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COVID-19 : pour plus d’éthique dans les CA !

Encore une fois le cabinet Langlois publie un intéressant billet « La gouvernance : la sensibilité et le leadership éthiques des administrateurs, des éléments nécessaires pour l’après-crise » sous la plume de Mes Brizard, Ferron et François Larouche (21 mai 2020).

Je suis content de voir que les auteur.e.s partagent mon sentiment sur la nécessité de l’éthique et la pertinence de pousser le modèle des entreprises à mission sociétale !

Extrait (références omises) :

Dans le cadre de nos derniers articles1, nous interpellions les membres des conseils d’administration sur leur rôle en ce temps de crise et, notamment, sur la valeur ajoutée qu’ils devraient apporter pour préparer l’après-crise. Nous avons alors évoqué l’importance, pour l’entreprise, de déterminer les nouveaux risques, dont ceux liés à l’éthique et la nécessité de prendre des décisions en tenant compte de leurs impacts sur l’ensemble des parties prenantes2.

Si nous sommes un tant soit peu attentifs à l’actualité, nous constatons que celle-ci est devenue le lieu d’enjeux éthiques majeurs, lesquels sont rapportés dans les médias et jugés par l’opinion publique, tels le non-respect des droits de l’homme, les faillites frauduleuses, les catastrophes environnementales, la corruption, les détournements de fonds publics, la mise en danger de la vie d’autrui et, tout particulièrement ces jours-ci, la protection des aînés. Le respect du cadre légal ne suffit pas à assurer le caractère éthique des processus de prise de décision par le conseil d’administration. Il nous apparaît important de réfléchir plus particulièrement à la place de l’éthique dans le processus de prise de décision des administrateurs.

La mise en pause forcée par la crise de la COVID-19 est l’occasion pour les entreprises et l’économie de se réinventer. Dans le cadre de cette réflexion, les entreprises devront évaluer comment elles peuvent assurer leur pérennité, tout en contribuant aux atteintes des grands objectifs sociétaux. Pour réussir cette transformation, les membres des conseils d’administration devront faire preuve d’une sensibilité éthique. Tout comme le disait récemment le sociologue et philosophe Bruno Latour3 « il faut profiter de ce temps d’arrêt pour réfléchir, infléchir et remettre en cause certaines façons de faire ou de penser ».

Sensibilité éthique

Mais qu’est-ce que la sensibilité éthique? Une étude menée par la Chaire Éthique et gouvernement d’entreprise de l’Université Paris-Dauphine, dont l’objectif de recherche était de mieux comprendre comment des administrateurs mobilisaient l’éthique dans l’exercice de leurs fonctions, offre des pistes de réflexion intéressantes à ce sujet. Après une revue de la littérature, une des définitions retenues est celle de l’éthicienne Lyse Langlois qui définit la sensibilité éthique comme une « aptitude à s’interroger de manière consciente sur les situations complexes en maintenant une attitude authentique, ouverte et critique face à soi-même et aux autres »4. La sensibilité éthique fait donc référence à la capacité qu’a une personne de reconnaître les conséquences négatives qu’une situation donnée aura sur d’autres et permet à un individu de se questionner, de débattre d’un enjeu et de prendre position. Il devient donc évident de soutenir qu’une personne qui ne reconnaît pas les aspects éthiques d’une situation ne peut gérer les problèmes éthiques.

Toutefois, rassurons-nous, cette capacité à faire preuve de sensibilité éthique peut s’acquérir et se développer. C’est notamment ce qu’en disent les rédacteurs du rapport spécial sur l’importance de l’éthique dans l’amélioration de la gouvernance5 « … but there is also broader evidence within organizational behavior research about how you may shift an organization’s culture – and not necessarily just along the ethical dimension. It could also be something like innovation. Training is one of the ways in which you can try and shift the culture. I most certainly believe that you can shift the culture so that people start to think about ethical issues ».

Il n’y a qu’un pas à faire pour conclure qu’un lien étroit existe entre la sensibilité éthique et la culture organisationnelle. La sensibilité éthique semble émerger difficilement dans les organisations caractérisées par une culture éthique pouvant être qualifiée de très « contrôlante » et fondée essentiellement sur le respect des règlements, codes de conduite et politiques. A contrario, la sensibilité éthique se décline plus facilement dans une culture organisationnelle faisant une place à l’autonomie et la responsabilisation des membres du conseil d’administration, de l’équipe de dirigeants et de l’ensemble des employés6.

Pourtant, des recherches sur la sensibilité éthique des membres de conseil d’administration d’entreprise démontrent que l’éthique est en grande partie perçue dans une perspective normative, soit celle du respect des obligations légales imposées7. Chez plusieurs de nos gestionnaires ou membres de conseils d’administration, il semble aussi y avoir une confusion entre le concept de l’éthique et celui de la déontologie. Cet état de fait s’explique-t-il uniquement par manque d’habileté à reconnaître un enjeu éthique lorsqu’il se présente ou à le traiter ou, plus largement, par une carence dans les conditions permettant d’exercer cette capacité?

L’étude exploratoire de chercheurs en gouvernance éthique8 a permis d’observer que plusieurs administrateurs avaient peur des conséquences négatives (sociales, financières ou professionnelles) qu’ils pourraient subir lorsqu’il s’agissait pour eux d’évoquer leurs préoccupations en matière éthique lors de réunions des conseils d’administration. Cette crainte contribuait ainsi à anesthésier leur sensibilité éthique. Plusieurs administrateurs ont évoqué la trop forte pression sociale qui les inciterait à adhérer à la position de la majorité du groupe.

Comment un administrateur peut-il s’affranchir de ces contraintes? Le courage n’est-il pas une des qualités essentielles d’un administrateur? Nous croyons que c’est là que le leadership éthique entre en jeu.

Leadership éthique

Le leadership éthique s’incarne dans une organisation qui le soutient et qui permet des instances de délibération. Le président du conseil a sûrement un rôle clé à jouer à cet égard. Il doit favoriser un environnement qui permet aux administrateurs de poser les bonnes questions sur les situations qui soulèvent des questions éthiques. Il doit mettre en place des espaces de partage et d’échanges exempts d’enjeux politiques; un environnement « capacitant9 » où les administrateurs peuvent aborder les situations avec un esprit ouvert et indépendant. Ces acteurs doivent pouvoir être attentifs aux conditions par lesquelles ils vont pouvoir mettre en œuvre collectivement un agir adéquat en situation, dans un environnement et au sein de structures permettant des réflexions et des interactions10. Ces délibérations ouvertes, permettant aux administrateurs de s’exprimer librement et de prendre le recul nécessaire pour envisager les divers points de vue des parties prenantes, sont essentielles.

La Wharton School de l’université de Pennsylvanie traite de ce milieu « capacitant » pour que s’expriment les préoccupations sur les valeurs éthiques comme suit11 : « One of the hallmarks of an ethical culture is openness, an environment where people not only feel encouraged to do the right thing, but also speak up about things that may be going wrong. Michael Useem, a professor of management at Wharton and director of the school’s Center for Leadership and Change Management, notes that one of the most visible hallmarks of an ethical culture is when leaders help create an environment where people at all levels of the organization feel safe to “speak truth to power” – a phrase whose origin is attributed to an old Quaker saying – without fear of punishment. Trust is the glue that binds organizations together. Trust withers when truth-tellers are victimized for speaking up when they feel they must ».

Un autre élément qui pourrait expliquer les hésitations d’un membre de conseil à prendre parole serait la reconnaissance de la limite de sa compétence sur certains enjeux éthiques. Il nous semble que, sans formation appropriée en prise de décision éthique, il sera difficile pour ces membres d’apprécier à leur juste valeur les différents aspects éthiques d’une situation et de prendre parole librement. Ainsi, il importe donc au conseil, collectivement, de s’assurer que ses membres ont reçu une formation en éthique adéquate et qu’elle soit mise à jour régulièrement. Cette formation ne devrait pas se cantonner simplement à enseigner les valeurs ou les principes issus de grandes traditions philosophiques ni se limiter à ne fournir que des outils pour développer des capacités analytiques ou discursives. Il faudrait penser à du coaching ou du mentorat et au développement collaboratif d’outils. On peut également songer à des retours d’expériences, des mises en situation qui contribuent à prendre en compte l’expérience vécue. La formation éthique en situation permettra, comme le dit Grégory Aiguier « de rendre les acteurs attentifs aux conditions par lesquelles ils vont pouvoir mettre en œuvre collectivement un agir adéquat en situation autrement dit de les capaciter pour qu’ils développent un réel pouvoir d’agir »12.

Le gouvernement peut-il favoriser l’instillation de la réflexion éthique?

Puisque, tel que nous l’avons vu, l’éthique a une indéniable dimension dynamique qui implique toutes les parties, le gouvernement pourrait-il favoriser l’arrimage des comportements de nos organisations aux nouveaux impératifs de la société civile? La venue de nouveaux modèles d’entreprise reconnus par le gouvernement pourrait-elle mobiliser le leadership éthique et le changement de culture au sein des entreprises?

À titre d’exemple, au Québec, la Table d’accompagnement-conseil des entreprises pour le développement durable aide, grâce à de l’accompagnement et de nombreux outils, les entreprises à intégrer le développement durable dans leur modèle d’affaires. Les entreprises québécoises peuvent profiter de cette ressource pour améliorer leur performance et leur productivité, tout en démontrant une conscience sociale vis-à-vis le développement durable. Entre autres, la norme BNQ 21000 du Bureau de normalisation du Québec (BNQ) favorise la mise en place d’une démarche structurée de gestion du développement durable dans les entreprises. Il est intéressant de constater l’apparition récente, dans le paysage juridique, des entreprises lucratives à mission sociétale « entreprises sociales » ou Benefit Corporation. Ce nouveau modèle d’entreprise a émergé au début des années 2000. La motivation principale à l’origine de cette initiative était de bâtir des entreprises prospères qui procurent de grands bienfaits à la collectivité en mettant l’entreprise au service du bien commun. Ce modèle se décline soit par l’obtention d’une « certification B Corp »13 ou par une reconnaissance légale d’un statut reconnu par des législations particulières (Public Benefit Corporation).

La certification B Corp est délivrée par une organisation à but non lucratif aux entreprises qui démontrent des normes élevées de performance sociale et environnementale14. Pour être certifiées, ces entreprises doivent répondre à plusieurs exigences. Elles sont également sujettes à des redditions de comptes ainsi qu’à un audit externe de l’organisme certificateur.

Par ailleurs, près d’une quarantaine d’états américains ont adopté des législations autorisant la constitution d’entreprises à vocation sociale et leur accordant le statut de Public Benefit Corporation. Par l’acquisition de ce statut, les entreprises indiquent clairement que leur but n’est pas uniquement de maximiser le profit pour les actionnaires, mais de générer un bénéfice public général ainsi qu’un ou plusieurs bénéfices sociaux spécifiques, tels que la préservation de l’environnement, l’amélioration de la santé, la promotion des arts et des sciences, etc. La règle générale est que, pour qu’une entreprise puisse se constituer en Public Benefit Corporation, elle doit prévoir dans ses statuts au moins un apport positif ou une réduction d’effets négatifs sur une certaine catégorie de personnes, d’entités, de communautés ou autres parties prenantes. Par ce statut, les administrateurs bénéficient de certains assouplissements concernant leurs devoirs fiduciaires. Comme corollaire, l’entreprise a aussi l’obligation de produire un rapport bisannuel détaillé sur les actions prises pour respecter les engagements inscrits dans ses statuts. La même tendance est observable en France où le gouvernement a adopté, en 2019, la loi dite PACTE15 qui cherche à promouvoir l’intégration d’objectifs sociaux et environnementaux via la reconnaissance du statut de « Sociétés à mission ».

Au Canada, soulignons les efforts déployés en Colombie-Britannique en 2012 pour amender le Business Corporation Act16 afin d’y introduire une nouvelle structure d’entreprise axée sur la responsabilité sociale et le développement durable : la Community Contribution Company (aussi nommée « C3 »). Ce type de société comprend à la fois des éléments propres aux entreprises à but lucratif et non lucratif et permet la réalisation d’objectifs à caractère sociaux par le biais de ses activités. Les restrictions imposées aux C3, notamment au niveau des transferts de capitaux, du paiement de dividendes et de la distribution des actifs de la société lors de sa dissolution, démontrent tout le sérieux de la démarche britanno-colombienne visant à créer un modèle d’entreprise soucieux des enjeux sociaux et environnementaux liés à la conduite des affaires.   

Dans cette même optique, la Colombie-Britannique a récemment récidivé en adoptant le projet de loi M 20917, sanctionné le 16 mai 2019, qui prévoit la possibilité pour certaines entreprises d’obtenir le statut de Benefit Company. Cette qualification implique certaines obligations, dont la prise en compte du bien-être des personnes affectées par la conduite de l’entreprise ainsi qu’une utilisation juste et proportionnelle des ressources environnementales, sociales et économiques disponibles18. Ces entreprises devront aussi annuellement produire un rapport détaillé démontrant le respect de leurs engagements, rapport qui devra s’inscrire en conformité avec les normes édictées par de tierces parties indépendantes.

Bien qu’elles comportent certaines limites et puissent prêter flanc à la critique19, ces certifications, qu’elles soient législatives ou autorégulatrices, renforcent la crédibilité et la transparence des entreprises et consolident leur réputation ou leur image de marque. Elles constituent aussi un outil de différenciation sur les marchés à l’égard des investisseurs, des agences de notation, des employés, des consommateurs et des donneurs d’ouvrage, puisqu’elles reconnaissent le haut niveau de performance sociale et environnementale de celles-ci.

Les gouvernements du Québec et du Canada pourraient considérer l’adoption de telles législations ou favoriser, par des mesures incitatives, les organisations qui auraient la certification B Corp. À notre sens, ils contribueraient ainsi à instiller un certain virage aux entreprises vers un nouveau modèle d’affaires favorisant la réflexion éthique par des objectifs qui transcenderaient la simple production de biens et de services, en y ajoutant une production sociale et environnementale axée sur le long terme, respectueuse de l’intérêt des parties prenantes.

Le gouvernement du Québec avançait déjà dans la bonne direction avant la crise en proposant des mesures qui favorisent les comportements de gouvernance d’entreprise en faveur de l’économie verte dans le deuxième budget du ministre des Finances Éric Girard. De plus, plusieurs États et gouvernements veulent relancer l’économie avec des mesures vertes et écologiques, pour assurer la transition énergétique et écologique de concert avec la bonne marche de l’économie.

Il est en outre possible de penser que la crise de la COVID-19 aura comme effet de favoriser cette réflexion. Effectivement, depuis le début de la crise, il a été possible de voir émerger de nombreuses initiatives provenant de l’entreprise privée pour participer à l’effort global de lutte contre le virus. Par exemple, le lancement de la plate-forme numérique Le Panier Bleu20, qui rassemble sous une même bannière les initiatives d’achat local au Québec et stimule leur vente. Aussi, un bon nombre d’entreprises privées ont décidé, du jour au lendemain, de modifier leur production traditionnelle pour l’orienter vers les besoins en fournitures spécialisées dans les hôpitaux21.

Saisir l’opportunité de penser une ère nouvelle

Comme nous l’avons mentionné dans nos derniers articles, les entreprises devront être prêtes pour l’après-crise. Elles devront se donner les moyens de faire face aux prochaines crises et de bifurquer vers une société plus résiliente. Rebâtir, en fonction d’une nouvelle représentation du monde. Le conseil devra faire preuve d’indépendance, de courage, du souci d’autrui et du personnel, de rigueur, d’intégrité et de transparence. Il devra s’assurer de la cohérence entre le discours et l’action, et du nécessaire alignement de la mission, de la vision et des valeurs de l’organisation post COVID-19. Pour citer Michel Clair,22 « [o]n voit bien que la vie continue malgré les contraintes actuelles. Comme administrateur, voir loin veut dire déjà réfléchir sur les leçons à tirer de cette crise sans précédent, pour voir dans quelle mesure notre entreprise pourrait contribuer positivement à mieux prendre soin de notre planète et de l’humanité, tout en étant plus robuste devant l’adversité. Comment ajouter de la valeur pour toute l’humanité à nos produits et services? » 

Dans ce redémarrage, les questions sociales et de gouvernance seront cruciales. Les changements climatiques et l’urgence environnementale, les tendances de consommation durable et, plus largement, les autres attentes de la société civile ne pourront pas être ignorés. Il faudra donc mettre en balance la préservation ou la performance économique, les ressources humaines et la préservation des ressources naturelles. Une équation difficile, mais nécessaire pour assurer la pérennité de l’entreprise. Les administrateurs devront être prêts, formés, et jouir d’un environnement « capacitant » pour qu’ils fournissent la valeur ajoutée que l’on s’attend d’eux.

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COVID-19 : repenser la RSE

Intéressante entrevue de Jérôme Bédier (Président d’Equalogy, ancien Secrétaire Général et Directeur Général délégué du groupe Carrefour) surtout sur la partie RSE. Un message clair est souligné : « La crise du Covid-19 conduit à revisiter en profondeur la RSE » (Confinews, 26 mai 2020).

Extrait :

La crise du Covid-19 conduit à revisiter en profondeur la RSE. Cette crise affirme la pertinence et l’importance de la RSE dans le paysage et elle donne finalement toute une série d’éléments et d’indications qui vont faire bouger les choses. Prenons un exemple, l’exemple le plus criant de cette réflexion à mener : celui de la relation managériale, la relation de travail et l’organisation de l’entreprise. L’explosion du télétravail, le lien entre le contrat de travail, l’entreprise et les collaborateurs, les sujétions particulières de présence, la façon de relier les collaborateurs à l’entreprise, tout cela se conjuguant avec l’impératif de plus en plus exigé d’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée, tout cela va conduire à des modes managériaux différents. Tout ne sera plus basé sur la présence physique en entreprise, comme cela était le cas jusqu’à présent.

La satisfaction des collaborateurs va devenir très importante : on parle du bien-être au travail, du « caring », cela aboutit à une remise en question des modes d’organisation. On repense l’efficacité des modes de travail, l’épanouissement des collaborateurs, la diminution des sujétions de toute nature. De grands Groupes ont commencé à le dire dans la presse, avec des prises de position assez fortes, concernant par exemple le fait de ne plus avoir de locaux et de faire du télétravail une forme de norme. Il va également y avoir une évolution des comportements sociaux dans l’entreprise : quelles seront les formes de relation ? Quid de la distanciation ? Comment allons-nous manifester notre sympathie et notre empathie ? Comment va se faire désormais l’organisation des voyages, des réunions, des modes de management des entreprises à réseau ? Toute cette partie-là du management, qui était installée dans des habitudes, va être remis en cause. La première conséquence de cette crise va donc être l’innovation dans les modes de management et l’importance apportée à la satisfaction des collaborateurs. Plus ils seront satisfaits et plus ils seront efficaces et productifs pour l’entreprise. Dans ces réflexions, dans ces changements, il faudra accorder un soin particulier à ceux dont la présence physique est indispensable (les personnels de services, les commerçants, les ouvriers, ceux qui travaillent dans l’hôtellerie ou la restauration, etc.). Ils doivent être pris en compte dans ce mouvement.  Pour moi, cela constitue l’élément-clef de la RSE.

À la prochaine…

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Réduction de rémunération ou licenciement ?

La COVID-19 amène à faire des choix délicats en matière de gestion des RH et des parties prenantes. Le New York Times propose un article intéressant de M. Schwartz intitulé « Pay Cuts Become a Tool for Some Companies to Avoid Layoffs » (24 mai 2020) sur le dilemme entre réduction de la rémunération ou licenciement. La première option semble avoir plus de succès…

Extrait :

It was late and Martin A. Kits van Heyningen feared he was letting the team down at the company he co-founded, KVH Industries. Rather than lay off workers in response to the coronavirus pandemic, he had decided to cut salaries, and when he emailed a video explaining his decision at 3 a.m. last month, he was prepared for a barrage of complaints.

Instead, he woke to an outpouring of support from employees that left him elated.

“It was one of the hardest things I’ve done, but it turned out to be the best day of my life at work,” said Mr. Kits van Heyningen. “I was trying to keep their morale up. Instead, they kept my morale up.”

Even as American employers let tens of millions of workers go, some companies are choosing a different path. By instituting across-the-board salary reductions, especially at senior levels, they have avoided layoffs.

The ranks of those forgoing job cuts and furloughs include major employers like HCA Healthcare, the hospital chain, and Aon, a London-based global professional services firm with a regional headquarters in Chicago. Chemours, a specialty chemical maker in Wilmington, Del., cut pay by 30 percent for senior management and preserved jobs. Others that managed to avoid layoffs include smaller companies like KVH, a maker of mobile connectivity and navigation systems that employs 600 globally and is based in Middletown, R.I.

The trend is a reversal of traditional management theory, which held that salaries were sacred and it was better to cut positions and dismiss a limited number of workers than to lower pay for everyone during downturns.

There is often a genuine desire to protect employees, but long-term financial interests are a major consideration as well, said Donald Delves, a compensation expert with Willis Towers Watson.

“A lot has happened in the last 10 years,” Mr. Delves said. “Companies learned the hard way that once you lay off a bunch of people, it’s expensive and time-consuming to hire them back. Employees are not interchangeable.”

A recent study by the Conference Board with Semler Brossy, an executive compensation research firm, and Esgauge, a data analytics firm, found that 537 public companies had cut pay of senior management since the crisis began. The study did not specify whether any had also cut jobs, however.

To be sure, if the crisis lasts longer than expected and the economy keeps shrinking, it is possible these salary reductions will not be enough to stave off job cuts. Other large corporations have cut salaries as well as jobs to stem coronavirus-related losses.

Still, the sudden nature of the economic threat has created a different mind-set among some managers than existed during the last recession, Mr. Delves said. Some companies did try to cut pay rather than jobs back then, but the impulse seems more widespread now.

“What we’re seeing this time around is more of a sense of shared sacrifice and shared pain,” he added.

When the pandemic hit, HCA was increasing revenue and adding employees, said its chief executive, Sam Hazen, “and to put them out on the street because of some virus just wasn’t something I was going to do.”

With stay-at-home orders covering much of the country and bans on elective surgery in many states, HCA’s hospitals were left with a revenue shortfall. The company suspended its share repurchases and quarterly dividend to bolster its financial position, and it reduced capital spending.

Mr. Hazen donated his salary for April and May to an internal fund for employees in distress, while senior management took a 30 percent pay cut. White-collar employees at lower levels saw their compensation reduced by 10 to 20 percent.

All in all, about 15,000 employees were affected, out of a total of 275,000. The company does not expect the pay reductions to extend beyond June.

HCA also created a pandemic pay program that allowed more than 120,000 nonexecutive hospital employees to receive 70 percent of what they earned before the virus hit. Employees, including union members, are also being asked to forgo a raise this year.

(…) Aon, with 50,000 workers around the world, was even more aggressive about reducing salaries. Top executives there gave up 50 percent of their pay, with most remaining employees getting a cut of 20 percent.

“We wanted to say no one would lose their job because of Covid-19,” said Greg Case, Aon’s chief executive.

Mr. Case said he was heartened because overseas employees, who had the right to reject the salary cuts, overwhelmingly accepted them. About two-thirds of Aon’s work force is outside the United States.

But Mr. Case said the company was bracing for long-term disruption. “The risk on the horizon is potentially much greater than 2008-9,” he said. “We are preparing for scenarios that are multiples worse than that.” Aon says the need for the pay cuts will be reviewed monthly.

Avoiding layoffs will leave Aon better prepared for when the economy does rebound, Mr. Case said. “When clients need us most, we will be there,” he said.

Certainly, for chief executives and the highest-ranking officers, salary cuts are not as painful as it would first appear. That’s because for most, the bulk of their compensation comes in stock awards, said Amit Batish, manager of content and communications for Equilar, a private research firm that tracks executive pay.

“Salaries are a drop in the bucket for most executives, but it does send the message that we are helping out the organization,” he said.

Still, the fact that a few companies were able to avoid layoffs by reducing salaries raises the question of whether more businesses could have averted job cuts in the last two months.

With government unemployment benefits available for laid-off workers, many American companies were quick to cut their work forces, said Kathryn Neel, a managing director at Semler Brossy. “In European countries, where wages were subsidized, they managed to keep more people on the payroll,” she added.

Sharing the pain more broadly this way might have prevented the unemployment rate from hitting its highest level since the Great Depression while also better positioning companies for the eventual recovery.

Firms that cut heavily in 2008-9 were not ready when the economy eventually rebounded, according to Gregg Passin, a senior partner at the human resources consulting firm Mercer. “They lagged companies that were more cautious about cutting people,” he said.

A no-layoffs policy also builds loyalty. “No one wants to be in a situation where their salary is cut,” Mr. Passin said. “But we really do believe the way you treat employees today is the way they’ll treat you tomorrow.”

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Nouvelles diverses Responsabilité sociale des entreprises

Économie v. environnement

« L’économie déloge l’environnement des principales craintes des entreprises » selon un article de Le Devoir (20 mai 2020). Une belle réflexion…

Extrait :

Ce recul apparent des défis environnementaux montre peut-être que ceux-ci se sont désormais tellement imposés aux gouvernements et aux entreprises qu’on ne craint plus qu’ils passent à la trappe, surtout pas en l’espace de 18 mois seulement, ont observé mardi les auteurs du rapport d’une soixantaine de pages. Mais une autre interprétation pourrait être que la crise sanitaire et économique est bel et bien en train de nous faire oublier « le risque existentiel » que constituent, à l’instar de la pandémie de COVID-19, les bouleversements climatiques.

La directrice générale du FEM, Saadia Zahidi, a mis en garde ceux qui penseraient pouvoir faire plus en remplaçant une « reprise verte » par une « reprise brune ». « Nous avons maintenant une occasion unique d’utiliser cette crise pour faire les choses différemment et reconstruire de meilleures économies plus durables, résilientes et inclusives. »

Un tel souci est d’autant plus important que la situation actuelle ne menace pas seulement de faire dérailler les efforts qui étaient en cours en matière environnementale, poursuit-on. Elle risque de laisser des cicatrices économiques et psychologiques profondes, notamment aux travailleurs les plus vulnérables, frappés par le chômage, et aux quelque 1,6 milliard d’étudiants de tout âge qui ont été privés d’école et ne doivent pas devenir une « nouvelle génération perdue ». Et si certains peuvent se réjouir que la crise vienne accélérer l’adoption du télétravail ou de la robotisation, il ne faudra pas oublier ceux que ces nouvelles technologies mettront de côté.

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Crédit d’urgence aux grands employeurs (CUGE) : les précisions

Alexis en a parlé dans un précédent billet, poursuivons donc la discussion entourant le Crédit d’urgence aux grands employeurs (CUGE). En ce 20 mai 2020, le ministre des Finances vient de dévoiler les détails.

Rappelons que pour en bénéficier, les entreprises devront :

  • être ni insolvables ni en restructuration;
  • ne pas avoir été reconnues coupable de fraude fiscale;
  • démontrer ce qu’elles feront pour protéger les emplois et poursuivre leurs investissements au pays;
  • publier des rapports annuels indiquant comment leurs opérations respectent les objectifs nationaux du Canada en matière de climat;
  • s’engager à respecter les conventions collectives de leurs travailleurs;
  • s’engager à assumer leurs obligations relatives aux régimes de retraite.

Des limites fermes concernant les dividendes, les rachats d’actions et la rémunération des dirigeants seront aussi imposées aux entreprises qui se prévalent du programme.

En jumelant l’apport de fonds publics à des conditions susceptibles de dessiner les futurs programmes de relance, le Canada envoie un message fort. Si d’autres États ont adopté une position proche du Canada (Pologne, Danemark, États-Unis), certains ont récemment fait marche arrière pour des raisons obscures (comme la France concernant les pratiques fiscales). Avec cette annonce de Bill Morneau, le Canada prend une posture qui dénote par rapport à sa timidité habituelle vis-à-vis des grandes entreprises (responsables de 27 % de l’emploi au Québec).

Les « plus »

Ces aides vont dans le sens d’une moralisation du capitalisme. Contrôle de stratégies financières court-termistes (touchant la rémunération, les dividendes, le rachat d’actions, les emplois) et exclusion d’entreprises reconnues coupables d’évasion fiscale vont dans le bon sens. La trop grande réserve des États en ces domaines s’est souvent montrée inefficace. À l’heure d’une relance verte voulue et annoncée le 23 avril par le gouvernement canadien, la déclaration du ministre fédéral en faveur d’une divulgation en matière de changement climatique est à marquer d’une pierre blanche. C’est en effet un signal de taille qu’il offre ici en s’inspirant de l’une des 15 recommandations du Groupe d’experts en finance durable qu’il avait lui-même mis sur pied en 2018.

Les « moins »

« Démontrer ce que l’on fera pour protéger », n’est pas protéger l’emploi. Il va donc falloir se méfier de la conformité de façade. Pourquoi se restreindre à la « fraude » fiscale ? Que faut-il entendre par « limites fermes » ? La vérification sera-t-elle faite par l’administratrice du CUGE (Corporation de développement des investissements du Canada) et sur quelle base ? De plus, ce plan d’aide doit aussi déclencher une discussion sur la pertinence d’avoir allégé dans le même temps la surveillance de l’environnement dans le secteur des sables bitumineux en Alberta.

Pour l’annonce du premier Ministre : ici

Pour le feuillet d’information : ici

À la prochaine…

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COVID-19 : une mission plus large pour les CA

Le cabinet d’avocat Stikeman Elliott revient dans un billet court sur la mission du CA en contexte de pandémie : « COVID and Corporate Governance: A Broader Mission for Corporate Boards » (24 avril 2020).

Extrait :

The discussion focuses on the key challenges facing Canada’s corporate leaders as the reopening phase approaches:

  • Focusing on issues that matter;
  • Immediate crisis management and board readiness;
  • Re-thinking strategy and risk management;
  • Re-thinking incentive frameworks; and
  • Re-thinking corporate purpose.

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Directors’ Duty under UK Law to Promote the Success of the Company during the COVID-19 Pandemic

Le 30 avril 2020, Philip Gavin s’est interrogé sur l’intérêt de l’article 172 du Company Act pour les administrateurs et dirigeants dans le contexte de la COVID-19 : « Directors’ Duty under UK Law to Promote the Success of the Company during the COVID-19 Pandemic » (Oxford Business Law Blog).

Extrait :

A nuance to director’s duties in the United Kingdom is the expansive statutory delineation of s 172, which endows numerous considerations for directors when acting to promote the success of the company for the benefit of members. Given the unique circumstances of the present-day commercial sphere and the more humanitarian demands being put to businesses, having a statutory foundation upon which to base non-traditional business strategies may assist effective decision-making and financial reporting.

The initial three considerations enshrined within s 172 are (a) the likely long term consequences of any decision, (b) the interests of employees and (c) the need to foster business relationships with suppliers, customers and others. These factors are of particular relevance for firms who sought justification for voluntary shutdown of businesses prior to the wider governmental shutdown.

(…)

Where production changes become quasi-humanitarian in tone and companies internalise cost in the interim, directors may seek justification through s 172(1)(d) and (e), these being the impact on the community and the desirability of maintaining high business standards respectively.  Accordingly, directors can seek to frame these quasi-humanitarian efforts in long-term reputational terms, thereby engendering prospective communitarian goodwill.

Furthermore, as political pressure mounts, boards may evaluate reputational factors not simply in terms of market reputation, but also in terms of Governmental co-operation. This is particularly so where companies face increased intervention by public authorities through the Civil Contingencies Act. Comparatively, in a recent memorandum the Trump administration has attempted to exert control over the distribution of ventilators by the multinational conglomerate 3M. Cautious of such intervention occurring within their own enterprises, companies may shift business operations to such an extent to signal their compliance and co-operation with public authorities, thereby disincentivising the wholesale overrule of board discretion. 

Within jurisdictions with vaguer duties to act bona fide in the best interests of the company (Delaware, Australia, Ireland), directors may still engage in such quasi-humanitarian efforts. Nevertheless, utilising s 172 to steer directorial judgment may assist effective decision-making, and furthermore guide financial reporting, which mandates s 172 director’s statements.  Given that the tenor of 2020 reports will be likely dominated by COVID-19, UK directors will benefit from the homogenising structure of s 172 when making such disclosures in the coming months.

À la prochaine…