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OPINION : Nouvelle stratégie pour l’entreprise canadienne responsable : une étape

Le 28 avril 2022, le gouvernement canadien a publié sa nouvelle stratégie quinquennale pour les entreprises exerçant leurs activités à l’étranger. Dénommée Conduite responsable des entreprises à l’étranger : Stratégie du Canada pour l’avenir, cette stratégie établit les priorités du gouvernement fédéral pour soutenir les entreprises canadiennes. Troisième version d’une initiative prise en 2009, cette stratégie est assurément une belle étape de franchie en faveur de l’entreprise responsable, elle impose toutefois de futures initiatives réglementaires.

Une ambition affichée

Les mots de la nouvelle stratégie sont forts et le message envoyé par le gouvernement est porteur d’espoir. Contrairement à sa version précédente, cette stratégie étend sa portée en visant l’ensemble des entreprises canadiennes (peu importe leur taille, leur secteur d’activité ou la portée de leurs activités) et pas uniquement celles du secteur extractif. Le gouvernement souligne que : « La conduire responsable des entreprises est une priorité pour le Canada ». Il attend des entreprises « peu importe leur statut juridique, leur taille, leur propriété ou leur secteur d’activité, qu’elles contribuent au développement durable, tout en évitant les répercussions négatives de leurs opérations et en y remédiant, et qu’elles reconnaissent que les sociétés peuvent tirer parti de leur chaîne d’approvisionnement et de leurs relations commerciales pour promouvoir ces valeurs ». La stratégie se donne les moyens de ses ambitions en prévoyant une vaste panoplie d’actions qui vont de la constitution de groupes ou de forums à l’édiction d’une norme, en passant par l’établissement d’un fonds ou d’un réseau de champions. De manière pertinente, la stratégie « parle » aux entreprises en insistant sur l’atténuation des risques, la réduction des coûts et la facilitation de l’accès au capital qu’offre une conduite responsable. Cette stratégie s’inscrit de plus dans le débat actuel sur la vigilance dont devraient faire preuve les entreprises canadiennes qui déploient leurs activités à l’étranger. La stratégie affirme ainsi qu’une de ses composantes est de mettre l’accent sur la diligence raisonnable et la responsabilisation.

Un nécessaire suivi législatif

La stratégie conserve les défauts de ses prédécesseurs, à savoir son manque de mordants. Toutefois, cette nouvelle mouture ouvre la porte à de possibles futures contraintes. Plusieurs déclarations sont faites en ce sens. À propos de la diligence raisonnable par exemple, la stratégie énonce : « En collaboration l’Office des normes générales du Canada avec d’autres partenaires, et en complément de l’engagement du Canada à adopter une loi pour éliminer le travail forcé des chaînes d’approvisionnement canadiennes, le gouvernement du Canada élaborera une norme de diligence raisonnable en matière de CRE ». « La stratégie – et le plan d’action des activités et des outils clés qui produiront des résultats – complète la législation actuelle et future en matière de CRE dans de nouveaux domaines comme la diligence raisonnable dans les chaînes d’approvisionnement ». Il faudra donc s’assurer que cette législation future existe.

Ce suivi est particulièrement important dans le contexte canadien. Il existe peu de lois responsabilisant les entreprises par rapport à leurs activités à l’étranger, ni de base législative permettant aux victimes de les poursuivre devant les tribunaux pour leurs inconduites à l’étranger. Dans le contexte de la vigilance, il faut se contenter des règles douanières à l’efficacité incertaine ou de recours à des mécanismes non judiciaires de règlement des différends (PCN et ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises) qui montrent leurs limites et sont peu utilisés dans les faits. Deux projets de loi d’initiative parlementaire sont actuellement débattus. Ils ne doivent pas tomber aux oubliettes comme d’autres avant eux. Le projet de loi C-262 impose aux entreprises opérant à l’étranger une responsabilité de prévenir, de répondre et de réparer leurs effets négatifs sur les droits de l’Homme et l’environnement. De son côté, le projet de loi C-263 entend répondre à la faiblesse des pouvoirs d’enquête de l’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises.

Le Canada ne doit pas s’arrêter à sa nouvelle stratégie. Les recherches montrent que la responsabilité sociale doit être appuyée par le droit. Si l’ambition de la stratégie est affichée, il faut qu’elle soit assumée dans une prochaine étape. Cela passe par l’adoption de lois contraignantes. C’est à cette condition que la stratégie atteindra ses objectifs et que les entreprises canadiennes seront socialement responsables, loin du simple affichage. Le Québec pourrait d’ailleurs s’inspirer de ce qui se passe à l’échelon fédéral pour chercher à responsabiliser ses entreprises et développer ses propres outils. Pourquoi pas une norme québécoise de vigilance ?…

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Publication sur Contact : « Où va l’entreprise ? »

Bonjour à toutes et à tous, mon nouveau billet de blogue sur Contact est arrivé : « Où s’en va l’entreprise ? » me suis-je posé comme question… Inspiré d’une conférence donnée à l’Université Toulouse Capitole 1 à la mi-novembre, je synthétise dans ce billet plusieurs évolutions récentes déjà abouties ou en marche.

 

Morceaux choisis :

 

Si l’on part de cette idée qu’une entreprise plus juste est nécessaire, comment le droit est-il en train de la construire ? Mais commençons par le commencement et posons-nous la question suivante : le droit s’intéresse-t-il à cette entreprise nouvelle ? Incontestablement oui ! Alors que jusqu’à présent, le droit des affaires consacrait des réformes essentiellement techniques (apportant des précisions sur certains aspects de leur constitution, leur fonctionnement ou leur financement), les choses changent. Leur ADN et la perception fondamentale de leur fonction primaire sont placés sous le microscope du législateur qu’il soit nord-américain ou européen. Quelles sont les caractéristiques de cette nouvelle entreprise ? Selon moi, elle est organisée autour de 4 points :

  • De nouveaux objectifs.
  • De nouvelles structures.
  • De nouvelles normes de gouvernance.
  • De nouvelles façons de rendre compte.

Bien que ces innovations ne soient pas implantées au même rythme suivant les pays, elles sont néanmoins présentes dans les discours juridiques.

Au final, le Canada peut mieux faire. Trouver la formule d’une entreprise nouvelle est sans doute complexe et ses composants difficiles à identifier, il n’en demeure pas moins qu’il faut que les juristes de droit de l’entreprise se mobilisent. L’entreprise est peut-être une chose économique, mais elle n’est plus l’inconnue du droit qu’elle a longtemps été. Son impact sur l’économie, la finance, la politique, la démocratie, la fiscalité des pays est tel qu’il ne peut en aller autrement. Le futur est devant, reste à l’écrire…

Sinon, attention qu’une autre nouvelle entreprise ne s’impose pas : une entreprise court-termiste, dominée par une logique financière, axée sur la valeur boursière, soumise un activisme d’un genre nouveau et ignorant ses parties prenantes (voire même prédatrice de ces parties prenantes).

 

À la prochaine…

Ivan

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RSE, entreprises et droit canadien : un bilan

Bonjour à toutes et à tous, je viens de publier (avec Valérie Deshaye et Romy Mac Farlane-Drouin) dans Les Cahiers de droit (Volume 57, numéro 4) avec le titre suivant : « Entreprises et responsabilité sociale : évolution ou révolution du droit canadien des affaires ? ».

La responsabilité sociale des entreprises (RSE) gagne du terrain au Canada, comme le démontre le sujet des entreprises multinationales, notamment celles qui travaillent dans le domaine extractif. Le Canada a adopté en novembre 2014 une nouvelle stratégie de promotion de la responsabilité sociale des entreprises pour les sociétés extractives canadiennes présentes à l’étranger. Si le cadre législatif se montre à l’heure actuelle peu contraignant, il n’en demeure pas moins qu’il a connu quelques réformes récentes cherchant, au bout du compte, à donner à la RSE une place plus importante dans la sphère économique. Dans le même sens, la jurisprudence canadienne semble également faire bouger ses pions sur l’échiquier en tentant d’imposer aux sociétés mères une responsabilité plus grande, tout en facilitant l’accès des victimes aux recours judiciaires. Au final, le droit canadien des affaires est dans un continuum réglementaire caractérisé par une série d’évolutions (d’une force normative variable) qui renforcent la responsabilité de ces dernières.

Quelle est notre conclusion ?

Les conséquences de cette évolution du cadre normatif sont considérables. D’une part, la RSE donne à l’entreprise une place et un rôle différents dans les sociétés contemporaines, loin des lectures économique et financière : la RSE « brings a new perspective of the firm and its role in society, as corporations participate more and more as legitimate actors in the political process ». Elle « proposes a reinterpretation of the firm as a social and political actor ». D’autre part, ce sont les bases même de la gouvernance des entreprises (et son modèle théorique d’essence économico-financier) qui se trouvent renouvelées en profondeur dans un objectif clairement reconnaissable : les rendre plus responsables de leurs activités.

À la prochaine…

Ivan Tchotourian

 

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Nouvel ouvrage sur la responsabilité limitée : « Limited Liability: A Legal and Economic Analysis »

Stephen Bainbridge et Todd Henderson vont publier au mois de septembre 2016 leur dernier ouvrage portant sur la responsabilité limitée des actionnaires : « Limited Liability: A Legal and Economic Analysis ». Assurément un ouvrage à avoir dans une bibliothèque de droit des affaires !

 

The modern corporation has become central to our society. The key feature of the corporation that makes it such an attractive form of human collaboration is its limited liability. This book explores how allowing those who form the corporation to limit their downside risk and personal liability to only the amount they invest allows for more risks to be taken at a lower cost.This comprehensive economic analysis of the policy debate surrounding the laws governing limited liability examines limited it not only in an American context, but internationally, as the authors consider issues of limited liability in Britain, Europe and Asia. Stephen Bainbridge and M. Todd Henderson begin with an exploration of the history and theory of limited liability, delve into an extended analysis of corporate veil piercing and related doctrines, and conclude with thoughts on possible future reforms. Limited liability in unincorporated entities, reverse veil piercing and enterprise liability are also addressed. This comprehensive book will be of great interest to students and scholars of corporate law. The book will also be an invaluable resource for judges and practitioners.

 

À la prochaine…

Ivan Tchotourian