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Gouvernance mission et composition du conseil d'administration

Encore le CA : celui des sociétés de gestion

Intéressant article dans Le Temps qui met en lumière l’importance des conseil d’administration des sociétés de gestion… rôle d’autant plus important rappelons-le que ces sociétés gèrent l’argente des autres ! « Une bonne gouvernance d’entreprise commence par un conseil d’administration efficace » (Le Temps, 10 septembre 2018).

 

La composition du conseil d’administration d’une entreprise est cruciale pour sa gouvernance. Dans le contexte du développement et de la mondialisation du secteur de la gestion, les investisseurs se tournent de plus en plus vers les gestionnaires d’actifs pour assumer la responsabilité de veiller sur leurs titres et promouvoir les principes d’une gouvernance d’entreprise axée sur la valeur à long terme des investissements.

(…) Ces gestionnaires attachent une importance croissante à l’identification des meilleures pratiques pour des entreprises bien gérées. L’attention et les ressources que les grands investisseurs accordent à la composition des conseils illustrent bien le rôle phare que cette dernière joue à cet égard.

(…) Pour tout investisseur à long terme, il est essentiel que chacun des administrateurs d’une société en portefeuille soit le plus à même de gérer des sujets aussi complexes que la définition de la stratégie, la supervision du risque et la rémunération des dirigeants. Les résultats d’investissements proposés aux actionnaires s’en trouvent améliorés à long terme, ainsi que la prise en compte des intérêts des autres parties prenantes de l’entreprise comme ses salariés ou sa communauté.

 

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Gouvernance mission et composition du conseil d'administration

PDG en détresse, conseil d’administration en renfort

Sophie-Emmanuelle Chebin et Joanne Desjardins proposent un billet de blogue intéressant sur le site de Les affaires : « PDG en détresse, conseil d’administration en renfort ». Les auteurs soulignent l’utilité du conseil d’administration et tout le soutien qu’il peut apporter à l’équipe de direction.

 

La pudeur et des tabous persistants semblent empêcher les administrateurs d’aborder le sujet délicat de la santé mentale des dirigeants dans la salle du conseil. Historiquement, les administrateurs n’osent pas s’immiscer dans la vie privée des hauts dirigeants, où la norme en la matière est «ne rien demander, ne rien dire». Déjà, ils sont réticents à questionner et à révéler certains détails entourant la santé physique des grands patrons. Pensons à l’état de santé de Steve Jobs (Apple), de Hunter Harrison (CSX), et plus récemment celui de Sergio Marchionne (Fiat Chrysler). Or, la réticence apparaît encore plus marquée lorsqu’il s’agit de santé mentale, un sujet encore stigmatisé dans notre société.

Pourtant, au cours des derniers mois, notre parcours de consultantes a croisé celui de PDG québécois craquant sous la pression. Leur état mental a eu des répercussions majeures et durables sur les entreprises qu’ils dirigent. Stress et problèmes de dépendance conduisant au congédiement du PDG, explosions de colère et irritabilité entraînant la démission en bloc du comité de direction, éclatement de la cellule familiale menant à une perte de focus et d’intérêt du PDG envers l’entreprise. Les dommages collatéraux de dirigeants touchés par la maladie mentale sont importants : démobilisation, départs, maladies, harcèlements psychologiques, atteinte à la réputation de l’entreprise, pour ne nommer que ceux-là.

Une économie prospère requiert des entreprises ET des entrepreneurs en santé. Dans ce contexte, il devient impératif de reconnaître le stress subi par les entrepreneurs et son impact sur la santé mentale. Il faut entretenir un échange ouvert et constant à ce sujet entre les entrepreneurs et les administrateurs.

 

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Gouvernance mission et composition du conseil d'administration Nouvelles diverses

A quoi ressembleront les conseils d’administration de demain ?

En voilà une belle question !  Liri Andersson et Ludo Van der Heyden reviennent sur le CA de demain dans cet article bien intéressant (« A quoi ressembleront les conseils d’administration de demain ? », Harvard Business Review, 28 août 2017) :

 

L’époque va amener une nouvelle génération de conseils d’administration, fondés sur d’autres pratiques. Finis les sièges attribués en fonction du prestige ou de la rémunération. Adieu les administrateurs coupés du terrain, agissant en francs-tireurs. Plus question pour le conseil de se contenter du ronronnement de quelques réunions trimestrielles, de proposer une évaluation et une rémunération proportionnelles au temps passé à exercer la fonction. Enfin, en cas de turbulences ou de restructurations, finie la sécurité d’emploi réservée aux seuls membres du conseil

 

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Ivan Tchotourian

Gouvernance mission et composition du conseil d'administration normes de droit

Démissionner en bloc pour un CA : oui, mais…

Le 4 avril 2018, M. Yvan Allaire a offert une très belle analyse de la démission en bloc au sein d’un CA en s’appuyant sur l’affaire de la société d’État Hydro Manitoba : « Démission en bloc des administrateurs: pourquoi et à quoi cela sert-il ? » (Les affaires, 4 avril 2018).

Quelle est sa conclusion de ce genre de réaction ?

 

Qu’elles soient publiques ou privées, les organisations dont un actionnaire détient la majorité (ou l’entièreté) des votes soulèvent des enjeux de gouvernance qui leur sont propres. Pour ce type d’organisation, le seul et ultime moyen pour le conseil d’exercer une certaine influence en cas de conflit avec l’«actionnaire», consiste en la menace de démission en bloc et le cas échéant, d’une démission en bloc bien médiatisée, expliquée et motivée. Évidemment, c’est une arme que l’on doit manipuler avec précaution; son utilisation demande un certain courage, une certaine abnégation, certes des qualités dont l’absence est plus notable que la présence.

Toute personne qui accepte de siéger au conseil d’une société avec actionnaire de contrôle, qu’elle soit privée ou publique, doit bien assimiler ce fait et les limites que cela impose aux pouvoirs du conseil. Le candidat à un poste au sein d’un tel conseil doit être prêt à offrir sa démission, seul ou avec d’autres, lorsque l’«actionnaire de contrôle» veut prendre des décisions ou des orientations qu’il estimerait ne pas être conformes aux intérêts à long terme de la société.

 

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Ivan Tchotourian

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Un projet de loi américain ambitieux : S.3348 – Accountable Capitalism Act

Bonjour à toutes et à tous, la sénatrice Élisabeth Warren vient d’introduire un projet de loi très ambitieux (!) : le S.3348 – Accountable Capitalism Act.

 

Plusieurs points saillants ressortent de ce projet :

  • La création d’un Office of United States Corporations.
  • La possibilité de s’enregistrer auprès de cet organisme fédéral (alors que jusqu’à maintenant, rappelons-le, l’enregistrement se faisait auprès des États et notamment celui du Delaware).
  • Les salariés représenteraient 40 % du CA.
  • L’entreprise devrait poursuivre une mission sociétale.
  • La redéfintion des devoirs des administrateurs et hauts-dirigeants.

 


Extrait du projet de loi

 

SEC. 5. Responsibilities of United States corporations.

(a) Definitions.—In this section:

(1) GENERAL PUBLIC BENEFIT.—The term “general public benefit” means a material positive impact on society resulting from the business and operations of a United States corporation, when taken as a whole. (…)

(1) IN GENERAL.—The charter of a large entity that is filed with the Office shall state that the entity is a United States corporation.

 

(2) CORPORATE PURPOSES.—A United States corporation shall have the purpose of creating a general public benefit, which shall be—

(A) identified in the charter of the United States corporation; and

(B) in addition to the purpose of the United States corporation under the articles of incorporation in the State in which the United States corporation is incorporated, if applicable.

(c) Standard of conduct for directors and officers.—

 

(c) Standard of conduct for directors and officers.—

(1) CONSIDERATION OF INTERESTS.—In discharging the duties of their respective positions, and in considering the best interests of a United States corporation, the board of directors, committees of the board of directors, and individual directors of a United States corporation—

 

(A) shall manage or direct the business and affairs of the United States corporation in a manner that—

(i) seeks to create a general public benefit; and

(ii) balances the pecuniary interests of the shareholders of the United States corporation with the best interests of persons that are materially affected by the conduct of the United States corporation; and

 

(B) in carrying out subparagraph (A)—

(i) shall consider the effects of any action or inaction on—

(I) the shareholders of the United States corporation;

(II) the employees and workforce of—

(aa) the United States corporation;

(bb) the subsidiaries of the United States corporation; and

(cc) the suppliers of the United States corporation;

(III) the interests of customers and subsidiaries of the United States corporation as beneficiaries of the general public benefit purpose of the United States corporation;

(IV) community and societal factors, including those of each community in which offices or facilities of the United States corporation, subsidiaries of the United States corporation, or suppliers of the United States corporation are located;

(V) the local and global environment;

(VI) the short-term and long-term interests of the United States corporation, including—

(aa) benefits that may accrue to the United States corporation from the long-term plans of the United States corporation; and

(bb) the possibility that those interests may be best served by the continued independence of the United States corporation; and

(VII) the ability of the United States corporation to accomplish the general public benefit purpose of the United States corporation;

(ii) may consider—

(I) other pertinent factors; or

(II) the interests of any other group that are identified in the articles of incorporation in the State in which the United States corporation is incorporated, if applicable; and

(iii) shall not be required to give priority to a particular interest or factor described in clause (i) or (ii) over any other interest or factor.

(2) STANDARD OF CONDUCT FOR OFFICERS.—Each officer of a United States corporation shall balance and consider the interests and factors described in paragraph (1)(B)(i) in the manner described in paragraph (1)(B)(iii) if—

(A) the officer has discretion to act with respect to a matter; and

(B) it reasonably appears to the officer that the matter may have a material effect on the creation by the United States corporation of a general public benefit identified in the charter of the United States corporation.

 

(3) EXONERATION FROM PERSONAL LIABILITY.—Except as provided in the charter of a United States corporation, neither a director nor an officer of a United States corporation may be held personally liable for monetary damages for—

(A) any action or inaction in the course of performing the duties of a director under paragraph (1) or an officer under paragraph (2), as applicable, if the director or officer was not interested with respect to the action or inaction; or

(B) the failure of the United States corporation to pursue or create a general public benefit. (…)

 

(d) Right of action.—

(1) LIMITATION ON LIABILITY OF CORPORATION.—A United States corporation shall not be liable for monetary damages under this section for any failure of the United States corporation to pursue or create a general public benefit.


 

À la prochaine…

Ivan Tchotourian

Gouvernance mission et composition du conseil d'administration Nouvelles diverses

Nos étudiants publient : « Le temps d’intégrer les salariés dans les CA » Retour sur un texte de Crete et Roger (billet de Mmes Okou, Wansi et Chemie Njiah)

Le séminaire à la maîtrise de Gouvernance de l’entreprise (DRT-7022) dispensé à la Faculté de droit de l’Université Laval entend apporter aux étudiants une réflexion originale sur les liens entre la sphère économico-juridique, la gouvernance des entreprises et les enjeux sociétaux actuels. Le séminaire s’interroge sur le contenu des normes de gouvernance et leur pertinence dans un contexte de profonds questionnements des modèles économique et financier. Dans le cadre de ce séminaire, il est proposé aux étudiants depuis l’hiver 2014 d’avoir une expérience originale de publication de leurs travaux de recherche qui ont porté sur des sujets d’actualité de gouvernance d’entreprise. C’est dans cette optique que s’inscrit cette publication qui utilise un format original de diffusion : le billet de blogue. Cette publication numérique entend contribuer au partager des connaissances à une large échelle (provinciale, fédérale et internationale). Le présent billet est une fiche de lecture réalisée par Mmes Achau Marie Priscille Okou, Dechua Joane Margaret Wansi et Ornella Chemie Njiah. Ces dernières analysent et mettent en perspective l’article de Christophe CRETE et Baudouin ROGER intitulé « Il faut renforcer la place des salariés au conseil d’administration » (Le Monde, 16 juin 2016). Je vous en souhaite bonne lecture et suis certain que vous prendrez autant de plaisir à le lire que j’ai pu en prendre à le corriger.

Ivan Tchotourian

 

Mise en œuvre en Europe depuis maintenant plus de soixante-dix ans, la codétermination ou cogestion représente un bon exemple de l’application de la théorie des parties prenantes. L’exemple de l’Allemagne, où ce modèle de gouvernance est le plus abouti, inspire d’autres pays dont la France. Serait-ce une solution idoine pour une gouvernance réussie ?

 

L’intégration des salariés au CA : la perspective d’une gouvernance réussie

L’idée d’une participation active des employés au sein du CA n’est absolument pas nouvelle. Considéré comme l’apanage de l’Europe, le modèle de gouvernance fondée sur la « cogestion » bénéficie de plus de soixante-dix ans d’expérience. Les efforts concrétisés à travers les apports de la Loi relative à la sécurisation de l’emploi et la Loi Rebsamen démontrent l’intention de la France d’affermir la place des salariés au conseil d’administration[1]. Dans une moindre mesure mais en visant le même objectif, le Royaume-Uni a aussi envisagé, qu’un représentant des employés puisse siéger au CA[2]. Plusieurs autres exemples pourraient être cités. Les Pays-Bas, le Danemark, la Finlande etc. Tous ces pays voient un intérêt à accorder davantage de place aux salariés. Un tel type système n’aurait pas perduré[3].

Au-delà d’avoir des sièges au CA, ce qui est visé est une intégration réelle du salarié dans la gouvernance. Celle-ci est de nature à « procurer aux entreprises des avantages directs et indirects » selon l’Organisation de coopération et de développement économiques, qui en a fait une recommandation[4]. Les grands débats au sein de l’entreprise sont l’expression d’une activité politique, il paraît alors logique que les salariés puissent prendre part à des décisions qui en fin de compte vont les affecter. On envisage une stratégie basée sur le savoir-faire et l’implication des employés, ce qui entraînera un engagement de leur part et une optimisation de la performance.

La diversité des profils au sein du conseil est alors perçue comme un facteur de productivité, d’innovation, d’efficacité du processus décisionnel et dans une dimension sociale, de maintien des emplois[5]. Le renforcement de la place des salariés n’est pas seulement une question de démocratie sociale mais aussi une question de performance de l’entreprise et de posture du monde des affaires.

 

La participation des salariés au CA : les inconvénients

La « cogestion » a largement fait ses preuves et contribué au succès industriel de l’Allemagne. Toutefois, ce système de gouvernance n’est pas exempt de critiques.

À cette époque où il est exigé plus de transparence au sein des organes de contrôle des entreprises cotées en bourses et plus d’indépendance de leur part[6], il est des exemples qui démontre qu’un renforcement du pouvoir des administrateurs salariés ne saurait être idéalisé. En effet, certaines organisations du monde des affaires demeurent encore prudentes quant à accorder plus de contrôle aux représentants des salariés dans les CA[7].

Ainsi, la controverse entourant le modèle de cogestion s’est affirmée à coups de scandales subis par de grosses firmes allemandes. Le cas particulier de Volkswagen révèle une affaire de fraude quasi étouffée pendant toute une décennie par les responsables des organes de contrôle[8], impliquant en ce sens aussi bien les hauts dirigeants que les représentants des salariés. Certains auteurs de la gouvernance d’entreprise parlent d’un système gangrené de corruption des dirigeants pour « s’attirer les bonnes grâces » des administrateurs salariés[9].

Par ailleurs, la voix délibérative dont jouissent les salariés conduit à une lourdeur du processus décisionnel qui gagnerait à plus de célérité[10]. En effet, elle complique et retarde inutilement la prise de décision.

Enfin, la question de la compétence et de l’expertise des représentants des salariés est posée[11].

 

Conclusion

Une transplantation pure et simple du modèle de gouvernance allemand paraît difficile. Même si l’idée d’un renforcement de la place des salariés dans le CA divise encore en France, cette dernière pourra toujours s’appuyer pour le défendre sur le modèle européen de l’actionnariat salarié. Dès lors, ne serait-il pas profitable pour les entreprises d’adopter ce modèle de gouvernance qui semble avoir une mise en application plus aisée ?

 

Achau Marie Priscille Okou, Dechua Joane Margaret Wansi et Ornella Chemie Njiah

Étudiantes du cours de Gouvernance de l’entreprise – DRT-7022


[1] Christophe Crete et Baudouin Roger, « Il faut renforcer la place des salariés au conseil d’administration », Le Monde, 16 juin 2016 ; Code de commerce, art. L. 225-27-1 ; Loi no 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi (1), J.O. 18 août 2015, p. 14346, art. 10 et 11 ; Loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, J.O. 16 juin 2013, p. 9958.

[2] Bill 124, Profit-Sharing and Company Governance (Employees’ Participation), sess 2015-16 (1ere lecture –  26 janvier 2016).

[3] Christophe Crete et Baudouin Roger, « Il faut renforcer la place des salariés au conseil d’administration », Le Monde, 16 juin 2016.

[4] Principes de gouvernement d’entreprise de l’OCDE, 2004, à la p. 50.

[5] Christophe Crete et Baudouin Roger, « Il faut renforcer la place des salariés au conseil d’administration », Le Monde, 16 juin 2016.

[6] René Lasserre, « La cogestion allemande à l’épreuve de la globalisation », Regards sur l’économie Allemande, Bulletin économique CIRAC, 2005, au par. 19.

[7] « Les salariés réveillent les conseils d’administration », Challenges.

[8] Voir le lien suivant : http://centre-mcd.uqam.ca/upload/files/Publications/Veille/vsd110-duval.guillaume.ae.pdf.

[9] Voir le lien suivant : http://centre-mcd.uqam.ca/upload/files/Publications/Veille/vsd110-duval.guillaume.ae.pdf.

[10] René Lasserre, « La cogestion allemande à l’épreuve de la globalisation », Regards sur l’économie Allemande, Bulletin économique CIRAC, 2005, au par. 18 et 19.

[11] Macfarlanes LLP (Hayley Robinson), « Employees on the board: Theresa May’s next big idea? », Lexology.

 

 

Gouvernance mission et composition du conseil d'administration

Nos étudiants publient : « Les jeunes font leur place dans les CA… ou presque ! » Retour sur un article de La presse (billet de François-Olivier Picard)

Le séminaire à la maîtrise de Gouvernance de l’entreprise (DRT-7022) dispensé à la Faculté de droit de l’Université Laval entend apporter aux étudiants une réflexion originale sur les liens entre la sphère économico-juridique, la gouvernance des entreprises et les enjeux sociétaux actuels. Le séminaire s’interroge sur le contenu des normes de gouvernance et leur pertinence dans un contexte de profonds questionnements des modèles économique et financier. Dans le cadre de ce séminaire, il est proposé aux étudiants depuis l’hiver 2014 d’avoir une expérience originale de publication de leurs travaux de recherche qui ont porté sur des sujets d’actualité de gouvernance d’entreprise. C’est dans cette optique que s’inscrit cette publication qui utilise un format original de diffusion : le billet de blogue. Cette publication numérique entend contribuer au partager des connaissances à une large échelle (provinciale, fédérale et internationale). Le présent billet est un billet de synthèse d’un article de presse (« Les jeunes font leur place dans les C.A », La Presse, 2017) réalisé par M. François-Olivier Picard. Ce dernier s’interroge sur la présence des jeunes dans les CA des sociétés d’État. Je vous en souhaite bonne lecture et suis certain que vous prendrez autant de plaisir à le lire que j’ai pu en prendre à le corriger.

Ivan Tchotourian

 

Une loi

Le 15 octobre 2017, M. Réjean Bourdeau (journaliste à la Presse) écrivait un article sur la présence des jeunes dans les conseils d’administration des Sociétés d’État au Québec : R. Bourdeau, « Les jeunes font leur place dans les C.A », La Presse, 2017. Le journaliste s’est entretenu avec Mme Sophie Tremblay, présidente de l’organisme Force Jeunesse, qui a commenté les avancées de la nouvelle Loi 693[1] adoptée à l’unanimité au mois de décembre 2016 à l’Assemblée Nationale du Québec. Cette loi modifie la Loi existante régissant les sociétés d’État québécoises et les obligera, à compter de 2021, à avoir une personne âgée de moins de 35 ans au sein de leur CA. Cette loi qui s’appliquera à 23 sociétés d’État a déjà enclenché un certain changement selon Mme Sophie Tremblay, même si la loi 693 entrera officiellement en vigueur en 2021. Ces 23 sociétés d’État comptaient uniquement deux administrateurs âgés de moins de 35 ans en 2013, on en compte aujourd’hui 8. Il reste maintenant, selon elle, à s’assurer que cette mesure de transparence dans le processus de recrutement et de formation des nouveaux administrateurs incitera le secteur privé à diversifier leur CA et qu’elle sera mise en place.

 

Un choix justifié

La diversité dans les instances décisionnelles est de plus en plus d’actualité. La diversité est définie comme la variété au sein des membres du CA par des aspects observables (genre, âge, nationalité) et moins tangibles comme l’éducation, les compétences et les expériences professionnelles[2]. Plusieurs études démontrent qu’au-delà de l’aspect éthique et symbolique que peut relever la diversité d’un CA, la diversité peut également augmenter les performances de l’organisation[3]. Effectivement, la créativité, une meilleure résolution des problèmes et une amélioration de la compréhension du marché produisent un avantage compétitif pour l’entreprise[4].

 

Des approches

Plusieurs approches sont mises en place dans le monde pour favoriser la diversité dans les instances décisionnelles. Celle choisie par le Québec, comme mentionné ci-dessus, est pour l’instant l’implantation de quotas de jeunes dans les CA… mais uniquement au niveau des Sociétés d’État provinciales. D’autres pays vont plus loin comme la Norvège ou l’Espagne qui ont voté une loi fixant à 40 % la présence féminine dans les CA[5]. De son côté, la France a instauré en 2011 une législation semblable relative à la représentation équilibrée des hommes et des femmes au sein des conseils d’administration mieux connus sous le nom de Loi Copé-Zimmermann[6]. Cette loi mentionne que chaque société de plus de 500 salariés et ayant un chiffre d’affaires de plus de 50 millions d’euros doit détenir une proportion d’au moins 40 % d’hommes et de femmes depuis 2017[7]. Même si l’on constate que ces mesures ont fait en sorte d’accroître grandement la proportion de femmes dans les instances décisionnelles, il est important de noter qu’elles ne peuvent contrer le fait qu’on a observé depuis l’entrée en vigueur de la loi un cumul des fonctions des femmes au sein des CA et une sous-représentation de celles-ci au sein des comités spéciaux[8]. Des auteurs soulignent l’enjeu du plafond de verre qualitatif qui pourrait se substituer au plafond de verre quantitatif[9].

 

Se conformer ou s’expliquer au Canada

En ce qui concerne la politique du gouvernement canadien en termes de diversité aux seins des CA, celui-ci a décidé d’envisager l’approche « se confirmer ou s’expliquer ». Le Canada n’envisage pas pour le moment une réglementation contraignante. Le projet de loi C-25[10] adopté au printemps 2018 modifie la Loi canadienne sur les sociétés par actions et adopte une approche « se confirmer ou s’expliquer » pour favoriser la diversité dans les CA. Dans son rapport de juin 2009, l’Institut sur la Gouvernance d’Organisations Privées et Publiques[11] opte dans le même sens pour des mesures incitatives pour arriver à un taux de féminisation des conseils au-delà de 40 %. Pour l’IGGOP, « la compétence est la vertu première de tout membre de conseil. En aucun cas, les parties prenantes à une entreprise puissent croire qu’une administratrice a été qu’en raison de son genre et non pour ses qualités personnelles ». Pour le professeur Jean Bédard, titulaire de la Chaire de recherche en gouvernance de sociétés à FSA Ulaval, les exemples d’autres gouvernements ayant adopté l’approche « se conformer ou s’expliquer » semblent indiquer une augmentation de la féminisation des CA de seulement 1,5 % par année… ce qu’il considère à juste titre comme insuffisant[12]. Selon lui, la résistance au changement pourrait être une cause de l’échec de cette approche. Parmi les solutions possibles, figurent le « name and shame » instauré par la France, l’obligation faites d’établir des cibles de diversité des genres au CA des plus grandes entreprises par la Grande-Bretagne et, enfin, l’implantation de quotas comme dans les pays nordiques de l’Union.

 

Conclusion : et le fédéral ?

Il y a un certain consensus au sein de la communauté scientifique sur les bienfaits d’une saine diversité dans les CA. Plusieurs pays ont adopté des positions audacieuses en légiférant pour accroître la diversité dans les CA. Le Québec suit le mouvement. Le contexte étant favorable pour le gouvernement canadien avec l’étude du Projet de Loi C-25, il serait pertinent que celui-ci étudie l’option d’émettre des quotas de jeunes et de femmes dans les CA des Sociétés d’États et des grandes entreprises afin d’accélérer la transition en place vers une saine diversité.

 

François-Olivier Picard

Étudiant du cours de Gouvernance de l’entreprise – DRT-7022


[1] Assemblée Nationale, 2016, « Loi modifiant la Loi sur la gouvernance des sociétés d’État afin de favoriser la présence de jeunes au sein des conseils d’administration des sociétés d’État » [En ligne], file:///C:/Users/fopic/Downloads/16-693f.pdf.

[2] Fabrice Galia et Emmanuel Zenou, « La diversité du conseil d’administration influence-telle l’innovation ? L’impact de la diversité de genre et d’âge sur les différents types d’innovation », Revue Management & Avenir, 2013, n° 66, p. 152-181.

[3] Fabrice Galia et Emmanuel Zenou, « La diversité du conseil d’administration influence-telle l’innovation ? L’impact de la diversité de genre et d’âge sur les différents types d’innovation », Revue Management & Avenir, 2013, n° 66, p. 152-181.

[4] Fabrice Galia et Emmanuel Zenou, « La diversité du conseil d’administration influence-telle l’innovation ? L’impact de la diversité de genre et d’âge sur les différents types d’innovation », Revue Management & Avenir, 2013, n° 66, p. 152-181.

[5] Stéphane Gregoir, Tristan-Pierre Maury et Frédéric Palomino, « La féminisation des Conseils d’Administration des grandes entreprises en France : au-delà des apparences », EDHEC Business School : Pôle de recherche en économie, évaluation des politiques publiques et réforme de l’État, 2013.

[6] Legifrance, « Loi n° 2011-103 du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle », 2011.

[7] Stéphane Gregoir, Tristan-Pierre Maury et Frédéric Palomino, « La féminisation des Conseils d’Administration des grandes entreprises en France : au-delà des apparences », EDHEC Business School : Pôle de recherche en économie, évaluation des politiques publiques et réforme de l’État, 2013.

[8] Stéphane Gregoir, Tristan-Pierre Maury et Frédéric Palomino, « La féminisation des Conseils d’Administration des grandes entreprises en France : au-delà des apparences », EDHEC Business School : Pôle de recherche en économie, évaluation des politiques publiques et réforme de l’État, 2013.

[9] Stéphane Gregoir, Tristan-Pierre Maury et Frédéric Palomino, « La féminisation des Conseils d’Administration des grandes entreprises en France : au-delà des apparences », EDHEC Business School : Pôle de recherche en économie, évaluation des politiques publiques et réforme de l’État, 2013.

[10] Parlement du Canada, « Projet de loi C-25 », Chambre des Communes du Canada, 2017.

[11] Institut sur la Gouvernance d’Organisations Privées et Publiques (IGOPP), « La place des femmes au sein des conseils d’administration : Pour faire bouger les choses », prise de position no 4, juin 2009.

[12] Jean Bédard, 2017, « Les femmes dans les conseils d’administrations », La Presse, 2017.