Comment définir la raison d’être ?

Bel article de Bertrand Valiorgue intitulé « Comment définir la raison d’être de son entreprise ? » (Harvard Business Review, 29 juin 2020) qui sera utile aux lectrices et aux lecteurs du blogue. L’exercice est assurément délicat.

Extrait :

Mettre l’entreprise en tension

Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise raison d’être, et les dirigeants vont s’appuyer sur cet outil pour répondre à des objectifs qui ne sont pas identiques d’une entreprise à une autre. Il semble cependant utile d’avoir en tête les trois enjeux suivants pour travailler et définir une raison d’être.

Repérer les points d’inflexion stratégique. La notion de point d’inflexion stratégique a été popularisée par l’ancien P-DG d’Intel, Andy Grove. Elle signifie qu’au cours de son existence, une entreprise est inévitablement confrontée à des ruptures qui remettent en question ses fondamentaux. Ces points de rupture peuvent être technologiques, réglementaires, sociétaux ou environnementaux. Dans l’esprit d’Andy Grove, ces points de rupture signifient l’apparition de nouvelles opportunités ou tout simplement la fin de la partie pour l’entreprise dont les compétences et les solutions deviennent progressivement obsolètes. Ces points d’inflexions stratégiques sont rarement exprimés de manière claire et explicite. Pour être repérés, il est important d’être attentif aux signaux faibles qui se manifestent dans l’environnement. La raison d’être de l’entreprise doit être reliée à ces points d’inflexions stratégiques qui, d’une manière ou d’une autre, vont venir percuter l’activité de l’entreprise dans un avenir plus ou moins proche. La transition alimentaire, en raison du changement climatique et de la transformation des modes de consommation, va immanquablement impacter le groupe Carrefour. La raison d’être exprime le fait que les pratiques, les habitudes et les technologies sont en train de profondément changer l’environnement de l’entreprise et que cette dernière doit nécessairement procéder à des ajustements.

Parler à l’interne comme à l’externe. Les dirigeants semblent hésiter quant aux cibles visées par la raison d’être de leur entreprise. Convient-il de parler aux salariés, aux différentes parties prenantes ou au grand public ? Ces trois cibles sont effectivement importantes. La raison d’être doit être formulée de manière à être signifiante pour chacune d’entre elle, en formant un récit cohérent et consistant qui part des évolutions sociétales, interpelle les parties prenantes de l’entreprise et concerne au premier plan les salariés. Il ne s’agit pas de dire que l’entreprise a conscience des transformations en cours et qu’elle est soucieuse de ses parties prenantes. Il s’agit bien de créer, à travers un discours, une communauté d’acteurs, prête à s’embarquer dans un projet économique face à de nouveaux défis qu’il est incontournable de relever, dans l’intérêt de tous.

Questionner les expertises et les savoir-faire. La raison d’être doit, d’une manière ou une autre autre, être reliée aux compétences et au savoir-faire de l’entreprise. Elle doit les mettre en tension et souligner la nécessité de leur évolution pour s’adapter aux transformations repérées dans l’environnement. La raison d’être n’est pas qu’un discours qui change les mentalités et les croyances. Elle véhicule un questionnement sur les pratiques, les technologies et les compétences de l’entreprise. Elle est l’expression d’un droit d’inventaire et d’un questionnement de fond. Que sait faire l’entreprise ? Que doit-elle apprendre ? Que doit-elle arrêter de faire ? La raison d’être est l’occasion de dresser un constat lucide sur l’état des compétences de l’entreprise.

La prise en compte de ces trois enjeux permet de stabiliser une première définition que chacun pourra contester et enrichir. La raison d’être combine trois dimensions : elle est une représentation consistante et cohérente de ce que veut faire l’entreprise ; elle exprime une volonté d’apporter des solutions concrètes aux défis contemporains qui remettent en cause les fondements de son activité économique ; elle implique l’ensemble des parties prenantes et induit un questionnement sur le cœur de métier de l’entreprise et son portefeuille de ressources et de compétences.

À la prochaine…

Ce contenu a été mis à jour le 31 octobre 2023 à 10 h 21 min.

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