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L’entreprise, un bien commun ?

Sympathique article « L’entreprise comme bien commun » de MM. Desreumaux et Bréchet dans la RIMHE : Revue Interdisciplinaire Management, Homme & Entreprise (2013/3 (n°7), pages 77 à 93). Pourquoi pas ?

Extrait :

Compte tenu des enjeux associés à la représentation en action de l’entreprise (questions de création et de répartition de valeur, de santé et de dynamisme d’une nation, de conception du rôle et des responsabilités des dirigeants, de gouvernance, de responsabilité sociale, de justice, etc.), il apparaît nécessaire de trouver un fondement cohérent pour une représentation dépassant les limites respectives des métaphores déjà disponibles dont l’inventaire et le reclassement mettent au jour l’opposition de visions contractualistes et « sociocognitives ». Pour de multiples raisons, la métaphore du bien commun constitue une piste potentiellement féconde. Pour l’explorer, on posera quelques repères fondamentaux sur la notion de bien commun avant d’envisager ce qui justifie d’aborder l’entreprise sur cette base. Les filiations plurielles que nous privilégierons nous conduiront ensuite à exposer plus précisément notre point de vue et à proposer une grille de lecture propre à restituer l’entreprise en termes dynamiques, exprimant les enjeux, les tensions, la façon dont se construit le bien commun : le bien commun de l’entreprise c’est le projet d’entreprise dans le cadre de la théorie de l’entreprise fondée sur le projet ou Project-Based View. C’est donc le projet dans le cadre d’une lecture processuelle, subjectiviste et multidimensionnelle.

Le projet de l’entreprise se comprend dans le cadre de la théorie de l’entreprise ou de l’action collective fondée sur le projet, ou Project-Based View (PBV), qui se présente comme une lecture subjectiviste, multidimensionnelle et développementale (Desreumaux et Bréchet, 2009). Elle représente une vision de l’entreprise fondée sur le projet à caractère englobant. Les théories dites de la firme, d’inspiration économique, ne traitent pas directement de l’entreprise réelle et de ses préoccupations de management. La théorie de l’agence ou la théorie des coûts de transaction, qui privilégient les facettes d’allocation, d’efficience et de coût, délaissent les dimensions de conception et de production de biens et de services, de même que les comportements entrepreneuriaux (Desreumaux et Bréchet, 1998 ; Bréchet et Prouteau, 2010). Elles restent pourtant largement mobilisées par les chercheurs en gestion. Les théories d’inspiration évolutionniste, qui portent leur attention sur les compétences et les connaissances de l’entreprise, nourrissent, de ce fait, une perspective plus riche. Pour autant, elles n’épuisent pas les questions d’émergence des organisations ni celles ayant trait, par exemple, aux dimensions de politique générale. Ce que propose la théorie de l’entreprise fondée sur le projet ou Project-Based View, c’est de considérer l’entreprise comme un projet collectif possédant tout à la fois un contenu éthico-politique, un contenu technico-économique (les besoins ou missions que l’entreprise entend satisfaire à travers le métier qu’elle choisit d’exercer et les compétences qu’il recouvre) et un contenu organisationnel (les voies et moyens de l’action). Considérer l’entreprise sur cette base, revient à instruire les questions des pourquoi, des quoi et des comment de l’action qui se trouvent au cœur de la constitution d’un collectif.

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Public Benefit Corporation : premières études empiriques

Bonjour à toutes et à tous, on revient toujours aux B Corporation notamment la Public Benefit Corporation du Delaware ! Voici une des premières études empiriques menées sur le sujet : Michael B. Dorff, James Hicks et Steven Solomon Davidoff , « The Future or Fancy? An Empirical Study of Public Benefit Corporations » (4 février 2020).

Une belle question que se posent les auteurs : Using our novel dataset, we can discern whether for-profit investment is occurring in PBCs, and if so, whether it is different in kind from ordinary early stage investment.

Extrait :

The PBC has stirred much debate and speculation about the future of
the corporation. Some have called it the future while others decried the
form as mere public relations or purpose washing. In this article we
have attempted to add data to the debate. Using a hand-collected
sample of all Delaware-registered PBCs that received investment
between 2013 and 2018 we examine whether PBCs are the future or
mere fancy.
We find that neither hypothesis holds. Instead, we find that there are
295 PBCs which have received investment from VC funds amounting
to over $2.5 billion in the aggregate. This investment is significant
because it shows that the PBC form is not a failure and that it is
capable of attracting for-profit investment, a marker of success. This
investment is coming not just from pro-social VCs but from top-tier
firms.
Nonetheless, we also find that PBCs are being funded over a wide
range of mostly consumer-focused industries (banking, food,
education, technology, and more), implying that the form is a
secondary consideration to the for-profit motive. In other words, the
PBC form is most likely to receive VC funding when the PBC’s
business strategy suggests the form will benefit a for-profit mission.
Our evidence also suggests that PBC round sizes are smaller than their
purely profit-seeking peers, implying that VCs are taking less risk with
these forms than with traditional corporations.
Ultimately, we theorize that, based on our findings, the future course
of the PBC is uncertain.

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Citizens United As Bad Corporate Law : une réflexion sur ce qu’est une société

Beau papier proposé par les professeurs Macey et Strine Jr intitulé « Citizens United As Bad Corporate Law » (16 août 2018, U of Penn, Inst for Law & Econ Research Paper No. 18-28; Yale Law & Economics Research Paper No. 598). Cet article vient discuter utilement de qu.est une société par actions et ses caractéristiques fondamentales.

Résumé

In this Article we show that Citizens United v. FEC, arguably the most important First Amendment case of the new millennium, is predicated on a fundamental misconception about the nature of the corporation. Specifically, Citizens United v. FEC, which prohibited the government from restricting independent expenditures for corporate communications, and held that corporations enjoy the same free speech rights to engage in political spending as human citizens, is grounded on the erroneous theory that corporations are “associations of citizens” rather than what they actually are: independent legal entities distinct from those who own their stock. Our contribution to the literature on Citizens United is that the case is as much a case about corporate law, as it is about the First Amendment. The major disagreement among the justices in Citizens United is about the applicability of settled First Amendment protections to a particular juridical entity, the corporation. In Citizens United, Justice Kennedy, writing for the majority opines that Congress may not take into account the distinctions between corporations and human beings in regulating political speech, and that corporations must be permitted the same freedom to speak as human beings. In dissent, Justice Stevens fails directly to challenge Justice Kennedy’s existential conception of the corporation notwithstanding the fact that that it constitutes the core of the majority opinion. This Article fills that void. We reject the Citizens United majority’s conception of the corporation as an “associations of citizens” and reaffirm its status as an artificial, metaphysical, and legal construct that exists separate and apart from its investors. The Citizens United view of the corporation as an association of individuals is inconsistent with the established conception of the corporation as a juridical entity with limited liability.

This conception confuses the corporation with the general partnership form of business organization. In fact, the entire point of the incorporation process is to permit the creation of a legal entity that is not an association of individuals, but rather a discrete legal entity whose rights and obligations are distinct from those of it its creators, investors, managers, and other constituents. We base our argument that corporations are separate and distinct legal entities and that they are not “associations of citizens” as Citizens United asserts on three facts about the corporate form:

(1) the treatment of corporations as separate legal entities is what distinguishes corporations from general partnerships and sole proprietorships and what justifies the legal notion of “limited liability” and other central characteristics of the corporate form, such as the ability to contract and to sue and be sued;

(2) corporations do not have owners, they have investors who have contract-based, financial interests in the firms and limited management rights; and

(3) corporations are not fiction, but fact only because the law makes them real and distinct entities with a legal identity.

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Décret sur les entreprises à mission : parution début janvier 2020

Le Décret n° 2020-1 du 2 janvier 2020 relatif aux sociétés à mission précise, d’une part, les déclarations que la société doit effectuer lors de sa demande d’immatriculation et les informations portées au répertoire mentionné à l’article R. 123-222 du code de commerce et, d’autre part, la vérification effectuée par l’organisme tiers indépendant sur l’exécution par la société à mission des objectifs sociaux et environnementaux mentionnés dans les statuts, que la société se donne pour mission de poursuivre dans le cadre de son activité. S’agissant de l’intervention de l’organisme tiers indépendant, les dispositions sont inspirées de celles relatives à la vérification des informations de la déclaration de performance extra-financière par un organisme tiers indépendant.

Pour accéder au décret : ici

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Taxer les géants du web ?

La question revient régulièrement ces derniers temps : comment taxer les GAFA ? Le « faut-il » est répondu me semble-t-il !

Rappelons que la notion de RSE évolue avec le temps. À l’heure actuelle, certains auteurs se demandent si la fiscalité ne serait pas le grand oublié de la RSE. « Comme d’autres enjeux de responsabilité sociale, les lois visant l’intérêt public viennent ici se heurter à un principe enchâssé dans le droit des entreprises, à un principe constitutif de l’existence même de l’entreprise capitaliste […] : l’intérêt de l’actionnaire comme finalité de l’entreprise. […] L’optimisation fiscale est rationalisée à travers l’obligation de maximiser les profits pour l’actionnaire. L’impôt est donc traité comme un coût, et à l’instar des salaires, il est géré comme une contrainte à l’égard de cet objectif de premier ordre que serait la maximisation de la valeur pour l’actionnaire » (Corinne Gendron, « Les pratiques fiscales: une occasion de questionner le périmètre de la responsabilité sociale de l’entreprise », Environnement et Développement durable, LexisNexis, 2013, vol. 12, n°2, p. 19-25, à la p. 20).

Voici une vidéo tirée du site de Radio-Canada qui fait le point de la question et présente le dernier rapport canadien en la matière : ici

Résumé :

Le comité d’experts mandaté par Ottawa suggère de revoir de fond en comble les lois qui régissent les télécommunications au Canada et demande aux géants du web, comme Facebook, Netflix et Spotify, de faire leur part pour soutenir les contenus canadiens. Les explications de Philippe-Vincent Foisy.

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Taxer les géants du numérique, une mission impossible?

Drôle de question mais ô combien pertinente ! Le journal Le Soleil relaie cet intéressant article « Taxer les géants du numérique, une mission impossible? » (3 décembre 2019) qui ramène – une fois de plus – la question de la RSE en matière fiscale.

Extrait :

Après l’échec il y a un an d’un projet de taxe européenne, qui a été bloqué par quatre pays dont l’Irlande, qui héberge les sièges européens de nombreux Gafa (acronyme pour Google, Amazon, Facebook et Apple), plusieurs gouvernements ont en effet annoncé leur intention d’appliquer leur propre impôt.

La France, qui applique dès cette année une taxe sur le numérique devant lui rapporter près de 400 millions d’euros, s’est retrouvée ainsi en première ligne face aux États-Unis, malgré la multiplication de ses efforts au cours des derniers mois pour apaiser la colère de Washington.

(…) Face aux difficultés des Européens d’être unanimes sur cette question fiscale et aux menaces de représailles unilatérales américaines, il ne semble rester qu’une seule piste possible pour taxer le numérique : celle des négociations en cours à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

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But d’une entreprise : pas que le profit !

Merci au professeur Pierre-Yves Gomez de mettre en évidence ce nous portons comme conviction avec ce blogue : l’entreprise n’est pas seulement une machine à faire des bénéfices ! Dans sa chronique intitulée « Le but de l’entreprise n’est pas de faire des profits » (Le Monde, 13 novembre 2019), le professeur Gomez rappelle certaines évidences économiques, mais aussi financières et juridiques.

Extrait :

« Le but de l’entreprise est de faire des profits » est un lieu commun, qui possède une force quasi mystique. Certes, dans un système capitaliste, l’entreprise doit réaliser des profits pour subsister. C’est une nécessité qu’on peut discuter et critiquer, mais il est clair que, dès lors qu’une unité de production est autonome et qu’elle ne peut compter que sur sa propre activité pour se pérenniser, elle doit dégager des résultats suffisants pour investir et rémunérer les détenteurs de capital qui sont une de ses nombreuses parties prenantes. Si tel n’était pas le cas, il faudrait trouver d’autres modalités pour assurer ces opérations.

Le profit est donc nécessaire. Mais on ne peut en déduire que le but de l’entreprise est de faire des profits. Contrairement à une idée souvent avancée, on ne trouve pas de textes juridiques soutenant une telle affirmation pour la raison décisive que l’entreprise n’a pas d’existence juridique. Seule la société en a une et même alors, le droit exige qu’elle déclare, dès sa constitution, sa raison sociale, c’est-à-dire la raison d’exister qui la rend acceptable pour la société. On ne connaît aucune entreprise qui se donnerait pour raison sociale de faire des profits…

Le but d’une entreprise est de réaliser un projet productif, avec ses dimensions économiques et sociétales, qui soit durable dans un environnement concurrentiel ; le profit est un des moyens de rendre pérenne un tel projet. L’opposition tranchée entre les entreprises orientées par les profits, et celles, plus vertueuses, dotées d’une mission sociale est donc caricaturale. On peut même soupçonner qu’elle alimente des postures et des débats qui n’existeraient pas sans ce préalable. C’est de bonne guerre, mais ce n’est pas de bonne science.

À la prochaine…