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Droit de parole en assemblée : le MÉDAC mécontent

Sous le titre suivant « Droit de parole verbal des actionnaires aux assemblées annuelles des sociétés par actions », le MÉDAC a partagé son expérience des dernières assemblées annuelles et son désarroi…

Je reproduis la lettre ci-dessous :

Montréal, vendredi le 30 octobre 2020

Éric Girard, ministre des Finances
390, boulevard Charest Est, 8e étage
Québec (Québec)  G1K 3H4

Chrystia Freeland, ministre des Finances
90, rue Elgin
Ottawa (Ontario)  K1A 0G5

Madame Freeland, Monsieur Girard, ministres des Finances,

La pandémie frappe le monde entier et il n’est pas possible de savoir quand le régime d’exception actuel prendra fin. Aussi, dans les circonstances, les assemblées annuelles des sociétés par actions, dont toutes les plus grandes, ont lieu virtuellement.

La tenue de pareilles assemblées virtuelles constitue une solution logique aux problèmes engendrés par la rigueur des consignes sanitaires de l’État. Cependant, les principes qui devraient encadrer ces assemblées ne sont pas respectés. Nous en témoignons. Calquer la pratique étasunienne ne suffit certes pas.

L’assemblée annuelle d’une société constitue le socle de sa légitimité quant à la délégation du contrôle de ses affaires aux administrateurs, par les actionnaires. Il en est ainsi depuis plusieurs centaines d’années. L’assemblée annuelle réunit les actionnaires. C’est leur assemblée à eux. Ceux-ci devraient pouvoir y prendre la parole verbalement, sur chaque point à l’ordre du jour. C’était du moins la pratique auparavant.

Les assemblées virtuelles devraient avoir pour objectif de reproduire, le plus fidèlement possible, l’ensemble des caractéristiques essentielles des véritables assemblées en personne, notamment le droit de parole verbal des actionnaires, en priorité.

Or, lors des assemblées virtuelles de cette année, de manière très générale, le droit de parole verbal a été refusé aux actionnaires. Nous le déplorons vivement.

Les Lois et les règlements devraient rendre ce droit de parole verbal explicite, comme il l’est dans la coutume, tel que confirmé dans la jurisprudence et repris par la doctrine. Le déni actuel de ce droit dans la pratique constitue un précédent inacceptable. Il faut agir.

Il s’agit là d’un seul problème parmi tous les autres qui doivent être réglés au sujet des assemblées virtuelles. C’est cependant le problème le plus important, à la source de plusieurs autres. Nous ne sommes pas seuls à penser cela. Par conséquent, nous vous invitons tous les deux à intervenir formellement pour régler la situation.

Nous demeurons bien évidemment disponibles pour discuter du détail de nos positions sur cette question (comme sur plusieurs autres), déjà communiquées à l’Autorité des marchés financiers (AMF), par ailleurs.

Prière d’agréer, Madame la ministre, Monsieur le ministre, notre considération cordiale.

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Nouveau stewardship code en Angleterre !

Le FRC vient de publier le nouveau Stewardship Code qui sera applicable dans quelques mois.

Extrait :

The UK Stewardship Code 2020 is a substantial and ambitious revision to the 2012 edition of the Code which takes effect from 1 January 2020.

The new Code sets high expectations of those investing money on behalf of UK savers and pensioners. In particular, the new Code establishes a clear benchmark for stewardship as the responsible allocation, management and oversight of capital to create long-term value for clients and beneficiaries leading to sustainable benefits for the economy, the environment and society.
 
There is a strong focus on the activities and outcomes of stewardship, not just policy statements. There are new expectations about how investment and stewardship is integrated, including environmental, social and governance (ESG) issues. The Code asks investors to explain how they have exercised stewardship across asset classes. For example, for listed equity, fixed income, private equity, infrastructure investments, and in investments outside the UK.

The Code consists of 12 Principles for asset managers and asset owners, and six Principles for service providers. These are supported by reporting expectations which indicate the information that should be publicly reported in order to become a signatory. 
 
Organisations wanting to become signatories to the Code will be required to produce an annual Stewardship Report explaining how they have applied the Code in the previous 12 months. The FRC will evaluate Reports against our assessment framework, and those that meet the reporting expectations will be listed as signatories to the Code. To be included in the first list of signatories, organisations must submit a final report to the FRC by 31 March 2021.

À la prochaine…

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ICGN: ‘Investors faced with regulatory schizophrenia on governance’

IPE Investment & Pensions Europe publie un article intéressant sur la position de l’ICGN sur le principe « une action=une voix » : « ICGN: ‘Investors faced with regulatory schizophrenia on governance' ». Même si l’on peut se douter que l’ICGN soit farouchement hostile à toute dérogation, la schizophrénie résultant de la situation actuelle est pertinente à mettre en lumière. Il est vrai que si on responsabilise de plus en plus les actionnaires, les dérogations trop fréquemment acceptées du principe « une action=une voix » mine les prérogatives des actionnaires.

 

High corporate governance standards and shareholders’ rights are under threat from a race to the bottom by regulators and stock exchanges, the executive director of the International Corporate Governance Network (ICGN) has argued.

In a comment on the organisation’s website, Kerrie Waring said the principle of ’one share, one vote’ was under attack. ICGN is an investor-led organisation seeking to promote effective standards of corporate governance and investor stewardship; several major pension investors, like France’s Fonds de réserve pour les retraites and Ontario Teachers’ Pension Plan, are represented on its board.

According to Waring, a growing number of companies were seeking to adopt multi-class share structures at the same time as stock exchanges and regulators were showing signs of being willing to accommodate companies with such share structures.

(…) It was ironic, said Waring, that the threat to shareholder rights was coming at the same time as politicians and regulators were putting pressure on investors to do more to monitor and engage with boards to safeguard the value of underlying investments and protect shareholders’ and stakeholders’ interests.

This was “regulatory schizophrenia of the worst kind”, she said.

 

À la prochaine…

Ivan Tchotourian

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Billet d’humeur sur Contact : les actionnaires sont-ils à blâmer ?

Bonjour à toutes et à tous, je viens de publier sur un de mes derniers billets publiés sur le blogue Contact de l’Université Laval : « Les actionnaires sont-ils diaboliques ». La saga de Bombardier venant de se terminer, une lecture de ce billet vous démontrera toute sa pertinence…

 

Si cette question peut surprendre et heurter, elle n’en demeure pas moins très actuelle. Beaucoup d’experts en gouvernance d’entreprise se déchirent en cherchant à confirmer ou à infirmer la thèse voulant que le court-termisme – que les entreprises sont accusées de propager – trouve sa source dans le comportement des actionnaires et la trop grande concentration des juristes sur leur situation. Vrai ou faux, le raccourci est souvent fait de considérer les actionnaires comme animés par un seul et unique objectif : s’assurer que l’entreprise dans laquelle ils ont investi génère toujours plus de bénéfices ! Le professeur de droit américain Stephen M. Bainbridge écrit dans un ouvrage consacré à la gouvernance d’entreprise que : « […] to the extent corporate governance contributed to the financial crisis, it did so because shareholders are already too strong, not because they were too weak » (S. M. Bainbridge, Corporate Governance after the Financial Crisis, New York, Oxford University Press, 2012, à la p. 253)

 

Alors, les actionnaires sont-ils si diaboliques ? Méritent-ils l’opprobre ? C’est sur interrogation que le présent billet se penche à travers 3 constatations :

  1. Les actionnaires sont (en réalité) multiples.
  2. Les actionnaires sont (qu’on le veuille ou non) indispensables.
  3. Les actionnaires sont (parfois) court-termistes.

 

Petit extrait pour les juristes :

 

 

Les juristes reconnaissent l’importance des actionnaires en sécurisant leur position et leur investissement. Les multiples scandales corporatifs survenus depuis le début des années 2000 ont rappelé la nécessité d’assurer une protection adéquate des actionnaires. Au bout du compte, c’est la confiance des investisseurs et des marchés qui est en jeu. À ce titre:

  • Le droit limite la responsabilité des actionnaires à ce qu’ils ont investi dans l’entreprise, et il importe de garder en mémoire que cette responsabilité ne joue que dans le cas où une entreprise serait dissoute et liquidée. Attention toutefois, ce n’est pas pour autant que les actionnaires sont irresponsables dès lors qu’ils commettent une fraude ou qu’ils se montrent négligents.
  • Le droit reconnaît aux actionnaires divers droits, tantôt fondamentaux (droit de voter, droit de participer au partage des dividendes et du reliquat de l’actif), tantôt moins fondamentaux mais non négligeables (droit à l’information, droit de participer à l’administration, droit dans des changements importants…). Même si le droit fixe des balises, ces droits peuvent être aménagés au gré de la volonté des fondateurs.
  • Le droit permet aux actionnaires de se comporter de manière égoïste. Dans la décision North-West Transportation Beatty, il a été reconnu que les devoirs d’une personne diffèrent selon qu’elle agit comme administrateur (elle doit alors agir de bonne foi et dans l’intérêt de la société) ou comme actionnaire (elle peut voter selon ses propres intérêts).
  • Le droit permet aux actionnaires de prendre le pouvoir dans l’entreprise. Ils s’attribuent alors le pouvoir de prendre certaines (ou toutes) décisions d’affaires. Les juristes reconnaîtront ici la convention unanime d’actionnaires que l’article 213 de la Loi sur les sociétés par actions (LSAQ) consacre et encadre.
  • Le droit octroie aux actionnaires des recours judiciaires (recours en oppression, recours en redressement en cas d’abus de pouvoir ou d’iniquité) les protégeant contre les comportements opportunistes des dirigeants, des administrateurs, voire des autres actionnaires (abus, détournement, fraude…) ou les autorisant à représenter une entreprise pour obtenir la réparation d’un préjudice subi par cette dernière. Ils assurent donc un contrôle de la gestion de l’entreprise et de ses fonds.

 

À la prochaine…

Ivan Tchotourian

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Différends entre actionnaires : en savoir plus

Bonjour à toutes et à tous, la Revue du Barreau canadien publie un bel article sur le thème riche des différends entre actionnaires sous la plume de Me Nadeau et Desalliers : « L’impasse (deadlock) en matière de différends entre actionnaires au Québec ». Une belle étude qui rejoint certains thèmes qui sont abordés dans le cours DRT-2006 Droit des sociétés par actions

 

Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site de la Revue du barreau canadien :  https://cbaapps.org/cba_barreview/Search.aspx?VolDate=12/01/2016

 

Les sociétés qui ont un petit nombre d’actionnaires font parfois face à des situations lors desquelles un différend risque de perturber, voire même d’interrompre le fonctionnement de la société. Ce scénario, connu en tant qu’« impasse », présente un défi particulier pour ces sociétés et pourrait nécessiter l’intervention des tribunaux. Cet article envisage les deux recours principaux permettant de résoudre l’impasse, soit la dissolution et le recours en redressement pour cause d’abus, et examine les critères utilisés par les tribunaux pour déterminer laquelle de ces mesures doit être appliquée. Il discute également des diverses ordonnances provisoires et définitives à la disposition des tribunaux.

 

À la prochaine…

Ivan Tchotourian

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Le mythe est tenace

C’est sous le titre d’« actionnaire propriétaire » que Gérard Bérubé publie une intéressante tribune dans Le Devoir de ce matin. Si cet article revient sur les propos tenus lors d’une conférence (et notamment de l’importance de reconnaître la place des actionnaires propriétaires, je ne peux que douter de cette assimilation faite entre les actionnaires et les propriétaires (entendons-nous, je me place sur le terrain juridique). Répétons-le : l’actionnaire n’est pas le propriétaire de l’entreprise, entreprise qui n’appartient à personne !

 

L’étiquette d’actionnaire touriste a été popularisée par Yvan Allaire, président exécutif du conseil d’administration de l’Institut sur la gouvernance (IGOPP). Gaétan Morin a plutôt évoqué lundi la notion d’actionnaire propriétaire. Mais tous deux font l’éloge d’un certain « capitalisme de propriétaires » et dénoncent la dictature de marchés obnubilés par les rendements de court terme ou imposant leur diktat de l’immédiat.

 

À la prochaine…

Ivan Tchotourian

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Nouvel ouvrage sur la responsabilité limitée : « Limited Liability: A Legal and Economic Analysis »

Stephen Bainbridge et Todd Henderson vont publier au mois de septembre 2016 leur dernier ouvrage portant sur la responsabilité limitée des actionnaires : « Limited Liability: A Legal and Economic Analysis ». Assurément un ouvrage à avoir dans une bibliothèque de droit des affaires !

 

The modern corporation has become central to our society. The key feature of the corporation that makes it such an attractive form of human collaboration is its limited liability. This book explores how allowing those who form the corporation to limit their downside risk and personal liability to only the amount they invest allows for more risks to be taken at a lower cost.This comprehensive economic analysis of the policy debate surrounding the laws governing limited liability examines limited it not only in an American context, but internationally, as the authors consider issues of limited liability in Britain, Europe and Asia. Stephen Bainbridge and M. Todd Henderson begin with an exploration of the history and theory of limited liability, delve into an extended analysis of corporate veil piercing and related doctrines, and conclude with thoughts on possible future reforms. Limited liability in unincorporated entities, reverse veil piercing and enterprise liability are also addressed. This comprehensive book will be of great interest to students and scholars of corporate law. The book will also be an invaluable resource for judges and practitioners.

 

À la prochaine…

Ivan Tchotourian