engagement et activisme actionnarial | Page 2

engagement et activisme actionnarial Gouvernance mission et composition du conseil d'administration Valeur actionnariale vs. sociétale

Les choses en train de changer ?

« Big funds push back against activist investor settlements » (Reuters, 18 juillet 2016)… Cet article est à lire, tant il témoigne d’une évolution lente et progressive vers un modèle de gouvernance moins axé vers le court-termisme. Le temps de faire siéger les investisseurs court-termistes (tels les fonds de couverture) dans les CA serait-il révolu ?

 

After years of support for companies that hand board seats to activists to avoid a bruising public fight, some of the world’s largest institutional investors are pushing back.

BlackRock Inc (BLK.N), the world’s largest asset manager, and Norges Bank Investment Management, Norway’s $872 billion sovereign wealth fund are among the major funds resisting, encouraging companies to consult them before responding to an activist.

These investors argue that in certain cases, giving board seats to frustrated shareholders with a shorter-term investment horizon could jeopardize the company’s long-term performance.

Activist investors, which Thomson Reuters data show launched a record 511 campaigns last year, are usually hedge funds that buy up a minority stake in a company they believe is undervalued, and push publicly for changes to boost the stock.

 

À la prochaine…

Ivan Tchotourian

engagement et activisme actionnarial Gouvernance Normes d'encadrement Nouvelles diverses objectifs de l'entreprise Valeur actionnariale vs. sociétale

Nos étudiants publient : L’activisme actionnarial offensif expliqué

Le séminaire à la maîtrise de Gouvernance de l’entreprise (DRT-7022) dispensé à la Faculté de droit de l’Université Laval entend apporter aux étudiants une réflexion originale sur les liens entre la sphère économico-juridique, la gouvernance des entreprises et les enjeux sociétaux actuels. Le séminaire s’interroge sur le contenu des normes de gouvernance et leur pertinence dans un contexte de profonds questionnements des modèles économique et financier. Dans le cadre de ce séminaire, il est proposé aux étudiants depuis l’hiver 2014 d’avoir une expérience originale de publication de leurs travaux de recherche qui ont porté sur des sujets d’actualité de gouvernance d’entreprise. C’est dans cette optique que s’inscrit cette publication qui utilise un format original de diffusion : le billet de blogue. Cette publication numérique entend contribuer au partager des connaissances à une large échelle (provinciale, fédérale et internationale). Le présent billet est une fiche de lecture réalisée par Mmes Manon Berney et Chu-Ya Chia. Ces dernières analysent la notion l’activisme actionnarial offensif et reviennent en parallèle sur l’article « Shareholder Activism as a Corrective Mechanism in Corporate Governance » de Paul Rose et Bernard Sharfman. Je vous en souhaite bonne lecture et suis certain que vous prendrez autant de plaisir à le lire que j’ai pu en prendre à le corriger

 Ivan Tchotourian

La question fondamentale qui se pose en matière d’activisme actionnarial est d’en déterminer l’opportunité : est-ce une bonne chose ? Les auteurs de l’article « Shareholder Activism as a Corrective Mechanism in Corporate Governance »[1] commencent par asseoir la présence de l’activisme actionnarial au sein des entreprises et l’insère dans le débat actuel qui tend à opposer le capitalisme managérial et le capitalisme axé sur la plus-value actionnariale. À ce jour, c’est le second modèle qui semble prendre une place prépondérante. L’article répond à la question portant sur l’opportunité et la légitimité de l’activisme actionnarial dit « offensif » qui apparaît comme le nouveau mantra de la gouvernance d’entreprise contemporaine. Les auteurs démontrent comment ce type d’activisme peut servir à promouvoir la valeur actionnariale tout en étant bénéfique pour l’entreprise. Quelle analyse peut-on en faire ?

Intersection entre activisme actionnarial et gouvernance de l’entreprise

La configuration traditionnelle en droit des sociétés par actions place le pouvoir et l’autorité de manière centralisée : tout est entre les mains des administrateurs ! Ce choix est justifié par le fait que les administrateurs sont plus aptes à prendre des décisions vu leur compétence, leur connaissance de l’entreprise et leur absence de passivité (contrairement aux actionnaires). Une telle concentration du pouvoir laisse les actionnaires relativement impuissants et c’est ce déséquilibre qui est identifié comme le moteur de la montée de l’activisme actionnarial. Les auteurs soulignent que l’idée de l’activisme actionnarial ne tend pas vers un contrôle du conseil d’administration, mais plutôt un partage provisoire de compétences… en admettant la prémisse que, dans certaines situations, les actionnaires sont aptes à imposer des décisions qui s’inscrivent directement dans une optique de maximisation de la valeur actionnariale et de l’efficience des activités de l’entreprise.

Différencier les actionnaires

Les types d’actionnaires diffèrent au sein d’une entreprise et les auteurs en identifient un en particulier qui est susceptible de participer et implanter de politiques de gouvernance. Il s’agit des information traders. Sur la base de leurs recherches et des recommandations externes, ils analysent et échangent des données du marché pour faire des choix d’investissement optimal. Ce sont en général des investisseurs professionnels, très qualifiés et ayant une expertise de haut niveau (tels les hedge funds actifs).

L’avantage qu’ils représentent réside dans leur volonté d’investir des ressources non seulement dans l’identification d’opérations stratégiques pour accroître la valeur actionnariale, mais également dans l’effort à mener pour réaliser ce changement au niveau de l’entreprise. Ce phénomène n’est rien d’autre que l’activisme actionnarial offensif.

Activisme actionnarial offensif : pas si mauvais !

L’activisme actionnarial offensif constitue un mécanisme correctif. Il permet aux entreprises d’éviter les erreurs commises par le conseil d’administration dû à l’insuffisance de l’information de ce dernier dans certaines situations. L’actionnariat offensif implique un partage de pouvoir entre le conseil et les actionnaires activistes. Si, en théorie, ce partage du pouvoir peut provoquer une course aux procurations qui risque de conduire à une décision sous-optimale prise par l’ensemble des actionnaires dont la majorité n’est pas suffisamment informée, il est constaté dans les faits que ce risque est minime. Les études empiriques montrent que l’activisme actionnarial offensif augmente significativement la valeur actionnariale, et ce, particulièrement quand il mène à une vente de l’entreprise, une cession des actifs non stratégiques ou un changement de stratégie commerciale. Il est également établit que cet effet positif de l’activisme offensif persiste en général pendant au moins un an après l’intervention, prouvant que l’activisme actionnarial offensif est véritablement bénéfique aux entreprises.

Investisseurs long-terme vs. court-terme : la contradiction levée

Finalement, les auteurs démontrent que la critique du court-termisme des hedge funds actifs est en grande partie infondée. Quel que soit l’objectif souhaité de l’investissement, tous les investisseurs tiennent à leur liberté de pouvoir vendre leurs actifs quand ils le désirent. La valorisation des actions de l’entreprise se fait également de façon similaire, peu importe la période de détention envisagée. Plus important encore, si l’activisme actionnarial offensif des hedge funds était perçu par le marché comme court-termisme et nocif à l’entreprise sur le long terme, l’effet positif de ces hedge funds sur les prix d’actions n’aurait pas duré aussi longtemps que ce qui est observé dans les faits.

Conclusion : un questionnement fondamental oublié

Sans remettre en cause le rôle crucial du conseil d’administration, les auteurs démontre que l’activisme actionnarial offensif constitue un mécanisme correctif à la gouvernance qui augmente la valeur actionnariale. Une question cruciale demeure : la promotion de la valeur actionnariale par l’activisme des hedge funds ne se fait-elle pas au détriment de l’intérêt des autres parties prenantes, particulièrement quand cette augmentation de la valeur actionnariale est le résultat d’une vente de l’entreprise ou une cession des activités dites non stratégiques ?

 Manon Berney

Chu-Ya Chia

Étudiants du cours de Gouvernance de l’entreprise – DRT-7022


[1] ROSE Paul et SHARFMAN Bernard S., Shareholder Activism as a Corrective Mechanism in Corporate Governance, 2014 BYU L. Rev. 1015 (2015).