normes de droit

Divulgation divulgation extra-financière Gouvernance Normes d'encadrement normes de droit

Reporting extra-financier, AMF et ESMA

En matière de reporting extra-financier, l’AMF encourage les sociétés cotées à mettre en oeuvre les recommandations de l’ESMA (ici). Le communiqué de presse du 8 novembre 2023 est clair :

Pour le reporting extra-financier, les superviseurs européens se sont accordés cette année sur trois grandes priorités de supervision communes :

  • priorité 1 : les informations à fournir en application de l’article 8 du règlement Taxonomie. L’ESMA rappelle que les sociétés doivent analyser l’alignement de leurs activités sur les différents objectifs de la taxonomie pour lesquels des critères d’examen sont définis et préciser, le cas échéant, comment le double comptage a été évité. Une analyse des plans de dépenses d’investissement (CapEx) liés au développement des activités durables est par ailleurs nécessaire pour rendre compte des efforts de transition des sociétés. L’ESMA insiste également sur l’utilisation fidèle des nouveaux modèles de tableaux de reporting et sur l’importance des informations contextuelles qui accompagnent les indicateurs clés de performance (ICP) en matière de taxonomie (transparence accrue sur la méthodologie d’analyse, sur les plans CapEx, sur les éléments de variations des indicateurs, etc.). Enfin, après un rappel des prochaines obligations de reporting taxonomie applicables à compter du 1er janvier 2024, l’ESMA encourage fortement les sociétés à se référer aux foires aux questions (FAQ) de la Commission européenne sur l’interprétation et la mise en œuvre des obligations Taxonomie.
  • priorité 2 : les enjeux liés à la publication d’objectifs relatifs au climat, et en particulier les objectifs de réduction de gaz à effet de serre (GES) et les objectifs soutenant les trajectoires de transition. Il est important pour l’ESMA que les émetteurs communiquent des objectifs climatiques assortis d’échéances, en précisant les conséquences attendues pour l’entreprise et son environnement et les liens avec d’autres objectifs publics ou fixés par l’entreprise (par exemple, le lien avec l’objectif de 1,5°C de réchauffement climatique planétaire pour les objectifs de réduction des GES). L’ESMA insiste également sur le lien avec la stratégie globale de l’entreprise, les actions plus spécifiques mises en place pour atteindre ces cibles et leur financement (par exemple, les leviers de décarbonation pour réduire les émissions de GES). L’ESMA appelle aussi à une transparence accrue sur la méthodologie et les hypothèses retenues pour fixer ces objectifs (par exemple, préciser les périmètres (scopes) d’émissions de GES couverts). Enfin, il est essentiel que les émetteurs décrivent les progrès accomplis dans la réalisation de ces objectifs et expliquent comment ces derniers sont suivis et revus.
  • priorité 3 : la publication des émissions de gaz à effet de serre indirectes de scope 3. Compte-tenu de l’importance de ce poste d’émissions chez certaines sociétés et de la prise en compte par les investisseurs de cette information dans leurs décisions en matière d’investissement durable, l’ESMA rappelle certains aspects importants en termes de transparence : l’appréciation du caractère complet du reporting des émissions de GES en cas d’absence du scope 3, le périmètre et la méthodologie de calcul des émissions de scope 3, la présentation des données brutes d’émissions de GES séparément des émissions séquestrées ou compensées le cas échéant. L’ESMA porte une attention particulière au libellé d’indicateur de scope 3 qui doit pouvoir refléter son caractère partiel en cas d’exclusions significatives par rapport à la méthodologie de reporting suivie.

A l’instar des années précédentes, l’AMF encourage les sociétés cotées établissant une déclaration de performance extra-financière et celles redevables d’un reporting taxonomie à appliquer ces recommandations.

L’ESMA a également souhaité sensibiliser les émetteurs sur la nécessité de se préparer à l’entrée en vigueur le 1er janvier 2024 de la directive sur le reporting de durabilité (Corparate sustainability reporting directive ou CSRD) sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises. L’ESMA indique la mise en place par l’EFRAG d’une plateforme dédiée aux questions techniques en vue de faciliter l’application des normes européennes d’information en matière de durabilité (« normes ESRS »).

À la prochaine…

engagement et activisme actionnarial Gouvernance normes de droit Responsabilité sociale des entreprises

TotalEnergies : une belle question juridique

Plusieurs actionnaires de TotalEnergies se sont retrouvés face à une situation inédite. Alors qu’ils ont demandé qu’une question soit inscrite à l’ordre du jour portant sur une résolution climatique, il y a eu un refus qui a été opposé pour une raison surprenante que nous vous laissons découvrir dans la lettre adressée à l’AMF France pour régler ce problème.

  • Lettre de Mn Services Vermogensbeheer B.V. : ici

Extrait

L’action de onze actionnaires de la société cotée TotalEnergies(«  TotalEnergies » ou la « Société »), dont nous détenons conjointement 0,78 pourcent du capital social de la Société, et avons dans ce cadre requis l’inscription à l’ordre du jour de l’assemblée générale annuelle de la Société, qui se tiendra le 25 mai 2022, un projet de résolution (la «  Résolution Climatique ») tendant à insérer un troisième alinéa à l’article 20 des statuts de la Société : DocuSign Envelope ID: 27DF341E-62E8-4A92-B3B6-7E2B9E0622DB « Le rapport de gestion contiendra, outre les informations sur la situation de la Société et son activité pendant l’exercice écoulé et les autres éléments requis par les dispositions des lois et règlements en vigueur, la stratégie de la Société telle que définie par le Conseil d’Administration pour aligner ses activités avec les objectifs de l’Accord de Paris, et notamment son article 2.1.a) : Contenir l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels et en poursuivant l’action menée pour limiter l’élévation de la température à 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels, en précisant un plan d’action avec des étapes intermédiaires pour (i) fixer des objectifs de réduction en valeur absolue, à court, moyen et long terme, des émissions directes ou indirectes de gaz à effet de serre (GES) des activités de la Société liées à la production, la transformation et l’achat de produits énergétiques (Scope 1 et 2), et à l’utilisation par les clients des produits vendus pour usage final (Scope 3) et (ii) les moyens mis en œuvre par la Société pour atteindre ces objectifs. »

Par un communiqué de presse en date du 27 avril 2022, curieusement intitulé « Le Conseil d’administration favorise le dialogue avec ses actionnaires en invitant les porteurs de projet de résolution à s’exprimer lors de l’Assemblée générale du 25 mai 20221 », le Conseil d’administration de TotalEnergies faisait part à ses Actionnaires de son refus de procéder à l’inscription de la Résolution Climatique à l’ordre du jour de leur prochaine Assemblée générale « pour des raisons juridiques », au motif que la Résolution Climatique « contrevient aux règles légales de répartition des compétences entre les organes de la Société » et conduit, « sous couvert d’une transparence de l’information à fournir dans le rapport de gestion », à « encadrer la stratégie » de la Société.

Plutôt que permettre le libre exercice de leur droit de vote, le Conseil d’administration invitait les actionnaires à poser leurs questions écrites ou orales lors de l’Assemblée générale.

L’affaire est maintenant portée devant l’Autorité des marchés financiers français : pourra-t-elle entendre la question ? A–t-elle compétence ? Dans le cas où elle rejetterait, y aura-t-il un recours administratif ouverts aux actionnaires ?

À la prochaine…

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Activisme actionnarial : l’AMF France prend position

Le 28 avril 2020, l’Autorité des marchés financiers a proposé des mesures ciblées pour améliorer la transparence vis-à-vis du marché et le dialogue entre les émetteurs et les actionnaires.

Pour en savoir plus : ici.

Extrait :

L’engagement actif des actionnaires dans la vie des sociétés cotées est une condition de leur bon fonctionnement et d’une saine gouvernance. A cet égard, l’AMF considère qu’il doit être encouragé. Pour le régulateur, la problématique n’est donc pas d’empêcher l’activisme mais d’en fixer les limites et de se donner la capacité à en maîtriser les excès.

En l’état de la réglementation, l’AMF considère qu’il n’est pas nécessaire de faire évoluer de manière importante le cadre juridique applicable.

Les propositions de l’AMF visent à :

  • améliorer l’information sur la montée au capital et la connaissance de l’actionnariat, en abaissant le premier seuil légal de déclaration et en rendant publiques les déclarations faites à la société sur le franchissement des seuils fixés dans ses statuts ;
  • assurer une meilleure information au marché sur l’exposition économique des investisseurs, en complétant les déclarations de positions courtes par une information sur les instruments de dette également détenus (obligations, credit defaults swaps par exemple). L’AMF soutiendra ces propositions au niveau européen ;
  • promouvoir un dialogue ouvert et loyal entre les sociétés cotées et leurs actionnaires : l’AMF complètera son guide sur l’information permanente et la gestion de l’information privilégiée afin d’y ajouter des développements sur le dialogue actionnarial. Elle complètera également sa doctrine afin de préciser que les émetteurs peuvent apporter toute information nécessaire au marché en réponse à des déclarations publiques les concernant, même en cours de périodes de silence, sous réserve du respect des règles sur les abus de marché. Elle recommandera, par ailleurs, à tout actionnaire qui initie une campagne publique de communiquer sans délai à l’émetteur concerné les informations importantes qu’il adresserait aux autres actionnaires ;
  • accroître les capacités d’analyse et de réaction de l’AMF afin de lui permettre d’apporter des réponses rapides et adaptées lorsque les circonstances l’exigent : via, par exemple, l’instauration d’un pouvoir d’astreinte en matière d’injonction administrative et d’une faculté d’ordonner à tout investisseur, et non plus seulement à un émetteur, de procéder à des publications rectificatives ou complémentaires en cas d’inexactitude ou d’omission dans ses déclarations publiques.

À la prochaine…

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Droit de vote : son importance rappelée

Le 3 mai 2020, l’AMF France vient de rappeler le droit fondamental des actionnaires d’exprimer leur vote en assemblée générale. Un rappel pertinent me semble-t-il !

Extrait :

En amont de la tenue d’assemblées générales, dont certaines peuvent donner lieu à de vives contestations, l’AMF rappelle le droit fondamental des actionnaires d’exprimer leur vote en assemblée générale, dont le caractère d’ordre public a été rappelé par la jurisprudence et qui doit s’exercer dans le respect du principe d’égalité des actionnaires.

Si un dialogue actionnarial, et notamment des échanges entre les dirigeants sociaux (ou leurs mandataires) d’un émetteur et des actionnaires, peut naturellement intervenir en amont d’une assemblée générale, de telles démarches ne sauraient se traduire par des pressions de nature à compromettre la sincérité du vote ou à entraver la libre expression du vote des actionnaires, ou intervenir en violation du règlement (UE) n° 596/2014 du 16 avril 2014 sur les abus de marché.

Il est rappelé qu’aux termes de l’article L. 242-9 du code de commerce, constituent un délit le fait d’empêcher un actionnaire de participer à une assemblée d’actionnaires ainsi que le fait de se faire accorder, garantir ou promettre des avantages pour voter dans un certain sens ou pour ne pas participer au vote, ainsi que le fait d’accorder, garantir ou promettre ces avantages. 

À la prochaine…

engagement et activisme actionnarial Gouvernance Normes d'encadrement normes de droit

Vote des actionnaires : l’AMF modifie les choses

Bonjour à toutes et à tous, l’AMF France vient de faire savoir par un communiqué de presse que sa doctrine en matière de vote des actionnaires en assemblées générales allait être modifié et qu’un groupe de travail allait être mis en place.

A l’issue d’une consultation des acteurs de la place, le Collège de l’AMF retient certaines propositions du rapport « Pour un vote transparent et effectif en assemblée générale à l’ère du numérique » de la commission consultative « Epargnants ». Dans ce cadre, l’AMF fait évoluer sa doctrine concernant les assemblées générales des sociétés cotées. Un groupe de travail est également mis en place afin d’approfondir la réflexion sur d’autres propositions de ce rapport.

Un rapport visant à améliorer le fonctionnement des assemblées générales

Publié en mars 2017, ce rapport comprend 31 propositions pour améliorer la réglementation et les pratiques de vote en assemblée générale des sociétés cotées. Il est le fruit de travaux et d’auditions d’un groupe de travail composé de membres issus de la commission consultative « Epargnants » de l’AMF. Comprenant des représentants d’associations d’épargnants et d’actionnaires individuels, des représentants d’associations de consommateurs ainsi que des experts sur les questions de défense ou d’information des épargnants (avocats, universitaires, journalistes…), cette commission consultative a pour fonction d’éclairer les décisions du Collège susceptibles d’avoir un impact sur la protection des intérêts des épargnants, en exprimant spécifiquement les vues des actionnaires individuels ou des investisseurs en produits d’épargne collective.

Les propositions retenues par le Collège de l’AMF

  • Des propositions pour accroître la transparence du vote en assemblée générale : le Collège a décidé, lors de sa séance du 18 juillet 2017, de reprendre à son compte plusieurs propositions de ce rapport et de les intégrer, sous forme de recommandations, à la doctrine de l’AMF. Ces propositions sont ajoutées, sous réserve d’ajustements mineurs, à la Recommandation DOC-2012-05 concernant les assemblées générales d’actionnaires de sociétés cotées.
  • Deux propositions dont la mise en œuvre implique des modifications législatives et réglementaires. Ces deux propositions visent à favoriser la possibilité pour les actionnaires de proposer des points et des projets de résolutions en assemblée générale. Il s’agit, d’une part, de la proposition n° 17.1 du rapport qui préconise de diviser par deux les seuils de détention requis pour inscrire des points et des projets de résolutions en assemblée générale. La mise en œuvre de cette proposition impliquerait un amendement de l’article R. 225-71 du code de commerce. Il s’agit, d’autre part, de la proposition n° 17.3 qui préconise d’aligner les seuils de détention requis de la part des associations d’actionnaires qui souhaitent déposer des projets de résolutions sur ceux, moins élevés, applicables aux actionnaires individuels. La mise en œuvre de cette proposition impliquerait un amendement de l’article L. 225-120 Il du code de commerce.

En revanche, le Collège a considéré que l’absence d’un consensus suffisant parmi les acteurs de la place ne lui permettait pas de reprendre à son compte plusieurs autres propositions du rapport ou de les approfondir utilement. Ces propositions contiennent notamment des recommandations relatives au vote à distance et aux plateformes de vote électronique.

La mise en place d’un groupe de travail pour approfondir la réflexion sur les autres propositions du rapport

Enfin, le Collège a décidé que certaines propositions justifiaient la poursuite des travaux, notamment dans la perspective de la transposition de la directive (UE) 2017/828 du Parlement européen et du Conseil du 17 mai 2017 modifiant la directive 2007/36/CE en vue de promouvoir l’engagement à long terme des actionnaires. Ces propositions concernent notamment le vote par correspondance, le vote par procuration ainsi que les votes rejetés.

A cet effet, le Collège a décidé la mise en place d’un groupe de travail restreint composé, à parité, de membres des commissions consultatives « Epargnants » et « Emetteurs » de l’AMF, ainsi que des représentants de la gestion d’actifs et des professionnels du titre. Co-présidé par les présidents de ces deux commissions, ce groupe de travail sera chargé d’approfondir les réflexions sur ces propositions et de soumettre au Collège des recommandations.

 

À la prochaine…

Ivan Tchotourian

engagement et activisme actionnarial Gouvernance normes de droit rémunération

Rapport de l’AMF France : Les régimes européen et français du « say on pay »

L’AMF France a publié en avril 2017 un étude comparative sur le say on pay : « Les régimes européen et français du « say on pay » ». Dans la suite de ce billet, je vous reprends le contenu de cette étude de l’AMF.

 

La rémunération des dirigeants de sociétés cotées a fait l’objet, en Europe, de vives contestations au cours de la dernière décennie. Au Royaume-Uni, les actionnaires de nombreuses sociétés ont ainsi exprimé leur opposition aux salaires élevés de dirigeants n’ayant pas su éviter des pertes considérables. En Allemagne, les actionnaires et investisseurs institutionnels ont critiqué de la même façon un système de rémunération considéré comme déficient . Des contestations similaires ont été constatées dans plusieurs Etats membres, dont la France et les Pays-Bas.

Le 9 décembre 2016, la Commission, le Conseil et le Parlement européen sont parvenus à un accord sur la révision de la directive 2007/36/CE, dite « Droits des actionnaires », instaurant un « say on pay » au niveau européen[1].

Le même jour était promulguée en France la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « Sapin 2 », instaurant notamment un droit de vote des actionnaires sur la rémunération des dirigeants des sociétés cotées. Ces deux textes, qui poursuivent des objectifs comparables, présentent des similitudes, mais aussi des différences notables.

Le régime européen du « say on pay »

La future directive Droits des actionnaires révisée accorde aux actionnaires un droit de vote sur la rémunération des dirigeants des sociétés cotées sur un marché réglementé.

Les dirigeants concernés sont les membres d’un organe d’administration, de direction ou de surveillance ainsi que, lorsqu’ils ne siègent pas au sein de ces organes, les directeur général et directeur général adjoint. La directive accorde aux Etats membres la possibilité de couvrir également toute personne exerçant des fonctions similaires à celles précitées.

La directive établit une distinction claire entre le droit de vote des actionnaires ex ante sur la politique de rémunération (article 9a) et celui ex post sur le rapport consacré à la rémunération (article 9b).

Le droit de vote des actionnaires ex ante sur la politique de rémunération

La directive impose aux sociétés cotées d’établir une politique de rémunération décrivant, notamment, les différentes composantes de rémunération fixe et variable, y compris toute prime ou avantage sous quelque forme que ce soit, qui peuvent être attribués aux dirigeants.

Cette politique de rémunération doit être soumise, avant sa mise en œuvre, à un vote de l’assemblée générale des actionnaires au moins tous les quatre ans et lors de tout changement important.

Le vote des actionnaires sur la politique est contraignant, les sociétés ne pouvant rémunérer leurs dirigeants que sur la base d’une politique approuvée par l’assemblée générale. En cas de vote négatif, la société ne peut mettre en œuvre la politique ainsi rejetée et doit rémunérer ses dirigeants conformément à la politique précédemment approuvée par les actionnaires. Dans l’hypothèse où la société ne disposerait pas d’une telle politique antérieurement approuvée, elle devrait alors rémunérer ses dirigeants sur la base de ses pratiques existantes. Dans les deux cas, la société est tenue de soumettre une politique révisée à l’approbation de la plus prochaine assemblée générale.

Les Etats membres peuvent toutefois prévoir que le vote des actionnaires est consultatif, les sociétés devant alors rémunérer leurs dirigeants sur la base d’une politique simplement soumise au vote de l’assemblée générale. Un vote négatif oblige la société à soumettre une politique révisée à un nouveau vote lors de l’assemblée générale suivante.

Enfin, quelle que soit la nature du vote, la directive permet aux États membres d’autoriser les sociétés à déroger provisoirement à la politique de rémunération, à la condition qu’elles indiquent les modalités procédurales de cette dérogation et les éléments sur auxquels elle s’applique. Cette exception n’est toutefois applicable qu’en cas de circonstances exceptionnelles, c’est-à-dire lorsqu’une telle dérogation est indispensable à la préservation des intérêts à long terme ou à la viabilité de la société.

Le droit de vote des actionnaires ex post sur le rapport consacré à la rémunération

Les sociétés cotées doivent établir un rapport consacré à la rémunération décrivant la rémunération, y compris tous les avantages sous quelque forme que ce soit, attribuée ou due au cours du dernier exercice à chacun des dirigeants.

Ce rapport détaille en particulier la rémunération de chacun des dirigeants ventilée par composantes, la part relative de la rémunération fixe et variable, et la manière dont les critères de performance ont été appliqués. Il présente également, de manière à permettre une comparaison sur cinq ans, l’évolution annuelle de la rémunération de chacun des dirigeants ainsi que l’évolution de la performance de la société et de la rémunération moyenne de ses salariés.

Le rapport consacré à la rémunération est soumis à l’assemblée générale des actionnaires chaque année.

Les actionnaires disposent d’un droit de vote, consultatif, sur le rapport relatif à l’exercice passé, la société devant décrire dans le prochain rapport la manière dont ce vote a été pris en compte.

Les Etats membres peuvent toutefois disposer que, dans les petites et moyennes entreprises au sens comptable[2], le rapport est soumis pour discussion à l’assemblée générale annuelle sans qu’il puisse faire l’objet d’un vote des actionnaires. La société est dans ce cas tenue de décrire dans le rapport suivant la façon dont cette discussion a été prise en compte.

La directive révisée entrera en vigueur le 20ème jour suivant celui de sa publication, prochaine, au Journal officiel de l’Union. Les Etats membres disposeront alors d’un délai de transposition de 24 mois.

La France a toutefois adopté, dès le 9 décembre dernier, son propre régime de « say on pay », globalement plus strict que celui de la directive.

Le régime français du « say on pay »

A l’instar de la directive « Droits des actionnaires » révisée, la loi « Sapin 2 » accorde aux actionnaires un droit de vote sur la rémunération des dirigeants des sociétés cotées sur un marché réglementé, dont l’application est échelonnée.

Sans reprendre expressément les termes utilisés par la directive, la loi établit elle aussi une distinction entre le droit de vote des actionnaires sur la politique de rémunération applicable dès les assemblées générales de 2017, et sur le rapport consacré à la rémunération qui entrera en vigueur en 2018[3].

Le droit de vote des actionnaires ex ante sur la politique de rémunération

Le code de commerce prévoit que le conseil d’administration ou de surveillance établit un rapport détaillant les éléments fixes, variables et exceptionnels composant la rémunération totale et les avantages de toute nature attribuables aux dirigeants en raison de leur mandat.

Les dirigeants concernés sont les président, directeurs généraux ou directeurs généraux délégués (au sein des sociétés à forme moniste) et les membres du directoire, directeur général unique et membres du conseil de surveillance (au sein des sociétés à forme dualiste). Le champ des dirigeants concernés apparaît ainsi plus restreint que celui de la directive, en ce qu’il ne vise pas expressément tous les membres du conseil d’administration.

Sans reprendre les termes généraux de « politique de rémunération » utilisés par la directive, le dispositif prévoit que « les principes et les critères de détermination, de répartition et d’attribution » de ces éléments de rémunération font l’objet d’une résolution soumise au moins chaque année à l’approbation de l’assemblée générale des actionnaires. Il précise que l’approbation de l’assemblée générale est requise pour toute modification de ces éléments de rémunération et à chaque renouvellement du mandat exercé par les dirigeants précités.

Contrairement à la directive, qui ouvre la voie à un vote consultatif, la loi « Sapin 2 » dispose que le vote des actionnaires sur la politique de rémunération est de nature contraignante. Le dispositif précise également les conséquences d’un vote négatif : si l’assemblée générale n’approuve pas la résolution qui lui est soumise, les principes et critères précédemment approuvés continuent de s’appliquer ; en l’absence de principes et critères approuvés, la rémunération est déterminée conformément à la rémunération attribuée au titre de l’exercice précédent ou, en l’absence d’une telle rémunération, conformément aux pratiques existant au sein de la société.

Le droit de vote des actionnaires ex post sur le rapport consacré à la rémunération

L’assemblée générale statue sur les éléments de rémunération précités (éléments fixes, variables et exceptionnels composant la rémunération totale et avantages de toute nature) versés ou attribués au titre de l’exercice antérieur à chacun des dirigeants. Le vote des actionnaires intervient donc chaque année, la rémunération de chacun des dirigeants faisant par ailleurs l’objet d’une résolution spécifique.

Les dirigeants concernés sont les mêmes que ceux précités, à l’exclusion toutefois des membres du conseil de surveillance.

Contrairement à la directive qui prévoit un vote consultatif et pour les PME une simple discussion en assemblée générale, la loi « Sapin 2 » impose un vote contraignant à toutes les sociétés. La loi précise ainsi les conséquences d’un vote négatif : en pareil cas, les éléments fixes de la rémunération ne sont pas remis en cause, mais les éléments de rémunération variables ou exceptionnels, attribués au titre de l’exercice écoulé, ne peuvent pas être versés tant que la rémunération globale du dirigeant concerné n’est pas approuvée par l’assemblée générale.

La future directive « Droits des actionnaires » révisée et la loi « Sapin 2 » se distinguent donc sur certains points. La loi française introduit un régime globalement plus strict que le futur dispositif européen[4], comprenant deux votes annuels contraignants de l’assemblée générale des actionnaires portant sur :

  • en amont de tout versement, les principes et les critères de détermination, de répartition et d’attribution de tous les éléments de rémunération des dirigeants ;
  • les éléments de rémunération et les avantages de toute nature versés ou attribués au titre de l’exercice antérieur à chaque dirigeant, le versement des éléments variables et exceptionnels étant suspendu en l’absence d’approbation.

Le Royaume-Uni n’exclut pas d’adopter un dispositif comparable au droit français. Le gouvernement britannique a ainsi initié en novembre 2016 une consultation publique sur un projet de réforme de la gouvernance d’entreprise proposant, entre autres possibilités, de soumettre annuellement tout ou partie de la rémunération attribuée aux dirigeants à un vote contraignant, et non plus consultatif comme c’est actuellement le cas[5], des actionnaires.


[1] Cet accord a été formellement ratifié par le Comité des représentants permanents de l’Union européenne le 13 décembre 2016 et par le Parlement européen le 16 mars 2017.

[2] Entreprises satisfaisant au moins à deux des critères suivants : moins de 250 salariés au cours de l’exercice, un total du bilan inférieur à 20 millions d’euros et un chiffre d’affaires net de moins de 40 millions d’euros.

[3] Ainsi, en 2017, les actionnaires s’exprimeront par un vote contraignant sur la politique de rémunération et, notamment pour les sociétés se référant au code AFEP-MEDEF, un vote consultatif sur les rémunérations octroyées.

[4] La directive révisée demeurant d’harmonisation minimale, la France est libre d’adopter et de mettre en œuvre un régime plus contraignant.

[5] Pour mémoire, le droit britannique actuel prévoit que la politique de rémunération est soumise tous les trois ans à un vote contraignant des actionnaires, la rémunération effectivement attribuée aux dirigeants n’étant soumise chaque année qu’à un vote consultatif.


À la prochaine…

Ivan

divulgation financière normes de droit responsabilisation à l'échelle internationale

Lutte contre l’optimisation fiscale agressive : le conseil constitutionnel censure le reporting public pays par pays

Proxinvest relaie cette information intéressante : « Lutte contre l’optimisation fiscale agressive : le conseil constitutionnel censure le reporting public pays par pays » (8 décembre 2016).

Le 8 décembre 2016, le Conseil Constitutionnel a décidé de censurer l’obligation faites aux multinationales de communiquer publiquement leurs données financières par pays qui avait été introduite par amendement parlementaire dans la Loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique dite Loi Sapin 2.

Le Conseil Constitutionnel a reconnu qu’ « En instituant l’article L. 225-102-4 du code de commerce, le législateur a entendu, par une mesure de transparence, éviter la délocalisation des bases taxables afin de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales. Il a ainsi poursuivi un objectif de valeur constitutionnelle ».

Comme le relève Proxinvest, entre des sociétés soucieuses de préserver leurs intérêts commerciaux et des investisseurs soucieux d’obtenir les moyens de contrôler l’optimisation fiscale agressive, le débat est ouvert et la question reste à régler…

 

À la prochaine…

Ivan Tchotourian