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État : le grand retour dans l’économie ?

Un peu ancienne, cette tribune de Jean Peyrelevade mérite à coup sûr dêtre lu : « L’inéluctable retour de l’Etat dans nos économies » (Les Échos.fr, 29 octobre 2019).

Extrait :

Une thèse se répand avec de plus en plus de force : les grandes entreprises capitalistes joueraient un rôle sans cesse accru dans le fonctionnement global de nos sociétés, au point de dépouiller les Etats d’une partie significative de leurs prérogatives.

Les Gafa américaines (Google, Amazon, Facebook, Apple) fournissent la contribution la plus sérieuse au caractère convaincant de cette théorie. Elles élaborent leurs propres lois de fonctionnement et donc, pour partie, leur propre droit, accumulent les données personnelles concernant chacun d’entre nous et en tirent profit en les vendant, échappent à la fiscalité en optimisant à l’échelle mondiale leurs implantations et leurs flux de facturations internes. Grâce au rendement croissant de leurs activités, elles exercent un effet de domination sur leurs marchés, rachètent systématiquement leurs concurrents potentiels ou, à défaut, s’efforcent de les faire disparaître. Enfin l’arrivée éventuelle du libra, la monnaie privée inventée par Mark Zuckerberg, constituerait, si elle voyait le jour, une atteinte directe à la souveraineté des Etats.

Cette menace est à coup sûr bien présente. Je ne crois pas, cependant, qu’elle puisse vraiment se concrétiser. Les Gafa chinois (Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi), sans avoir encore la puissance de leurs rivales américaines, s’en rapprochent de plus en plus. Or, loin de faire de l’ombre à l’Etat chinois, elles sont devenues un élément clef de sa stratégie. Rappelons au passage que la Chine représente environ 20 % de la population de la planète et 15 % des richesses produites chaque année dans le monde. L’Etat-parti y exerce un pouvoir total pour ne pas dire totalitaire et toutes les entreprises, quel que soit leur statut public ou privé, y sont au service d’une politique clairement nationaliste.

(…)

Evolution du capitalisme

Un mouvement plus doux est à l’oeuvre au sein du capitalisme traditionnel des pays occidentaux. Les entreprises, jusqu’ici soumises aux marchés financiers et aux désirs de rendement de leurs actionnaires, se détachent soudain, au moins en paroles, du modèle qui les gouvernait. Milton Friedman n’est plus à la mode, et l’entreprise doit désormais se préoccuper de l’intérêt général, sinon l’incarner. La loi Pacte, en France, les oblige depuis mai dernier à intégrer les enjeux sociaux et environnementaux dans leur objet social et les encourage à définir leur raison d’être, voire même leur mission, ce qui donne un parfum de transcendance à leur activité.

Ces belles prises de position seraient-elles le signe d’un recul des Etats, voire de leur impuissance ? Je n’y crois pas une seconde. Elles marquent plutôt la prise de conscience par les chefs des grandes entreprises que le capitalisme traditionnel, dont ils ont tiré grand profit, est critiqué de maintes parts. Toutes ces bonnes intentions sont en fait la marque d’une faiblesse reconnue, et non d’une prise de pouvoir sur la société. Leur lobby, pour demeurer efficace, doit devenir plus vertueux.

À la prochaine…

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Entreprises multinationales : et l’État dans tout cela ?

Belle question que se pose le journaliste de Le Monde Philipe Escande : « Les entreprises sont-elles au-dessus des Etats ? ».

 

Sam Zemurray était un homme ambitieux et insatiable. Emigré de Russie aux Etats-Unis à l’âge de 14 ans, sans instruction, ce petit épicier a construit sa fortune sur le commerce des bananes autour de la Nouvelle-Orléans.

En 1910, il achète des terres sur la côte nord du Honduras pour produire ses propres fruits. Mais le gouvernement ne lui est pas favorable et préfère son concurrent, qui a eu la générosité de construire des routes, des voies ferrées, des ports et des lignes téléphoniques.

Qu’à cela ne tienne, l’homme d’affaires recrute des mercenaires et provoque, en 1911, un coup d’Etat, installant à la tête du pays un nouveau président bien plus compréhensif.

Ballotté au gré des coups de force fomentés par les multinationales (avec le soutien implicite des Etats-Unis), mal géré par ces potentats éphémères, le Honduras, criblé de dette et contraint d’adopter le dollar comme monnaie, est finalement devenu, avec ses 500 000 habitants de l’époque, la propriété d’une seule société américaine dont Sam Zemurray finira par prendre le contrôle. La première « république bananière » est le symbole de la collusion entre un Etat faible et une multinationale sans scrupule.

Ces vingt dernières années, le cocktail explosif de la mondialisation, de la libéralisation financière et des nouvelles technologies a fait resurgir le spectre de la multinationale toute puissante.

 

Si l’impunité des grandes entreprises est dénoncée depuis de nombreuses années, j’ai eu l’occasion de m’exprimer sur le sujet dans un article du blogue Contact (« Haro sur l’irresponsabilité des entreprises ») et de démontrer que le droit est en train de réagir progressivement.

De même, avec deux étudiantes du baccalauréat (Romy et Valérie), j’ai eu l’occasion de publier un article intitulé : « Choc et Chevron : le début de la fin pour l’impunité des entreprises multinationales ? » dans la revue Regard critique – Justice internationale – Enjeux du XXIe siècle (Volume 11, no 1, avril 2016). à cette occasion, nous sommes revenus avec précision sur de belles décisions judiciaires ont été rendues au Canada sur le devoir de vigilance.

 

À la prochaine…

Ivan Tchotourian

autres publications Normes d'encadrement responsabilisation à l'échelle internationale

Corporate Social – Responsibility National Public Policies in the European Union – Compendium 2014

L’union européenne vient de publier un document de synthèse des initiatives réglementaires des États depuis 2011 dans le domaine de la RSE (ici).

This compendium is partly the result of seven peer reviews on corporate social responsibility (CSR) that took place in 2013 between EU Member State ministries. It provides an update on the actions taken by EU Member States since the publication of the 2011 Communication on CSR. Some of the most common approaches as well as good practices are highlighted in a series of thematic sections, relating to different parts of CSR policy. There is a substantial annex on initiatives taken Member State-by-Member State.

À la prochaine…

Ivan Tchotourian