Gouvernance

engagement et activisme actionnarial Gouvernance Normes d'encadrement Nouvelles diverses objectifs de l'entreprise Valeur actionnariale vs. sociétale

Nos étudiants publient : L’activisme actionnarial offensif expliqué

Le séminaire à la maîtrise de Gouvernance de l’entreprise (DRT-7022) dispensé à la Faculté de droit de l’Université Laval entend apporter aux étudiants une réflexion originale sur les liens entre la sphère économico-juridique, la gouvernance des entreprises et les enjeux sociétaux actuels. Le séminaire s’interroge sur le contenu des normes de gouvernance et leur pertinence dans un contexte de profonds questionnements des modèles économique et financier. Dans le cadre de ce séminaire, il est proposé aux étudiants depuis l’hiver 2014 d’avoir une expérience originale de publication de leurs travaux de recherche qui ont porté sur des sujets d’actualité de gouvernance d’entreprise. C’est dans cette optique que s’inscrit cette publication qui utilise un format original de diffusion : le billet de blogue. Cette publication numérique entend contribuer au partager des connaissances à une large échelle (provinciale, fédérale et internationale). Le présent billet est une fiche de lecture réalisée par Mmes Manon Berney et Chu-Ya Chia. Ces dernières analysent la notion l’activisme actionnarial offensif et reviennent en parallèle sur l’article « Shareholder Activism as a Corrective Mechanism in Corporate Governance » de Paul Rose et Bernard Sharfman. Je vous en souhaite bonne lecture et suis certain que vous prendrez autant de plaisir à le lire que j’ai pu en prendre à le corriger

 Ivan Tchotourian

La question fondamentale qui se pose en matière d’activisme actionnarial est d’en déterminer l’opportunité : est-ce une bonne chose ? Les auteurs de l’article « Shareholder Activism as a Corrective Mechanism in Corporate Governance »[1] commencent par asseoir la présence de l’activisme actionnarial au sein des entreprises et l’insère dans le débat actuel qui tend à opposer le capitalisme managérial et le capitalisme axé sur la plus-value actionnariale. À ce jour, c’est le second modèle qui semble prendre une place prépondérante. L’article répond à la question portant sur l’opportunité et la légitimité de l’activisme actionnarial dit « offensif » qui apparaît comme le nouveau mantra de la gouvernance d’entreprise contemporaine. Les auteurs démontrent comment ce type d’activisme peut servir à promouvoir la valeur actionnariale tout en étant bénéfique pour l’entreprise. Quelle analyse peut-on en faire ?

Intersection entre activisme actionnarial et gouvernance de l’entreprise

La configuration traditionnelle en droit des sociétés par actions place le pouvoir et l’autorité de manière centralisée : tout est entre les mains des administrateurs ! Ce choix est justifié par le fait que les administrateurs sont plus aptes à prendre des décisions vu leur compétence, leur connaissance de l’entreprise et leur absence de passivité (contrairement aux actionnaires). Une telle concentration du pouvoir laisse les actionnaires relativement impuissants et c’est ce déséquilibre qui est identifié comme le moteur de la montée de l’activisme actionnarial. Les auteurs soulignent que l’idée de l’activisme actionnarial ne tend pas vers un contrôle du conseil d’administration, mais plutôt un partage provisoire de compétences… en admettant la prémisse que, dans certaines situations, les actionnaires sont aptes à imposer des décisions qui s’inscrivent directement dans une optique de maximisation de la valeur actionnariale et de l’efficience des activités de l’entreprise.

Différencier les actionnaires

Les types d’actionnaires diffèrent au sein d’une entreprise et les auteurs en identifient un en particulier qui est susceptible de participer et implanter de politiques de gouvernance. Il s’agit des information traders. Sur la base de leurs recherches et des recommandations externes, ils analysent et échangent des données du marché pour faire des choix d’investissement optimal. Ce sont en général des investisseurs professionnels, très qualifiés et ayant une expertise de haut niveau (tels les hedge funds actifs).

L’avantage qu’ils représentent réside dans leur volonté d’investir des ressources non seulement dans l’identification d’opérations stratégiques pour accroître la valeur actionnariale, mais également dans l’effort à mener pour réaliser ce changement au niveau de l’entreprise. Ce phénomène n’est rien d’autre que l’activisme actionnarial offensif.

Activisme actionnarial offensif : pas si mauvais !

L’activisme actionnarial offensif constitue un mécanisme correctif. Il permet aux entreprises d’éviter les erreurs commises par le conseil d’administration dû à l’insuffisance de l’information de ce dernier dans certaines situations. L’actionnariat offensif implique un partage de pouvoir entre le conseil et les actionnaires activistes. Si, en théorie, ce partage du pouvoir peut provoquer une course aux procurations qui risque de conduire à une décision sous-optimale prise par l’ensemble des actionnaires dont la majorité n’est pas suffisamment informée, il est constaté dans les faits que ce risque est minime. Les études empiriques montrent que l’activisme actionnarial offensif augmente significativement la valeur actionnariale, et ce, particulièrement quand il mène à une vente de l’entreprise, une cession des actifs non stratégiques ou un changement de stratégie commerciale. Il est également établit que cet effet positif de l’activisme offensif persiste en général pendant au moins un an après l’intervention, prouvant que l’activisme actionnarial offensif est véritablement bénéfique aux entreprises.

Investisseurs long-terme vs. court-terme : la contradiction levée

Finalement, les auteurs démontrent que la critique du court-termisme des hedge funds actifs est en grande partie infondée. Quel que soit l’objectif souhaité de l’investissement, tous les investisseurs tiennent à leur liberté de pouvoir vendre leurs actifs quand ils le désirent. La valorisation des actions de l’entreprise se fait également de façon similaire, peu importe la période de détention envisagée. Plus important encore, si l’activisme actionnarial offensif des hedge funds était perçu par le marché comme court-termisme et nocif à l’entreprise sur le long terme, l’effet positif de ces hedge funds sur les prix d’actions n’aurait pas duré aussi longtemps que ce qui est observé dans les faits.

Conclusion : un questionnement fondamental oublié

Sans remettre en cause le rôle crucial du conseil d’administration, les auteurs démontre que l’activisme actionnarial offensif constitue un mécanisme correctif à la gouvernance qui augmente la valeur actionnariale. Une question cruciale demeure : la promotion de la valeur actionnariale par l’activisme des hedge funds ne se fait-elle pas au détriment de l’intérêt des autres parties prenantes, particulièrement quand cette augmentation de la valeur actionnariale est le résultat d’une vente de l’entreprise ou une cession des activités dites non stratégiques ?

 Manon Berney

Chu-Ya Chia

Étudiants du cours de Gouvernance de l’entreprise – DRT-7022


[1] ROSE Paul et SHARFMAN Bernard S., Shareholder Activism as a Corrective Mechanism in Corporate Governance, 2014 BYU L. Rev. 1015 (2015).

Nouvelles diverses rémunération

Nos étudiants publient : Éthique, démission et parachutes dorés – une délicate alchimie

Bonjour à toutes et à tous, les étudiants du cours DRT-7022 (anciennement DRT-6056) publient régulièrement leurs travaux sous forme de billets auprès de blogues partenaires depuis l’hiver 2014. Pour celles et ceux ayant suivi le cours à l’automne 2015, il n’est pas dérogé à cette tradition !

Mmes Margaux Morteau et Léonie Pamerleau viennent ainsi de publier une analyse des plus intéressantes sur la place de l’éthique dans le débat sur la rémunération des dirigeants sur le blogue de Jacques Grisé intitulé : « Éthique, démission et parachutes dorés | une délicate alchimie ».

Bonne lecture et à la prochaine…

Ivan Tchotourian

 

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Rémunération des dirigeants : le CA doit prendre ses responsabilités

Belle réflexion offerte par le Financial Times sur le rôle que le conseil d’administration devrait assumer en matière de rémunération des dirigeants : « Boards are responsible for limiting excess pay » (Financial Times, 17 avril 2016).

Boards of directors are not appointed to rubber-stamp formulas devised by consultants, no matter what the result. If there appears to be something awry, they should be able to exercise their judgment and not be limited by employment contracts that deny them authority. BP’s remuneration committee failed this simple test and so found itself exposed to scorn.

Nothing absolves a board of its responsibility to limit the quantum of pay. Chief executives perform tough, demanding, responsible jobs and their decisions heavily affect the value of companies. But it is not obvious why some need to be paid double-digit millions to do their best when single-digit millions or less were accepted as sufficient financial rewards not so long ago.

Boards sometimes need to compete for talent, signing contracts that raise expectations and constrain their freedom to cap pay. As the tenure of CEOs has reduced, bosses want to get rich faster. Some argue that they could earn more in private equity, away from the unforgiving public spotlight.

À la prochaine…

Ivan Tchotourian

Nouvelles diverses rémunération

Nos étudiants publient : Rémunération des dirigeants – un dérapage incontrôlé de Volkswagen

Le séminaire à la maîtrise de Gouvernance de l’entreprise (DRT-7022) dispensé à la Faculté de droit de l’Université Laval entend apporter aux étudiants une réflexion originale sur les liens entre la sphère économico-juridique, la gouvernance des entreprises et les enjeux sociétaux actuels. Le séminaire s’interroge sur le contenu des normes de gouvernance et leur pertinence dans un contexte de profonds questionnements des modèles économique et financier. Dans le cadre de ce séminaire, il est proposé aux étudiants depuis l’hiver 2014 d’avoir une expérience originale de publication de leurs travaux de recherche qui ont porté sur des sujets d’actualité de gouvernance d’entreprise. C’est dans cette optique que s’inscrit cette publication qui utilise un format original de diffusion : le billet de blogue. Cette publication numérique entend contribuer au partager des connaissances à une large échelle (provinciale, fédérale et internationale). Le présent billet expose un commentaire de MM. Louis-Philippe Pelchat et Samuel Tanguay. Ce travail traite de la pertinence et de la moralité entourant le montant de la rémunération versée à l’ex-patron de l’entreprise allemande Volkswagen. Je vous en souhaite bonne lecture et suis certain que vous prendrez autant de plaisir à le lire que j’ai pu en prendre à le corriger.

 Ivan Tchotourian

De nombreuses critiques en matière d’éthique et de bonne gouvernance ont été soulevées dans la foulée du scandale des moteurs truqués de Volkswagen. Beaucoup se sont indignés qu’une société listée en tête de l’indice du Dow Jones Sustainability World Index[1] pour ses « pratiques exemplaires » de développement durable puisse concevoir un mécanisme de tricherie d’une telle envergure. De surcroît, l’ex-président du groupe (Martin Winterkorn) se retrouve sous les projecteurs en raison d’une « (…) provision de retraite et d’un parachute doré »[2] pouvant s’élever à 60 millions d’euros[3]… alors que vraisemblablement il savait ![4] La situation nous semble familière et avec raison : les montants versés aux dirigeants des grandes banques lors de la déroute économique de 2008 ont entraîné leur lot de débats[5]. Pourtant, presqu’une décennie plus tard, nous remarquons que ces pratiques de rémunération demeurent inchangées. Pire encore, de par leur position médiatique, les dirigeants d’entreprise font office de célébrités et par conséquent, leur rémunération ne semble vouloir se résorber[6].

Le triple objectif d’une bonne rémunération

Cette augmentation se fonde sur le fait que les systèmes de rémunération des dirigeants revêtent une importance capitale pour assurer à la société une position avantageuse vis-à-vis ses concurrents. Trois objectifs principaux expliquent la mise en place de mécanismes lucratifs pour les dirigeants[7]. Tout d’abord, une forte rémunération permet de se distinguer de la compétition et d’attirer les meilleurs candidats. En effet, un haut dirigeant constitue un facteur clé de succès pour l’entreprise et sa rétribution doit être à la hauteur de la renommée de celui-ci : « [L]a firme cherche à recruter en son sein le dirigeant le plus adapté à sa structure et le plus compétent »[8]. Cette pratique est un des moyens choisis pour attirer et fidéliser des dirigeants de fort calibre dans un but de création de valeur. Ensuite, conséquemment aux efforts déployés pour embaucher un candidat de choix et à ses objectifs à moyen terme, l’entreprise a tout intérêt à « (…) le conserver jusqu’à ce que son action lui soit favorable »[9]. Enfin, l’objectif principal de la société est d’aligner les objectifs de la direction avec ceux de l’entreprise en instaurant des mécanismes d’intéressement efficaces qui permettront l’atteinte d’un rendement optimal[10].

Une réalité tout autre

Bien que ces objectifs soient louables et semblent justifier l’octroi d’une rémunération importante, la réalité est toute autre. En effet, il n’y a aucune corrélation entre la rémunération des dirigeants et la performance des sociétés : « Alors que les entreprises ont enregistré une stagnation ou une baisse de leurs performances depuis 2007, la plupart des dirigeants voient leur rémunération continuer de croître ou, à tout le moins, de ne pas diminuer »[11]. Au contraire, une telle pratique entraîne des risques économiques pour l’entreprise. En favorisant les intérêts des dirigeants, les sociétés en viennent à ignorer ceux des autres parties prenantes : « Or, [l’entreprise] est une réunion d’intérêts formant un intérêt commun. Lorsqu’un élément prend avantage sur les autres, il s’éloigne de l’intérêt social et peut léser les autres composantes de la compagnie [nos soulignés] »[12].

D’autres voies ?

Le marché s’est avéré – et s’avère encore – inefficace à lui seul pour faire évoluer les pratiques en matière de rémunération[13]. Par conséquent, une intervention du législateur pourrait être envisagée afin qu’il mette en place des mécanismes de contrôle de la rémunération des dirigeants. C’est notamment en impliquant les actionnaires (avec le say on pay) ou, en imposant des limites salariales aux dirigeants, que l’on donnera aux entreprises des outils leur permettant de mettre fin à de telles pratiques. Les États impliqués devraient intervenir puisqu’ils risquent de subir les répercussions de pratiques abusives eu égard au rôle prédominant des entreprises transnationales dans les économies[14]. Ainsi, un encadrement plus strict assurerait une meilleure survie des entreprises désormais encadrée par davantage de bornes éthiques[15].

Louis-Philippe Pelchat

Samuel Tanguay

Étudiants inscris à la maîtrise en droit des affaires

Étudiants du cours de Gouvernance de l’entreprise – DRT-7022


[1] Kalyeena Markortoff, « Volkswagen cut from top sustainability index », CNBC, 29 septembre 2015, en ligne: <http://www.cnbc.com/2015/09/29/volkswagen-cut-from-dow-jones-sustainability-ranking.html> (consulté le 15 novembre 2015).

[2] « Un beau parachute doré pour l’ex-patron de Volkswagen », Les affaires, 24 septembre 2015, en ligne: <https://www.lesaffaires.com/secteurs-d-activite/transport/un-beau-parachute-dore-pour-l-ex-patron-de-volkswagen/581912> (consulté le 15 novembre 2015).

[3] « L’ancien PDG continuera de toucher son salaire jusqu’à la fin de l’année 2016 (…). Son salaire de base est fixé à 1,62 million d’euros. Mais grâce aux primes en tout genre, il avait touché 15,9 millions d’euros en 2014, faisant de lui le patron le mieux payé d’Allemagne… « Il continue d’être payé selon les termes de son contrat », rapportent le quotidien Handelsblatt et la chaîne de télévision ZDF (…). Selon les sources citées par ces deux médias, Martin Winterkorn pourrait encore toucher des bonus au titre de 2015. (…) Le groupe aurait conclu cet accord avec son ancien patron pour s’épargner une bataille juridique. Martin Winterkorn a toujours démenti toute responsabilité dans le scandale qui touche le constructeur automobile » (Nicolas Barotte, « L’ancien patron de Volkswagen continuera de toucher son salaire en 2016 », 18 décembre 2015, Le figaro.fr, en ligne: <http://www.lefigaro.fr/societes/2015/12/18/20005-20151218ARTFIG00100-l-ancien-patron-de-volkswagen-continuera-de-toucher-son-salaire-en-2016.php> (consulté le 11 avril 2016).

[4] Mathilde Richter, « «Dieselgate»: l’ex-patron de Volkswagen savait », canoe.ca, 3 mars 2016, en ligne: <http://fr.canoe.ca/argent/actualites/archives/2016/03/20160303-091249.html> (consulté le 11 avril 2016).

[5] « Un salaire de 7,3 millions pour les 100 plus grands dirigeants », La Presse, 3 janvier 2010, en ligne: <http://affaires.lapresse.ca/economie/canada/201001/03/01-935815-un-salaire-de-73-millions-pour-les-100-plus-grands-dirigeants.php> (consulté le 18 novembre 2015).

[6] Centre européen du civisme, L’entreprise surveillée : l’éthique, la responsabilité sociale, le marché, la concurrence, les nouveaux acteurs, Bruxelles, Bruylant, 2003, p. 102.

[7] Matthieu Zolomian, La rémunération excessive des dirigeants de sociétés : Identification des difficultés et voies de solution, mémoire de maîtrise, Québec, Faculté de droit, Université Laval, 2008, p. 27.

[8] Id., p. 28.

[9] Id., p. 29.

[10] Id., p. 31.

[11] Ivan Tchotourian, Une décennie d’excès des dirigeants en matière de rémunération Repenser la répartition des pouvoirs dans l’entreprise : une solution per se porteuse de risques, Montréal, Papyrus, 2011, en ligne: <https://papyrus.bib.umontreal.ca/xmlui/bitstream/handle/1866/5208/ChapitreRemunerationetPouvoirs2011_IT.pdf>, p. 33.

[12] M. Zolomian, préc., note 7, p. 102.

[13] En l’absence de contrainte, le marché peut se montrer insuffisant à lui seul comme le démontre cet article : « Peu avant la décision du conseil de surveillance sur la rémunération de la direction, les dirigeants veulent bien une réduction de leurs bonis, mais pas y renoncer complètement » (« Les dirigeants de Volkswagen refusent de renoncer à leur bonus », La presse.ca, 7 avril 2016, en ligne: <http://affaires.lapresse.ca/economie/automobile/201604/07/01-4968613-les-dirigeants-de-volkswagen-refusent-de-renoncer-a-leur-bonus.php> (consulté le 11 avril 2016)).

[14] En termes statistiques, 29 multinationales figuraient en 2002 parmi les premières puissances financières mondiales (Christine Brüls, « Introduction », dans Christine Brüls, (dir.), Les multinationales : statuts et réglementations, Bruxelles, Larcier, 2012, p. 7, à la p 7). De plus, faisaient partie en 2001 des 100 plus grandes puissances économiques 51 entreprises privées et seulement 49 États (Jagdish N. Bhagwati, In Defense of Globalization, New York, Oxford University Press, 2004, p. 166).

[15] Frédéric Peltier, La Corporate Gouvernance au secours des conseils d’administration, Paris, Dunod, 2004, p. 159.

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Rémunération de PSA : les administrateurs de l’État contestent

Bonjour à toutes et à tous, voilà le retour de l’État actionnaire en France ! Les journalistes Maxime Amiot et Julien Dupont-Calbo de Les Échos.fr aborde cette thématique autour de l’exemple du fabriquant français de voitures Peugeot : « PSA : l’Etat conteste la rémunération de Tavares ».

Le sujet n’a pas fini de faire parler. Dans le sillage du retour en grâce de PSA, les revenus de son président du directoire ont quasiment doublé en un an, à 5,24 millions en 2015. Et selon nos informations, les deux représentants de l’Etat, premier actionnaire du constructeur aux côtés de la famille Peugeot et de Dongfeng, ont voté contre ce niveau de rétribution. L’exécutif recommande en effet, dans les entreprises où il dispose d’une participation minoritaire, « une baisse de 30 % de la rémunération du dirigeant », rappelle-t-on à Bercy.
À la prochaine…

Ivan Tchotourian

engagement et activisme actionnarial mission et composition du conseil d'administration Normes d'encadrement Nouvelles diverses

Big Investors Question Corporate Board Tenures

Très intéressant article du The Wall Street Journal qui met en lumière le fait qu’une part non négligeable d’administrateurs américains occupent leur siège depuis plus de 10 ans (24 %). Cette situation ne serait pas gênante, si les investisseurs ne commençaient à se rebeller ! Lire la suite ici.

Large U.S. companies increasingly are governed by board members who have held their seats for a decade or more, even as some big investors question whether these directors serve shareholders’ best interests. At 24% of the biggest U.S. companies, a majority ofthe board has been in place for at least 10 yeaxs, .•a. Wall Street Journal~.lli!lysis found. It is a ~arked changed from 2005 when long-term directors made up a board majority at 11%of large companies. One factor driving the change is low turnover among directors.

(…) Some investors and proxy advisory firms aren’t waiting for companies to make changes. BlackRock Inc., State Street Global Advisors and o~?ig money managers have begun opposing the re-election of some directors with extended tenure.

À la prochaine…

Ivan Tchotourian

engagement et activisme actionnarial état actionnaire normes de droit Nouvelles diverses

Nos étudiants publient : L’affaire Bombardier

Le séminaire à la maîtrise de Gouvernance de l’entreprise (DRT-7022) dispensé à la Faculté de droit de l’Université Laval entend apporter aux étudiants une réflexion originale sur les liens entre la sphère économico-juridique, la gouvernance des entreprises et les enjeux sociétaux actuels. Le séminaire s’interroge sur le contenu des normes de gouvernance et leur pertinence dans un contexte de profonds questionnements des modèles économique et financier. Dans le cadre de ce séminaire, il est proposé aux étudiants depuis l’hiver 2014 d’avoir une expérience originale de publication de leurs travaux de recherche qui ont porté sur des sujets d’actualité de gouvernance d’entreprise. C’est dans cette optique que s’inscrit cette publication qui utilise un format original de diffusion : le billet de blogue. Cette publication numérique entend contribuer au partager des connaissances à une large échelle (provinciale, fédérale et internationale). Le présent billet expose le résultat des recherches de Mmes Maylis Hoff et Julia Nakache. Ce billet revient sur le cas de l’entreprise Bombardier et l’investissement du gouvernement québécois dans cette dernière. Je vous en souhaite bonne lecture et suis certain que vous prendrez autant de plaisir à le lire que j’ai pu en prendre à le corriger.

 Ivan Tchotourian

Les Sociétés d’État au Québec appartiennent en majorité à l’Etat et fournissent un service commercial jugé d’intérêt général. C’est par exemple le cas de la Caisse de dépôt et de placement, d’Hydro-Québec, de la Société des Alcools du Québec…[1] Plus récemment, la société gérant le programme CSeries de Bombardier a fait parler d’elle. En effet, suite à des problèmes financiers, le gouvernement Québécois a décidé de détenir 49,5 % de son capital. Le périodique Les affaires a publié un dossier à ce sujet[2].

De belles questions

Il nous apparaît alors intéressant de s’interroger sur la légitimité de la place de l’État dans une entreprise privée. Plus précisément, l’État a-t-il un rôle à jouer dans le marché des entreprises à capital ouvert à travers des investissements (tels que ceux faits dans la CSeries) ? L’actionnariat de l’État ne devrait-il pas être réglementé pour éviter, d’une part, un conflit entre ses pouvoirs d’investisseur et de législateur et, d’autre part, pour s’assurer que ses investissements servent uniquement l’intérêt général ? Enfin, lorsque l’Etat investi, est-il légitime qu’il jouisse de certains privilèges que n’ont pas les autres investisseurs ?

Un État dans la sphère économique : Docteur Jekyll et Mister Hyde ?

Bombardier est une entreprise multinationale canadienne spécialisée dans la construction de matériels de transport. Elle se place 3e dans le secteur de l’aéronautique, derrière Airbus et Boeing. Dès 2008, elle a montré son intérêt pour le lancement d’un nouveau programme CSeries afin d’élargir sa gamme de jets régionaux et de se démarquer de ses concurrents. Face à l’échec de ce programme, le gouvernement québécois a choisi non pas d’allouer de nouvelles subventions, mais d’en faire son partenaire commercial en y investissant directement 1 milliard de dollars. Nous sommes ici bien loin de l’image traditionnelle de l’État régulateur : décomplexé, ce dernier agit en effet comme un véritable actionnaire. « Le Québec n’a plus les moyens de distribuer subventions et crédits d’impôt sans rien attendre en retour. Il investira si une situation l’exige, mais seulement s’il est persuadé d’en sortir gagnant » martelait en 2014 le ministre provincial de l’économie Jacques Daoust[3]. La province du Québec ne se limite pas au seul secteur de l’aéronautique : il a récemment annoncé la mise en place d’une dotation de 15 millions de dollars afin de réaliser des investissements en collaboration avec des entreprises québécoises de l’industrie du jeu vidéo[4].

 Cette nouvelle facette d’État actionnaire ne s’arrête pas aux frontières. On le voit par exemple avec l’État français qui refuse la qualification « d’actionnaire passif » et a ainsi augmenté ses participations dans le capital de l’entreprise Renault de 15,01 % à 19,74 %[5]. La difficulté réside dans la conciliation à la fois de sa fonction « législative » avec celle « d’actionnaire ». On peut en effet douter de son indépendance dans sa prise de décisions. Même si au Canada ou en France, il n’y a pas de dispositions législatives qui sanctionnent directement l’absence d’indépendance des administrateurs, un certain nombre de recommandations réglementaires et de décisions jurisprudentielles confirme ce principe[6]. Selon une recommandation de la Commission européenne du 15 février 2005, « (…) un administrateur ne devrait être considéré comme indépendant que s’il n’est lié par aucune relation d’affaires, familiale ou autre qui crée un conflit d’intérêts de nature à altérer sa capacité de jugement »[7]. De même, au Québec, le règlement 52-110 sur le comité d’audit définit dans son article 1.4 2) l’indépendance comme relation importante, directe ou indirecte, avec l’émetteur dont le conseil d’administration pourrait raisonnablement s’attendre à ce qu’elle nuise à l’indépendance du jugement d’un membre du comité. Or, ce qui nous parait probable c’est que l’Etat législateur soit tenté d’adopter un certain nombre de mesures législatives ayant pour but de donner un avantage concurrentiel à l’entreprise dont il est actionnaire. Tel a été le cas de l’État français avec l’adoption de la loi Florange en 2014. Cette loi permet la généralisation du droit de vote double pour les actionnaires présents depuis plus de deux ans au capital d’une entreprise. Au final, l’État est le grand gagnant de cette mesure ! « Une étude Exane BNP Paribas dévoilée par les Échos évalue la part du capital que l’État pourrait revendre sans perdre son pouvoir de décision »[8]. Comment peut-on justifier cette action de l’État au regard des principes de gouvernance ? Les administrateurs doivent agir de manière indépendante et dans l’intérêt exclusif de la société. Comment peut-on justifier cette action de l’État au regard de l’esprit même de la loi qui doit poursuivre un objectif d’intérêt général ? On voit là apparaître une nouvelle facette de l’État. « On ne connaissait pas jusqu’ici l’État raider capable, comme un spéculateur, d’user de la loi pour perpétrer un coup de force et s’arroger des avantages indus violant ainsi, sinon la lettre, du moins l’esprit de la Loi »[9].

 Le Québec ne dispose pas encore d’un tel avantage ; les familles Bombardier et Beaudoin possèdent toujours 85 % des actions à dix droits de vote. Par conséquent, même si un jour, le gouvernement exerce ses bons de souscription, il ne contrôlera pas la majorité des droits de vote alors même qu’il détient la majorité du capital. Néanmoins, il jouit de certains privilèges que n’ont pas les autres investisseurs. Par exemple, dans le cas d’une faillite, ses créances sont habituellement prioritaires à celles des autres créanciers. Il ne faut toutefois pas oublier la facette politique de cette action. En effet, de nombreux emplois ont été sauvés : « Le secteur de l’aérospatiale au Québec, c’est 13,8 G$, 204 entreprises et 41750 travailleurs hautement spécialisés »[10]. L’expression sarcastique américaine de « Pork Barrel » pourrait parfaitement bien s’appliquer à cette situation.

Conclusion

Ottawa pourrait rompre ce nouvel équilibre en investissant, tout comme Québec, un milliard de dollars. Si jamais une telle contribution venait à se réaliser, alors, les gouvernements disposeraient d’une majorité au conseil d’administration. François Legault a fait part de ses craintes vis-à-vis de cette situation : « Moi, j’ai froid dans le dos de voir une situation comme celle-là »[11].

Il reste à souligner que cet investissement a été fait avec l’argent des contribuables. Il aurait peut-être été intéressant que ces derniers aient la possibilité d’exprimer leur consentement vis-à-vis de la manière dont leur argent a été placé (la mise en œuvre n’est pas simple, mais elle mérite d’être envisagée). Surtout que la gestion et la capacité de Bombardier à générer des bénéfices suscitent de nombreuses réserves. Ajoutons que malgré l’investissement du Québec dans Bombardier, l’entreprise continue de délocaliser ces emplois sans que le gouvernement s’en mêle[12]. Finalement, il y avait forcément un intérêt sous-jacent à un tel investissement… intérêt plus ou moins critiquable mais qui devrait être pleinement compris.

Mailys Hoff

Julia Nakache

Étudiants du cours de Gouvernance de l’entreprise – DRT-7022


[1] Pour une liste, vois la page 50 du document suivant : Gouvernement du Québec, « Moderniser la gouvernance des sociétés d’État : Énoncé de politique », avril 2006.

[2] « Bombardier : une perte de 4,9G$ et une participation de 1G$ de Québec », Les affaires, octobre 2015.

[3] K. Rettino-Parazelli, « Investir doit être payant pour l’Etat, selon Jacques Daoust », Le Devoir, 23 septembre 2014, en ligne : http://www.ledevoir.com/economie/actualites-economiques/419176/developpement-economique-pas-de-resultat-pas-d-investissement-selon-jacques-daoust.

[4]  E. Forsans, « Québec investit 15 millions de dollars dans l’industrie du jeu vidéo », afjv, 16 novembre 2015, en ligne : http://www.afjv.com/news/5688_quebec-investit-15-millions-dans-l-industrie-du-jeu-video.htm.

[5] Le monde, « L’État monte à près de 20 % dans le capital de Renault », 8 avril 2015, en ligne : http://www.lemonde.fr/economie/article/2015/04/08/l-etat-monte-a-pres-de-20-dans-le-capital-de-renault_4611244_3234.html#ZoCFglZfJMzR1osA.99.

[6] Voir la décision américaine : re oracle Corp. Derivative Litigation, Del. Ch. 824 A.2d917 (2003).

[7] Recommandation de la Commission concernant le rôle des administrateurs non exécutifs et des membres du conseil de surveillance des sociétés cotées et les comités du conseil d’administration ou de surveillance, Commission des communautés européennes, 2005/162 /CE, 15 février 2005, en ligne : http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2005:052:0051:0063:FR:PDF.

[8] J. Babin, « Ce qu’il faut savoir sur la loi Florange », Challenges, 14 avril 2015, en ligne : http://www.challenges.fr/economie/20150414.CHA4911/ce-qu-il-faut-savoir-sur-la-loi-florange.html.

[9] E. Cohen, « L’affaire Renault ou l’État raider », telos, 22 avril 2015, en ligne : http://www.telos-eu.com/fr/societe/entreprise/renault-ou-letat-raider-embourbe.html.

[10] M. Charest, « Bombardier : des fournisseurs québécois rassurés, pour l’instant », Les affaires, 7 novembre 2015.

[11] G. Bérubé, « Ottawa et Québec majoritaires ? », Le Devoir, 26 février 2016, en ligne : http://www.ledevoir.com/economie/actualites-economiques/464025/cseries-ottawa-et-quebec-majoritaires.

[12] R. Dutrisac, « Couillard aux pays des multinationales », Le Devoir, 20 février 2016, en ligne : http://www.ledevoir.com/politique/quebec/463518/quebec-couillard-au-pays-des-multinationales.