Responsabilité sociale des entreprises | Page 4

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CA et direction : femmes et jeunes oubliés

Le 13 mars 2020, le professeur Claude Francoeur a publié une intéressante tribune dans le quotidien La presse + intitulé : « Place aux femmes et aux jeunes en gouvernance ! ». Malgré l’actualité de ce thème, le statut quo domine malheureusement dans les pratiques des entreprises canadiennes.

Résumé :

Les boys clubs – en particulier, ceux qui sont systématiquement entretenus dans les conseils d’administration (C.A.) de nos plus grandes entreprises – ont récemment fait l’objet de vives critiques. On leur demande de briser ces cercles fermés en faisant entre autres davantage place aux femmes. Malgré ces revendications, les C.A. des entreprises canadiennes demeurent très homogènes, la grande majorité des administrateurs étant encore et toujours des hommes !

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LCSA : de récentes réformes adoptées notamment sur le contenu du devoir de loyauté

Dans un billet du blogue Contact (« À qui doit profiter l’entreprise? », 2 mai 2019), j’avais commenté un projet de loi qui s’en venait en vue de réformer le droit des sociétés par actions fédéral.

Le 21 juin 2019, le projet a reçu la sanction royale.

Extrait :

De plus, cette section modifie la Loi canadienne sur les sociétés par actions afin, notamment de :

a) prévoir les facteurs dont les administrateurs et les dirigeants d’une société peuvent tenir compte lorsqu’ils agissent au mieux des intérêts de la société;

b) prévoir que les administrateurs de certaines sociétés sont tenus de présenter aux actionnaires certains renseignements relatifs à la diversité, au bien-être et à la rémunération.

Pour accéder au dossier législatif : ici

Pour un commentaire récent et complet : Stikeman Elliott, « Corporate Governance Developments Set to Be Codified into the CBCA », 20 novembre 2019

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Fraudes financières et dirigeants : quelles leçons ?

Bien que cet article date de 2010, je le relaie sur le blogue tant il touche en plein coeur notre problématique : D. Cormier et M. Magnan, « Fraudes financières et dirigeants d’entreprise : les leçons à tirer » (Gestion, 7 juin 2010).

Extrait :

Les leçons à tirer

Quelles leçons peut-on tirer des cas de dirigeants accusés d’une fraude financière ou comptable et, de manière plus générale, du fait que cette fraude comporte des motifs irrationnels?

S’il ne faut pas dénigrer le succès, il faut aussi être conscient que celui-ci n’est pas éternel et qu’il peut contenir en germe l’échec. Nous insistons ici sur les leçons à tirer pour les principaux responsables du maintien de l’intégrité des marchés financiers, soit les conseils d’administration, les organismes de réglementation et les auditeurs, de même que pour les analystes financiers, les journalistes et les autres vigies de marché (…).

Le conseil d’administration

Le cas de Cinar, ainsi que plusieurs autres cas de fraude émanant de la direction de l’entreprise, illustre le bien-fondé de plusieurs pratiques de bonne gouvernance qui ont émergé ces dernières années afin de mieux équilibrer le pouvoir au sein des conseils d’administration. Ainsi, il importe de séparer les rôles de président du conseil et de P.D.G. (Micheline Charest cumulait les deux fonctions). En outre, il faut réduire le nombre d’administrateurs qui sont aussi dirigeants ou employés, le seul administrateur ultimement accepté étant le P.D.G. (outre le couple Charest-Weinberg, le conseil de Cinar comptait deux vice-présidents qui relevaient d’eux directement). De même, on doit s’assurer que le conseil compte sur l’expertise nécessaire afin de bien suivre les actions et les décisions de la direction.

Par ailleurs, il est important que le conseil d’administration rencontre régulièrement les membres de l’équipe de direction sans la présence du P.D.G. afin de prendre le pouls du climat organisationnel et de l’attitude du P.D.G., de mettre à jour régulièrement le plan de relève, d’établir des liens de confiance avec les membres de l’équipe et de vérifier que l’équipe de direction est au fait de la stratégie de l’entreprise et de sa mise en œuvre. Un P.D.G. fort, compétent et honnête ne devrait pas craindre cette pratique.

Le conseil d’administration doit également prêter attention à la manière dont les stratégies, les projets ou les plans d’action sont présentés, documentés et défendus. Poser des questions devient impératif lorsqu’on constate des incohérences dans les états financiers ou entre le discours et la réalité projetée par les indicateurs financiers et non financiers. Il doit également s’assurer que l’organisation se dote d’une politique en matière d’intégrité et d’éthique, que des mécanismes de communication sont mis en place pour que le personnel puisse faire part de ses préoccupations et que l’audit interne soit dévolu à des personnes compétentes et en lien direct avec le conseil. Il serait douteux que tous les faits rapportés dans la saga de Cinar soient passés inaperçus.

Enfin, le conseil d’administration doit se méfier des P.D.G. -vedettes. Les résultats de recherche à leur égard indiquent clairement que leur performance réelle est souvent médiocre, ce qui rend d’autant plus forte la tentation de frauder (pensons à Al Dunlap, ancien P.D.G. de Sunbeam, qui est arrivé auréolé de gloire à la direction de cette entreprise pour la quitter avec de nombreuses accusations de fraude pesant sur lui)18.

Les auditeurs

Les auditeurs ou les vérificateurs de Cinar, un cabinet international, ne semblent pas avoir vu venir les coups. Un autre cabinet a rapidement été engagé pour enquêter sur les diverses allégations de fraude et de nouveaux auditeurs ont été retenus par le conseil d’administration à la suite de la démission du couple Charest-Weinberg. La saga de Cinar confirme le diagnostic de Jamal (2008) que la fraude est le talon d’Achille de la profession comptable, car les attentes des investisseurs et du public dépassent nettement les responsabilités des auditeurs à l’égard de la détection de la fraude19.

De fait, selon un sondage réalisé par KPMG en 2002, moins de 3 % des fraudes sont découvertes par les auditeurs. Dans ces conditions, Salterio (2008) insiste sur l’importance d’adopter une approche beaucoup plus dynamique de détection de la fraude (et peut-être de la prévention, quoique cela aille au-delà des responsabilités actuelles des auditeurs).

Outre cette limite, la nature même de plusieurs fraudes remet en question la «rationalité» des dirigeants qui y sont impliqués. En effet, l’approche traditionnelle de détection des fraudes repose sur la rationalité des dirigeants. Or, les risques assumés par la plupart des dirigeants impliqués dans des fraudes comptables ou financières dépassaient largement les gains qu’ils ont pu réaliser, ce qui traduit probablement leur sentiment d’invulnérabilité. Les cas de Drabinsky (Livent), de Black (Hollinger) et de Charest en sont de bons exemples.

Par conséquent, les auditeurs doivent également s’attarder au processus de prise de décision stratégique d’une entreprise, une trop grande centralisation sans documentation valide ou indépendante devenant un facteur de risque. Ils doivent aussi élargir leur grille d’analyse de la fraude pour y intégrer des aspects comportementaux de la direction, lesquels incluront des entrevues avec les principaux intéressés et leurs collaborateurs, ainsi que certaines dimensions de la culture organisationnelle reflétant un mépris de l’éthique.

Enfin, les déclarations publiques de dirigeants ainsi que la couverture médiatique les entourant sont extrêmement importantes pour mieux dresser leur profil de même que le contexte de gestion. Il s’agit ici d’examiner l’adéquation entre l’image projetée à l’extérieur et la réalité organisationnelle : plus l’écart entre les deux est grand, plus le risque est grand.

Les autorités de réglementation

Le rôle des autorités de réglementation est très exigeant. En effet, la surveillance de milliers d’individus (initiés, personnes autorisées, etc.) et de sociétés cotées en Bourse n’est pas une mince tâche. D’une part, elles jouent un rôle réactif et se doivent d’agir avec célérité si des plaintes ou des doutes leur parviennent. Elles doivent pour cela pouvoir compter sur un service d’analyse et d’enquête compétent et efficace. D’autre part, elles doivent être proactives afin de s’assurer que les instances de gouvernance des sociétés cotées jouent leur rôle et qu’une information financière fiable est communiquée au public à temps.

Compte tenu du fait que les états financiers, même manipulés, peuvent receler certains indices de fraude, une analyse continue des informations financières communiquées par les entreprises s’avère nécessaire. En ce sens, l’évolution vers une plate-forme unique d’informations où les données financières sont comparables entre entreprises et secteurs d’activités (XBRL) peut faciliter la vigie20.

Les analystes financiers, les journalistes et les autres vigies du marché

Dans le cas de Cinar, alors que le bénéfice grimpait de 3,4 millions à 21,8 millions de dollars entre 1994 et 1998, son flux de trésorerie généré par l’exploitation (cash flow, ou les sommes reçues des clients moins les sommes versées aux fournisseurs, aux employés et aux gouvernements) chutait de +6,6 millions à -27 millions durant la même période (voir le tableau 1).

En d’autres termes, alors que Cinar affichait des bénéfices cumulatifs de 51 millions en 1994-1998, son exploitation faisait subir à l’entreprise une saignée de 44 millions, laquelle devait être financée par des prêts bancaires ou de nouvelles émissions d’actions. Les fraudes découvertes chez Enron, Worldcom, Mount Real ou Nortel montrent qu’un tel écart entre bénéfices et flux de trésorerie est souvent le signe annonciateur de manipulations comptables.

Le conseil à donner aux analystes financiers et aux journalistes vaut donc tout autant pour les membres du conseil d’administration, les auditeurs et les organismes de réglementation. Il s’agit de ne pas se laisser éblouir par le discours, l’arrogance ou les gestes d’éclat, mais de s’en tenir aux faits.

Sachant que la plupart des fraudes commises par des directions d’entreprise sont comptables ou financières, il s’agit de bien analyser les états financiers. Notons aussi que la surveillance des conflits d’intérêts et des opérations entre parties apparentées est une source sûre d’indices quant à des manipulations ou à des irrégularités possibles.

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CA et risque climatique

Selon un article du quotidien L’Agefi, les conseils d’administration peinent à intégrer concrètement le risque climatique (ici). À l’ère de la RSE, voici un constat plutôt inquiétant…

Extrait :

Si les administrateurs ont conscience de l’urgence, près de la moitié estimant le risque immédiat, les actions sont rares, note un sondage IFA-Carbone 4.

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Europe et intérêt de l’entreprise : ecoDa’s position paper on Directors Duties

Le 7 mars 2019, ecoDa a pris position sur le devoir de loyauté des administrateurs : « ecoDa’s position paper on Directors Duties »

Extrait :

ecoDa supports the fundamental concept of Corporate purpose. However the European Commission should propose policy principles and refrains from trying to standardize directors’ duties among Member States and sectors. ecoDa believes that soft law through Corporate Governance codes is more suitable to adapt to an evolving context.

Acknowledging that shareholders define the company’s purpose does not mean neither that the interests of other stakeholders should not be taken into account by the directors when fulfilling their duties towards the company. On the contrary, there is no doubt that boards are taking such interests into account to an extent deemed consistent with the company’s purpose. Basically, there is a sound business case for more social and environmental involvement. Understanding consumers’ expectations and employees’ aspiration is becoming a prerequisite to become more innovative, to attract the right talents and to ensure sustainability in the long run. It is obvious that companies cannot be run in a sustainable manner if boards ignore the context in which they operate.

Therefore, the European Commission should refrain from trying to harmonize the fundamental concept of corporate interest and directors’ duties due to the very important legal differences across Europe and the different contexts across sectors. No law should hold directors accountable to several “principals”, arguably with often mutually contradictory interests. The board can solely be accountable to the company for the discharge of its duty to promote the purpose of the company. If the criteria for liability are not clearly defined, the boards will be liable to nobody for nothing or to everybody for anything. “Being liable to everybody means being liable to nobody”. Legal certainty is the basis of a competitive economic environment.

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Un projet de loi américain ambitieux : S.3348 – Accountable Capitalism Act

Bonjour à toutes et à tous, la sénatrice Élisabeth Warren vient d’introduire un projet de loi très ambitieux (!) : le S.3348 – Accountable Capitalism Act.

 

Plusieurs points saillants ressortent de ce projet :

  • La création d’un Office of United States Corporations.
  • La possibilité de s’enregistrer auprès de cet organisme fédéral (alors que jusqu’à maintenant, rappelons-le, l’enregistrement se faisait auprès des États et notamment celui du Delaware).
  • Les salariés représenteraient 40 % du CA.
  • L’entreprise devrait poursuivre une mission sociétale.
  • La redéfintion des devoirs des administrateurs et hauts-dirigeants.

 


Extrait du projet de loi

 

SEC. 5. Responsibilities of United States corporations.

(a) Definitions.—In this section:

(1) GENERAL PUBLIC BENEFIT.—The term “general public benefit” means a material positive impact on society resulting from the business and operations of a United States corporation, when taken as a whole. (…)

(1) IN GENERAL.—The charter of a large entity that is filed with the Office shall state that the entity is a United States corporation.

 

(2) CORPORATE PURPOSES.—A United States corporation shall have the purpose of creating a general public benefit, which shall be—

(A) identified in the charter of the United States corporation; and

(B) in addition to the purpose of the United States corporation under the articles of incorporation in the State in which the United States corporation is incorporated, if applicable.

(c) Standard of conduct for directors and officers.—

 

(c) Standard of conduct for directors and officers.—

(1) CONSIDERATION OF INTERESTS.—In discharging the duties of their respective positions, and in considering the best interests of a United States corporation, the board of directors, committees of the board of directors, and individual directors of a United States corporation—

 

(A) shall manage or direct the business and affairs of the United States corporation in a manner that—

(i) seeks to create a general public benefit; and

(ii) balances the pecuniary interests of the shareholders of the United States corporation with the best interests of persons that are materially affected by the conduct of the United States corporation; and

 

(B) in carrying out subparagraph (A)—

(i) shall consider the effects of any action or inaction on—

(I) the shareholders of the United States corporation;

(II) the employees and workforce of—

(aa) the United States corporation;

(bb) the subsidiaries of the United States corporation; and

(cc) the suppliers of the United States corporation;

(III) the interests of customers and subsidiaries of the United States corporation as beneficiaries of the general public benefit purpose of the United States corporation;

(IV) community and societal factors, including those of each community in which offices or facilities of the United States corporation, subsidiaries of the United States corporation, or suppliers of the United States corporation are located;

(V) the local and global environment;

(VI) the short-term and long-term interests of the United States corporation, including—

(aa) benefits that may accrue to the United States corporation from the long-term plans of the United States corporation; and

(bb) the possibility that those interests may be best served by the continued independence of the United States corporation; and

(VII) the ability of the United States corporation to accomplish the general public benefit purpose of the United States corporation;

(ii) may consider—

(I) other pertinent factors; or

(II) the interests of any other group that are identified in the articles of incorporation in the State in which the United States corporation is incorporated, if applicable; and

(iii) shall not be required to give priority to a particular interest or factor described in clause (i) or (ii) over any other interest or factor.

(2) STANDARD OF CONDUCT FOR OFFICERS.—Each officer of a United States corporation shall balance and consider the interests and factors described in paragraph (1)(B)(i) in the manner described in paragraph (1)(B)(iii) if—

(A) the officer has discretion to act with respect to a matter; and

(B) it reasonably appears to the officer that the matter may have a material effect on the creation by the United States corporation of a general public benefit identified in the charter of the United States corporation.

 

(3) EXONERATION FROM PERSONAL LIABILITY.—Except as provided in the charter of a United States corporation, neither a director nor an officer of a United States corporation may be held personally liable for monetary damages for—

(A) any action or inaction in the course of performing the duties of a director under paragraph (1) or an officer under paragraph (2), as applicable, if the director or officer was not interested with respect to the action or inaction; or

(B) the failure of the United States corporation to pursue or create a general public benefit. (…)

 

(d) Right of action.—

(1) LIMITATION ON LIABILITY OF CORPORATION.—A United States corporation shall not be liable for monetary damages under this section for any failure of the United States corporation to pursue or create a general public benefit.


 

À la prochaine…

Ivan Tchotourian

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CA et changement climatique : le temps d’être proactif

Le cabinet Osler publie un billet très intéressant sur la mission des CA qui revient sur ce qui semble être devenu le cœur de la mission des CA : faire de la RSE ! « Les changements climatiques : les raisons pour lesquelles les conseils d’administration doivent être proactifs » (12 mai 2017).

 

Les changements climatiques et leurs impacts potentiels sont de plus en plus pertinents aux quatre coins du globe. En effet, le rapport sur les risques mondiaux de 2016 du Forum économique mondial hisse l’« échec de l’atténuation des changements climatiques et de l’adaptation » au rang du risque le plus important auquel le monde devra faire face au cours des dix prochaines années.

Les membres des conseils d’administration des entreprises canadiennes doivent être conscients de cette réalité exigeante et doivent prendre en considération les conséquences, les risques et les occasions éventuels à long terme que présentent les changements climatiques pour les organisations qu’ils administrent.

Nous soulignons ci-dessous quelques-unes des raisons pour lesquelles les changements climatiques doivent figurer à l’ordre du jour des conseils d’administration de façon récurrente.

 

À la prochaine…

Ivan Tchotourian