devoirs des administrateurs

devoirs des administrateurs Gouvernance mission et composition du conseil d'administration objectifs de l'entreprise Responsabilité sociale des entreprises Valeur actionnariale vs. sociétale

CA : faire ce qui est juste

Intéressante tribune dans La presse par Milville Tremblay : « Faire ce qui est juste » (14 juillet 2020). Cela semble une évidence mais il est bon de le rappeler !

Extrait :

Faire ce qui est juste, c’est placer la barre plus haut que la légalité des décisions et la satisfaction des seuls actionnaires. Même dans l’adversité, on s’attend aujourd’hui à ce que les dirigeants tiennent compte des besoins légitimes de toutes les parties prenantes de l’entreprise : les employés, les clients, les fournisseurs, les gouvernements, la société en général, l’environnement et, bien sûr, les actionnaires.

(…) Considérer ne veut pas dire donner raison à tous ou nuire à personne. Une compagnie n’est pas l’État-providence. Parfois les dirigeants doivent prendre des décisions qui font mal, mais beaucoup dépend de la manière.

L’opinion publique juge sévèrement ceux qui exigent des sacrifices de tous — sans toucher à leurs propres privilèges, comme on l’a vu chez Bombardier.

(…) Le tribunal de l’opinion publique tranche vite et sans appel. La bonne réputation d’une entreprise prend des années à bâtir et se brise en un instant. Non seulement les dirigeants doivent-ils prendre des décisions justes, mais aussi savoir communiquer avec franchise, surtout s’il y a eu faute. Ceux qui espèrent que leurs bourdes passeront inaperçues courent un risque élevé.

Les bailleurs de fonds exercent aussi une pression accrue sur les patrons. Un nombre croissant de grands gestionnaires d’actifs intègrent les dimensions ESG (pour environnement, social et gouvernance) dans la sélection des sociétés en portefeuille. Les grandes caisses de retraite publiques canadiennes, telle la Caisse de dépôt et placement du Québec, sont du nombre. Ces gestionnaires de fonds commencent à retirer leur appui aux dirigeants qui s’entêtent dans l’erreur et aux administrateurs qui les tolèrent, leur adressent des remontrances derrière les portes closes ou préfèrent les actions d’un concurrent, qui fait ce qui est juste.

(…) On s’attend aujourd’hui à ce que les dirigeants saisissent rapidement les changements de valeurs portés par l’air du temps, ce qui n’est pas évident pour ceux qui s’isolent avec des gens qui pensent comme eux. Il est trop tard, s’ils attendent de réagir à ce qui est devenu évident.

En matière de gouvernance, on regrette les trop lents progrès pour faire place aux femmes à la haute direction et dans les conseils d’administration.

Et si on décante le mouvement Black Lives Matters, on réalise que la diversité ne se limite pas au sexe. Il ne s’agit pas seulement d’une question d’équité, mais d’intégrer des perspectives variées pour de meilleures décisions.

Le profit n’est plus une finalité, mais une exigence pour assurer la croissance à long terme de l’entreprise. Sans profit, les sources de capital se tarissent et avec elles la capacité d’investir et d’innover.

Mais au-delà des profits, les dirigeants doivent réfléchir à l’utilité sociale de leur entreprise, comme le recommande la Business Roundtable, une association de PDG américains. Le piège, comme d’autres modes en management, est qu’il n’en résultera qu’un slogan, que les employés découvriront creux.

Le regard des employés est souvent plus cynique que celui du public, car ils sont mieux placés pour déceler les écarts entre le discours et la réalité. Les dirigeants qui posent des gestes cohérents et qui reconnaissent les inévitables manquements ont de meilleures chances de mobiliser leurs troupes. Les travailleurs du savoir, particulièrement les milléniaux, ne s’achètent plus avec un bon salaire et une table de billard. Ils veulent aussi que l’entreprise reflète leurs valeurs.

La crise braque les projecteurs sur la manière dont la gouvernance traite la dimension sociale de l’entreprise, soit les lettres G et S des critères ESG. La préoccupation pour le E de l’environnement n’a pas disparu et j’y reviendrai prochainement.

En effet, la plupart des patrons ont posé des gestes énergiques pour protéger la santé de leurs employés et de leurs clients. Quelques-uns se sont lancés dans la production de matériel de protection sanitaire. Plusieurs ont sabré leur salaire à l’annonce de mises à pied, bien que certains vont se refaire avec de nouvelles options d’achat d’actions à prix déprimé.

Les exemples d’entreprises sur la sellette se multiplient. Facebook fait face au boycottage de grands annonceurs pour n’avoir pas éradiqué les discours haineux de sa plateforme. Adidas est durement critiquée pour étrangler ses fournisseurs. Amazon, dénoncée pour négliger la santé de ses travailleurs durant la pandémie. Plus près de nous, Ubisoft clouée au pilori pour avoir fermé les yeux sur le harcèlement de ses employées. Pas besoin d’être devin pour anticiper les critiques des sociétés qui auront bénéficié de l’aide publique tout en recourant aux paradis fiscaux.

À la prochaine…

devoirs des administrateurs Gouvernance mission et composition du conseil d'administration Normes d'encadrement normes de droit

Devoir de prudence des administrateurs en contexte de COVID-19

Lecture de Leon Yehuda Anidjar sur le devoir de prudence et son intérêt dans le contexte de la COVID-19 : « A Firm-Specific View of Directors’ Duty of Care in Times of Global Epidemic Crisis » (Oxford Business Law Blog, 20 mai 2020).

Extrait :

In a recent paper, I discuss the directors’ duty of care in times of financial distress from a global perspective and focus on directors’ roles in different types of SMEs. I argue that while the economic crunch of the years 2007–2009 was a direct result of large governance deficiencies (Bruner, 2011), which generated various reforms that reinforced the monitoring role of directors, the current crisis will highlight the significance of the directors’ managerial roles. Accordingly, we can expect jurists and policymakers to design numerous regulatory reforms that will reinforce their advisory role in a fashion that will assist them in tackling the severe consequences of our current times. Moreover, supervisory authorities may decrease the regulatory burden imposed on directors to allow them to invest considerable managerial resources for supporting the survival of companies (as Enriques demonstrates concerning corporate law, and Chiu et al point out regarding financial regulation). 

Furthermore, I argue that the civil law on directors’ duty of care provides boards with a broader scope of discretion to confront the challenges associated with COVID-19 than the Anglo-American law. Delaware corporate law, for instance, posits that since directors, rather than shareholders, manage the affairs of the corporation, they should be protected by the business judgment rule. However, a recent empirical study demonstrated that challenges to business judgment in English and Welsh cases have been increasingly successful from the mid-nineteenth century until the present, with a marked increase in legal liability since 2007. This indicates that the proposition that English courts will generally not review directors’ business decisions is incorrect (Keay et al, 2020). In contrast, under the law applicable in countries such as Germany, France, Italy, and the Netherlands, the standard of care cannot be determined absolutely: it must address the specific situation for which the question of the due diligence of organ dealing arises. Accordingly, this standard is at the same time objective and relative, ie, a company comparable in size, business, and the economic situation shall serve as a model (as illustrated by, the Cancun ruling of the Dutch Supreme Court).

À la prochaine…

devoirs des administrateurs Gouvernance mission et composition du conseil d'administration Normes d'encadrement normes de droit parties prenantes Responsabilité sociale des entreprises

Directors’ Duty under UK Law to Promote the Success of the Company during the COVID-19 Pandemic

Le 30 avril 2020, Philip Gavin s’est interrogé sur l’intérêt de l’article 172 du Company Act pour les administrateurs et dirigeants dans le contexte de la COVID-19 : « Directors’ Duty under UK Law to Promote the Success of the Company during the COVID-19 Pandemic » (Oxford Business Law Blog).

Extrait :

A nuance to director’s duties in the United Kingdom is the expansive statutory delineation of s 172, which endows numerous considerations for directors when acting to promote the success of the company for the benefit of members. Given the unique circumstances of the present-day commercial sphere and the more humanitarian demands being put to businesses, having a statutory foundation upon which to base non-traditional business strategies may assist effective decision-making and financial reporting.

The initial three considerations enshrined within s 172 are (a) the likely long term consequences of any decision, (b) the interests of employees and (c) the need to foster business relationships with suppliers, customers and others. These factors are of particular relevance for firms who sought justification for voluntary shutdown of businesses prior to the wider governmental shutdown.

(…)

Where production changes become quasi-humanitarian in tone and companies internalise cost in the interim, directors may seek justification through s 172(1)(d) and (e), these being the impact on the community and the desirability of maintaining high business standards respectively.  Accordingly, directors can seek to frame these quasi-humanitarian efforts in long-term reputational terms, thereby engendering prospective communitarian goodwill.

Furthermore, as political pressure mounts, boards may evaluate reputational factors not simply in terms of market reputation, but also in terms of Governmental co-operation. This is particularly so where companies face increased intervention by public authorities through the Civil Contingencies Act. Comparatively, in a recent memorandum the Trump administration has attempted to exert control over the distribution of ventilators by the multinational conglomerate 3M. Cautious of such intervention occurring within their own enterprises, companies may shift business operations to such an extent to signal their compliance and co-operation with public authorities, thereby disincentivising the wholesale overrule of board discretion. 

Within jurisdictions with vaguer duties to act bona fide in the best interests of the company (Delaware, Australia, Ireland), directors may still engage in such quasi-humanitarian efforts. Nevertheless, utilising s 172 to steer directorial judgment may assist effective decision-making, and furthermore guide financial reporting, which mandates s 172 director’s statements.  Given that the tenor of 2020 reports will be likely dominated by COVID-19, UK directors will benefit from the homogenising structure of s 172 when making such disclosures in the coming months.

À la prochaine…

actualités canadiennes devoirs des administrateurs Gouvernance mission et composition du conseil d'administration Normes d'encadrement normes de droit objectifs de l'entreprise

COVID et gouvernance d’entreprise : mission des CA

Merci au cabinet Stikeman Elliott pour ce billet daté du 24 avril 2020 intitulé « COVID et gouvernance d’entreprise : une mission plus large pour les conseils d’administration ». Un précieux éclairage sur ce qui va changer pour les CA avec la COVID-19…

Extrait :

Cette discussion aborde les principaux défis auxquels sont confrontés les chefs d’entreprise canadiens à l’approche de la phase de réouverture :

se concentrer sur les véritables enjeux; 

veiller à la gestion immédiate des crises et à la préparation du conseil d’administration; 

repenser la stratégie et la gestion des risques;

repenser les cadres incitatifs; et

repenser l’objectif de l’entreprise.

Comme en conclut l’article, cette crise redéfinira une grande partie de ce que nous considérons comme étant de la « bonne gouvernance ». Les conseils d’administration, en particulier, doivent élargir leurs missions pour s’assurer que leurs entreprises sont préparées à la nouvelle réalité qui les attend.

À la prochaine…