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engagement et activisme actionnarial

Volkswagen : une importante association d’actionnaires allemands déposent une proposition à l’assemblée annuelle (billet de Julie Bernard)

Le 22 juin prochain se tiendra l’assemblée générale annuelle (AGA) des actionnaires de Volkswagen. Cette assemblée est la première depuis l’explosion du scandale maintenant connu sous le nom « Dieselgate ».

Un bref retour sur les évènements

Ce scandale a fait couler beaucoup d’encre depuis depuis septembre 2015, moment où plusieurs journalistes ont exposé certaines données problématiques liées à certains véhicules de la compagnie allemande. Les autorités américaines avaient alors révélé qu’approximativement « 482 000 véhicules de marque Volkswagen et Audi, construits entre 2009 et 2015 et vendus aux États-Unis, ont été équipés d’un logiciel capable de détecter automatiquement les tests de mesure antipollution pour en fausser les résultats[1] ». Sur le territoire européen, la Commission européenne a dû répondre à des allégations du Financial Times stipulant qu’elle savait que des constructeurs automobiles truquaient des moteurs pour fausser les tests antipollution, et ce, dès 2013.[2]

Le 21 septembre 2015, le titre de Volkswagen passait à 133,70 euros, représentant une chute de 17,14 %.[3] À la suite de ces révélations, le constructeur automobile allemand a enregistré des pertes de plus de 15 milliards d’Euros. Aussi abrupte que cette dégringolade pouvait être, les actionnaires et les industries n’étaient cependant pas au bout de leur peine. En effet, près d’un mois plus tard, les médias révèlent une nouvelle série d’irrégularités sur le niveau d’émission de CO2 de 800 000 véhicules.[4]

Notons qu’en 2011 Greenpeace sonnait déjà l’alarme en publiant un rapport sur certaines pratiques de Volkswagen. Greenpeace dénonçait alors que Volkswagen, qui manipulait les informations afin de se doter d’une image verte, avait dans sa flotte les véhicules les plus polluants d’Europe.[5] L’organisme non gouvernemental (ONG) soulève d’ailleurs plusieurs points intéressants. Le rapport est certainement à ajouter à sa liste de lecture estivale puisqu’il fournit des pistes intéressantes pour comprendre le Dieselgate.

Les actionnaires se mobilisent pour l’AGA

Si plusieurs actionnaires de Volkswagen ont vu le cours de l’action chuter drastiquement durant les mois suivants cet incident, certains ont décidé d’agir concrètement envers le constructeur automobile. En effet, DSW une fédération d’actionnaire représentant plus de 25 000 actionnaires allemands s’est mobilisé. Promettant un « coup de balai », Ulrich Hocker, président de cette fédération, a affirmé : « Ceux qui sont à l’origine du scandale doivent être punis ».[6]  Chose promise, chose due : le 30 mai 2016, DSW a déposé une proposition d’actionnaires. La plus grande association allemande d’investisseurs privés demande un audit spécial sur les actions des dirigeants de l’entreprise à l’égard du Dieselgate. Quel serait le rôle de cet auditeur selon la proposition déposée par DSW ? Conformément à la loi allemande sur les sociétés par actions, l’auditeur sera responsable de la vérification du rôle des administrateurs à savoir s’ils ont violé leurs obligations légales et volontairement nuit. Il sera également responsable d’examiner si les dispositions de la gestion de risques et de la conformité de l’entreprise ont été revues et corrigées de manière adéquate depuis la divulgation du scandale[7].

Volkswagen a engagé la firme d’avocats Jones Day afin de mener une enquête interne en ce qui concerne les devoirs légaux des administrateurs et des dirigeants en lien avec la divulgation de données frauduleuses. De plus, le cabinet Gleiss Lutz a effectué un examen juridique complet qui a été confirmé par Pr. Wulf Goette, un juge en chef retraité de la Cours fédérale de justice allemande. DSW recommande cependant la firme Baker Tilly Roelfs AG Wirtschaftsprüfungsgesellschaft afin de compléter cet enquête de vérification de manière indépendante[8]. « Avec une enquête indépendante, on peut être sûr que les conclusions seront publiées. Avec une enquête interne, on ne sait pas si tout sera rendu transparent », a dit Jürgen Kurz, porte-parole de DSW.[9]

C’est maintenant aux actionnaires de se prononcer à savoir s’ils désirent une enquête indépendante en plus d’une enquête interne afin de faire la lumière sur ce scandale. Entre la poursuite que la Norvège vient de lancer contre Volkswagen et les multiples amendes possibles autant aux États-Unis que sur le territoire européen, il sera intéressant de voir la force actionnariale se mobiliser pour un plus saine gouvernance. Il est possible de visionner l’AGA le 22 juin 2016 10h00 UTC+02 :00 et consulter le communiqué de presse de Manifest.


 

[1] Peard, E. (2015). «Volkswagen plongé dans un scandale », La Presse, [En ligne], 21 septembre 2015 (Page consultée le 9 juin 2016)

[2] Brunsden, J. & Olivier, C. (2015). « EU failed to heed emissions warning in 2013 » Financial Times, 25 octobre 2015, page consultée le 13 juin 2016.

[3] Ibid

[4] Julien M. et Toussaint B. (2015). « Volkswagen, l’autodestruction » Le Devoir, [En ligne], 4 novembre 2015 (Page consultée le 9 juin 2016)

[5] Greenpeace. (2011). “ Le côté obscure de Volkswagen”, Greenpeace. [en ligne], 27 juin 2011 , page consultée le 16 juin 2016.

[6] Agence France-Presse. (2015). « Volkswagen poursuit sa descente aux enfers », Le Devoir, [en ligne],  26 septembre 2016, page consultée le 13 juin 2016.

[7] Manifest. (2016). « VW shareholder resolution requests a special audit of ‘dieselgate’ scandal », Manifest, [en ligne], 30 mai 2016, page consultée le 13 juin 2016.

[8] Ibid

[9] Reuters France. «VW-Un groupe d’actionnaires réclame une enquête indépendante », Reuters, [en ligne], 23 mai 2016, page consultée le 13 juin 2016. Edward Taylor, Benoit Van Overstraeten pour le service français, édité par Véronique Tison

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Les investisseurs institutionnels, acteurs du long terme ?

Dans une très récente tribune parue dans The Globe and Mail, la professeure Janis Sarra affirme que : « Institutional investors must lead our transition to long-term sustainability ». Dans le cadre de cet article, elle réagit à l’annonce par le président de l’Université de Toronto (Meric Gertler) de l’orientation des 6.5 milliards de dollars gérés par son institution au profit de la lutte contre le réchauffement climatique.

Institutional investors have an important role to play in charting a new course in corporate approaches to climate change, aimed at long-term sustainability. Institutional investors, such as pension funds, are by their nature “patient capital” because of their size in the market and illiquidity of their shares. Collectively, they can have a significant influence on corporate decision makers in tackling climate change.

Aside from our collective public interest in a sustainable world, there is a business case to be made. At risk is a significant portion of the value of diversified investment portfolios. Howard Covington of Cambridge and Raj Thamotheram of Oxford have suggested that value at risk due to climate change in just 15 years could result in a permanent reduction of up to 20 per cent in portfolio value. Hence, there are compelling reasons for capital-markets participants to aggressively press for immediate and comprehensive action. Indeed, it can be argued that institutional investors have a fiduciary duty to act to prevent risk to their portfolios from anthropogenic climate change. The strategies need to be multifold: decarbonization of electricity, a massive move to clean energy or lower carbon fuels, less waste in all sectors, improvement of forests and other natural carbon sinks.

There is a nascent but growing type of institutional shareholder activism called “forceful stewardship,” in which investors are demanding a recasting of fiduciary obligation away from short-term shareholder returns toward ethical obligations and reduction of long-term environmental risks. Forceful stewardship involves helping directors and officers of all types of businesses understand that it is a breach of their fiduciary duties to ignore long-term environmental risks such as climate change. This activism by our most powerful advocates in the market is an important development in the potential to change the current course of climate change.

À la prochaine…

Ivan Tchotourian

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Voulez-vous en savoir plus sur l’investissement éthique ?

Bonjour à toutes et à tous, Mme Élisabeth Forget nous offre un article intéressant à la Revue des sociétés : « L’investissement éthique : Implications en droit des sociétés » (2015 p. 559).

Forme d’investissement de plus en plus pratiquée par les investisseurs particuliers aussi bien qu’institutionnels, l’investissement éthique offre d’infinies possibilités. Confessionnel, environnemental, ou encore humaniste, l’investissement éthique se veut le plus souvent durable et responsable. En cela, il épouse les objectifs de la RSE. Porteurs de ces valeurs, les investisseurs éthiques participent activement à la vie des sociétés dont ils détiennent des titres. Leur engagement se fait au service de l’intérêt de toutes les parties prenantes à la vie des sociétés. En cela, l’investissement éthique rebat les cartes des théories juridiques relatives à l’intérêt social et contribue à faire pénétrer en droit français la Stakeholder Theory

À la prochaine…

Ivan Tchotourian

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Les investisseurs institutionnels toujours plus sociétalement responsabilisés

Les investisseurs institutionnels se trouvent de plus en plus responsabiliser sociétalement. La France vient d’en donner un exemple récent avec sa Loi de programmation pour la transition énergétique relatif à la transition énergétique pour la croissance vert.

L’article 48 (en savoir plus sur cet amendement ici) de cette loi adoptée par l’Assemblée nationale le 26 mai 2015 va obliger les « gros » investisseurs institutionnels à intégrer dans leur rapport annuel une évaluation de la contribution de leurs portefeuilles d’investissement au financement de la transition énergétique et de l’économie verte dans la perspective de contribuer à la limitation du réchauffement climatique à +2°C.


« IV. – L’article L. 533‑22‑1 du code monétaire et financier est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Les investisseurs institutionnels, caisses de retraite du secteur public et du secteur privé, fonds de pension du secteur public et du secteur privé, instituts de prévoyance, compagnies d’assurance, mutuelles, associations, fondations, institutions spéciales réalisent dans leur rapport annuel et dans les documents destinés à l’information de leurs cotisants, bénéficiaires, souscripteurs, donateurs ou adhérents, une évaluation quantitative de leur contribution, via les actifs qu’ils détiennent, au financement de la transition énergétique et de l’économie verte dans la perspective de contribuer à la limitation du réchauffement climatique à +2°C. Cette évaluation s’appuie sur une mesure des émissions de gaz à effet de serre associées aux actifs détenus, toutes classes d’actifs confondus, dénommée « empreinte carbone », ainsi que sur une mesure de la part de leur portefeuille investie dans des actifs induisant des réductions d’émissions de gaz à effet de serre, dite « part verte ».

« Les documents résultant de cette évaluation et de cette mesure précisent la situation du portefeuille au regard de l’objectif international de limitation du réchauffement climatique à +2°C, et des objectifs correspondants définis au niveau national et européen. Le cas échéant, ils expliquent les raisons pour lesquelles la part verte n’atteint pas le seuil de 5 % sur l’exercice clos au plus tard au 31 décembre 2016, et 10 % sur l’exercice clos au plus tard au 31 décembre 2020. Ils décrivent les moyens mis en œuvre pour améliorer la contribution du portefeuille, ainsi que la manière dont sont exercés à cet égard les droits de vote attachés aux instruments financiers qui en disposent.

« Ces dispositions s’appliquent dès le rapport annuel et les documents d’information portant sur l’exercice clos au plus tard au 31 décembre 2016.

« Un décret en Conseil d’État définit les modalités d’application des trois alinéas précédents, notamment le périmètre d’émission pertinent, les modalités de calcul et de présentation de l’empreinte carbone et de la part verte, de façon à permettre une comparaison des données entre organisations et produits financiers, et une meilleure lecture par les pouvoirs publics. Il fixe également les modalités de vérification des calculs par des organismes tiers indépendants. »


L’obligation de reporting s’appliquera dès l’exercice 2016, clos au 31 décembre.

Il est à noter que quatre institutions françaises gérant 82 milliards d’euros (le groupe Caisse des Dépôts, l’ERAFP, le FRR et l’Ircantec) ont pris l’engagement en mai 2015 de publier, d’ici décembre 2015, l’empreinte carbone de leur portefeuille d’actions et de lancer des initiatives pour réduire significativement à terme cette empreinte carbone.

À la prochaine…

Ivan Tchotourian