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Responsabilité des administrateurs et infractions environnementales

Le 7 juillet 2023, la Cour provinciale de la Colombie-Britannique (la « Cour ») a déterminé que le président et chef de la direction d’une société minière était coupable de plusieurs infractions environnementales découlant du rejet de déchets produits par les activités minières de la société à Banks Island, en Colombie-Britannique. Cette décision (R. v. Mossman and Meckert) peut servir à la fois de rappel et de leçon aux administrateurs, dirigeants et employés, étant tous susceptibles d’engager personnellement leur responsabilité à l’égard de la conformité de leur société aux lois environnementales.

En matière d’infractions environnementales, comme un déversement ou un non-respect des normes réglementaires applicables, la culpabilité est habituellement attribuée à la société concernée. Les administrateurs ou les dirigeants d’une société sont rarement tenus principalement responsables d’une violation des lois environnementales parce que les dommages à l’environnement résultent généralement de problèmes systémiques associés à la façon dont la société exerce ses activités, plutôt que de la conduite d’une personne en particulier. Les organismes de réglementation portent rarement des accusations contre les employés qui ne font qu’exécuter les tâches reliées à leur emploi. Cependant, dans certaines circonstances, des administrateurs, des dirigeants et des employés peuvent être tenus personnellement responsables d’infractions environnementales.

Enseignements :

  • Bien que, le plus souvent, c’est la société qui sera tenue principalement responsable des infractions environnementales, les administrateurs et les dirigeants peuvent également engager leur responsabilité à l’égard des manquements de la société à ses obligations environnementales. En général, la question fondamentale permettant d’établir la responsabilité d’un administrateur ou d’un dirigeant consiste à déterminer si celui-ci assurait la direction et le contrôle de l’entreprise ou de la conduite ayant donné lieu à l’infraction. Au Canada, certaines lois environnementales imposent aux administrateurs et aux dirigeants l’obligation de prendre toutes les mesures raisonnables pour assurer la conformité à la réglementation applicable ou pour prévenir la commission d’une infraction.
  • Les administrateurs, les dirigeants et les membres de la haute direction ont la responsabilité de s’assurer que des systèmes adéquats sont en place pour gérer et contrôler la conformité d’une société à ses obligations environnementales. Ces systèmes doivent être conçus pour éviter que des problèmes prévisibles surviennent. Dans l’affaire Mossman, la Cour a déterminé que le fait que le laboratoire refuse de transmettre les résultats des analyses parce que BIG n’avait pas réglé les factures que celui-ci lui avait soumises constituait un événement prévisible que M. Mossman aurait dû prévoir et prévenir.
  • Les administrateurs, les dirigeants et les membres de l’équipe de haute direction doivent s’assurer que la société dispose de politiques, de pratiques et de procédures robustes en matière environnementale assurant que les incidents environnementaux sont signalés et traités efficacement. Selon le secteur, il pourra notamment s’agir de désigner clairement un délégué responsable de la conformité aux obligations environnementales.
  • Les administrateurs, les dirigeants et les membres de l’équipe de haute direction doivent agir lorsque des cas de non-conformité leur sont signalés et veiller à ce que leurs instructions soient suivies. Les personnes à la tête d’une société qui ignorent les signalements ou les conseils de leurs gestionnaires des questions environnementales pourraient engager leur responsabilité en cas de non-conformité.
  • Les administrateurs, les dirigeants et les membres de l’équipe de haute direction doivent également agir lorsqu’ils apprennent que des mesures de gestion et de contrôle ont échoué. Dans l’affaire Mossman, la Cour a noté que M. Mossman aurait dû ordonner à BIG de cesser ses activités jusqu’à ce que les mesures de contrôle adéquates aient été rétablies.

Merci au cabinet Blakes de cette information !

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Delaware Supreme Court Reinforces Director Oversight Obligation

Nouvelle intéressante en droit des sociétés par actions américain : la Cour suprême du Delaware a rendu une décision récemment (Marchand v. Barnhill) qui porte sur les devoirs des administrateurs en matière de surveillance institutionnelle et de mise en place d’un système de contrôle des risques (voir l’actualité sur Skadden).

Résumé :

On June 18, 2019, in Marchand v. Barnhill, 212 A.3d 805 (Del. 2019), the Delaware Supreme Court issued an important decision reaffirming the obligation that directors of Delaware corporations make good faith efforts to implement and monitor a risk oversight system. In Marchand, the Supreme Court reversed the Court of Chancery’s dismissal of a stockholder derivative suit seeking damages pursuant to alleged Caremark claims, which are difficult to plead and prove.1 Specifically, the Supreme Court held that, at the pleading stage, the plaintiffs had alleged facts sufficient to satisfy the high Caremark standard for establishing that a board breached its duty of loyalty by failing to make a good faith effort to oversee a material risk area, thus demonstrating bad faith.

À la prochaine…

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Recours en oppression au Canada : mise à jour jurisprudentielle (Billet invité de M. Olivier Sirois)

Au travers de ce billet, Olivier Sirois vous propose de revenir sur une actualité jurisprudentielle canadienne touchant le recours en oppression. Merci à lui de vous partager cette information…

Pour les non-initiés au droit canadien, le recours en oppression (ou recours en cas d’abus ou d’iniquité) permet à un ou des actionnaires de demander aux tribunaux d’intervenir  en cas d’actes abusifs ou inéquitables commis par la société, ses administrateurs, ses dirigeants et même parfois contre ses créanciers. Lorsqu’une telle situation se présente, le juge joue un rôle actif et indéniable dans les affaires de la société pour régler le litige des parties en cause. Dans la législation fédérale, on le retrouve à l’article 241 de la Loi canadienne sur les sociétés par actions (ci-après «LCSA»). L’équivalant dans la Loi sur les sociétés par actions (Québec) est l’article 450.

Dans le jugement New Horizon International c. Makenzie qui se déroule sous la loi canadienne, la juge Corriveau a rendu une décision inhabituelle. En effet, elle est parvenue à la conclusion qu’une première société (New Horizon) qui est actionnaire d’une deuxième (Mackenzie inc.), mais pas d’une troisième (Mackenzie Corp.) pouvait néanmoins entreprendre une action en oppression (241 LCSA) envers ces deux dernières puisque celles-ci appartiennent au même groupe. L’aspect inédit de ce jugement est qu’on ait permis à New Horizon d’intenter une action en oppression contre une société donc elle n’a pas de véritable lien.  Effectivement, New Horizon est actionnaire de Makenzie inc., mais pas de Makenzie Corp.

Pour parvenir à permettre un tel recours à New Horizon, la juge a interprété la notion de groupement (« affiliated bodies corporate ») et de contrôle au sens de l’article 2(2) et 2(3) LCSA. En s’appuyant sur la décision Levenson (où on a jugé que deux sociétés ayant deux différents actionnaires majoritaires pouvaient être « affiliated »), Mackenzie Corp. et Mackenzie inc.  furent reconnus comme des personnes morales appartenant au même groupement (consulter le schéma ci-dessous). Également, New Horizon fut reconnu comme une personne apte à intenter un tel recours, car elle répond à la définition de « plaignant » de l’article 238 LCSA. Ainsi, malgré le fait que New Horizon ne soit pas actionnaire de Makenzie Corp., le recours en oppression lui fut permis étant donné qu’elle est actionnaire de Makenzie inc. qui fait partie du même groupement d’entreprises que Makenzie Corp.

Pour consulter le jugement  New Horizon International c. Makenzie 2015 QCCS 2024

Olivier Sirois

Étudiant au baccalauréat en droit