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La fiscalité des GAFA va-t-elle être repensée par l’UE ?

Alors que la fiscalité des GAFA soulève de nombreuses discussions (discussions qui montrent que la RSE est loin d’avoir intégrée un volet fiscalité !), voici une nouvelle qui se doit d’être relayée : « EU Commission pushes plan to tax internet companies » (euobserver, 3 janvier 2019).

 

The European Commission is pushing ahead with plans to end unanimity on tax, asking member states to respond before 17 January to a consultation on producing a plan of action in the first quarter of 2019, reports the Irish Times. EU countries have so far failed to agree on a joint digital sales tax on multinational internet giants, as individual states plan national taxes on such companies.

 

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Ivan

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Avis 51-354 du personnel des ACVM « Rapport relatif au projet concernant l’information fournie sur le changement climatique »

Au Canada, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ci-après « ACVM ») ont lancé un projet d’examen de l’information fournie sur les risques et les répercussions financières associés au changement climatique pour les émetteurs le 21 mars 2017. Ce projet a porté sur les occasions et les risques liés au changement climatique ayant une incidence sur l’émetteur et sur ses activités, et non sur l’effet qu’un émetteur a, ou peut avoir, sur le changement climatique. Les objectifs du projet d’examen étaient les suivants :

  • évaluer si la législation en valeurs mobilières au Canada et les indications actuelles sont suffisantes pour permettre aux émetteurs de déterminer l’information à fournir sur le changement climatique.
  • mieux comprendre l’information sur le changement climatique dont les investisseurs ont besoin pour prendre des décisions d’investissement et de vote éclairées.
  • vérifier si l’information fournie par les émetteurs est appropriée ou non à cet égard.

Or, près d’une année plus tard, les ACVM publient le résultat du projet au travers de l’Avis 51-354 du personnel des ACVM « Rapport relatif au projet concernant l’information fournie sur le changement climatique » (ACVM, Avis 51-354 du personnel – Rapport relatif au projet concernant l’information fournie sur le changement climatique, 5 avril 2018).

L’Avis 51-354 des ACVM reprend les enseignements de 2010 en soulignant que la législation en valeurs mobilières actuelle au Canada oblige les émetteurs déposant des documents en vertu de la réglementation à y fournir certains éléments d’information sur le changement climatique si ceux-ci répondent au critère de l’importance relative[1]. Des obligations d’information relatives aux questions environnementales sont donc prévues par les principaux règlements régissant l’information continue, notamment le Règlement 51-102 sur les obligations d’information continue[2], le Règlement 58-101 sur l’information concernant les pratiques en matière de gouvernance, le Règlement 52-110 sur le comité d’audit et le Règlement 52-109 sur l’attestation de l’information présentée dans les documents annuels et intermédiaires des émetteurs. En outre, l’Instruction générale 58-201 relative à la gouvernance énonce des indications sur les pratiques en matière de gouvernance[3]. Au Canada, « […] securities commissions require publicly traded companies to disclose environmental information as part of their continuous disclosure requirements »[4].

Pour l’essentiel, les obligations d’information des entreprises portent sur les risques en matière de changement climatique et sur la manière dont les entreprises gèrent les risques importants (publication des politiques environnementales essentielles aux activités des entreprises et texte du mandat de son conseil d’administration ou description de la façon dont le conseil définit son rôle et ses responsabilités, description des fonctions et des comités permanents du conseil et du texte des règles du comité d’audit). Afin de soutenir le processus d’examen, d’approbation et d’attestation, l’entreprise doit appliquer des contrôles et procédures adéquats pour présenter l’information importante, y compris celle se rapportant au changement climatique. Pour autant, la réglementation en place (qui relève de la législation en valeurs mobilières) s’avère peu visible, car intégré sous le parapluie de la divulgation environnementale[5]. L’Avis du personnel 51-354 envisage en conséquence la mise en place de nouvelles obligations d’information (en plus de l’élaboration d’indications et de mesures de sensibilisation concernant les risques d’entreprise et les occasions d’affaires ainsi que les répercussions financières possibles du changement climatique) dans les domaines suivants : l’information sur les processus de gouvernance des entreprises en ce qui concerne les risques et occasions importants, notamment la responsabilité du conseil d’administration en matière de surveillance et le rôle de la direction; et l’information sur la façon dont l’émetteur surveille la détermination, l’appréciation et la gestion des risques importants.

 

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[1] Shawn H.T. Denstedt and Scott R. Miller, « Due Diligence in Disclosing Environmental Information for Securities Transactions », (1995), 33 Alta. L. Rev. 231 à la p. 240 (« Notwithstanding the lack of specificity in Canada, it is clear, in the authors’ view, that environmental issues fall under those items often referred to in securities legislation as ‘Other Material Facts’ »).

[2] Articles 1.2, 1.4 g), 1.6 de l’Annexe 51-102A1 « Rapport de gestion » et articles 5.1 paragraphe 4, 5.1 paragraphe 1 k), 5.1 paragraphe 4 et 5.2 de l’Annexe 51-102A2 « Notice annuelle ».

[3] Article 3.4 de l’Instruction générale 58-201.

[4] Mohamed Chelli, Sylvain Durocher et Anne Fortin, « Normativity in Environmental Reporting: A comparaison of Three Regimes », Journal of Business Ethics, 2018, Vol. 149, p. 285, à la p 291.

[5] TCFD Recommendations : Country Reviews, Canada, 13 juin 2017, en ligne : https://www.unpri.org/policy-and-regulation/tcfd-recommendations-country-reviews–canada/280.article

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Proposition actionnariale en matière de RSE : quand cela n’intéresse pas la direction…

Diane Bérard propose un billet de blogue bien intéressant sur une proposition actionnariale faite auprès de Couche Tard visant le reporting extra-financier : « Couche-Tard refuse qu’on lui impose sa responsabilté sociale » (Les affaires, 30 août 2018). Une belle réflexion sur la RSE et le mécanisme des propositions…

 

Extrait :

Le 20 septembre prochain, deux actionnaires de longue date de Couche-Tard, Bâtirente, le gestionnaire de fonds de retraite de la CSN, et PGGM, un gestionnaire de fonds de retraite néerlandais, présenteront une proposition conjointe lors de l’assemblée annuelle de l’entreprise.

Cette proposition concerne la reddition de comptes sur les enjeux sociaux, environnementaux et de gouvernance (ESG). Les actionnaires souhaitent une meilleure communication, davantage de transparence et des indicateurs extra-financiers reconnus par des organisations internationales. Ils citent le Taskforce on Climate-related disclosure.

(…) Dans la circulaire de sollicitation de procuration, l’entreprise réaffirme «son sens éthique, sa transparence et ses bonnes pratiques en matière de gouvernance».

Elle affirme aussi se conformer aux lois et règlements environnementaux dans les pays où elle exerce des activités. Et travailler à réduire son empreinte environnementale et améliorer son rendement en matière de durabilité.

En matière de responsabilité sociale (RSE), l’entreprise «évalue différentes options et communiquera lorsqu’elle aura déterminé l’approche qui lui convient le mieux.» Elle ajoute qu’elle traitera cette demande comme tout autre projet, soit en fonction du rendement sur le capital investit.

Ce qui étonne toutefois, c’est la faiblesse des arguments qui constituent l’explication du refus de la proposition de Bâtirente et de PGGM.

 

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Les compagnies à contribution communautaire : une synthèse par Me Guénette

Dans le numéro d’avril 2018 de TÉLÉMARQUE (volume 23, numéro 4), Me Marc Guénette propose une synthèse fort utile de la compagnie à contribution communautaire de la Colombie-Britannique (ici).

 

Ces entreprises existent depuis peu et ont vu le jour en Colombie-Britannique. Elles sont inexistantes au Québec.

Les compagnies à contribution communautaire ont en commun l’adoption d’un modèle d’entreprise commerciale favorisant le changement social et non l’atteinte du profit à tout prix. Pour compenser ce rendement pécuniaire « moindre » pour les investisseurs et pour maintenir leur intérêt, les autorités gouvernementales ont adopté des mesures réglementaires pour appuyer ces sociétés dans l’atteinte de leurs buts visant la collectivité.

Voici un très court aperçu des dispositions pertinentes de la loi de la Colombie-Britannique sur les CCC :

  • Une contribution communautaire est définie comme une contribution qui est bénéfique à la société en général ou à un groupe de personnes qui est supérieur au nombre de personnes liées à la CCC tel que défini dans la loi et inclut des fins liées à la santé, la société, l’environnement, la culture, l’éducation et autres services semblables.
  • Une société est une CCC si dans ses statuts, elle inscrit le libellé suivant
    • « Cette société est une compagnie à contribution communautaire et à cet effet a des fins bénéfiques pour la société. Cette société est restreinte par la loi dans sa capacité à payer des dividendes et à partager le reliquat de ses biens lors de sa dissolution. »

Le montant du dividende qu’elle peut verser ne peut dépasser 40 % des profits réalisés durant son année financière. Elle ne peut vendre ses actifs ou transférer des sommes d’argent sauf si cela se fait à la juste valeur marchande, à une entité qualifiée telle que définie dans la loi et celle-ci doit poursuivre les fins de la CCC qui a procédé audit transfert. Elle est également assujettie à certaines restrictions quant aux rachats d’actions.

 

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Ivan Tchotourian

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Un an après : retour sur les premiers plan de vigilance

Bonjour à toutes et à tous, l’association Entreprises pour les droits de l’Homme (EDH) et B&L Evolution ont publié, au mois d’avril, la première étude sur les plans de vigilance des groupes français, afin d‘analyser la manière dont ils ont répondu à cette nouvelle obligation, les pratiques des entreprises pour ce premier exercice, et tirer des recommandations pour les années à venir.

 

 

Extrait :

 

Comment hiérarchiser et améliorer la pertinence des informations extra-financières face à la multitude d’obligations de reporting, issues de la soft ou de la hard law ?

SB : La démarche d’engagement des entreprises doit être globale et transverse, en particulier sur des sujets comme la protection des données, la corruption et les plans de vigilance. Dès lors, les différents reporting doivent être cohérents, d’autant qu’il y a une forme de continuité dans toutes les obligations. Le véritable enjeu repose sur l’appropriation du compte-rendu du plan de vigilance par les parties prenantes. Les entreprises qui construisent un plan de vigilance cohérent et efficace intègrent les parties prenantes en amont de la réalisation de leur plan. Ce dernier doit démontrer les impacts réels et positifs de la mise en œuvre du plan sur le terrain. Cette notion d’impact est nouvelle.

CM : L’enjeu de communication envers les différentes parties prenantes est effectivement majeur pour les entreprises. Le document de référence n’est pas nécessairement le meilleur moyen pour rendre l’information accessible et répondre aux besoins spécifiques de chaque interlocuteur de l’entreprise. Nous travaillons aussi avec l’Observatoire de la Responsabilité Sociétale des Entreprises (ORSE) sur un guide de reporting en matière de droits humains afin que les entreprises puissent mieux suivre leurs démarches en interne et rendre compte de leurs avancées auprès de leurs parties prenantes.

Nous avons noté dans les plans, de la transparence de la part des entreprises quant aux avancées et à leur contenu. La maturité des démarches est différente selon les entreprises, certaines sont déjà engagées depuis plusieurs années dans des démarches droits humains, ce qui se reflète dans la manière dont elles ont rendu compte de leur plan. Par exemple, on retrouve souvent des enjeux globaux, mais certaines entreprises vont déjà un peu plus loin en les détaillant en fonction de leurs métiers.

 

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Ivan Tchotourian

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RSE et fiscalité : le temps du courage !

Bonjour à toutes et à tous, mon dernier billet du blogue Contact vient de paraître : « Quand les impôts volent la vedette – 1re partie » (31 mai 2018). J’y aborde la délicate question de : comment faire de la RSE en matière de fiscalité ?

 

Petit extrait :

Réduction maximale de la charge fiscale: légitimité et illégitimité
Cela dit, jusqu’à quel point la loi permet-elle d’user de la fiscalité à son propre avantage? Par le passé, les tribunaux canadiens ont reconnu le droit pour tout contribuable d’organiser ses affaires de façon à réduire au maximum ses impôts payables. La Cour suprême du Canada a précisé ce principe dans l’arrêt Stubart Investments Ltd. c. La Reine.

Ainsi, les contribuables peuvent recourir à des stratégies complexes leur permettant de diminuer l’impôt payable à la condition qu’ils respectent les dispositions de la loi. Les tribunaux ne peuvent les en empêcher pour le seul motif d’une iniquité vis-à-vis de ceux qui n’auraient pas opté pour cette solution.

Quand ces préceptes sont utilisés dans les règles, on parle de planification fiscale. La planification fiscale est une pratique a priori légitime et admise en droit fiscal canadien. Ses mesures et ses arrangements, qui permettent de réduire les impôts, sont fondés sur le libellé précis de la réglementation fiscale.

La situation devient plus inconfortable en cas d’évitement fiscal. L’évitement fiscal est un moyen de bénéficier de services publics sans en payer le prix sous forme d’impôt. Tout comme la planification, l’évitement fiscal est issu de pratiques qui ont un objectif simple (réduire les impôts) à partir d’une même base (le libellé précis d’une réglementation fiscale).Mais, bien que conformes au libellé des lois fiscales (légales), ces pratiques peuvent aller à l’encontre de l’objectif et de l’esprit de ces lois, ce qui les rend immorales. Poussé à l’extrême, l’exercice d’évitement devient de l’évitement fiscal abusif. Enfin, en dépit d’une certaine similitude des termes, l’évitement fiscal doit être distingué de l’évasion fiscale,une fraude qui fait référence à l’acte illégal d’omettre de déclarer des revenus tirés d’activités ou de placements secrets à l’étranger.

Considérant tout cela, repenser les fondements de la fiscalité pour l’amener vers des bases plus responsables paraît inévitable.

 

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Ivan Tchotourian

judiciarisation de la RSE Normes d'encadrement normes de droit responsabilisation à l'échelle internationale

Entreprises, RSE et forum non conveniens : discutons judiciarisation !

Les règles de procédures ne devraient-elles pas être amendées pour faciliter la judiciarisation de la RSE ? C’est autour de cette question que mon dernier billet de blogue chez Contact vient d’être publié : « Grandes entreprises et droits de l’homme – 1re partie ».

Petit extrait :

 

Dans la discussion sur la judiciarisation du comportement des grandes entreprises, les règles de procédure ne doivent (surtout) pas être oubliées. Le principe d’accès à des voies de recours judiciaires (mais aussi non judiciaires) pour les victimes d’atteintes aux droits de l’Homme fait clairement partie des normes de RSE. À l’heure actuelle, demeurent pourtant des obstacles de procédure auxquels se heurtent les victimes. La doctrine du forum non conveniens est l’un d’eux.

Dès lors que des dommages causés à l’étranger à une victime (comme une violation des droits de l’Homme) impliquent une entreprise multinationale, les cours canadiennes et québécoises peuvent être compétentes et saisies dans le but que les victimes obtiennent une indemnisation sur le plan civil. En pratique pourtant, la doctrine du forum non conveniens s’avère problématique. Elle offre aux juges (à la base, parfaitement compétents) la possibilité de se dessaisir d’un litige si, selon eux, il existe une autre cour mieux à même de rendre la justice.

(…) Cette doctrine fragilise ainsi la situation de demandeurs-victimes qui sont souvent déjà dans une position de vulnérabilité (financière ou économique) par rapport au défendeur-auteur supposé (la grande entreprise). Comme le démontrent des affaires portées devant les juges québécois, de nombreux recours judiciaires ont été renvoyés devant les cours des pays hôtes où la justice n’a finalement pas été rendue. Les victimes n’ont souvent pas accès à la justice dans ces pays. Moins de 4 % des affaires renvoyées seraient reconduites devant les cours locales, où la décision qui y est rendue n’est d’ailleurs pas toujours juste et équitable. De plus, le peu de jugements rendus est rarement exécuté. Au travers de l’application de la doctrine du forum non conveniens, c’est donc l’accès des victimes à la justice qui est remis en cause. La doctrine du forum non conveniens ne constitue-t-elle pas alors un obstacle à la RSE ? Ne renforce-t-elle pas l’impunité si décriée des grandes entreprises ?

 

 

À la prochaine…

Ivan Tchotourian