmonised sustainability due diligence rules in the European Economic Area, in recognition of the insufficiency of voluntary action by business and the regulatory chaos that business faces in its cross-border activities.

The proposed Directive is appropriately named ‘Corporate Sustainability Due Diligence’, resonating in title with the proposed Corporate Sustainability Reporting Directive. It is positive that the Corporate Sustainability Due Diligence Directive proposal clarifies which environmental and human rights issues are intended to be included. However, a broader approach is needed, drawing on a research-based concept of sustainable value creation within planetary boundaries.

The proposal builds on a due diligence duty for the members of the board and the chief executive officer of the company. It reflects the international human rights and environmental international law obligations and concretises the steps of the due diligence process. There is, however, a danger of box ticking instead of principle-based evaluations of risks of unsustainability.

There are proposals for both public and private enforcement, including civil liability for the board members and the chief executive officer, which makes this proposal different from much of what we have otherwise seen in the corporate sustainability area. The scope of the proposal is however extremely narrow, excluding in its direct application all small and medium-sized enterprises, and covering only some 13,000 EU companies and some 4,000 third-country companies.

The proposal takes an important core company law step, which we have advocated in our work, namely to clarify that the duty of the board (strangely formulated as a duty, in Anglo-Saxon speak, for all ‘directors’) is to promote the interests of the company. Wisely, there is no attempt to harmonize this (and especially not by including some kind of stakeholder language), rather leaving the content of the interests of the company to the variety of company law regimes in Europe. What is missing, however, is further situating this duty within an overarching purpose of sustainable value creation within planetary boundaries, which would have given a clearer sustainability-oriented framing for the whole proposal. 

The proposal does employ misleading stakeholder language in the consultation duties as part of due diligence, where it would have been better to specify that the consultation should take place with affected communities, groups and people.

The proposed Directive is clearly a product of the tension resulting from, on the one hand, the social norm of shareholder primacy and the drive to keep company law untouched by sustainability issues, and on the other hand, the willingness to make necessary changes to mitigate the extreme unsustainabilities of business as usual. We see this in the way core company law issues are relegated to the end of the proposal. It would have been much more logical to set out clearly in the beginning of the proposed Directive the core duties of the boards to ensure that sustainability due diligence is used as a key tool for integrating sustainability into the entire business of the company.

The Directive proposal needs to be strengthened on a number of points, and it is now to be discussed further by the European Parliament and the Council, before it can be adopted with possible revisions. We strongly recommend that subsequent work with the Directive proposal be based on a research-based concept of sustainability and take company law and corporate governance seriously, rather than allowing the misleading shareholder vs stakeholder dichotomy to set the parameters for continued siloing of core company law as the regulatory infrastructure for corporate decision-making.

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ESG : l’incontournable du CA

« L’ESG, nouvelle boussole des administrateurs ? », tel est le billet dans Décideurs Magazine (6 janvier 2022) de Mes Armand W. Grumberg et François Barrière. Quand on vous le dit !

Extrait

Le succès du proxy fight lors de l’assemblée d’ExxonMobil

Il semble que, pour la première fois, l’élection de membres du conseil d’administration a clairement porté sur des sujets environnementaux, sociaux et de gouvernance. Deuxièmement, l’activiste Engine No 1 détenait uniquement une participation de 0,02 % du capital, soit une détention a priori assez faible pour espérer remporter un quart des sièges au conseil d’administration. Troisièmement, Engine No. 1 a réussi à convaincre un nombre important de petits porteurs, personnes physiques – qui détiennent 40 % du capital – alors que ce type d’actionnariat est historiquement plutôt favorable à la direction en place. Quatrièmement, plusieurs acteurs « traditionnels » – ­Vanguard, Blackrock ou encore State Street – ont soutenu l’élection d’au moins deux des candidats au poste d’administrateur d’Engine No. 1 ; plusieurs fonds publics de retraite de premier plan ont fait de même. Cinquièmement, les agences de conseil de vote, tels ISS (Institutional Shareholder Services) et Glass Lewis, ont émis des recommandations en faveur de plusieurs des candidats présentés par Engine No. 1.

Vers davantage de prise en compte de l’ESG lors des assemblées d’actionnaires

L’avenir dira si cette bataille menée avec succès par ce fonds activiste aura des répercussions en Europe en général et en France en particulier. C’est en tout cas un signe annonciateur de l’époque à venir, focalisant davantage les préoccupations des actionnaires sur les aspects environnementaux. Peut-être que ce vote obtenu par ce fonds activiste amènera la création d’autres fonds activistes axés sur des questions environnementales, sociales et de gouvernance d’entreprise et que ceux qui existent déjà essayeront de se développer davantage sur cette thématique.

La préoccupation grandissante du dérèglement climatique par la population et la classe politique en général, et de manière plus particulière la plus grande prise en compte de considérations environnementales, sociales et de gouvernance parmi les investisseurs, y compris les investisseurs institutionnels qui ont traditionnellement plutôt soutenu la direction des entreprises, offrent aux actionnaires activistes de nouveaux thèmes de campagne susceptibles d’avoir un impact significatif sur les sociétés.

« Les préoccupations des actionnaires sont davantage focalisées sur les aspects environnementaux »

Au demeurant, outre le succès des résolutions présentées par Engine No. 1, deux propositions d’autres ­actionnaires d’ExxonMobil ont été adoptées, malgré la recommandation du conseil d’administration de voter contre : la première avait pour objet d’obtenir un rapport annuel sur les actions de lobbying en général, tandis que la seconde visait à obtenir un rapport décrivant la façon dont les initiatives de lobbying de la société sont alignées avec l’objectif de limiter le réchauffement de la planète. À nouveau, l’environnement a été au cœur de ces résolutions à l’initiative d’actionnaires.

En France, les résolutions consultatives dites « say on climate » ont été adoptées récemment chez Atos, TotalEnergies ou encore Vinci. Les demandes de vote de ce type par les actionnaires devraient, en principe, continuer à l’avenir.

La loi « climat » ou de nouvelles règles pour les sociétés

Le législateur français, un peu dans la même veine que certains actionnaires, impose aux sociétés davantage d’attention aux aspects ESG. Ainsi, par exemple, la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets prévoit que les sociétés anonymes d’une certaine taille doivent inclure dans leur déclaration de performance extra-financière (DPEF) des informations relatives aux conséquences sur le changement climatique de l’activité de la société et de l’usage des biens et services qu’elle produit. Les sociétés importantes soumises à l’obligation d’élaborer et de mettre en œuvre un plan de vigilance doivent aussi y inclure celles propres à identifier les risques et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains, la santé et l’environnement. À compter du 1er janvier 2024, pour les sociétés produisant ou commercialisant des produits issus de l’exploitation agricole ou forestière, le plan de vigilance devra aussi comporter « des mesures de vigilance raisonnable propres à identifier les risques et à prévenir la déforestation associée à la production et au transport vers la France de biens et de services importés » (C. com., art. L. 225‑102‑4, I), avec en ­arrière-plan la volonté de lutter contre la déforestation.

La nécessité de la prise en compte de l’ESG dans le cadre du dialogue actionnarial

L’adoption des résolutions présentées par Engine No. 1 met clairement en évidence le besoin, pour les sociétés, de dialogue avec leurs actionnaires afin d’anticiper leurs préoccupations et souligne que les conseils d’administration doivent rester attentifs à ­l’évolution des sujets d’attention et inquiétudes des actionnaires, particulièrement aujourd’hui en ce qui concerne les questions environnementales, ­sociales et de gouvernance d’entreprise. Le « say on climate » pourrait à terme suivre le même chemin que le « say on pay » : d’un avis purement consultatif des actionnaires pourrait s’ensuivre des aspects plus ­contraignants ! 

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La raison d’être en vedette

La Harvard Business Review propos un hors-série intitulé : « Le Must de la Raison d’être ».

« C’est parce qu’une entreprise est utile qu’elle est prospère, et non l’inverse. » Ce propos d’Antoine Frérot, le P-DG de Veolia, résume à lui seul toute l’ambition de la raison d’être, un concept qui prend de plus en plus d’ampleur au sein des entreprises. Car l’entreprise n’a pas pour finalité de permettre aux actionnaires de réaliser un maximum de profits. Elle doit avant tout contribuer au bien commun. Mais encore faut-il que les organisations trouvent le sens de leur raison d’être, autrement dit la raison d’être de leur raison d’être. Pour beaucoup d’entre elles, c’est encore un but à atteindre.

Table des matières

  1. Idées À Suivre
  2. Un Manifeste Pour L’économie À Impact Positif Net
  3. Pourquoi Sommes-Nous Ici ?
  4. Mettez La Raison D’être Au Coeur De Votre Stratégie
  5. Insuffler Une Raison D’être À L’entreprise
  6. Diriger À L’ère Des Parties Prenantes
  7. Les Clés D’une Gestion Hybride Réussie
  8. Créer De La Valeur Partagée
  9. La Mission Sociale Comme Avantage Concurrentiel
  10. De La Vocation À L’impact

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