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La société à mission : quel fonctionnement ?

Me Errol Cohen publie un intéressant article dans Les Échos.fr sur l’entreprise à mission : « La société à mission : un fonctionnement spécifique, Fiscalité et droit des entreprises » (13 août 2020).

Extrait :

La société à mission : un fonctionnement spécifique, Fiscalité et droit des entreprises

Le statut de société à mission s’appuie sur les travaux académiques relatifs à la société à objet social étendu. Mais il les adapte aux nouvelles dispositions relatives à la « raison d’être » . Ce dernier étage de la fusée regroupe essentiellement les principes suivants : une définition de la mission, étendant l’objet social, marquant l’engagement de l’entreprise et assurant l’opposabilité de la mission ; une mission qui intègre des objectifs d’ordre social et environnemental, propres à l’entreprise, et non réductibles au profit ; une mission qui constitue un outil d’ancrage de l’entreprise dans son environnement, ses écosystèmes et plus largement dans le cours de l’histoire, et qui vient donc donner un déploiement plus approfondi et plus opérationnel à la « raison d’être » ; un principe de contrôle interne de cet engagement par un comité de mission dont la composition reflète les différentes parties inscrites dans la mission, et notamment un salarié. Les parties prenantes de l’entreprise (sans que cette liste soit exhaustive, clients, fournisseurs, salariés, famille de ceux-ci, le territoire où ils se trouvent, etc.) ne sont pas explicitement mentionnées dans le texte de la « société à mission » mais elles sont clairement évoquées dans les débats parlementaires.

La notion de mission englobe aussi indirectement les principes suivants : la prise en compte du temps long, de l’innovation et de la recherche ; le développement pérenne, comme fondement de l’entreprise et de son engagement collectif ; la restauration de la liberté d’arbitrage du dirigeant et des instances de direction ; l’arbitrage éclairé dans le cadre de la mission.

La raison d’être, tout comme la mission, se distingue de la vocation habituelle de la société ou d’une activité qui se justifierait avant tout par son but lucratif. Elles doivent marquer des « avancées » et des engagements par rapport à l’objet social habituel, et donc impliquer des engagements nouveaux et des transformations à venir promises à certaines parties. Raison d’être et mission sont clairement des vecteurs de mouvement et de progrès collectif. Certes, des particularismes dans l’activité ou dans le déploiement d’une société peuvent rendre plus aisé le passage en société à mission, mais ils ne peuvent pour autant lui servir de substitut.

Indépendance du dirigeant face aux actionnaires

L’établissement d’une mission invite les dirigeants, dans leurs relations avec les actionnaires et les parties prenantes, à une prise de conscience plus large de leur action, des énergies à libérer et des partenaires à prendre en compte. La mission sera une vigoureuse incitation à projeter les valeurs sociales, environnementales et d’innovation dans un monde plus responsable et riche de sens. Ce plaidoyer peut paraître « idéaliste », mais il ne l’est en rien.

Il est facile de constater que les entreprises sont devenues des acteurs fondamentaux de nos sociétés, tant par la croissance économique et sociale qu’elles peuvent amener que par les impacts négatifs (pollutions, inégalités…) qu’elles peuvent induire.

Rappelons que ce qui s’est révélé être un parti pris idéaliste, c’était l’idée que les entreprises par la seule prise en compte de leur « intérêt bien compris » adopteraient spontanément des démarches engagées en faveur d’une responsabilité sociale et environnementale accrue. Or – et c’est là que se cachait l’idéalisme – c’était supposer que les dirigeants ont toujours les moyens de résister face aux exigences et aux pressions en termes de valeur actionnariale ; la recherche a bien montré que cette résistance, si elle existe, ne dure pas longtemps. Car l’univers des actionnaires est lui-même un univers en mouvement rapide.

Et si certains actionnaires peuvent être attentifs à l’intérêt à long terme de l’entreprise, encore faut-il que cette stratégie ne joue pas trop sur le cours des actions, car une baisse attirerait immédiatement des fonds activistes avides d’opérations aux effets rapides et qui rapportent gros. Paradoxalement, dans un monde dominé par la valeur actionnariale et les codes de gouvernance standards, un comportement vertueux vulnérabilise l’entreprise et peut la soumettre à des risques difficilement soutenables. Ce qui revient simplement à dire que l’idéalisme réside surtout dans l’idée que les dirigeants peuvent installer un comportement responsable envers et contre tous les mécanismes juridiques et normatifs actuels.

La société à mission permet de sortir du paradoxe de la vertu contre-productive et vulnérabilisante. Elle offre un schéma de gouvernance alternatif et cohérent qui soutient le dirigeant en réorganisant ses relations avec les actionnaires et les parties prenantes.L’auteur

À la prochaine…

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La Benefit corporation adoptée en Colombie-Britannique

En voilà une nouvelle ! La province de Colombie-Britannique vient de faire place à une Benefit Corporation. Certaines modifications apportées à la Business Corporations Act de la Colombie-Britannique (la « BCBCA ») qui vont entrer en vigueur le 30 juin 2020 permettent la création d’un nouveau sous-type de société, la « société d’intérêt social » (la benefit company). La Colombie-Britannique est le premier territoire canadien à adopter ce concept qui n’est pourtant pas nouveau aux États-Unis. Pas sûr que ce choix soit heureux dans la mesure où la 3C existait déjà et qu’elle se révèle sans doute plus porteuse pour la RSE…

Pour en savoir plus : « Une première au Canada : les sociétés d’« intérêt social » arrivent en Colombie-Britannique » (Stikeman Elliott, 5 juin 2020)

Extrait :

The major distinctions between a B.C. benefit company and other B.C. companies are as follows:

  • Notice of articles: The benefit company’s notice of articles will contain the following statement (the benefit statement”):

This company is a benefit company and, as such, is committed to conducting its business in a responsible and sustainable manner and promoting one or more public benefits.

  • Articles: The benefit company’s articles must include a provision that specifies the public benefits to be promoted (benefit provision). “Public benefit” refers to something that has a positive effect that benefits (i) a class of persons other than shareholders of the company in their capacity as shareholders, or a class of communities or organizations, or (ii) the environment. The positive effect can be:
    • Artistic
    • Charitable
    • Cultural
    • Economic
    • Educational
    • Environmental
    • Literary
    • Medical
    • Religious
    • Scientific
    • Technological
  • Alterations: Any decision to adopt or eliminate the benefit statement (i.e. to alter the company’s status as a benefit company) must be approved by a special resolution of the voting shareholders. Both voting and non-voting shareholders of the benefit company are entitled to dissent rights with respect to such a change or to a change in the benefit provision.
  • Benefit report: Each year, the benefit company must prepare, provide to its shareholders and post on its website (if it has one) a report (benefit report) that assesses the company’s performance in carrying out the commitments set out in the company’s benefit provision compared to a third-party standard. The report needs to include information about the process and rationale for selecting or changing the relevant third-party standard. Regulations may be enacted that provide more details about the third-party standard and the contents of the benefit report.
  • Penalties relating to the benefit report: It will be an offence if the directors of the benefit company do not prepare and post the benefit report as required by the BCBCA and the regulations. There is a potential fine of up to $2,000 for individuals or $5,000 for persons other than individuals.
  • Augmented fiduciary duty: The directors and officers of a benefit company will be required to act honestly and in good faith with a view to conducting the business in a responsible and sustainable manner and promoting the public benefits that the company has identified in its benefit provision. They must balance that public benefits duty against their duties to the company. (There is currently no guidance with respect to achieving this balance.) However, the amendments state that the public benefits duty does not create a duty on the part of directors or officers to persons who are affected by the company’s conduct or who would be personally benefitted by it.
  • Enforcement and remedies where duty breached: Several significant provisions in the amendments relate to enforcement and remedies:
    • Shareholders are the only persons who are able to bring an action against a BCBCA benefit company’s directors and officers over an alleged violation of their duty relating to public benefits;
    • Only shareholders that, in the aggregate, hold at least 2% of the company’s issued shares may bring such an action (in the case of a public company, a $2 million shareholding, in the aggregate, will also suffice); and
    • The court may not order monetary damages in relation to a breach of that duty. Other remedies, such as removal or a direction to comply, would still be available.

À la prochaine…