Normes d’encadrement | Page 16

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SEC : une réponse à sa consultation sur la divulgation en matière de risque COVID-19

Par la voix de Carter Dougherty, l’Americans for Financial Reform a adressé sa réponse à la SEC à propos de la divulgation obligatoire du risque COVID-19 : « SEC Should Mandate Disclosures on COVID-19 Risks and Responses » (1er juillet 2020).

Extrait :

The impact of the losses on shareholders will be significant. Investors, however, are being forced to rely on news reports to try to understand how the crisis is impacting companies in their portfolios and how those companies are responding. The SEC must act to require companies to provide consistent, reliable data to investors about the economic impact of the pandemic on their business, human capital management practices, and supply chain risks. These disclosures should include:

  • Workplace COVID-19 Prevention and Control Plan—Companies should disclose a written infectious disease prevention and control plan including information such as the company’s practices regarding hazard identification and assessment, employee training, and provision of personal protective equipment.
  • Identification, Contact Tracing, and Isolation—Companies should disclose their policies for identifying employees who are infected or symptomatic, contact tracing and notification for potentially exposed employees and customers, and leave policies for infected employees who are isolating.
  • Compliance with Quarantine Orders and phased reopening orders—Companies should disclose how they are complying with federal, state, and local government quarantine orders and public health recommendations to limit operations.
  • Financial Implications—Companies should disclose the impact of the COVID-19 pandemic on their cash flows and balance sheet as well as steps taken to preserve liquidity such as accessing credit facilities, government assistance, or the suspension of dividends and stock buybacks.
  • Executive Compensation—Companies should promptly disclose the rationale for any material modifications of senior executive compensation due to the COVID-19 pandemic, including changes to performance targets or issuance of new equity compensation awards.
  • Employee Leave—Companies should disclose whether or not they provide paid sick leave to encourage sick workers to stay home, paid leave for quarantined workers, paid leave at any temporarily closed facilities, and family leave options to provide for childcare or sick family
  • Health Insurance—Companies should disclose the health insurance coverage ratio of their workforce and whether the company has a policy to provide employer-paid health insurance for any employees who are laid off during the COVID-19 pandemic.
  • Contingent Workers—Companies should disclose if part-time employees, temporary workers, independent contractors, and subcontracted workers receive all the protections and benefits provided to full-time company employees, including those outlined above.
  • Supply Chains-Companies should disclose whether they are current on payments to their supply chain vendors. Timely and prompt payments to suppliers will help retain suppliers’ workforces and ensure that a stable supply chain is in place for business operations going forward.
  • Workers’ Rights-Companies should disclose their policies for protecting employees who raise concerns about workplace health and safety from retaliation, including whistleblower protections and contractual provisions protecting workers’ rights to raise concerns about workplace conditions.
  • Political activity—Companies should disclose all election spending and lobbying activity, especially money spent through third parties like trade associations and social welfare 501(c)4 organizations.

Prior to the onset of COVID-19, it was often argued that human rights, worker protection and supply chain matters were moral issues not relevant to a company’s financial performance. As millions of workers are laid off and supply chains unravel, the pandemic has proven that view wrong. Businesses that protect workers and consumers will be better positioned to continue operations and respond to consumer demand throughout the pandemic. The disclosures outlined above will provide investors with important information to help them understand how COVID-19 is impacting the companies they are invested in. In addition, by requiring these disclosures, the Commission has the opportunity to encourage companies to review their current practices and consider whether updates are necessary in light of recent events. The process of preparing these disclosures may help some public companies to recognize that their current practices are not sufficiently robust to protect their workers, consumers, supply chains and, as a result, their investors’ capital given the impact of the pandemic.

À la prochaine…

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Activisme actionnarial : l’AMF France prend position

Le 28 avril 2020, l’Autorité des marchés financiers a proposé des mesures ciblées pour améliorer la transparence vis-à-vis du marché et le dialogue entre les émetteurs et les actionnaires.

Pour en savoir plus : ici.

Extrait :

L’engagement actif des actionnaires dans la vie des sociétés cotées est une condition de leur bon fonctionnement et d’une saine gouvernance. A cet égard, l’AMF considère qu’il doit être encouragé. Pour le régulateur, la problématique n’est donc pas d’empêcher l’activisme mais d’en fixer les limites et de se donner la capacité à en maîtriser les excès.

En l’état de la réglementation, l’AMF considère qu’il n’est pas nécessaire de faire évoluer de manière importante le cadre juridique applicable.

Les propositions de l’AMF visent à :

  • améliorer l’information sur la montée au capital et la connaissance de l’actionnariat, en abaissant le premier seuil légal de déclaration et en rendant publiques les déclarations faites à la société sur le franchissement des seuils fixés dans ses statuts ;
  • assurer une meilleure information au marché sur l’exposition économique des investisseurs, en complétant les déclarations de positions courtes par une information sur les instruments de dette également détenus (obligations, credit defaults swaps par exemple). L’AMF soutiendra ces propositions au niveau européen ;
  • promouvoir un dialogue ouvert et loyal entre les sociétés cotées et leurs actionnaires : l’AMF complètera son guide sur l’information permanente et la gestion de l’information privilégiée afin d’y ajouter des développements sur le dialogue actionnarial. Elle complètera également sa doctrine afin de préciser que les émetteurs peuvent apporter toute information nécessaire au marché en réponse à des déclarations publiques les concernant, même en cours de périodes de silence, sous réserve du respect des règles sur les abus de marché. Elle recommandera, par ailleurs, à tout actionnaire qui initie une campagne publique de communiquer sans délai à l’émetteur concerné les informations importantes qu’il adresserait aux autres actionnaires ;
  • accroître les capacités d’analyse et de réaction de l’AMF afin de lui permettre d’apporter des réponses rapides et adaptées lorsque les circonstances l’exigent : via, par exemple, l’instauration d’un pouvoir d’astreinte en matière d’injonction administrative et d’une faculté d’ordonner à tout investisseur, et non plus seulement à un émetteur, de procéder à des publications rectificatives ou complémentaires en cas d’inexactitude ou d’omission dans ses déclarations publiques.

À la prochaine…

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Assemblées annuelles des sociétés et organisations à but non lucratif fédérales pendant la COVID-19

Industrie Canada a publié une mise à jour sur le droit canadien en matière d’assemblée annuelle virtuelle. À lire !

Extrait :

Les sociétés et les organisations à but non lucratif de régime fédéral sont légalement tenues d’organiser une assemblée générale annuelle (AGA) des actionnaires ou des membres chaque année. Cette assemblée annuelle a pour but de leur permettre de prendre des décisions de gouvernance fondées sur les renseignements actuels, et de s’assurer de pouvoir continuer à soutenir la société ou l’organisation.

Dans des circonstances normales, les sociétés et les organisations à but non lucratif de régime fédéral doivent organiser une AGA dans les 15 mois suivant l’assemblée générale annuelle précédente, et au plus tard six mois après la fin du dernier exercice financier de la société ou de l’organisation.

Étant donné que la tenue d’assemblées générales en personne pendant la pandémie de COVID-19 irait à l’encontre des conseils de santé publique, nous présentons aux sociétés et aux organisations à but non lucratif de régime fédéral des options à envisager permettant de respecter les dispositions de la Loi canadienne sur les sociétés par actions et de la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif.

Organiser une réunion virtuelle

Certaines sociétés ou organisations ont le droit d’organiser des réunions virtuelles en utilisant les technologies numériques. Pour vérifier s’il s’agit d’une option valide, consultez vos règlements administratifs pour vous assurer qu’ils ne prévoient aucune restriction relative à la tenue de réunions par voie électronique.

Selon les règlements, deux possibilités pourraient s’offrir à une société ou organisation :

  1. Réunion virtuelle : Les participants y assistent exclusivement au moyen d’un canal numérique qui leur permet de communiquer entre eux pendant la réunion. Les règlements de la société ou de l’organisation doivent indiquer clairement l’utilisation des réunions virtuelles.
  2. Réunion partiellement virtuelle : Certains participants y assistent en personne, alors que d’autres y assistent au moyen d’un canal numérique qui leur permet de communiquer avec les autres participants pendant la réunion. Une réunion partiellement virtuelle peut être une autre solution pratique si les règlements ne permettent pas les réunions virtuelles.

Dans les deux cas, les membres peuvent voter par voie électronique, à condition que :

  • les règlements administratifs n’interdisent pas cette façon de voter
  • les règlements soient respectés, c’est-à-dire que les votes de la société ou de l’organisation puissent être vérifiés, comptabilisés et présentés aux participants, tout en préservant l’anonymat du vote.

Si les règlements d’une société ou organisation interdisent les réunions virtuelles ou ne contiennent aucune disposition à ce sujet, le conseil d’administration peut les modifier, et ce changement sera effectif jusqu’à la prochaine réunion des actionnaires ou des membres (lorsque le changement peut être accepté ou rejeté).

Signer une résolution au lieu d’une assemblée

Une option pratique qui s’offre aux sociétés et organisations à but non lucratif, dont le nombre d’actionnaires ou membres est limité, est la résolution écrite au lieu de la tenue d’une AGA. La résolution doit comprendre les items normalement communiqués dans le cadre de l’AGA. Cela doit inclure au moins :

  • l’élection des administrateurs
  • l’examen des états financiers de la société ou de l’organisation
  • la nomination d’un vérificateur ou expert-comptable ou la renonciation à la nomination d’un vérificateur ou expert-comptable.

Tous les actionnaires ou membres qui ont droit de vote à l’occasion de l’AGA de la société ou de l’organisation doivent signer la résolution écrite. Une fois signée, il faut conserver cette résolution dans les livres de la société ou de l’organisation.

Reporter la convocation de l’assemblée

Les organisations à but non lucratif peuvent demander une prolongation du délai de convocation de leur assemblée annuelle lorsqu’il est nuisible de la convoquer en respectant les délais habituels. Faites une demande en remplissant le formulaire en ligne, et ce, au moins 30 jours ouvrables avant la date d’envoi d’un avis de convocation dans des circonstances normales.

Demande de prolongation du délai de convocation de l’assemblée annuelle d’une organisation à but non lucratif en raison de COVID-19

Pour reporter une assemblée générale annuelle, les sociétés par actions constituées en vertu des lois fédérales doivent obtenir l’agrément d’un tribunal.

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Intéressantes dispositions du Code civil chinois

Le Code civil chinois a été adopté le 28 mai 2020. Il ne rentrera en vigueur qu’au 1er janvier 2021. Deux articles ont attirés mon attention dans une perspective de responsabilité sociétale, articles qui concerne le régime des For-Profit Legal Person (section 2). En substances, voici ce que précisent lesdits articles :

Les actionnaires ne doivent pas intenter à l’intérêt de la personne morale ou à celui des créanciers.

Les entreprises assument une responsabilité sociale.

Order of the President of the People’s Republic of China (No. 45)
The Civil Code of the People’s Republic of China, as adopted at the 3rd Session of the Thirteenth National People’s Congress of the People’s Republic of China on May 28, 2020, is hereby issued, and shall come into force on January 1, 2021.
President of the People’s Republic of China: Xi Jinping
May 28, 2020
Civil Code of the People’s Republic of China
(Adopted at the 3rd Session of the Thirteenth National People’s Congress of the People’s Republic of China on May 28, 2020)

Extrait :

  • Article 83

An investor of a for-profit legal person shall not damage the interests of the legal person or any other investor by abusing the rights of an investor. If the investor abuses the rights of an investor, causing any loss to the legal person or any other investor, the investor shall assume civil liability in accordance with the law.
An investor of a for-profit legal person shall not damage the interests of a creditor of the legal person by abusing the independent status of the legal person and the limited liability of the investor. If the investor abuses the legal person’s independent status or the investor’s limited liability to evade debts, causing serious damage to the interests of a creditor of the legal person, the investor shall be jointly and severally liable for the legal person’s debts.

  • Article 86

In business activities, a for-profit legal person shall comply with business ethics, maintain the safety of transactions, receive government supervision and public scrutiny, and assume social responsibilities.

Merci à mon collègue, le professeur Bjarne Melkevik, de cette information.

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La Benefit corporation adoptée en Colombie-Britannique

En voilà une nouvelle ! La province de Colombie-Britannique vient de faire place à une Benefit Corporation. Certaines modifications apportées à la Business Corporations Act de la Colombie-Britannique (la « BCBCA ») qui vont entrer en vigueur le 30 juin 2020 permettent la création d’un nouveau sous-type de société, la « société d’intérêt social » (la benefit company). La Colombie-Britannique est le premier territoire canadien à adopter ce concept qui n’est pourtant pas nouveau aux États-Unis. Pas sûr que ce choix soit heureux dans la mesure où la 3C existait déjà et qu’elle se révèle sans doute plus porteuse pour la RSE…

Pour en savoir plus : « Une première au Canada : les sociétés d’« intérêt social » arrivent en Colombie-Britannique » (Stikeman Elliott, 5 juin 2020)

Extrait :

The major distinctions between a B.C. benefit company and other B.C. companies are as follows:

  • Notice of articles: The benefit company’s notice of articles will contain the following statement (the benefit statement”):

This company is a benefit company and, as such, is committed to conducting its business in a responsible and sustainable manner and promoting one or more public benefits.

  • Articles: The benefit company’s articles must include a provision that specifies the public benefits to be promoted (benefit provision). “Public benefit” refers to something that has a positive effect that benefits (i) a class of persons other than shareholders of the company in their capacity as shareholders, or a class of communities or organizations, or (ii) the environment. The positive effect can be:
    • Artistic
    • Charitable
    • Cultural
    • Economic
    • Educational
    • Environmental
    • Literary
    • Medical
    • Religious
    • Scientific
    • Technological
  • Alterations: Any decision to adopt or eliminate the benefit statement (i.e. to alter the company’s status as a benefit company) must be approved by a special resolution of the voting shareholders. Both voting and non-voting shareholders of the benefit company are entitled to dissent rights with respect to such a change or to a change in the benefit provision.
  • Benefit report: Each year, the benefit company must prepare, provide to its shareholders and post on its website (if it has one) a report (benefit report) that assesses the company’s performance in carrying out the commitments set out in the company’s benefit provision compared to a third-party standard. The report needs to include information about the process and rationale for selecting or changing the relevant third-party standard. Regulations may be enacted that provide more details about the third-party standard and the contents of the benefit report.
  • Penalties relating to the benefit report: It will be an offence if the directors of the benefit company do not prepare and post the benefit report as required by the BCBCA and the regulations. There is a potential fine of up to $2,000 for individuals or $5,000 for persons other than individuals.
  • Augmented fiduciary duty: The directors and officers of a benefit company will be required to act honestly and in good faith with a view to conducting the business in a responsible and sustainable manner and promoting the public benefits that the company has identified in its benefit provision. They must balance that public benefits duty against their duties to the company. (There is currently no guidance with respect to achieving this balance.) However, the amendments state that the public benefits duty does not create a duty on the part of directors or officers to persons who are affected by the company’s conduct or who would be personally benefitted by it.
  • Enforcement and remedies where duty breached: Several significant provisions in the amendments relate to enforcement and remedies:
    • Shareholders are the only persons who are able to bring an action against a BCBCA benefit company’s directors and officers over an alleged violation of their duty relating to public benefits;
    • Only shareholders that, in the aggregate, hold at least 2% of the company’s issued shares may bring such an action (in the case of a public company, a $2 million shareholding, in the aggregate, will also suffice); and
    • The court may not order monetary damages in relation to a breach of that duty. Other remedies, such as removal or a direction to comply, would still be available.

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COVID-19 : pour plus d’éthique dans les CA !

Encore une fois le cabinet Langlois publie un intéressant billet « La gouvernance : la sensibilité et le leadership éthiques des administrateurs, des éléments nécessaires pour l’après-crise » sous la plume de Mes Brizard, Ferron et François Larouche (21 mai 2020).

Je suis content de voir que les auteur.e.s partagent mon sentiment sur la nécessité de l’éthique et la pertinence de pousser le modèle des entreprises à mission sociétale !

Extrait (références omises) :

Dans le cadre de nos derniers articles1, nous interpellions les membres des conseils d’administration sur leur rôle en ce temps de crise et, notamment, sur la valeur ajoutée qu’ils devraient apporter pour préparer l’après-crise. Nous avons alors évoqué l’importance, pour l’entreprise, de déterminer les nouveaux risques, dont ceux liés à l’éthique et la nécessité de prendre des décisions en tenant compte de leurs impacts sur l’ensemble des parties prenantes2.

Si nous sommes un tant soit peu attentifs à l’actualité, nous constatons que celle-ci est devenue le lieu d’enjeux éthiques majeurs, lesquels sont rapportés dans les médias et jugés par l’opinion publique, tels le non-respect des droits de l’homme, les faillites frauduleuses, les catastrophes environnementales, la corruption, les détournements de fonds publics, la mise en danger de la vie d’autrui et, tout particulièrement ces jours-ci, la protection des aînés. Le respect du cadre légal ne suffit pas à assurer le caractère éthique des processus de prise de décision par le conseil d’administration. Il nous apparaît important de réfléchir plus particulièrement à la place de l’éthique dans le processus de prise de décision des administrateurs.

La mise en pause forcée par la crise de la COVID-19 est l’occasion pour les entreprises et l’économie de se réinventer. Dans le cadre de cette réflexion, les entreprises devront évaluer comment elles peuvent assurer leur pérennité, tout en contribuant aux atteintes des grands objectifs sociétaux. Pour réussir cette transformation, les membres des conseils d’administration devront faire preuve d’une sensibilité éthique. Tout comme le disait récemment le sociologue et philosophe Bruno Latour3 « il faut profiter de ce temps d’arrêt pour réfléchir, infléchir et remettre en cause certaines façons de faire ou de penser ».

Sensibilité éthique

Mais qu’est-ce que la sensibilité éthique? Une étude menée par la Chaire Éthique et gouvernement d’entreprise de l’Université Paris-Dauphine, dont l’objectif de recherche était de mieux comprendre comment des administrateurs mobilisaient l’éthique dans l’exercice de leurs fonctions, offre des pistes de réflexion intéressantes à ce sujet. Après une revue de la littérature, une des définitions retenues est celle de l’éthicienne Lyse Langlois qui définit la sensibilité éthique comme une « aptitude à s’interroger de manière consciente sur les situations complexes en maintenant une attitude authentique, ouverte et critique face à soi-même et aux autres »4. La sensibilité éthique fait donc référence à la capacité qu’a une personne de reconnaître les conséquences négatives qu’une situation donnée aura sur d’autres et permet à un individu de se questionner, de débattre d’un enjeu et de prendre position. Il devient donc évident de soutenir qu’une personne qui ne reconnaît pas les aspects éthiques d’une situation ne peut gérer les problèmes éthiques.

Toutefois, rassurons-nous, cette capacité à faire preuve de sensibilité éthique peut s’acquérir et se développer. C’est notamment ce qu’en disent les rédacteurs du rapport spécial sur l’importance de l’éthique dans l’amélioration de la gouvernance5 « … but there is also broader evidence within organizational behavior research about how you may shift an organization’s culture – and not necessarily just along the ethical dimension. It could also be something like innovation. Training is one of the ways in which you can try and shift the culture. I most certainly believe that you can shift the culture so that people start to think about ethical issues ».

Il n’y a qu’un pas à faire pour conclure qu’un lien étroit existe entre la sensibilité éthique et la culture organisationnelle. La sensibilité éthique semble émerger difficilement dans les organisations caractérisées par une culture éthique pouvant être qualifiée de très « contrôlante » et fondée essentiellement sur le respect des règlements, codes de conduite et politiques. A contrario, la sensibilité éthique se décline plus facilement dans une culture organisationnelle faisant une place à l’autonomie et la responsabilisation des membres du conseil d’administration, de l’équipe de dirigeants et de l’ensemble des employés6.

Pourtant, des recherches sur la sensibilité éthique des membres de conseil d’administration d’entreprise démontrent que l’éthique est en grande partie perçue dans une perspective normative, soit celle du respect des obligations légales imposées7. Chez plusieurs de nos gestionnaires ou membres de conseils d’administration, il semble aussi y avoir une confusion entre le concept de l’éthique et celui de la déontologie. Cet état de fait s’explique-t-il uniquement par manque d’habileté à reconnaître un enjeu éthique lorsqu’il se présente ou à le traiter ou, plus largement, par une carence dans les conditions permettant d’exercer cette capacité?

L’étude exploratoire de chercheurs en gouvernance éthique8 a permis d’observer que plusieurs administrateurs avaient peur des conséquences négatives (sociales, financières ou professionnelles) qu’ils pourraient subir lorsqu’il s’agissait pour eux d’évoquer leurs préoccupations en matière éthique lors de réunions des conseils d’administration. Cette crainte contribuait ainsi à anesthésier leur sensibilité éthique. Plusieurs administrateurs ont évoqué la trop forte pression sociale qui les inciterait à adhérer à la position de la majorité du groupe.

Comment un administrateur peut-il s’affranchir de ces contraintes? Le courage n’est-il pas une des qualités essentielles d’un administrateur? Nous croyons que c’est là que le leadership éthique entre en jeu.

Leadership éthique

Le leadership éthique s’incarne dans une organisation qui le soutient et qui permet des instances de délibération. Le président du conseil a sûrement un rôle clé à jouer à cet égard. Il doit favoriser un environnement qui permet aux administrateurs de poser les bonnes questions sur les situations qui soulèvent des questions éthiques. Il doit mettre en place des espaces de partage et d’échanges exempts d’enjeux politiques; un environnement « capacitant9 » où les administrateurs peuvent aborder les situations avec un esprit ouvert et indépendant. Ces acteurs doivent pouvoir être attentifs aux conditions par lesquelles ils vont pouvoir mettre en œuvre collectivement un agir adéquat en situation, dans un environnement et au sein de structures permettant des réflexions et des interactions10. Ces délibérations ouvertes, permettant aux administrateurs de s’exprimer librement et de prendre le recul nécessaire pour envisager les divers points de vue des parties prenantes, sont essentielles.

La Wharton School de l’université de Pennsylvanie traite de ce milieu « capacitant » pour que s’expriment les préoccupations sur les valeurs éthiques comme suit11 : « One of the hallmarks of an ethical culture is openness, an environment where people not only feel encouraged to do the right thing, but also speak up about things that may be going wrong. Michael Useem, a professor of management at Wharton and director of the school’s Center for Leadership and Change Management, notes that one of the most visible hallmarks of an ethical culture is when leaders help create an environment where people at all levels of the organization feel safe to “speak truth to power” – a phrase whose origin is attributed to an old Quaker saying – without fear of punishment. Trust is the glue that binds organizations together. Trust withers when truth-tellers are victimized for speaking up when they feel they must ».

Un autre élément qui pourrait expliquer les hésitations d’un membre de conseil à prendre parole serait la reconnaissance de la limite de sa compétence sur certains enjeux éthiques. Il nous semble que, sans formation appropriée en prise de décision éthique, il sera difficile pour ces membres d’apprécier à leur juste valeur les différents aspects éthiques d’une situation et de prendre parole librement. Ainsi, il importe donc au conseil, collectivement, de s’assurer que ses membres ont reçu une formation en éthique adéquate et qu’elle soit mise à jour régulièrement. Cette formation ne devrait pas se cantonner simplement à enseigner les valeurs ou les principes issus de grandes traditions philosophiques ni se limiter à ne fournir que des outils pour développer des capacités analytiques ou discursives. Il faudrait penser à du coaching ou du mentorat et au développement collaboratif d’outils. On peut également songer à des retours d’expériences, des mises en situation qui contribuent à prendre en compte l’expérience vécue. La formation éthique en situation permettra, comme le dit Grégory Aiguier « de rendre les acteurs attentifs aux conditions par lesquelles ils vont pouvoir mettre en œuvre collectivement un agir adéquat en situation autrement dit de les capaciter pour qu’ils développent un réel pouvoir d’agir »12.

Le gouvernement peut-il favoriser l’instillation de la réflexion éthique?

Puisque, tel que nous l’avons vu, l’éthique a une indéniable dimension dynamique qui implique toutes les parties, le gouvernement pourrait-il favoriser l’arrimage des comportements de nos organisations aux nouveaux impératifs de la société civile? La venue de nouveaux modèles d’entreprise reconnus par le gouvernement pourrait-elle mobiliser le leadership éthique et le changement de culture au sein des entreprises?

À titre d’exemple, au Québec, la Table d’accompagnement-conseil des entreprises pour le développement durable aide, grâce à de l’accompagnement et de nombreux outils, les entreprises à intégrer le développement durable dans leur modèle d’affaires. Les entreprises québécoises peuvent profiter de cette ressource pour améliorer leur performance et leur productivité, tout en démontrant une conscience sociale vis-à-vis le développement durable. Entre autres, la norme BNQ 21000 du Bureau de normalisation du Québec (BNQ) favorise la mise en place d’une démarche structurée de gestion du développement durable dans les entreprises. Il est intéressant de constater l’apparition récente, dans le paysage juridique, des entreprises lucratives à mission sociétale « entreprises sociales » ou Benefit Corporation. Ce nouveau modèle d’entreprise a émergé au début des années 2000. La motivation principale à l’origine de cette initiative était de bâtir des entreprises prospères qui procurent de grands bienfaits à la collectivité en mettant l’entreprise au service du bien commun. Ce modèle se décline soit par l’obtention d’une « certification B Corp »13 ou par une reconnaissance légale d’un statut reconnu par des législations particulières (Public Benefit Corporation).

La certification B Corp est délivrée par une organisation à but non lucratif aux entreprises qui démontrent des normes élevées de performance sociale et environnementale14. Pour être certifiées, ces entreprises doivent répondre à plusieurs exigences. Elles sont également sujettes à des redditions de comptes ainsi qu’à un audit externe de l’organisme certificateur.

Par ailleurs, près d’une quarantaine d’états américains ont adopté des législations autorisant la constitution d’entreprises à vocation sociale et leur accordant le statut de Public Benefit Corporation. Par l’acquisition de ce statut, les entreprises indiquent clairement que leur but n’est pas uniquement de maximiser le profit pour les actionnaires, mais de générer un bénéfice public général ainsi qu’un ou plusieurs bénéfices sociaux spécifiques, tels que la préservation de l’environnement, l’amélioration de la santé, la promotion des arts et des sciences, etc. La règle générale est que, pour qu’une entreprise puisse se constituer en Public Benefit Corporation, elle doit prévoir dans ses statuts au moins un apport positif ou une réduction d’effets négatifs sur une certaine catégorie de personnes, d’entités, de communautés ou autres parties prenantes. Par ce statut, les administrateurs bénéficient de certains assouplissements concernant leurs devoirs fiduciaires. Comme corollaire, l’entreprise a aussi l’obligation de produire un rapport bisannuel détaillé sur les actions prises pour respecter les engagements inscrits dans ses statuts. La même tendance est observable en France où le gouvernement a adopté, en 2019, la loi dite PACTE15 qui cherche à promouvoir l’intégration d’objectifs sociaux et environnementaux via la reconnaissance du statut de « Sociétés à mission ».

Au Canada, soulignons les efforts déployés en Colombie-Britannique en 2012 pour amender le Business Corporation Act16 afin d’y introduire une nouvelle structure d’entreprise axée sur la responsabilité sociale et le développement durable : la Community Contribution Company (aussi nommée « C3 »). Ce type de société comprend à la fois des éléments propres aux entreprises à but lucratif et non lucratif et permet la réalisation d’objectifs à caractère sociaux par le biais de ses activités. Les restrictions imposées aux C3, notamment au niveau des transferts de capitaux, du paiement de dividendes et de la distribution des actifs de la société lors de sa dissolution, démontrent tout le sérieux de la démarche britanno-colombienne visant à créer un modèle d’entreprise soucieux des enjeux sociaux et environnementaux liés à la conduite des affaires.   

Dans cette même optique, la Colombie-Britannique a récemment récidivé en adoptant le projet de loi M 20917, sanctionné le 16 mai 2019, qui prévoit la possibilité pour certaines entreprises d’obtenir le statut de Benefit Company. Cette qualification implique certaines obligations, dont la prise en compte du bien-être des personnes affectées par la conduite de l’entreprise ainsi qu’une utilisation juste et proportionnelle des ressources environnementales, sociales et économiques disponibles18. Ces entreprises devront aussi annuellement produire un rapport détaillé démontrant le respect de leurs engagements, rapport qui devra s’inscrire en conformité avec les normes édictées par de tierces parties indépendantes.

Bien qu’elles comportent certaines limites et puissent prêter flanc à la critique19, ces certifications, qu’elles soient législatives ou autorégulatrices, renforcent la crédibilité et la transparence des entreprises et consolident leur réputation ou leur image de marque. Elles constituent aussi un outil de différenciation sur les marchés à l’égard des investisseurs, des agences de notation, des employés, des consommateurs et des donneurs d’ouvrage, puisqu’elles reconnaissent le haut niveau de performance sociale et environnementale de celles-ci.

Les gouvernements du Québec et du Canada pourraient considérer l’adoption de telles législations ou favoriser, par des mesures incitatives, les organisations qui auraient la certification B Corp. À notre sens, ils contribueraient ainsi à instiller un certain virage aux entreprises vers un nouveau modèle d’affaires favorisant la réflexion éthique par des objectifs qui transcenderaient la simple production de biens et de services, en y ajoutant une production sociale et environnementale axée sur le long terme, respectueuse de l’intérêt des parties prenantes.

Le gouvernement du Québec avançait déjà dans la bonne direction avant la crise en proposant des mesures qui favorisent les comportements de gouvernance d’entreprise en faveur de l’économie verte dans le deuxième budget du ministre des Finances Éric Girard. De plus, plusieurs États et gouvernements veulent relancer l’économie avec des mesures vertes et écologiques, pour assurer la transition énergétique et écologique de concert avec la bonne marche de l’économie.

Il est en outre possible de penser que la crise de la COVID-19 aura comme effet de favoriser cette réflexion. Effectivement, depuis le début de la crise, il a été possible de voir émerger de nombreuses initiatives provenant de l’entreprise privée pour participer à l’effort global de lutte contre le virus. Par exemple, le lancement de la plate-forme numérique Le Panier Bleu20, qui rassemble sous une même bannière les initiatives d’achat local au Québec et stimule leur vente. Aussi, un bon nombre d’entreprises privées ont décidé, du jour au lendemain, de modifier leur production traditionnelle pour l’orienter vers les besoins en fournitures spécialisées dans les hôpitaux21.

Saisir l’opportunité de penser une ère nouvelle

Comme nous l’avons mentionné dans nos derniers articles, les entreprises devront être prêtes pour l’après-crise. Elles devront se donner les moyens de faire face aux prochaines crises et de bifurquer vers une société plus résiliente. Rebâtir, en fonction d’une nouvelle représentation du monde. Le conseil devra faire preuve d’indépendance, de courage, du souci d’autrui et du personnel, de rigueur, d’intégrité et de transparence. Il devra s’assurer de la cohérence entre le discours et l’action, et du nécessaire alignement de la mission, de la vision et des valeurs de l’organisation post COVID-19. Pour citer Michel Clair,22 « [o]n voit bien que la vie continue malgré les contraintes actuelles. Comme administrateur, voir loin veut dire déjà réfléchir sur les leçons à tirer de cette crise sans précédent, pour voir dans quelle mesure notre entreprise pourrait contribuer positivement à mieux prendre soin de notre planète et de l’humanité, tout en étant plus robuste devant l’adversité. Comment ajouter de la valeur pour toute l’humanité à nos produits et services? » 

Dans ce redémarrage, les questions sociales et de gouvernance seront cruciales. Les changements climatiques et l’urgence environnementale, les tendances de consommation durable et, plus largement, les autres attentes de la société civile ne pourront pas être ignorés. Il faudra donc mettre en balance la préservation ou la performance économique, les ressources humaines et la préservation des ressources naturelles. Une équation difficile, mais nécessaire pour assurer la pérennité de l’entreprise. Les administrateurs devront être prêts, formés, et jouir d’un environnement « capacitant » pour qu’ils fournissent la valeur ajoutée que l’on s’attend d’eux.

À la prochaine…

Gouvernance Normes d'encadrement normes de droit normes de marché objectifs de l'entreprise Responsabilité sociale des entreprises

For Whom is the Corporation Managed in 2020?

Encore un papier sur le fameux « purpose » du droit des sociétés par actions. C’est le professeur Edward Rock qui s’y attaque dans un article intitulé « For Whom is the Corporation Managed in 2020?: The Debate over Corporate Purpose » (European Corporate Governance Institute – Law Working Paper No. 515/2020, 1er mai 2020).

Résumé :

A high profile public debate is taking place over one of the oldest questions in corporate law, namely, “For whom is the corporation managed?” In addition to legal academics and lawyers, high profile business leaders and business school professors have entered the fray and politicians have offered legislative “fixes” for the “problem of shareholder primacy.” In this article, I take this debate to be an interesting development in corporate governance and try to understand and explain what is going on. I argue that, analytically and conceptually, there are four separate questions being asked. First, what is the best theory of the legal form we call “the corporation”? Second, how should academic finance understand the properties of the legal form when building models or engaging in empirical research? Third, what are good management strategies for building valuable firms? And, finally, what are the social roles and obligations of large publicly traded firms? I argue that populist pressures that emerged from the financial crisis, combined with political dysfunction, have led to the confusion of these different questions, with regrettable results.

À la prochaine…