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Participation des salariés : relancer l’idée ?

Dans Contrepoints, le professeur Michel Albouy soutient l’idée française exprimée récemment de relancer la participation des salariés : « Oui, il ne faut pas avoir peur de relancer la participation des salariés » (28 mai 2020).

Extrait :

Dans un monde en crise suite à la pandémie du Covid-19, le partage des richesses, via l’association capital-travail devient pour notre ministre un enjeu essentiel pour répondre « à la lutte des classes sociales que l’on voit resurgir ». Il n’a pas tort si on se réfère aux nombreuses déclarations d’intellectuels de gauche appelant à une répartition plus égalitaire des richesses dans le monde post Covid-19, avec évidemment davantage d’impôts et le rétablissement de l’ISF comme le réclament les économistes Thomas Piketty et Esther Duflo, prix Nobel d’économie.

La participation des salariés aux bénéfices des entreprises – une idée chère au Général de Gaulle – a été instaurée en 1967 par ordonnances sous le gouvernement Pompidou, malgré les résistances à l’époque du patronat qui y voyait une atteinte au droit des actionnaires et des syndicats ouvriers qui s’inquiétaient de cette collaboration de classes en devenir.

La réforme visait initialement les entreprises de plus de 100 salariés et prévoyait le blocage des sommes distribuées dans une réserve spéciale durant cinq ans. Cette règle a été étendue en 1990 aux entreprises de plus de 50 salariés. En 2015, la loi Macron a renforcé les avantages fiscaux dont la participation est assortie. En 2019, la loi Pacte en a assoupli certains dispositifs.

À l’heure actuelle, le ministre de l’Action et des Comptes publics n’a pas dévoilé les modalités concrètes pour développer davantage l’épargne salariale. Plusieurs pistes sont évoquées comme la généralisation à toutes les entreprises, ou encore une modification du plafond des primes, aujourd’hui fixé à 20 % du salaire brut. Une nouvelle réduction du forfait social pourrait être également envisagée.

Bien que les modalités concrètes de cette relance de l’actionnariat salarié ne soient pas encore connues, il est possible à partir des recherches réalisées en sciences de gestion de dresser un petit bilan des avantages et des risques d’une telle réforme.

L’actionnariat salarié est souvent présenté comme une stratégie gagnant-gagnant pour l’entreprise et ses salariés. Eh oui, il est vrai que la participation des salariés au capital des entreprises présente de nombreux avantages. C’est tout d’abord un moyen d’associer les salariés à la gestion de l’entreprise, de leur permettre de les faire participer à la création de valeur actionnariale, et de les fidéliser. C’est aussi un moyen de stabiliser le capital des entreprises et leur permettre de mieux résister à des opérations capitalistiques inamicales.

(Associer les salariés à la gestion de leur entreprise est un puissant levier de motivation si l’on en croit les nombreuses études réalisées sur cette problématique. Il apparait que les entreprises ayant une très forte culture d’actionnariat salarié enregistrent un taux moyen de départs volontaires inférieur à celui des entreprises ayant une faible culture dans ce domaine.

La participation permet également d’aligner les intérêts des salariés et ceux des managers sur les objectifs de développement de l’entreprise. Et puis, c’est un bon moyen de renforcer la cohésion et de sensibiliser les salariés aux objectifs économiques et financiers de l’entreprise.

Devenant actionnaires de leur entreprise, les salariés sont associés à sa valorisation. Ce mécanisme peut ainsi leur permettre de se créer un capital financier en bénéficiant en outre de dispositions financières et fiscales favorables. Les dispositifs utilisés permettent en effet d’acquérir des actions à des conditions préférentielles grâce aux décotes sur les cours, à l’abondement versé par l’entreprise et aux avantages fiscaux associés à ces dispositifs.

En matière de gouvernance, l’actionnariat salarié renforce la stabilité du capital par un actionnariat impliqué au devenir à long terme de l’entreprise. Comme le montre la recherche en gestion, l’actionnariat salarié constitue également un mécanisme de protection contre d’éventuelles tentatives de prise de contrôle (OPA) inamicale de la part d’une entreprise concurrente ou d’un investisseur financier. À condition naturellement que le capital aux mains des salariés soit significatif.

(…)

Si l’actionnariat salarié présente incontestablement de nombreux avantages, il ne faudrait pourtant pas passer sous silence ses risques, que ce soit pour les salariés comme pour l’entreprise, surtout si son développement devenait trop important.

1. Pour les salariés

Être associé au capital de l’entreprise c’est aussi être associé à ses gains comme à ses pertes. Ce rappel évident et bien connu des investisseurs, nous permet de relativiser les gains potentiels des salariés actionnaires. En ce sens, une participation aux bénéfices de l’entreprise n’est pas équivalente à une augmentation de salaire. Certes, si tout va bien et que l’entreprise prospère, les salariés seront gagnants mais ce scénario optimiste n’est pas garanti. Il est ainsi possible qu’à l’échéance de leurs plans de participation certains salariés soient déçus et que la promesse d’enrichissement ne soit pas tenue. En d’autres termes, il ne faudrait pas que les salariés oublient le principe de diversification cher aux investisseurs. Ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier reste un conseil de bon sens. Outre que les salariés investissent déjà leur capital humain dans l’entreprise, s’ils investissent également une part significative de leurs avoirs dans son capital, ils pourraient au final être perdants sur tous les tableaux.

2. Pour les entreprises

Si la présence des salariés au capital des entreprises est une bonne chose pour fidéliser et motiver les employés, et stabiliser la gouvernance, elle peut néanmoins se traduire par une perte d’agilité pour le management. En effet, même s’ils sont actionnaires de leur entreprise, les salariés mettront toujours en premier leur statut d’employé avant celui d’actionnaire surtout en cas de décisions difficiles de restructuration. Comment en effet des salariés actionnaires représentés au Conseil d’administration pourraient valider la fermeture de sites non rentables ? Entre leurs intérêts d’actionnaires et ceux des salariés l’arbitrage est vite fait. Le cas de Renault et à cet égard très révélateur lors de la fermeture en 1997 du site de Vilvorde en Belgique. Tant que les salariés actionnaires restent minoritaires, la logique financière de l’entreprise demeure. Mais si ceux-ci deviennent majoritaires on bascule dans un autre système proche de celui des sociétés coopératives (SCOP). Or, et malgré leurs intérêts, les SCOP n’ont jamais vraiment challengé les sociétés anonymes par action (SA), surtout en termes de croissance et de développement. Et puis, une participation trop importante des salariés au capital de l’entreprise peut effrayer des investisseurs au cas où l’entreprise en difficulté aurait besoin d’une recapitalisation.

Au total, que penser de la proposition du ministre des Comptes Gérald Darmanin ? Même s’il existe quelques risques à un développement trop important de l’actionnariat salarié, il nous semble que les avantages l’emportent largement, surtout dans la situation que connaît notre pays. Associer le travail au capital reste une belle et puissante idée dans un pays trop imprégné par la lutte des classes et les rêves de nationalisation. Le Général de Gaulle avait vu juste il y a plus de cinquante ans.

À la prochaine…

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Actionnariat-salarié : un contrepoids plus que la performance

Dans un billet publié sur LinkedIn, Mme Hautefort revient sur l’actionnariat-salarié et sa raison d’être : « Entreprises à fort actionnariat salarié : et si c’était le partage du pouvoir qui générait cette prime boursière ? » (3 octobre 2017).

 

La France est championne d’Europe de l’actionnariat salarié, et les sociétés à actionnariat salarié surperforment en bourse : +60% vs CAC 40 depuis début 2017. Mais où est leur secret ? Elles ne démontrent aucune différence factuelle avec les autres sociétés : c’est ce que révèle l’Enquête de l’Hebdo des AG cette semaine, à partir de l’étude de plus de 450 sociétés. La performance financière est comparable : les salariés ne sont ni plus ni moins productifs suivant qu’ils sont, ou non, actionnaires de leur société. Le climat social est aussi comparable : les salariés ne sont ni plus ni moins heureux au travail quand ils sont actionnaires. Un camouflet en apparence, pour les « pères » de l’actionnariat salarié. Dès 1967, ce dispositif a été conçu, au départ, comme une nouvelle façon de créer de la richesse en réconciliant capital et travail.

 

Reste le fait boursier : compter des salariés au capital est aux yeux des marchés un atout fort. Notre conviction est qu’ils ont raison. Ils perçoivent dans l’actionnariat salarié un autre levier, qui ne relève pas de l’alignement des intérêts entre capital et travail, au contraire.  De la même façon, ils ont plébiscité le fait de compter dans le Conseil d’Administration un administrateur salarié (pas forcément, même rarement, représentant des actionnaires salariés) – alors que les managements, pour la plupart, étaient réticents. Le ressort est le même : l’actionnariat salarié comme l’administrateur salarié sont valorisés par les marchés comme un contrepoids possible au management, en cas de situation sensible. Un paradoxe, quand les « proxy » tels ISS refusent de compter les administrateurs salariés comme indépendants.

 

Enseignement important à souligner :

 

Les faits, pourtant, donnent raison aux investisseurs et aux marchés.  L’actionnariat salarié peut se révéler un allié important pour un activiste.

 

À la prochaine…

Ivan Tchotourian

autres publications Gouvernance mission et composition du conseil d'administration place des salariés

Administrateurs salariés : statistiques de 2014

Dans son communiqué IODS informe que sa base de données « Gouvernance d’entreprise » a été mise à jour pour toutes les sociétés cotées sur Euronext Paris et observe cette nette progression du nombre des administrateurs salariés dans les sociétés cotées en 2014.

La base donne en particulier des informations nominatives très détaillées sur les administrateurs salariés et leur affiliation syndicale. On note une augmentation très forte du nombre d’administrateurs salariés mais leur présence est encore loin d’être généralisée. 28% des entreprises appartenant ou ayant appartenu  au SBF 120 ont au moins un administrateur salarié et 15% en ont au moins deux. Les conseils d’administration des sociétés cotées à Paris comptent désormais au total 93 membres salariés, soit une augmentation de 90% par rapport à l’année précédente.

La base de données comprend plus de 500 entreprises cotées, avec un historique couvrant les années 1998 à 2014 pour les entreprises ayant appartenu au moins une fois sur cette période à l’indice SBF 120. Elle comporte plus de cent cinquante variables articulées autour de 4 grands volets : la gouvernance, le dirigeant, l’actionnariat et les commissaires aux comptes.

Pour en savoir plus, cliquez ici.

À la prochaine…

Ivan Tchotourian

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Salariés et actionnaires : statistiques françaises

Bonsoir à toutes et à tous, un article du journal Les Échos.fr nous apprend que L’actionnariat salarié poursuit sa progression.

Petit à petit, l’actionnariat salarié progresse au sein des sociétés françaises. D’après une étude menée par la Fédération française des associations d’actionnaires salariés et anciens salariés avec Altedia et Lee Hecht Harrison, 45 % des entreprises interrogées ont atteint ou dépassé le seuil de 3 % d’actionnaires salariés. Un niveau que l’on peut juger significatif étant donné le volume d’actions, et donc d’investissements nécessaires de la part des salariés, surtout dans les grands groupes. Au sein du CAC 40, 17 entreprises, soit 43 % de l’indice, avaient plus de 3 % du capital aux mains des salariés à fin 2014.

À la prochaine…

Ivan Tchotourian

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Loi Macron : conséquences pour la gouvernance d’entreprise

Le Conseil constitutionnel a validé, mercredi 5 août, l’essentiel de la loi sur la croissance et l’activité (nous avions évoqué cette loi dans un précédent billet notamment sur le thème des retraites chapeau : ici). En termes de gouvernance d’entrerise, ce texte va avoir 3 conséquences :

  • Une modification des règles en matière de retraites chapeau (cela vous le saviez déjà !) : il y aura désormais publication d’un rapport annuel d’information sur les retraites chapeau et un encadrement et une mise sous condition de performance des régimes de retraite à prestations définies attribuées aux dirigeants mandataires sociaux des sociétés cotées
  • Le renforcement de l’information en matière de transmission d’entreprise : « L’information porte également sur les orientations générales de l’entreprise relatives à la détention de son capital, notamment sur le contexte et les conditions d’une cession de celle-ci et, le cas échéant, sur le contexte et les conditions d’un changement capitalistique substantiel ». L’article 18 de de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire précisait simplement que : l’information ne portait jusque-là que sur les conditions juridiques de la reprise d’une entreprise par les salariés, sur ses avantages et ses difficultés, ainsi que sur les dispositifs d’aide dont ils peuvent bénéficier.
  • Une réduction du cumul des mandats : avant de 5, le nombre est de 3 (toutefois, cela ne vise que les mandats déjà détenus dans une société dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé et qui emploie au moins cinq mille salariés permanents dans la société et ses filiales, directes ou indirectes, dont le siège social est fixé sur le territoire français, ou au moins dix mille salariés permanents dans la société et ses filiales, directes ou indirectes, dont le siège social est fixé sur le territoire français et à l’étranger)
  • Une incitation à l’actionnariat salarié : la loi permet une généralisation aux petites et moyennes entreprises (PME) et rendre plus attractifs fiscalement l’actionnariat salarié. Les fonds récoltés devraient également être davantage utilisés pour financer l’économie. La loi abroge en parallèle en revanche la prime de partage des profits mise en place sous la présidence de Nicolas Sarkozy, qui obligeait les entreprises augmentant leurs dividendes deux ans de suite à une redistribution au profit de leurs salariés.

À la prochaine…

Ivan Tchotourian