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Modifications à la LPLE visant à favoriser la transparence corporative et la fiabilité des informations

Mes Mélissa Pelletier et Catherine Decoste-Mahseredjian publient un billet sur « Modifications à la Loi sur la publicité légale des entreprises – la transparence corporative au cœur des priorités » (TCJ, 7 juillet 2020). Une belle mise à jour du droit québécois…

Extrait :

C’est en pleine période de crise liée à la COVID-19 que le gouvernement du Québec a finalement adopté, le 17 mars 2020, la Loi concernant principalement la mise en œuvre de certaines dispositions des discours sur le budget du 17 mars 2016, du 28 mars 2017, du 27 mars 2018 et du 21 mars 2019 reprenant une partie des mesures qui avaient été annoncées afin de favoriser la transparence corporative et la fiabilité des informations présentées au REQ.

Cette loi modifie entre autres la Loi sur la publicité légale des entreprises (chapitre P-44.1) (la « Loi ») afin de, notamment :

  • permettre au REQ d’exiger des documents ou informations pour valider l’exactitude des déclarations déposées au REQ ou d’un document transféré à un ministère ou à un autre organisme du gouvernement (article 74.1 de la Loi);
  • ajouter les noms et domiciles des trois actionnaires qui détiennent le plus de voix à la liste des informations opposables aux tiers de bonne foi (article 98 de la Loi);
  • élargir la liste des organismes québécois ayant un pouvoir d’enquête qui pourront conclure des ententes avec le REQ afin de communiquer tout ou partie des informations contenues au registre, les mises à jour qui y sont apportées, ainsi que les renseignements ou documents obtenus pour valider l’exactitude des déclarations (article 121 de la Loi);
  • fixer le délai de prescription d’une poursuite pénale à un an depuis la date de la connaissance par le poursuivant de la perpétration de l’infraction sans qu’il se soit écoulé plus de cinq ans depuis la date de la perpétration de l’infraction (article 163.1 de la Loi);
  • conférer au ministre responsable, dans certaines circonstances exceptionnelles, le pouvoir de renoncer au paiement d’un droit, d’une pénalité ou de frais (article 79.1 de la Loi).

Les entreprises faisant affaire au Québec devront donc s’attendre à devoir démontrer la véracité des informations à être déclarées au REQ en transmettant, par exemple, des copies des résolutions dûment adoptées ou de toute autre documentation corporative. À cet effet, nous soulignons l’importance de toujours préparer et conserver les documents corporatifs nécessaires et conformes aux obligations légales requises par la loi constitutive de votre société au soutien des éléments qui doivent être déclarés au REQ.

L’étendue des documents pouvant être demandés demeure toutefois incertaine et certains se questionnent à savoir si le REQ pourrait, par exemple, exiger d’obtenir copie d’une convention unanime des actionnaires intervenue.

La question est importante, puisque comme auparavant, le REQ peut communiquer en tout ou en partie les informations et documents recueillis avec un ministère, un organisme ou une entreprise du gouvernement avec lequel le REQ a, au préalable, conclu une entente. La Loi prévoyait déjà ce droit avant l’arrivée des nouvelles modifications entre autres pour certains ministères et organismes comme Revenu Québec. Les modifications adoptées à la Loi ajoutent maintenant à cette liste :

  • les organismes municipaux visés à l’article 5 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (chapitre A-2.1);
  • les organismes dont le personnel est nommé suivant la Loi sur la fonction publique (chapitre F-3.1.1), et;
  • la Commission de la construction du Québec.

À la prochaine…

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Projet de loi PACTE : le Sénat ne souhaite pas « repenser la place de l’entreprise dans la société »

Depuis la fin de l’année 2017, le projet de loi PACTE sur la croissance et la transformation des entreprises anime grandement l’actualité française en matière de droit des sociétés. Alors que le chemin semblait tracé vers la consécration des enjeux sociétaux et environnementaux dans la gouvernance d’entreprise, le Sénat a décidé de supprimer l’article 61 relatif à ces considérations dans le projet adopté le 12 février 2019.

Retour sur les étapes antérieures du projet de loi PACTE

En octobre 2017, le plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) prenait naissance dans la stratégie du gouvernement français alors nouvellement élu. Dans cette optique de modernisation de l’économie, la présentation du rapport L’entreprise, objet d’intérêt collectif[1] proposait la réécriture des articles 1832, 1833 et 1835 du Code civil, qui constituent les fondements juridiques du droit des sociétés en France. Derrière cette idée, il s’agissait d’intégrer dans la gestion courante des affaires de l’entreprise la prise en compte de l’intérêt général d’une façon assez élargie pour y intégrer les parties prenantes, la société dans sa globalité et l’environnement.

En juillet 2018, le projet de loi prenait forme et était présenté à l’Assemblée nationale dans le cadre d’une procédure législative accélérée[2]. Or, ce texte ne reprenait alors que la modification des articles 1833 et 1835 pour parvenir à « repenser la place de l’entreprise dans la société » [3]. Ainsi, il s’agissait de réécrire l’article 1833 en y incluant un nouvel alinéa disposant que « La société est gérée dans son intérêt social et en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité »[4]. Un changement majeur intervenait plus particulièrement dans l’article 1835. En effet, le projet de loi présenté à l’Assemblée nationale entendait doter le droit des affaires français de son propre modèle d’entreprise hybride, alors nommée entreprise à mission sociétale[5]. En venant rompre avec l’idée traditionnelle que les entreprises ne poursuivent comme unique finalité que la maximisation des profits pour les actionnaires, M. Bruno Lemaire, ministre de l’économie et des finances, et M. Édouard Philippe, premier ministre, à travers cette proposition, souhaitaient permettre aux entreprises de se doter d’une « raison d’être », précisée dans les statuts de la société, et qui orienterait la gestion de l’entreprise conformément à son objet social[6]. L’avenir du droit des sociétés français tendait ainsi à se moderniser face aux enjeux sociaux et environnementaux majeurs du XXIe siècle. En octobre 2018, ce projet de loi été adopté par l’Assemblée nationale.

Le recul du Sénat

Alors que l’optimisme avait envahi les partisans de l’entreprise à mission sociétale, le Sénat a décidé de ne pas se ranger de leur côté en supprimant l’article 61 du projet voté le 12 février 2019. Dans les discussions ayant eu lieu autour de ces articles, plusieurs arguments ont été soulevés. D’une part, les sénateurs favorables à ces articles défendent l’idée que les enjeux sociaux et environnementaux doivent être intégrés à la gouvernance d’une entreprise qui évolue dans un contexte aujourd’hui soucieux d’un développement durable, responsable et pérenne[7]. De ce fait, le gouvernement s’est prononcé à ce sujet par le biais de sa secrétaire d’État, Mme Agnès Pannier-Runacher en soutenant que

  • le droit serait ainsi en accord avec la réalité dans laquelle il s’inscrit, qui est celle d’un monde entrepreneurial où les chefs d’entreprise ont la volonté de faire évoluer leur structure pour faire le bien dans la communauté ;
  • qu’il est actuellement impossible d’ignorer que les activités économiques ont un impact social et environnemental et que la prévention des risques au sein d’une entreprise passe par la prise en compte de la RSE, qui a su démontrer qu’elle agit positivement sur la performance de cette dernière[8].

À l’opposé, les sénateurs qui n’y sont pas favorables ont dénoncé « un risque juridique et contentieux important sur les sociétés de toute taille » par rapport à des actions en responsabilités qui pourraient être menées envers les dirigeants d’entreprises pour ne pas avoir pris suffisamment en compte les enjeux sociaux et environnementaux[9]. La problématique que la RSE puisse devenir un « alibi juridique » a également été soulevée, emportant avec elle le risque d’« annihiler l’élan réel » qu’elle connaît actuellement[10]. Enfin, la rédaction de l’article 61 du projet de loi PACTE a été vivement critiquée. La « prise en considération » des enjeux sociaux et environnementaux ainsi que le « pouvoir » de définir une « raison d’être » dans les statuts manquent pour certains de clarté, altérant ainsi le droit positif français et ouvrant la porte à des ambiguïtés et de l’insécurité juridique si des litiges venaient à être portés devant les juges[11].

Le débat s’est clôturé avec un vote favorable à l’amendement n° 653 qui visait à supprimer l’article 61 du projet de loi PACTE. À l’heure actuelle, il n’est donc plus question pour le Sénat de « repenser la place de l’entreprise dans la société ».

Et maintenant ?

Étant donné les modifications majeures qui ont été adoptées par le Sénat, le processus législatif accéléré qui régit ce projet de loi s’ouvre maintenant sur une commission mixte paritaire qui se réunira le 20 février 2019 pour tenter de trouver un consensus sur ce texte.

Affaire à suivre !


[1] Nicole NOTAT et Jean-Dominique SENARD, L’entreprise, objet d’intérêt collectif, Rapport aux ministres de la Transition écologique et solidaire, de la Justice, de l’Économie et des Finances, du Travail, 9 mars 2018, en ligne : https://minefi.hosting.augure.com/Augure_Minefi/r/ContenuEnLigne/Download?id=FAA5CFBA-6EF5-4FDF-82D8-B46443BDB61B&filename=entreprise_objet_interet_collectif.pdf.

[2] Projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises, projet de loi n° 1088 (19 juillet 2018 – renvoyé à une commission spéciale), 15e légis., en ligne : http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/projets/pl1088.pdf.

[3] C’est ainsi qu’est intitulée la section 2 du Chapitre III – Des entreprises plus justes, comprenant les articles 61 et suivants du projet de loi PACTE, voir : Projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises, projet de loi n° 1088 (19 juillet 2018 – renvoyé à une commission spéciale), 15e légis.,  en ligne : http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/projets/pl1088.pdf.

[4] Projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises, projet de loi n° 1088 (19 juillet 2018 – renvoyé à une commission spéciale), 15e légis., article 61, p. 190, en ligne : http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/projets/pl1088.pdf.

[5] Une entreprise à mission sociétale est une entreprise lucrative qui a pour activité une vente de biens et/de services, et qui limite la distribution des bénéfices réalisés pour les réinvestir dans la réalisation d’une mission extrafinancière.

[6] Projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises, projet de loi n° 1088 (19 juillet 2018 – renvoyé à une commission spéciale), 15e légis., article 61, p. 191, en ligne : http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/projets/pl1088.pdf.

[7] Intervention de M. Fabien Gay, Compte rendu intégral des débats tenus en séance n° 57 du 6 février 2019, sous la présidence de M. David Assouline, en ligne : http://www.senat.fr/seances/s201902/s20190206/s20190206018.html.

[8] Intervention de Mme Agnès Pannier-Runacher (secrétaire d’État), Compte rendu intégral des débats tenus en séance n° 57 du 6 février 2019, sous la présidence de M. David Assouline, en ligne : http://www.senat.fr/seances/s201902/s20190206/s20190206019.html.

[9] Intervention de Mme Patricia Morhet-Richaud, Compte rendu intégral des débats tenus en séance n° 57 du 6 février 2019, sous la présidence de M. David Assouline, en ligne : http://www.senat.fr/seances/s201902/s20190206/s20190206018.html.

[10] Intervention de Mme Sophie Primas, Compte rendu intégral des débats tenus en séance n° 57 du 6 février 2019, sous la présidence de M. David Assouline, en ligne : http://www.senat.fr/seances/s201902/s20190206/s20190206019.html.

[11] Intervention de M. Dominique Legge et de M. Jean-Marc Gabouty, Compte rendu intégral des débats tenus en séance n° 57 du 6 février 2019, sous la présidence de M. David Assouline, en ligne : http://www.senat.fr/seances/s201902/s20190206/s20190206019.html.

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Le projet de loi C-25 devient une loi : modifications de la LCSA

Le 24 avril 2018, le projet de loi C-25, Loi modifiant la Loi canadienne sur les sociétés par actions, la Loi canadienne sur les coopératives, la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif et la Loi sur la concurrence a reçu la sanction royale. Les choses bougent donc du côté de la Loi canadienne sur les sociétés par actions…

Certaines modifications proposées dans le projet de loi touchent en règle générale les sociétés et coopératives ayant fait appel au public :

  • l’élection d’administrateurs, le vote distinct et le vote en faveur ou contre.
  • l’utilisation du mécanisme de notification et d’accès relatifs aux documents, notamment les états financiers, requis pour les assemblées des actionnaires sans avoir besoin de demander une dispense.
  • la divulgation d’une diversité parmi les administrateurs et les membres de la haute direction.

 

Pour avoir une vision plus globale de la réforme adoptée, vous pourrez lire le résumé suivant : « Note explicative sur des modifications réglementaires proposées ».

 

Pour rappel, j’ai publié sur La Référence (éditions Yvon Blais) un article d’une vingtaine de pages commentant cette réforme :

  • Commentaire d’un projet ambitieux mais inachevé – Projet de loi C-25 visant à réformer la Loi canadienne sur les sociétés par actions (Partie 1), Repères, février 2017, EYB2017REP2136
  • Commentaire d’un projet ambitieux mais inachevé – Projet de loi C-25 visant à réformer la Loi canadienne sur les sociétés par actions (Partie 2), Repères, février 2017, EYB2017REP2137

 

Quelle était ma conclusion ?

 

Le projet de loi C-25 demeure à notre sens une initiative à saluer : il réforme le droit canadien de la gouvernance d’entreprise pour le faire entrer dans la modernité, fait écho à de nombreuses préoccupations contemporaines, tout en assurant une compatibilité des législations des valeurs mobilières et des sociétés par actions. Avec le projet de loi C-25, la corporate governance canadienne est-elle pour autant révolutionnée ? L’enthousiasme que suscite cette initiative du gouvernement canadien doit être mesuré. D’une part, les entreprises régies par les lois provinciales ou des territoires ne seront pas impactées par cette réforme, pas plus que les institutions financières incorporées en vertu de la Loi sur les banques. Pourtant, elles font face toutes les deux à des défis en termes de gouvernance. D’autre part, l’initiative fédérale s’appuie sur une prémisse qui n’est pas sans critique tant reste entière la question de savoir si l’accroissement des pouvoirs des actionnaires entraîne des changements majeurs dans la gouvernance des entreprises. Enfin, en dépit de l’avancée que représente le projet de loi C-25, le gouvernement aurait peut-être pu oser davantage sur les sujets abordés quitte à prendre un risque : consacrer une élection des administrateurs au scrutin secret, intensifier la réflexion sur une limitation de l’âge des administrateurs, améliorer les pratiques de recrutement, ou encore appuyer la promotion de la diversité sur des dispositions impératives. Certains pays l’ont fait… pourquoi pas le Canada ?

 

Il faudra suivre les règlements afférents qui seront rédigés sous peu.

 

À la prochaine…

Ivan Tchotourian

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Nouveau régime d’OPA au Canada

Les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) ont publié des modifications fondamentales au régime d’offres publiques d’achat qui devraient entrer en vigueur le 9 mai 2016 (ici). Les modifications accorderont plus de temps aux émetteurs visés pour réagir à une offre hostile, qui se traduira concrètement par un régime « offre permise » de 105 jours et un régime d’offres publiques d’achat harmonisé à l’échelle du Canada lorsque le Règlement 62-104 sur les offres publiques d’achat et de rachat (le Règlement 62-104) sera adopté en Ontario. Les modifications entraînent des incidences importantes sur l’utilisation de régimes de droits à la fois tactiques et stratégiques, et peuvent également influencer la façon dont les opérations seront structurées à l’avenir.

Une des modifications fondamentales prévoit que toute OPA non dispensée devra respecter une obligation de dépôt minimal de plus de 50 % des titres en circulation visés par l’offre (à l’exclusion des titres détenus par l’initiateur ou ses alliés).

Les modifications prévoient également un délai minimal de dépôt de 105 jours, sauf dans certaines situations où le délai peut être abrégé à la discrétion du conseil de l’émetteur visé ou si l’émetteur réalise l’une des opérations de remplacement prévues. Qui plus est, le délai minimal de dépôt fait l’objet d’une prolongation obligatoire d’au moins 10 jours une fois que l’obligation de dépôt minimal et toutes les autres conditions ont été remplies.

Selon le régime actuel, les OPA non dispensées doivent être maintenues pendant 35 jours et ne sont soumises à aucune obligation de dépôt minimal ni prolongation obligatoire une fois que l’initiateur a pris livraison des titres déposés.

Vous pourrez trouver un commentaire du cabinet Osler : ici.

À la prochaine…

Ivan Tchotourian