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Délocaliser est profitable… économiquement !

Dans Le Devoir.com du 23 juin 2015, Éric Desrosiers publie un article au titre surprenant : « Délocaliser est profitable pour tout le monde ». S’appuyant sur les résultats d’une étude de Statistiques Canada, les délocalisations renforceraient plutôt qu’elles n’affaiblissent l’économie canadienne en améliorant la productivité de ses entreprises peut-on lire. Ce gain de productivité des entreprises importatrices serait en moyenne de presque 7 % par rapport à leurs concurrentes qui n’ont pas recours à des intrants de fournisseurs étrangers.

Deux sources de croissance de la productivité de l’industrie sont les améliorations de la productivité des entreprises et la réaffectation des ressources des entreprises moins productives vers les entreprises plus productives. Le présent document examine le rôle que joue la délocalisation dans l’amélioration de la productivité de l’industrie par ces deux voies, au moyen d’une nouvelle base de données sur le secteur canadien de la fabrication qui couple les données de l’Enquête annuelle des manufactures à celles du Registre des importateurs au niveau des produits. La base de données fournit des renseignements sur les importations directes d’intrants intermédiaires par les entreprises. Cela nous permet d’estimer l’intensité de la délocalisation au Canada au niveau des entreprises et de différencier les importations par région d’origine. Les résultats montrent que les entreprises délocalisatrices sont plus productives que celles qui n’ont pas recours à la délocalisation et que la croissance de la productivité s’accentue avec l’intensité de la délocalisation. Nous constatons également que la délocalisation facilite la réaffectation des ressources à l’intérieur des industries, particulièrement lorsque la délocalisation vise des marchés non américains.

Pour accéder directement à l’étude, cliquez ici.

Une chose ne doit pas être oublié : les conséquences sociales (et négatives pour les parties prenantes) que peuvent avoir les délocalisations. L’économie n’est-elle pas qu’un aspect des choses et être réencastrée dans le social pour reprendre les mots de Polyani ? Dans un document de travail intitulé sur « Gouvernance et parties prenantes : L’obligation du conseil d’administration d’agir dans l’intérêt de la société », l’IGOPP prend l’exemple d’une délocalisation (aux pages 33 et s.) pour apporter une grille d’analyse sur la manière dont l’intérêt des parties prenantes peut être appréhendé.

Selon l’approche classique, le conseil d’administration pourrait limiter son analyse à l’impact de la réduction des coûts sur les résultats à court terme de la société. Il suffirait que la décision vise à améliorer le bénéfice dans l’intérêt des actionnaires pour que la délocalisation concorde avec le devoir de loyauté. Et les administrateurs pourraient limiter leur analyse à une étude comparative des données relatives aux coûts de production. Selon l’approche proposée ci-dessus, les administrateurs préciseront d’abord comment la délocalisation de la production contribuera à la maximisation de la valeur de l’entreprise à long terme ainsi qu’à l’atteinte des objectifs de l’entreprise. Deuxièmement, les administrateurs identifieront les parties prenantes concernées – notamment les employés, les actionnaires, la collectivité locale et les gouvernements – et colligeront les informations pertinentes concernant les conséquences à court et à long terme pour ces parties prenantes de la décision de délocaliser la production.

À la prochaine…

Ivan Tchotourian