Valeur actionnariale vs. sociétale

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Nos étudiants publient : évitement fiscal, à la recherche d’un équilibre (par Guy Vézina)

Le séminaire à la maîtrise de Gouvernance de l’entreprise (DRT-7022) dispensé à la Faculté de droit de l’Université Laval entend apporter aux étudiants une réflexion originale sur les liens entre la sphère économico-juridique, la gouvernance des entreprises et les enjeux sociétaux actuels. Le séminaire s’interroge sur le contenu des normes de gouvernance et leur pertinence dans un contexte de profonds questionnements des modèles économique et financier. Dans le cadre de ce séminaire, il est proposé aux étudiants depuis l’hiver 2014 d’avoir une expérience originale de publication de leurs travaux de recherche qui ont porté sur des sujets d’actualité de gouvernance d’entreprise. C’est dans cette optique que s’inscrit cette publication qui utilise un format original de diffusion : le billet de blogue. Cette publication numérique entend contribuer au partager des connaissances à une large échelle (provinciale, fédérale et internationale). Le présent billet est une fiche de lecture réalisée par M. Guy Vézina. Ce dernier présente une chronique de Robert Dutton publié dans Les Affaires et intitulé « Valeur pour les actionnaires, alibi moral pour le dirigeant ? ». Je vous en souhaite bonne lecture et suis certain que vous prendrez autant de plaisir à le lire que j’ai pu en prendre à le corriger.

Ivan Tchotourian

 

Le chroniqueur Robert Dutton, dans un court texte, publié dans Les Affaires le 28 mai 2016 intitulé « Valeur pour les actionnaires, alibi moral pour le dirigeant ? », propose une explication psychologique pour faire comprendre un lien statistique établi entre l’évitement fiscal et la structure de contrôle des entreprises.

 

Retour sur une étude

M. Dutton renvoie à une récente étude allemande réalisée par trois chercheurs (Alexander BRUNE,  Martin THOMSEN et Christoph WATRIN) de l’Institut de comptabilité et de fiscalité de l’université de Münster. Ces derniers ont publié une recherche effectuée sur des entreprises allemandes selon leur type de capital dont les structures de contrôle et de propriétés sont présentées dans le tableau ci-dessous.

 

Structures de contrôle et de propriétés des entreprises

Entreprises ouvertes Entreprises à capital fermé
Contrôle non familial Contrôle non familial
Contrôle familial Contrôle familial

 

Les chercheurs arrivent aux trois conclusions suivantes :

« 1. L’évitement fiscal est plus prononcé dans les entreprises à capital ouvert que dans celles à capital fermé;

2. L’évitement fiscal semble plus élevé dans les entreprises sans contrôle familial que dans les entreprises à contrôle familial;

3. Dans les entreprises ouvertes sans contrôle familial, l’évitement fiscal est plus prononcé que dans les trois autres catégories d’entreprises. »

Selon cette étude, il peut être avancé que la présence de l’évitement fiscal se retrouve plus dans les entreprises à capital ouvert que celles dont le capital est fermé. Aussi, l’absence de contrôle familial semble être une condition favorable à l’implantation de l’évitement fiscal par la direction.

 

Évitement fiscal et rationalisation

L’évitement fiscal est une pratique légale de diminution du fardeau fiscal d’une entreprise en recourant à des opérations contenues aux lois fiscales. Bien que cette technique soit légale, elle n’obtient toutefois pas la même caution morale auprès des milieux où opèrent ces entreprises. Cette caractéristique doit être notée par le lecteur pour comprendre la démonstration du chroniqueur.

L’étude citée est en lien avec d’autres études mentionnées dans la chronique. Elles présentent des hypothèses quant au degré de pression perçu des marchés selon le type de capital et de contrôle. Le contrôle familial et la présence d’actions à vote multiple constituent aussi des aspects mesurés dans les études mentionnées.

Il est d’ailleurs bien établi que la justification ou rationalisation constitue l’un des trois éléments du « Triangle de la fraude ». Les deux autres éléments étant l’opportunité et la motivation. Les explications présentées par l’auteur s’harmonisent avec ce concept fondamental pour comprendre des comportements associés à des conflits de normes comportementales.

M. Dutton propose que le principe de la maximisation de la valeur pour les actionnaires constitue, pour les dirigeants d’entreprises, une justification leur permettant de rationaliser des décisions et des conduites en conflit avec des valeurs personnelles ou sociales. La démonstration du chroniqueur est solide et illustre les conflits éthiques latents entre les attentes financières et les valeurs du milieu dans lequel opère le dirigeant. M. Dutton présente aussi les mécanismes psychologiques utilisés pour rétablir un équilibre dans une conscience troublée devant des choix antagonistes de performances financières.

 

Au-delà des organisations, des humains

Cet article rappelle qu’au-delà du voile enveloppant les organisations, il y a des humains qui agissent au sein de celles-ci. L’auteur apporte une proposition originale favorisant une meilleure compréhension des motivations, des intérêts et des pressions qui s’exercent sur les dirigeants d’entreprises. Cette contribution devrait permettre de mieux comprendre en vue d’éventuellement prévenir des comportements sociaux dysfonctionnels susceptibles de menacer la pérennité d’une entreprise et du milieu qui la soutient.

 

Guy Vézina

Étudiant du cours de Gouvernance de l’entreprise – DRT-7022

devoirs des administrateurs normes de droit responsabilisation à l'échelle internationale

Vers une responsabilité accrue des entreprises en matière fiscale

Le quotidien L’Agefi m’apprend (ici) que le Royaume-Uni voudrait responsabiliser les entreprises en matière de fraude fiscale. Ainsi, les sociétés pourraient devenir responsables des actions de leurs collaborateurs, à moins de prouver qu’elles ont mis en place des «mesures raisonnables».

 

 

En pleine crise des «Panama papers», les Britanniques pourraient renforcer leur lutte contre la fraude fiscale des entreprises. HM Revenue & Customs a publié samedi dernier un rapport proposant des orientations législatives pour prévenir l’évasion fiscale. Le document du département non-ministériel du gouvernement britannique est soumis à consultation publique jusqu’au 10 juillet 2016. Cette démarche s’inscrit dans la continuité de la consultation de l’été dernier sur la lutte contre l’évasion fiscale offshore, avant même que n’éclate le scandale des «Panama papers».

Avec ce texte, les sociétés deviendraient responsables des actions de leurs collaborateurs, à moins qu’elles puissent prouver avoir mis en place des «mesures raisonnables» pour prévenir ce type de comportement et arrêter les membres des équipes qui auraient «aidé, conseillé ou été complices d’évasion fiscale» pour le compte de leurs clients. Elles pourraient se voir infliger des amendes très élevées, sans plafond. Le texte concerne aussi bien la fraude fiscale au Royaume-Uni que celle commise à l’étranger. Cette législation devrait responsabiliser les administrateurs et améliorer la qualité du contrôle interne.

 

À la prochaine…

Ivan Tchotourian