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Fausse publicité en matière de RSE : New York tente sa chance

On le sait depuis longtemps : la publicité mensongère peut être un fondement de durcissement de la RSE Voilà qu’une actualité du Journal de Québec vient le confirmer (« New York accuse ExxonMobil, BP et Shell de « tromperie » sur les énergies propres », 22 avril 2021)… même si on ne sait pas l’issue de la procédure enclenchée.

Extrait :

La plainte de 97 pages leur reproche aussi « d’amplifier les bienfaits pour le climat » des produits liés au gaz naturel, aux biocarburants ou à l’hydrogène.

Elle accuse par ailleurs les entreprises, ainsi que la puissante fédération professionnelle du secteur API, de « présenter de façon erronée » les impacts climatiques des énergies fossiles.

Lutter contre le changement climatique signifie aussi « s’attaquer à certaines des plus grandes entreprises polluantes pour publicité mensongère et greenwashing », a justifié le maire de la ville, Bill de Blasio, dans un communiqué.

La plainte a été déposée le jour de l’ouverture du sommet virtuel sur le climat organisé par le président américain Joe Biden.

« Lorsque des compagnies pétrolières présentent leurs produits avec des mots comme « plus écologiques » ou « plus propres », tout en omettant de divulguer les effets réels de ces produits, cela nuit à la capacité des consommateurs à prendre des décisions éclairées », a estimé Lorelei Salas, du département de protection des consommateurs et des travailleurs de la ville.

Ce n’est pas la première fois que New York part à l’assaut des géants du secteur pétrolier.

La mairie avait porté plainte en janvier 2018 contre BP, Chevron, ConocoPhillips, ExxonMobil et Shell pour leurs responsabilités dans le changement climatique, une plainte rejetée en appel début avril.

La ville de New York a aussi perdu fin 2019 un procès contre ExxonMobil, qu’elle accusait d’avoir trompé les investisseurs en prétendant à tort intégrer pleinement les risques de durcissement des législations sur les émissions de gaz à effet de serre dans ses projections à long terme.

À la prochaine…

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Responsabilité des minières à l’étranger : un billet à parcourir

La professeur Elizabeth Steyn aborde la responsabilité des entreprises minières pour des actes commis à l’étranger dans un billet de blogue intitulé « Holding extractive companies liable for human rights abuses committed abroad » (Western Law, 7 décembre 2000).

Extrait

A notable driver in the movement towards stronger oversight has been allegations of abuses committed in the extractive sector. Indeed, The Business & Human Rights Resource Centre’s latest Transition Minerals Tracker (May 2020) features Glencore as a top 5 company in respect of 4 out of 6 transitional commodities (cobalt, copper, nickel and zinc) and records allegations of human rights abuses in three of these categories: cobalt (10 allegations[2]); copper (32) and zinc (14). While the copper and zinc allegations against Glencore are roughly double in number to those of its nearest competitor, it ties with the DRC state mining company, Gécamines, in respect of cobalt related human rights allegations. In unrelated news, Glencore fought unsuccessfully last week to obtain a gagging injunction pertaining to allegations of child labour made against it by the organization Initiatives multinationales responsableswith reference to its Bolivian mine in Porco.

On November 29, 2020, 50.7% of the national vote went in favour of the RBI; however, it gained a majority vote in only a third of the Swiss cantons. Observers have pointed out that this is the first time in 50 years for a referendum measure to flounder due to regional restrictions despite having attracted a nationwide popular majority.

The outcome of the referendum is thus that the Swiss Responsible Business Initiative will not come into being. However, the fact that it carried the popular vote has been described as, “a clear sign to Switzerland’s multinationals that the days of avoiding scrutiny are well and truly over.”

This is in line with developments elsewhere in the world.

In Vedanta Resources Plc & Anor v Lungowe & Ors the UK Supreme Court held in 2019 in a procedural ruling that pollution charges could proceed in the UK against Vedanta Resources, plc (“Vedenta”) and its Zambian subsidiary, Konkola Copper Mines, plc (“KCM”), notwithstanding the fact that the pollution was alleged to have taken place in Zambia and that the claimants were a Zambian community. The facts relate to the operations of the Nchanga Copper Mine in the Chingola District of Zambia.

This full-bench decision is interesting for multiple reasons. First, it is a significant ruling for multinational UK parent companies with subsidiaries operating in developing countries. Second, both Vedanta and KCM had explicitly submitted to the jurisdiction of the Zambian courts. Third, although most of the proper place indicators pointed to Zambia and despite the fact that the Court found that there would be a real risk of irreconcilable judgments between Zambia and the UK, it still ruled that the UK had jurisdiction to hear the case on the basis that the claimants were likely to suffer a substantial injustice if the matter were to proceed in Zambia. Interestingly, no criticism was levied against either the administration of justice in Zambia or its legal system. Instead, the Court held that by reason of their extreme poverty the claimants would not be able to afford funding the litigation in Zambia and that they would not be able to access a Zambian legal team of sufficient expertise, experience and resources to pursue such litigation in Zambia. In other words, it became an issue where access to justice considerations trumped strict procedure.

All of this is relevant in the Canadian context. In a recent Blog I addressed the settlement of the litigation in Nevsun v Araya. Of great importance remains the fact that in February 2020 the Supreme Court of Canada has in this litigation categorically opened the way for foreign plaintiffs to bring allegations in Canadian courts of human rights abuses perpetrated by foreign subsidiaries of Canadian mining companies. While the Supreme Court made no ruling on the substance of the charges given the preliminary nature of the proceedings, future plaintiffs certainly will get to address the substance of their claim far sooner. As this note has illustrated, Canada is in step with leading business and human rights developments on the international front. That is cause for celebration.

À la prochaine…

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L’État français condamné dans l’« affaire du siècle »

Le 3 février 2021, le Tribunal administratif de Paris a rendu son jugement[1] dans ce qu’on a appelé « l’Affaire du siècle » qui oppose l’Etat Français aux associations OXFAM France, NOTRE AFFAIRE À TOUS, FONDATION POUR LA NATURE ET L’HOMME et GREENPEACE France.

Le Tribunal administratif a condamné l’Etat français pour son inaction en matière climatique. Pour le Tribunal, l’Etat a brillé par des carences fautives dans le respect de ses engagements en matière de lutte contre le réchauffement climatique.  

Il a été retenu aussi que L’Etat versera, à chacune des associations, la somme d’1 euro symbolique au titre du préjudice moral.

Par ailleurs, le Tribunal a prononcé un supplément d’instruction de deux mois pour statuer sur la question des mesures (réparation en nature) à prendre par l’Etat pour réparation du préjudice écologique ou prévenir son aggravation

Ces associations ont rappelé dans cette affaire que :

 « L’État est soumis à une obligation générale de lutter contre le changement climatique, qui trouve son fondement, d’une part, dans la garantie du droit de chacun à vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, reconnu par l’article 1er de la Charte de l’environnement, à valeur constitutionnelle, d’autre part dans l’obligation de vigilance environnementale qui s’impose à lui en vertu des articles 1er et 2 de la même Charte et qui s’applique, eu égard aux engagements internationaux de la France, notamment la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) de 1992 et l’accord de Paris adopté le 12 décembre 2015, à la lutte contre le changement climatique, enfin, dans le contenu même de la notion de vigilance, qui doit être rapprochée du devoir de prévention des atteintes à l’environnement et du principe de précaution, consacrés par les articles 3 et 5 de la Charte, ainsi que du devoir de diligence défini par le droit international ».

Quelques extraits de la décision.

Article 3 : L’État versera à l’association Oxfam France, l’association Notre Affaire À Tous, la Fondation pour la Nature et l’Homme et l’association Greenpeace France la somme d’un euro chacune en réparation de leur préjudice moral.

Article 4 : Il est ordonné, avant de statuer sur les conclusions des quatre requêtes tendant à ce que le tribunal enjoigne à l’État, afin de faire cesser pour l’avenir l’aggravation du préjudice écologique constaté, de prendre toutes les mesures permettant d’atteindre les objectifs que la France s’est fixés en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, un supplément d’instruction afin de soumettre les observations non communiquées des ministres compétents à l’ensemble des parties, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement


jugement n° 1904967-1904968-1904972-1904976

 

On observera avec attention les intentions de l’Etat français. Fera-t-il appel de cette décision ? Quelle sera la position des juridictions supérieures ? Quoi qu’il en soit, cette décision fera date dans ce long processus de la consécration de la responsabilité préventive (ex ante) qui s’inscrit à contre-courant de la conception classique de la responsabilité. Ce mouvement démontre qu’il faut « Prendre la responsabilité au sérieux »[2].


[1] Lire le jugement n° 1904967-1904968-1904972-1904976

[2] A. Supiot et M. Delmas-Marty (dir.), Prendre la responsabilité au sérieux, PUF, 2015. https://www.cairn.info/prendre-la-responsabilite-au-serieux–9782130732594.htm

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Podcast de France Culture « La justice globale – La justice dans toutes ses dimensions »

La mondialisation met la justice devant un dilemme : comment équilibrer les échanges et les civiliser lorsque l’on ne dispose ni d’organe régulateur, ni de gendarme, ni de puissance de surplomb ? Entretien avec Horatia Muir Watt, professeure à Sciences Po.

Plusieurs solutions se mettent difficilement en place comme un droit de coordination entre les puissances étatiques (qui était l’objet du droit international privé classique), un contrôle par le marché et la concurrence généralisée (benchmarking, scoring, rating, « red flags », etc.), une régulation de l’intérieur en embarquant le droit et la régulation dans les objets mêmes qui circulent (normes ISO), une responsabilisation des acteurs eux-mêmes – en l’occurrence des entreprises (compliance, social reporting), ou encore une justiciabilité polycentrique par laquelle des juges corrigent des acteurs qui, parfois, évoluaient en toute impunité. Nous en parlons ce soir, avec Horatia Muir Watt, professeure des Universités en droit international privé et en droit comparé à Sciences-Po et directrice de la Revue critique de droit international privé.

Une belle réflexion qui permet de s’intéresser au droit dans un contexte de mondialisation et de s’ouvrir à de nouvelles questions !

Vous pouvez l’écouter ci-dessous ou sur le site de France culture.

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How Company Law has Failed Human Rights – And What to Do about It

En voilà une belle question que soulève Beate Sjåfjell dans son articile sur SSRN : « How Company Law has Failed Human Rights – And What to Do about It » (3 février 2020).

Résumé :

This article discusses three questions: What drives business to ignore human rights, or even worse, consciously undermine the achievement of human rights? Given the state of affairs of business and human rights, why is there not a quick regulatory fix to the problems that we see? In light of the failure of business and of regulation so far, what can be done? 

The article posits that reform of company law is key to business respect for human rights, as an intrinsic element of the transition to sustainability. The article outlines how company law can facilitate sustainable business, and concludes with some reflections on the drivers for change that make it possible to envisage that the necessary reform of company law will be enacted.

À la prochaine…

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À votre agenda : table ronde autour de la décision de la la Cour suprême Nevsun c. Araya le 12 mars 2020

Dans une décision majoritaire rendue le 28 févier 2020 dans l’affaire Nevsun c. Araya, la Cour suprême s’est prononcée en faveur de la continuation des recours contre une entreprise canadienne impliquée dans la violation des droits de la personne en Érythrée. Le plus haut tribunal a aussi rejeté la doctrine de l’acte de gouvernement, la déclarant inconnue au Canada.

Plusieurs commentateurs ont salué cette décision historique rendue par la Cour suprême au moment où le Canada a toujours hésité d’adopter des normes contraignantes afin de rendre responsables les entreprises extractives pour les violations dont sont victimes certains ressortissants étrangers. La décision est aussi d’un grand intérêt puisqu’elle fait renaître l’espoir des victimes des violations transnationales alors que les tribunaux américains ne cessent de se prononcer contre ce genre de recours.

Mais si la décision constitue une excellente nouvelle pour les victimes qu’il importe de célébrer, la prudence s’impose quant à sa portée étant donné qu’elle se prononce sur le droit international coutumier sans régler la problématique de plusieurs autres obstacles aux litiges transnationaux comme le principe de forum non conveniens, celui de la personnalité juridique distincte des entreprises et la nécessité de créer des nouveaux torts.

Pour une discussion à chaud, 5 conférenciers animeront une table ronde sur cette affaire :

  • Amissi M. Manirabona
  • Derek McKee
  • Stéphane Rousseau
  • Ivan Tchotourian
  • Renée-Claude Drouin

Cette table ronde aura lieu à la Faculté de droit de l’Université de Montréal le 12 mars 2020 à 16 h 15.

En espérant vous croiser…

À la prochaine…

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Contentieux climatique : et le droit dans tout cela ?

Bonjour à tout le monde, la professeure Marta Torre-Schaub de l’Institut des sciences juridiques et philosophique de la Sorbonne vient de publier un intéressant rapport réalisé dans le cadre de la Mission de recherche Droit et justice : Les dynamiques du contentieux climatique. Usages et mobilisations du droit pour la cause climatique.

Résumé

La présente recherche est consacrée à l’étude des dynamiques du contentieux climatique. Ces dynamiques sont entendues par la recherche comme les usages et mobilisations du droit qui sont faites dans le cadre contentieux pour la cause climatique. Il s’est agi de se demander, à travers l’étude des contentieux et recours climatiques à travers le monde et en France, comment les juges avaient vocation à entendre la question climatique et à formuler des décisions à même de contribuer à renforcer, améliorer ou rendre effectif le droit du changement climatique et le problème de la crise climatique. La question était de savoir si, d’une part, le problème du changement climatique peut être résolu au prétoire. D’autre part, la recherche s’est demandé de quelle manière et à travers quels outils juridiques d’abord les parties aux procès et ensuite les juges pouvaient-ils arriver à trouver des solutions face à la crise climatique. In fine, la recherche s’est demandé de quelle manière la société civile à l’aide de « l’arme du droit » et des instruments juridiques à sa portée, déclenche un activisme judiciaire sans précédent, innovant et original, afin de trouver de solutions face au phénomène du changement climatique. Cette recherche a ainsi fait d’abord une analyse contextuelle politique et sociologique de ces recours, étalées dans le temps, ce qui a conduit à avoir une perspective historique et transnationale tout en analysant les différents droits mobilisés. Les litiges climatiques –ceux qui ont pour objet de soulever la question climatique de fait ou de droit- possèdent une nature collective et individuelle, ils sont nationaux mais également pour certains internationaux ou régionaux, ils sont donc protéiformes, pluri-acteurs, et multi-scalaries. Il devenait ainsi nécessaire de faire une recherche pouvant les analyser et trouver des points communs. Les règles applicables aux différents procès climatiques sont de nature très variée, mais se dessinent en toile de fond des éléments communs : l’appel fait, en tant qu’argument d’autorité, au droit international du climat –notamment l’Accord de Paris- et les expertises scientifiques –de nature internationale ou nationale-. Egalement, et, même si dans les différents pays les règles sont diverses, se dessine également un élément commun à ce procès : la transformation du droit de la Responsabilité –publique et/privé- afin de l’adapter à la question climatique. C’est ainsi l’émergence des obligations climatiques et des devoirs qui sont observés par la recherche. Partant de ces constants, la recherche met en évidence à la fois les obstacles processuels existant dans les différents ordres et les leviers permettant d’y remédier. La recherche entend ainsi poser les premières briques d’un modèle de recours climatiques permettant d’identifier les éléments posant des difficultés et blocages aux parties au procès afin de les guider dans de futurs recours. Les dynamiques du contentieux climatiques peuvent ainsi s’avérer « vertueuses » et conduire à trouver des solutions à la crise climatique grâce à la mobilisation du droit devant le juge. La recherche montre ainsi, au final, que les dynamiques du contentieux climatique sont orientées vers la défense de la « cause climatique » face à l’urgence climatique, faisant par là avancer le droit du changement climatique et permettant la mobilisation des « outils du droit de l’environnement « climatisés ».

À la prochaine…