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engagement et activisme actionnarial Gouvernance Normes d'encadrement Nouvelles diverses objectifs de l'entreprise Valeur actionnariale vs. sociétale

Nos étudiants publient : L’activisme actionnarial offensif expliqué

Le séminaire à la maîtrise de Gouvernance de l’entreprise (DRT-7022) dispensé à la Faculté de droit de l’Université Laval entend apporter aux étudiants une réflexion originale sur les liens entre la sphère économico-juridique, la gouvernance des entreprises et les enjeux sociétaux actuels. Le séminaire s’interroge sur le contenu des normes de gouvernance et leur pertinence dans un contexte de profonds questionnements des modèles économique et financier. Dans le cadre de ce séminaire, il est proposé aux étudiants depuis l’hiver 2014 d’avoir une expérience originale de publication de leurs travaux de recherche qui ont porté sur des sujets d’actualité de gouvernance d’entreprise. C’est dans cette optique que s’inscrit cette publication qui utilise un format original de diffusion : le billet de blogue. Cette publication numérique entend contribuer au partager des connaissances à une large échelle (provinciale, fédérale et internationale). Le présent billet est une fiche de lecture réalisée par Mmes Manon Berney et Chu-Ya Chia. Ces dernières analysent la notion l’activisme actionnarial offensif et reviennent en parallèle sur l’article « Shareholder Activism as a Corrective Mechanism in Corporate Governance » de Paul Rose et Bernard Sharfman. Je vous en souhaite bonne lecture et suis certain que vous prendrez autant de plaisir à le lire que j’ai pu en prendre à le corriger

 Ivan Tchotourian

La question fondamentale qui se pose en matière d’activisme actionnarial est d’en déterminer l’opportunité : est-ce une bonne chose ? Les auteurs de l’article « Shareholder Activism as a Corrective Mechanism in Corporate Governance »[1] commencent par asseoir la présence de l’activisme actionnarial au sein des entreprises et l’insère dans le débat actuel qui tend à opposer le capitalisme managérial et le capitalisme axé sur la plus-value actionnariale. À ce jour, c’est le second modèle qui semble prendre une place prépondérante. L’article répond à la question portant sur l’opportunité et la légitimité de l’activisme actionnarial dit « offensif » qui apparaît comme le nouveau mantra de la gouvernance d’entreprise contemporaine. Les auteurs démontrent comment ce type d’activisme peut servir à promouvoir la valeur actionnariale tout en étant bénéfique pour l’entreprise. Quelle analyse peut-on en faire ?

Intersection entre activisme actionnarial et gouvernance de l’entreprise

La configuration traditionnelle en droit des sociétés par actions place le pouvoir et l’autorité de manière centralisée : tout est entre les mains des administrateurs ! Ce choix est justifié par le fait que les administrateurs sont plus aptes à prendre des décisions vu leur compétence, leur connaissance de l’entreprise et leur absence de passivité (contrairement aux actionnaires). Une telle concentration du pouvoir laisse les actionnaires relativement impuissants et c’est ce déséquilibre qui est identifié comme le moteur de la montée de l’activisme actionnarial. Les auteurs soulignent que l’idée de l’activisme actionnarial ne tend pas vers un contrôle du conseil d’administration, mais plutôt un partage provisoire de compétences… en admettant la prémisse que, dans certaines situations, les actionnaires sont aptes à imposer des décisions qui s’inscrivent directement dans une optique de maximisation de la valeur actionnariale et de l’efficience des activités de l’entreprise.

Différencier les actionnaires

Les types d’actionnaires diffèrent au sein d’une entreprise et les auteurs en identifient un en particulier qui est susceptible de participer et implanter de politiques de gouvernance. Il s’agit des information traders. Sur la base de leurs recherches et des recommandations externes, ils analysent et échangent des données du marché pour faire des choix d’investissement optimal. Ce sont en général des investisseurs professionnels, très qualifiés et ayant une expertise de haut niveau (tels les hedge funds actifs).

L’avantage qu’ils représentent réside dans leur volonté d’investir des ressources non seulement dans l’identification d’opérations stratégiques pour accroître la valeur actionnariale, mais également dans l’effort à mener pour réaliser ce changement au niveau de l’entreprise. Ce phénomène n’est rien d’autre que l’activisme actionnarial offensif.

Activisme actionnarial offensif : pas si mauvais !

L’activisme actionnarial offensif constitue un mécanisme correctif. Il permet aux entreprises d’éviter les erreurs commises par le conseil d’administration dû à l’insuffisance de l’information de ce dernier dans certaines situations. L’actionnariat offensif implique un partage de pouvoir entre le conseil et les actionnaires activistes. Si, en théorie, ce partage du pouvoir peut provoquer une course aux procurations qui risque de conduire à une décision sous-optimale prise par l’ensemble des actionnaires dont la majorité n’est pas suffisamment informée, il est constaté dans les faits que ce risque est minime. Les études empiriques montrent que l’activisme actionnarial offensif augmente significativement la valeur actionnariale, et ce, particulièrement quand il mène à une vente de l’entreprise, une cession des actifs non stratégiques ou un changement de stratégie commerciale. Il est également établit que cet effet positif de l’activisme offensif persiste en général pendant au moins un an après l’intervention, prouvant que l’activisme actionnarial offensif est véritablement bénéfique aux entreprises.

Investisseurs long-terme vs. court-terme : la contradiction levée

Finalement, les auteurs démontrent que la critique du court-termisme des hedge funds actifs est en grande partie infondée. Quel que soit l’objectif souhaité de l’investissement, tous les investisseurs tiennent à leur liberté de pouvoir vendre leurs actifs quand ils le désirent. La valorisation des actions de l’entreprise se fait également de façon similaire, peu importe la période de détention envisagée. Plus important encore, si l’activisme actionnarial offensif des hedge funds était perçu par le marché comme court-termisme et nocif à l’entreprise sur le long terme, l’effet positif de ces hedge funds sur les prix d’actions n’aurait pas duré aussi longtemps que ce qui est observé dans les faits.

Conclusion : un questionnement fondamental oublié

Sans remettre en cause le rôle crucial du conseil d’administration, les auteurs démontre que l’activisme actionnarial offensif constitue un mécanisme correctif à la gouvernance qui augmente la valeur actionnariale. Une question cruciale demeure : la promotion de la valeur actionnariale par l’activisme des hedge funds ne se fait-elle pas au détriment de l’intérêt des autres parties prenantes, particulièrement quand cette augmentation de la valeur actionnariale est le résultat d’une vente de l’entreprise ou une cession des activités dites non stratégiques ?

 Manon Berney

Chu-Ya Chia

Étudiants du cours de Gouvernance de l’entreprise – DRT-7022


[1] ROSE Paul et SHARFMAN Bernard S., Shareholder Activism as a Corrective Mechanism in Corporate Governance, 2014 BYU L. Rev. 1015 (2015).

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Rémunération des dirigeants : le CA doit prendre ses responsabilités

Belle réflexion offerte par le Financial Times sur le rôle que le conseil d’administration devrait assumer en matière de rémunération des dirigeants : « Boards are responsible for limiting excess pay » (Financial Times, 17 avril 2016).

Boards of directors are not appointed to rubber-stamp formulas devised by consultants, no matter what the result. If there appears to be something awry, they should be able to exercise their judgment and not be limited by employment contracts that deny them authority. BP’s remuneration committee failed this simple test and so found itself exposed to scorn.

Nothing absolves a board of its responsibility to limit the quantum of pay. Chief executives perform tough, demanding, responsible jobs and their decisions heavily affect the value of companies. But it is not obvious why some need to be paid double-digit millions to do their best when single-digit millions or less were accepted as sufficient financial rewards not so long ago.

Boards sometimes need to compete for talent, signing contracts that raise expectations and constrain their freedom to cap pay. As the tenure of CEOs has reduced, bosses want to get rich faster. Some argue that they could earn more in private equity, away from the unforgiving public spotlight.

À la prochaine…

Ivan Tchotourian

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Big Investors Question Corporate Board Tenures

Très intéressant article du The Wall Street Journal qui met en lumière le fait qu’une part non négligeable d’administrateurs américains occupent leur siège depuis plus de 10 ans (24 %). Cette situation ne serait pas gênante, si les investisseurs ne commençaient à se rebeller ! Lire la suite ici.

Large U.S. companies increasingly are governed by board members who have held their seats for a decade or more, even as some big investors question whether these directors serve shareholders’ best interests. At 24% of the biggest U.S. companies, a majority ofthe board has been in place for at least 10 yeaxs, .•a. Wall Street Journal~.lli!lysis found. It is a ~arked changed from 2005 when long-term directors made up a board majority at 11%of large companies. One factor driving the change is low turnover among directors.

(…) Some investors and proxy advisory firms aren’t waiting for companies to make changes. BlackRock Inc., State Street Global Advisors and o~?ig money managers have begun opposing the re-election of some directors with extended tenure.

À la prochaine…

Ivan Tchotourian

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Nos étudiants publient : L’affaire Bombardier

Le séminaire à la maîtrise de Gouvernance de l’entreprise (DRT-7022) dispensé à la Faculté de droit de l’Université Laval entend apporter aux étudiants une réflexion originale sur les liens entre la sphère économico-juridique, la gouvernance des entreprises et les enjeux sociétaux actuels. Le séminaire s’interroge sur le contenu des normes de gouvernance et leur pertinence dans un contexte de profonds questionnements des modèles économique et financier. Dans le cadre de ce séminaire, il est proposé aux étudiants depuis l’hiver 2014 d’avoir une expérience originale de publication de leurs travaux de recherche qui ont porté sur des sujets d’actualité de gouvernance d’entreprise. C’est dans cette optique que s’inscrit cette publication qui utilise un format original de diffusion : le billet de blogue. Cette publication numérique entend contribuer au partager des connaissances à une large échelle (provinciale, fédérale et internationale). Le présent billet expose le résultat des recherches de Mmes Maylis Hoff et Julia Nakache. Ce billet revient sur le cas de l’entreprise Bombardier et l’investissement du gouvernement québécois dans cette dernière. Je vous en souhaite bonne lecture et suis certain que vous prendrez autant de plaisir à le lire que j’ai pu en prendre à le corriger.

 Ivan Tchotourian

Les Sociétés d’État au Québec appartiennent en majorité à l’Etat et fournissent un service commercial jugé d’intérêt général. C’est par exemple le cas de la Caisse de dépôt et de placement, d’Hydro-Québec, de la Société des Alcools du Québec…[1] Plus récemment, la société gérant le programme CSeries de Bombardier a fait parler d’elle. En effet, suite à des problèmes financiers, le gouvernement Québécois a décidé de détenir 49,5 % de son capital. Le périodique Les affaires a publié un dossier à ce sujet[2].

De belles questions

Il nous apparaît alors intéressant de s’interroger sur la légitimité de la place de l’État dans une entreprise privée. Plus précisément, l’État a-t-il un rôle à jouer dans le marché des entreprises à capital ouvert à travers des investissements (tels que ceux faits dans la CSeries) ? L’actionnariat de l’État ne devrait-il pas être réglementé pour éviter, d’une part, un conflit entre ses pouvoirs d’investisseur et de législateur et, d’autre part, pour s’assurer que ses investissements servent uniquement l’intérêt général ? Enfin, lorsque l’Etat investi, est-il légitime qu’il jouisse de certains privilèges que n’ont pas les autres investisseurs ?

Un État dans la sphère économique : Docteur Jekyll et Mister Hyde ?

Bombardier est une entreprise multinationale canadienne spécialisée dans la construction de matériels de transport. Elle se place 3e dans le secteur de l’aéronautique, derrière Airbus et Boeing. Dès 2008, elle a montré son intérêt pour le lancement d’un nouveau programme CSeries afin d’élargir sa gamme de jets régionaux et de se démarquer de ses concurrents. Face à l’échec de ce programme, le gouvernement québécois a choisi non pas d’allouer de nouvelles subventions, mais d’en faire son partenaire commercial en y investissant directement 1 milliard de dollars. Nous sommes ici bien loin de l’image traditionnelle de l’État régulateur : décomplexé, ce dernier agit en effet comme un véritable actionnaire. « Le Québec n’a plus les moyens de distribuer subventions et crédits d’impôt sans rien attendre en retour. Il investira si une situation l’exige, mais seulement s’il est persuadé d’en sortir gagnant » martelait en 2014 le ministre provincial de l’économie Jacques Daoust[3]. La province du Québec ne se limite pas au seul secteur de l’aéronautique : il a récemment annoncé la mise en place d’une dotation de 15 millions de dollars afin de réaliser des investissements en collaboration avec des entreprises québécoises de l’industrie du jeu vidéo[4].

 Cette nouvelle facette d’État actionnaire ne s’arrête pas aux frontières. On le voit par exemple avec l’État français qui refuse la qualification « d’actionnaire passif » et a ainsi augmenté ses participations dans le capital de l’entreprise Renault de 15,01 % à 19,74 %[5]. La difficulté réside dans la conciliation à la fois de sa fonction « législative » avec celle « d’actionnaire ». On peut en effet douter de son indépendance dans sa prise de décisions. Même si au Canada ou en France, il n’y a pas de dispositions législatives qui sanctionnent directement l’absence d’indépendance des administrateurs, un certain nombre de recommandations réglementaires et de décisions jurisprudentielles confirme ce principe[6]. Selon une recommandation de la Commission européenne du 15 février 2005, « (…) un administrateur ne devrait être considéré comme indépendant que s’il n’est lié par aucune relation d’affaires, familiale ou autre qui crée un conflit d’intérêts de nature à altérer sa capacité de jugement »[7]. De même, au Québec, le règlement 52-110 sur le comité d’audit définit dans son article 1.4 2) l’indépendance comme relation importante, directe ou indirecte, avec l’émetteur dont le conseil d’administration pourrait raisonnablement s’attendre à ce qu’elle nuise à l’indépendance du jugement d’un membre du comité. Or, ce qui nous parait probable c’est que l’Etat législateur soit tenté d’adopter un certain nombre de mesures législatives ayant pour but de donner un avantage concurrentiel à l’entreprise dont il est actionnaire. Tel a été le cas de l’État français avec l’adoption de la loi Florange en 2014. Cette loi permet la généralisation du droit de vote double pour les actionnaires présents depuis plus de deux ans au capital d’une entreprise. Au final, l’État est le grand gagnant de cette mesure ! « Une étude Exane BNP Paribas dévoilée par les Échos évalue la part du capital que l’État pourrait revendre sans perdre son pouvoir de décision »[8]. Comment peut-on justifier cette action de l’État au regard des principes de gouvernance ? Les administrateurs doivent agir de manière indépendante et dans l’intérêt exclusif de la société. Comment peut-on justifier cette action de l’État au regard de l’esprit même de la loi qui doit poursuivre un objectif d’intérêt général ? On voit là apparaître une nouvelle facette de l’État. « On ne connaissait pas jusqu’ici l’État raider capable, comme un spéculateur, d’user de la loi pour perpétrer un coup de force et s’arroger des avantages indus violant ainsi, sinon la lettre, du moins l’esprit de la Loi »[9].

 Le Québec ne dispose pas encore d’un tel avantage ; les familles Bombardier et Beaudoin possèdent toujours 85 % des actions à dix droits de vote. Par conséquent, même si un jour, le gouvernement exerce ses bons de souscription, il ne contrôlera pas la majorité des droits de vote alors même qu’il détient la majorité du capital. Néanmoins, il jouit de certains privilèges que n’ont pas les autres investisseurs. Par exemple, dans le cas d’une faillite, ses créances sont habituellement prioritaires à celles des autres créanciers. Il ne faut toutefois pas oublier la facette politique de cette action. En effet, de nombreux emplois ont été sauvés : « Le secteur de l’aérospatiale au Québec, c’est 13,8 G$, 204 entreprises et 41750 travailleurs hautement spécialisés »[10]. L’expression sarcastique américaine de « Pork Barrel » pourrait parfaitement bien s’appliquer à cette situation.

Conclusion

Ottawa pourrait rompre ce nouvel équilibre en investissant, tout comme Québec, un milliard de dollars. Si jamais une telle contribution venait à se réaliser, alors, les gouvernements disposeraient d’une majorité au conseil d’administration. François Legault a fait part de ses craintes vis-à-vis de cette situation : « Moi, j’ai froid dans le dos de voir une situation comme celle-là »[11].

Il reste à souligner que cet investissement a été fait avec l’argent des contribuables. Il aurait peut-être été intéressant que ces derniers aient la possibilité d’exprimer leur consentement vis-à-vis de la manière dont leur argent a été placé (la mise en œuvre n’est pas simple, mais elle mérite d’être envisagée). Surtout que la gestion et la capacité de Bombardier à générer des bénéfices suscitent de nombreuses réserves. Ajoutons que malgré l’investissement du Québec dans Bombardier, l’entreprise continue de délocaliser ces emplois sans que le gouvernement s’en mêle[12]. Finalement, il y avait forcément un intérêt sous-jacent à un tel investissement… intérêt plus ou moins critiquable mais qui devrait être pleinement compris.

Mailys Hoff

Julia Nakache

Étudiants du cours de Gouvernance de l’entreprise – DRT-7022


[1] Pour une liste, vois la page 50 du document suivant : Gouvernement du Québec, « Moderniser la gouvernance des sociétés d’État : Énoncé de politique », avril 2006.

[2] « Bombardier : une perte de 4,9G$ et une participation de 1G$ de Québec », Les affaires, octobre 2015.

[3] K. Rettino-Parazelli, « Investir doit être payant pour l’Etat, selon Jacques Daoust », Le Devoir, 23 septembre 2014, en ligne : http://www.ledevoir.com/economie/actualites-economiques/419176/developpement-economique-pas-de-resultat-pas-d-investissement-selon-jacques-daoust.

[4]  E. Forsans, « Québec investit 15 millions de dollars dans l’industrie du jeu vidéo », afjv, 16 novembre 2015, en ligne : http://www.afjv.com/news/5688_quebec-investit-15-millions-dans-l-industrie-du-jeu-video.htm.

[5] Le monde, « L’État monte à près de 20 % dans le capital de Renault », 8 avril 2015, en ligne : http://www.lemonde.fr/economie/article/2015/04/08/l-etat-monte-a-pres-de-20-dans-le-capital-de-renault_4611244_3234.html#ZoCFglZfJMzR1osA.99.

[6] Voir la décision américaine : re oracle Corp. Derivative Litigation, Del. Ch. 824 A.2d917 (2003).

[7] Recommandation de la Commission concernant le rôle des administrateurs non exécutifs et des membres du conseil de surveillance des sociétés cotées et les comités du conseil d’administration ou de surveillance, Commission des communautés européennes, 2005/162 /CE, 15 février 2005, en ligne : http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2005:052:0051:0063:FR:PDF.

[8] J. Babin, « Ce qu’il faut savoir sur la loi Florange », Challenges, 14 avril 2015, en ligne : http://www.challenges.fr/economie/20150414.CHA4911/ce-qu-il-faut-savoir-sur-la-loi-florange.html.

[9] E. Cohen, « L’affaire Renault ou l’État raider », telos, 22 avril 2015, en ligne : http://www.telos-eu.com/fr/societe/entreprise/renault-ou-letat-raider-embourbe.html.

[10] M. Charest, « Bombardier : des fournisseurs québécois rassurés, pour l’instant », Les affaires, 7 novembre 2015.

[11] G. Bérubé, « Ottawa et Québec majoritaires ? », Le Devoir, 26 février 2016, en ligne : http://www.ledevoir.com/economie/actualites-economiques/464025/cseries-ottawa-et-quebec-majoritaires.

[12] R. Dutrisac, « Couillard aux pays des multinationales », Le Devoir, 20 février 2016, en ligne : http://www.ledevoir.com/politique/quebec/463518/quebec-couillard-au-pays-des-multinationales.

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Nos étudiants publient : Vote majoritaire – où en sommes-nous au Canada et aux États-Unis en 2015 ?

Le séminaire à la maîtrise de Gouvernance de l’entreprise (DRT-7022) dispensé à la Faculté de droit de l’Université Laval entend apporter aux étudiants une réflexion originale sur les liens entre la sphère économico-juridique, la gouvernance des entreprises et les enjeux sociétaux actuels. Le séminaire s’interroge sur le contenu des normes de gouvernance et leur pertinence dans un contexte de profonds questionnements des modèles économique et financier. Dans le cadre de ce séminaire, il est proposé aux étudiants depuis l’hiver 2014 d’avoir une expérience originale de publication de leurs travaux de recherche qui ont porté sur des sujets d’actualité de gouvernance d’entreprise. C’est dans cette optique que s’inscrit cette publication qui utilise un format original de diffusion : le billet de blogue. Cette publication numérique entend contribuer au partager des connaissances à une large échelle (provinciale, fédérale et internationale). Le présent billet expose le résultat des recherches de Mme Émilie Bossé et M. Dean Mbimbe-Sosso. Ce travail aborde le majoriity voting en s’intéressant à son actualité nord-américaine la plus criante. Je vous en souhaite bonne lecture et suis certain que vous prendrez autant de plaisir à le lire que j’ai pu en prendre à le corriger.

Ivan Tchotourian

En 2006, la Coalition Canadienne pour la bonne gouvernance (CCGG) a promulgué la toute première politique relative au vote majoritaire, restant jusqu’à ce jour suivie par bons nombres d’entreprises canadiennes[1]. En 2015, de nouvelles interrogations s’élèvent quant à son efficacité et à son expansion à l’égard de l’élection des administrateurs au sein des corporations.

Afin de faire valoir la démocratie actionnariale, le CCGG propose de redéfinir le concept d’un vote majoritaire en remplaçant le vote à la majorité simple par le vote majoritaire modifié. En effet :

« Traditionnellement, les sociétés par actions publiques canadiennes composent et soumettent une liste de candidats pour l’élection. Les actionnaires qui participent aux suffrages ont alors deux options : soit de voter « pour » la liste proposée telle que décrite dans le circulaire de sollicitation de procurations de la direction, soit de s’abstenir de voter. »[2]

Dès lors, peuvent survenir des situations dans lesquelles un administrateur, unanimement désavoué par les abstentionnistes, peut être intronisé suite à unique vote en sa faveur[3]. De ce fait, le mythe de la démocratie actionnariale, dont l’élan avait récemment été prolongé par l’essor de l’activisme actionnarial, semble n’être qu’un leurre.

Ainsi, le passage du vote à la majorité modifiée devrait permettre aux actionnaires de participer plus efficacement aux élections du conseil d’administration tout en respectant la législation corporative existante et en octroyant à ce conseil la marge de manœuvre nécessaire pour agir dans les meilleurs intérêts de la société par actions.[4]

Pour le meilleur ou pour le pire ?

Au Canada, on remarque actuellement que le système d’élection des administrateurs au sein des corporations canadiennes irrite passablement les actionnaires. Ainsi, Le Mouvement d’Éducation et de défense des actionnaires (MÉDAC) a-t-il publié un article dénonçant les atteintes portées à la démocratie actionnariale dans le cadre du processus électif s’appuyant notamment sur l’exemple de l’entreprise Québécor[5]. Bien qu’un système de vote à la majorité ait été instauré pour la première fois dans cette entreprise, certaines lacunes semblent entraver la liberté d’exercice des actionnaires. Quand bien même les actionnaires expriment leur avis, celui-ci n’est en rien contraignant pour la direction qui peut même prendre le parfait contrepied, comme dans le cas de M. Michel Lavigne[6] qui avait rassemblé 61,87 % d’abstentionnistes.

Ce qui est ennuyeux est qu’il ne s’agit pas d’un cas isolé. En effet, si depuis le 30 juin 2014, le Toronto Stock Exchange a conféré un caractère contraignant au procédé voulu par la CCGG ; il n’en demeure pas moins qu’en l’absence de contrainte légale, les dirigeants ne sont pas contraints de suivre l’opinion publique comme le déplore le directeur exécutif de la CCGG (Stephen Erlichman)[7].

Néanmoins, pour les entreprises, il n’est pas toujours évident de remplacer les administrateurs désavoués. Afin de faire face à cette difficulté, deux entreprises canadiennes sont allées puiser leur inspiration au sud de la frontière en important l’« enhanced quorum rules ».

 Pratique importée des Etats-Unis

Au travers de l’« enhanced quorum rules », l’effet du vote des actionnaires se trouve encadré jugulé à un degré légèrement plus élevé que dans l’ancien régime, dans la mesure où la non-élection d’un administrateur ne peut plus survenir que si au moins 50 à 65 % des actionnaires se sont exprimés au cours du scrutin. Néanmoins, si le vote produit un effet, il ne donne pas encore sa « pleine mesure ». Mais cette pratique renforce considérablement la portée du vote majoritaire, lui conférant presqu’un caractère contraignant[8]. L’enhanced quorum assujettit en effet la validité du vote à l’existence d’une corrélation entre les suffrages exprimés et ce qu’ils représentent par rapport à l’ensemble du corps électoral. Le résultat du vote reflète l’opinion de la majorité des votants, mais également, celui d’une importante partie du corps électoral.

Le vote majoritaire suscite incontestablement l’intérêt des Américains. En parallèle de la pratique mentionnée ci-dessus, la loi sur les sociétés par actions du Delaware a fait l’objet d’un amendement conférant une pleine puissance du vote « majoritaire » en bloquant la faculté pour les sociétés de modifier leurs statuts afin de renverser ce quorum[9].

Mais, les États-Unis sont porteurs de leur propre contradiction. En effet, la Security and Exchange Commission a vu sa tentative d’introduction de réforme législative renforçant le droit de vote des actionnaires (réforme prise en application du Dodd Frank Act de 2010) retoquée par l’U.S. Court of Appeals for the D.C. Circuit en 2011.

Une codification : la solution appropriée ?

Entre l’encadrement législatif et la régulation par le marché, il semble que le Canada n’ait pas encore choisi le chemin à emprunter, et ce, bien qu’un certain penchant pour la régulation puisse être observé comme le confessait Stephen Erlichman – non sans amertume – : « It just augers toward saying we need to have legislation » [cela confirme le fait qu’une loi est nécessaire, traduction libre].

 Émilie Bossé et Dean Mbimbe-Sosso

Étudiants du cours de Gouvernance de l’entreprise – DRT-7022


[1] CCGG. « Élections des administrateurs à la majorité », mars 2011, en ligne : http://www.ccgg.ca/site/ccgg/assets/pdf/majvotingpolicyf.pdf.

[2] A. Fratianni, « Le vote majoritaire modifié – un grand pas vers la démocratie corporative », Blogue juridique Edilex, 9 mars 2012, en ligne : http://www.edilex.com/blogue/le-vote-majoritaire-modifie-un-grand-pas-vers-la-democratie-corporative#axzz3tfqaFvqA.

[3] M. Strauss, « Boards of Directors, Meet Democracy », The Globe and Mail, 16 juillet 2015, en ligne : http://www.theglobeandmail.com/globe-debate/editorials/boards-of-directors-meet-democracy/article25539891/.

[4] A. Fratianni, « Le vote majoritaire modifié – un grand pas vers la démocratie corporative », Blogue juridique Edilex, 9 mars 2012, en ligne : http://www.edilex.com/blogue/le-vote-majoritaire-modifie-un-grand-pas-vers-la-democratie-corporative#axzz3tfqaFvqA.

[5] MÉDAC. « Démocratie actionnariale bafouée par Québecor », MÉDAC, mai 2015, en ligne : http://medac.qc.ca/salle-de-presse/communiques/818-democratie-actionnariale-bafouee-par-quebecor

[6] Ibid.

[7] J. McFarland. « Skirting Rules, Board Members Remain in Spite of Lost Support ». The Globe and Mail, 15 novembre 2015, en ligne : http://www.theglobeandmail.com/report-on-business/skirting-rules-board-members-remain-in-spite-of-lost-support/article27266834/.

[8] Ibid.

[9] J. W. Verret, « Pandora’s Ballot Box, or a Proxy With Moxie? Majority Voting, Corporate Ballot Access, and The Legend of Martin Lipton Re-Examined », Social Science Research Network, 13 mars 2007, en ligne : http://papers.ssrn.com/abstract=970013.

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La question du désinvestissement

Bonsoir à toutes et à tous, je viens de publier un billet de blogue sur le Blogue Contact de l’Université au titre évocateur : « Entreprises et défi climatique: la fin d’une ère? ».

Voilà que l’actualité récente rend compte d’une tendance qui prend de plus en plus d’ampleur. Initiative discrète, lancée au départ par des étudiants américains, elle gagne désormais du terrain. Organisations, entreprises, financiers, individus… même l’acteur et militant Leonardo DiCaprio a joint ce mouvement à la fin septembre! De quelle tendance s’agit-il? Du développement d’une campagne de désinvestissement des énergies fossiles. Le désinvestissement et ses conséquences: surprenant, me direz-vous, pour un juriste de publier un billet sur cette question relavant à première vue de l’économie et de l’environnement. Pas tant que cela, dans la mesure où la notion opposée –celle d’investissement– n’est pas terra incognita du droit des affaires!

À la prochaine…

Ivan Tchotourian

divulgation financière engagement et activisme actionnarial normes de droit

Les investisseurs institutionnels toujours plus sociétalement responsabilisés

Les investisseurs institutionnels se trouvent de plus en plus responsabiliser sociétalement. La France vient d’en donner un exemple récent avec sa Loi de programmation pour la transition énergétique relatif à la transition énergétique pour la croissance vert.

L’article 48 (en savoir plus sur cet amendement ici) de cette loi adoptée par l’Assemblée nationale le 26 mai 2015 va obliger les « gros » investisseurs institutionnels à intégrer dans leur rapport annuel une évaluation de la contribution de leurs portefeuilles d’investissement au financement de la transition énergétique et de l’économie verte dans la perspective de contribuer à la limitation du réchauffement climatique à +2°C.


« IV. – L’article L. 533‑22‑1 du code monétaire et financier est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Les investisseurs institutionnels, caisses de retraite du secteur public et du secteur privé, fonds de pension du secteur public et du secteur privé, instituts de prévoyance, compagnies d’assurance, mutuelles, associations, fondations, institutions spéciales réalisent dans leur rapport annuel et dans les documents destinés à l’information de leurs cotisants, bénéficiaires, souscripteurs, donateurs ou adhérents, une évaluation quantitative de leur contribution, via les actifs qu’ils détiennent, au financement de la transition énergétique et de l’économie verte dans la perspective de contribuer à la limitation du réchauffement climatique à +2°C. Cette évaluation s’appuie sur une mesure des émissions de gaz à effet de serre associées aux actifs détenus, toutes classes d’actifs confondus, dénommée « empreinte carbone », ainsi que sur une mesure de la part de leur portefeuille investie dans des actifs induisant des réductions d’émissions de gaz à effet de serre, dite « part verte ».

« Les documents résultant de cette évaluation et de cette mesure précisent la situation du portefeuille au regard de l’objectif international de limitation du réchauffement climatique à +2°C, et des objectifs correspondants définis au niveau national et européen. Le cas échéant, ils expliquent les raisons pour lesquelles la part verte n’atteint pas le seuil de 5 % sur l’exercice clos au plus tard au 31 décembre 2016, et 10 % sur l’exercice clos au plus tard au 31 décembre 2020. Ils décrivent les moyens mis en œuvre pour améliorer la contribution du portefeuille, ainsi que la manière dont sont exercés à cet égard les droits de vote attachés aux instruments financiers qui en disposent.

« Ces dispositions s’appliquent dès le rapport annuel et les documents d’information portant sur l’exercice clos au plus tard au 31 décembre 2016.

« Un décret en Conseil d’État définit les modalités d’application des trois alinéas précédents, notamment le périmètre d’émission pertinent, les modalités de calcul et de présentation de l’empreinte carbone et de la part verte, de façon à permettre une comparaison des données entre organisations et produits financiers, et une meilleure lecture par les pouvoirs publics. Il fixe également les modalités de vérification des calculs par des organismes tiers indépendants. »


L’obligation de reporting s’appliquera dès l’exercice 2016, clos au 31 décembre.

Il est à noter que quatre institutions françaises gérant 82 milliards d’euros (le groupe Caisse des Dépôts, l’ERAFP, le FRR et l’Ircantec) ont pris l’engagement en mai 2015 de publier, d’ici décembre 2015, l’empreinte carbone de leur portefeuille d’actions et de lancer des initiatives pour réduire significativement à terme cette empreinte carbone.

À la prochaine…

Ivan Tchotourian