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normes de droit Nouvelles diverses objectifs de l'entreprise Structures juridiques

La mission de l’entreprise en question : on consulte en France

La France réfléchit sur l’objet social de l’entreprise : « Le gouvernement lance le chantier du statut de l’entreprise ». La création d’un statut d’« entreprises de mission », sur le modèle des « benefit corporations » américaines, qui intègrent dans leur objet social des références à l’intérêt général, est aussi sur la table. Une façon d’élargir le rôle dévolu aux entreprises, sans s’aliéner le patronat, hostile à la modification de leur statut au sein du Code civil. Une démarche qui s’inscrit dans le cadre de la future loi Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (Pacte), dont une première mouture doit être présentée au printemps en conseil des ministres.

 

Le chantier est vaste, le calendrier serré. Missionnés par le gouvernement pour repenser la place de l’entreprise dans la société, Nicole Notat, ancienne secrétaire générale de la CFDT, désormais présidente de Vigeo Eiris, et Jean-Dominique Senard, patron de Michelin, ont moins de deux mois pour rendre leur copie. Des conclusions attendues en haut lieu : pas moins de quatre ministres étaient présents, vendredi 5 janvier, aux côtés des partenaires sociaux, pour le lancement des travaux.
À suivre…

À la prochaine…

Ivan Tchotourian

devoirs des administrateurs Gouvernance Nouvelles diverses objectifs de l'entreprise Valeur actionnariale vs. sociétale

Nos étudiants publient : la thèse de Dodd encore plus juste aujourd’hui ? (par Léna-Lydia Djemili, Alexis Langenfeld et Bèlè Rose de Lima Tchamdja)

Le séminaire à la maîtrise de Gouvernance de l’entreprise (DRT-7022) dispensé à la Faculté de droit de l’Université Laval entend apporter aux étudiants une réflexion originale sur les liens entre la sphère économico-juridique, la gouvernance des entreprises et les enjeux sociétaux actuels. Le séminaire s’interroge sur le contenu des normes de gouvernance et leur pertinence dans un contexte de profonds questionnements des modèles économique et financier. Dans le cadre de ce séminaire, il est proposé aux étudiants depuis l’hiver 2014 d’avoir une expérience originale de publication de leurs travaux de recherche qui ont porté sur des sujets d’actualité de gouvernance d’entreprise. C’est dans cette optique que s’inscrit cette publication qui utilise un format original de diffusion : le billet de blogue. Cette publication numérique entend contribuer au partager des connaissances à une large échelle (provinciale, fédérale et internationale). Le présent billet est une fiche de lecture réalisée par Mmes Léna-Lydia Djemili et Bèlè Rose de Lima Tchamdja et M. Alexis Langenfeld. Ces derniers présentent le fameux texte de 1932 de Merrick Dodd « For Whom are Corporate Managers Trustees? » et le mettent en perspective. Je vous en souhaite bonne lecture et suis certain que vous prendrez autant de plaisir à le lire que j’ai pu en prendre à le corriger.

Ivan Tchotourian

 

Dans son article « For Whom are Corporate Managers Trustees? »[1], Merrick Dodd Jr (professeur à la Harvard Law School) défend la thèse selon laquelle les administrateurs sont les mandataires de l’entreprise et non des actionnaires[2] leur permettant de prendre en compte l’intérêt des parties prenantes. Le professeur Merrick Dodd contestait la vision d’Adolph A. Berle qui faisait des administrateurs les mandataires des actionnaires[3] pour chercher un profit maximum pour ces derniers. L’opposition entre les deux auteurs est connue comme le « Berle/Dodd debate » et a beaucoup influencée le droit des sociétés par actions.

Le professeur Merrick Dodd démontre qu’il est bénéfique pour une entreprise de prendre en compte l’intérêt des parties prenantes (le public et les salariés) et avance que les dirigeants s’engageant dans cette direction ne font rien d’illégal.

 

Trois idées fortes

Le professeur Merrick Dodd forme son argumentation autour de trois idées principales : le changement des opinions du public et des praticiens; la limitation du profit dans les entreprises d’intérêt public; et le fait que l’entreprise doit être vue comme une personne à part entière.

Le professeur Merrick Dodd avance que l’opinion publique soutient ses idées en réclamant que les entreprises prennent en compte d’autres intérêts que ceux des seuls actionnaires, notamment ceux des salariés pour leur éviter de vivre le chômage[4]. Or, l’opinion publique faisant la Loi, le législateur devrait apporter son appui à sa thèse. Le professeur Merrick Dodd constate également que l’opinion de certains professionnels de la gestion d’entreprise est conforme à sa thèse[5]. Ces derniers préconisent la prise en compte des intérêts de l’ensemble des personnes participant à la vie de l’entreprise : actionnaires, salariés, public, État…

Le professeur Merrick Dodd fait aussi état de dispositions particulières touchant les entreprises exerçant dans des domaines d’intérêt public[6]. En règlementant la concurrence entre ces entreprises, leurs tarifs (au bénéfice des consommateurs) et les salaires (au bénéfice des salariés), le législateur américain a limité la propriété privée des actionnaires. Ces derniers ne disposent plus en effet de la liberté de prendre certaines mesures dans leur intérêt ! Cette limitation s’explique par le souci de protéger les tiers. Le professeur Merrick Dodd établit que dans certains domaines l’intérêt des parties prenantes conduit à limiter le profit des actionnaires. Aussi, les dirigeants prenant en compte d’autres intérêts que ceux des actionnaires ne font que suivre la Loi. Le professeur Merrick Dodd souhaiterait que ce système soit étendu à l’ensemble des sociétés. De plus, pour lui, une telle orientation législative serait positive pour les actionnaires tant les salariés satisfaits seraient plus productifs.

Enfin Le professeur Merrick Dodd plaide pour une évolution de la vision de l’entreprise[7]. Pour lui, celle-ci doit être considérée comme une personne à part entière et non comme un simple agrégat d’actionnaires. Dès lors, en tant que personne, celle-ci se doit d’être bonne citoyenne. Aussi doit-elle prendre en considération l’ensemble des parties prenantes pour adopter un comportement responsable.

 

Des limites

Néanmoins, le professeur Merrick Dodd lui-même limite la portée de son texte et doute que ses idées soient accueillies à court terme. Il considère que, même si le droit change, les administrateurs pourront toujours chercher à privilégier l’intérêt des actionnaires. Il pense aussi que l’état actuel du droit ne permet pas l’application de ses thèses. De plus, le professeur Merrick Dodd craint que l’entreprise demeure encore longtemps à la merci de la volonté des actionnaires[8].

 

Un texte toujours porteur

Aujourd’hui encore, certaines entreprises recherchent de manière illimitée et déraisonnée un profit maximum[9], n’hésitant pas à recourir à la fraude[10]. Malgré l’âge de cet article qui explique que des considérations actuelles (environnement, féminisation du conseil d’administration ou rémunération des hauts-dirigeants), l’article conserve encore aujourd’hui une grande pertinence. L’article est le fruit d’un raisonnement sans précèdent qui lui a permis de remporter le débat doctrinal contre son homologue Adolph Berle, lequel a lui-même fini par l’admettre[11]. De plus, la conception de l’entreprise change aujourd’hui. En effet, l’État n’hésite plus à intervenir pour sauver des entreprises en difficulté, non pour secourir les seuls actionnaires, mais pour venir en aide à l’ensemble de parties prenantes et notamment les salariés[12]. Enfin, certaines entreprises continuent de prendre en compte l’intérêt des parties prenantes via des chartes éthiques[13] ou des engagements en terme de responsabilité sociale[14].

Léna-Lydia Djemili

Alexis Langenfeld

Bèlè Rose de Lima Tchamdja

Étudiants du cours de Gouvernance de l’entreprise – DRT-7022


[1] Merrick DODD, Jr., « Whom Are Corporate Managers Trustees », Harvard Law Review, 1932, 45, 1145.

[2] Le Code civil du Québec reprend cette thèse : Code civil du Québec, L.Q., 1991, c. 64, art. 321.

[3] Adolph A. Berle, « Corporate Powers as Powers in Trust », Harvard Law Review, 1931, 44, 1049.

[4] Merrick DODD, Jr., « Whom Are Corporate Managers Trustees », Harvard Law Review, 1932, 45, 1145, à la p. 1151.

[5] Merrick DODD, Jr., « Whom Are Corporate Managers Trustees », Harvard Law Review, 1932, 45, 1145, aux p. 1154 et s.

[6] Merrick DODD, Jr., « Whom Are Corporate Managers Trustees », Harvard Law Review, 1932, 45, 1145, à la p. 1150.

[7] Merrick DODD, Jr., « Whom Are Corporate Managers Trustees », Harvard Law Review, 1932, 45, 1145, à la p. 1160.

[8] Merrick DODD, Jr., « Whom Are Corporate Managers Trustees », Harvard Law Review, 1932, 45, 1145, à la p. 1161.

[9] Frank DOBBIN et Jiwook JUNG, « The Misapplication of Mr. Michael Jensen. How Agency Theory Brought Down the Economy and Why it Might Again », 2010.

[10] Raymonde CRÊTE, « The Volkswagen Scandal from the Viewpoint of Corporate Governance », 2016; Jeanne DESJARDINS, « Erreurs stratégiques: Mitsubishi, Volkswagen, Suzuki », 2016; L’express.fr, actualité économique, « Un rapport accable la Société Générale et ses 2,2 milliards de « cadeau fiscal » », 2016.

[11] Adolph A. BERLE, The 20th Century Capitalist Revolution, Harcourt Brace & Co., 1954, à la p. 169.

[12] Les affaires.com, bourse, nouvelles économies, « Bombardier: une perte de 4,9G$ et une participation de 1G$ de Québec », 2016; Pascal ORDONNEAU, « Société de Prise de Participation de l’Etat (SPPE) », Les Échos.fr, 2016.

[13] AccorHotel, Charte éthique et responsabilité sociétale d’entreprise.

[14] Coca-Cola European Partners, Nos engagements RSE.

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Primauté actionnariale et Benefit corporation

Le Harvard Law School Forum on Corporate Governance and Financial Regulation propose un bel article sous la plume de Frederick Alexander : « Moving Beyond Shareholder Primacy: Can Mammoth Corporations Like ExxonMobil Benefit Everyone? ». Une belle occasion de revenir sur le thème de la Benefit Corporation et de la remise en cause de la primauté actionnariale dont elle peut être la cause…

 

The New York Times recently took issue with Rex Tillerson, the President-elect’s nominee for Secretary of State, and the current CEO of ExxonMobil. Why? “Tillerson Put Company’s Needs Over U.S. Interests,” accused the front page headline. The article details how the company puts shareholders’ interests before the interests of the United States and of impoverished citizens of countries around the world.

In response, a company spokesman insisted that all laws were followed, and that “‘[a]bsent a law prohibiting something, we evaluate it on a business case basis.’” As one oil business journalist puts it in the article: “‘They are really all about business and doing what is best for shareholders.’” Thus, as long as a decision improves return to shareholders, its effect on citizens, workers, communities or the environment just doesn’t rank.

Unfortunately, this idea—evaluate the “business” case, without regard to collateral damage, permeates the global capital system. Corporations are fueled by financial capital, which ultimately comes from our bank accounts, pension plans, insurance premiums and mutual funds, and from foundations and endowments created for public benefit—in other words, our money. And yet when that capital is invested in companies that ignore societal and environmental costs, we all suffer: Corporations use our savings to drive climate change, increase political instability, and risk our future in myriad ways.

The good news is that structures like “benefit corporations” can help us repair our broken system of capital allocation—but the clock is ticking.

 

À la prochaine…

Ivan Tchotourian

Gouvernance Nouvelles diverses objectifs de l'entreprise

Plus de dividendes et moins d’investissement

Article inquiétant d’Olivier Pinaud ans L’Agefi.fr intitulé « Les dividendes prennent le dessus sur les investissements ». Il semblerait que face au ralentissement économique mondial, les entreprises aient décidé de conserver un versement de dividendes toujours aussi importants… et cela au détriment de l’investissement, nécessaire pourtant à la croissance économique et à la survie des entreprises elles-mêmes !

 

Malgré des perspectives de résultats en baisse, les groupes cotés versent des dividendes dans des proportions toujours plus grandes.

 

À la prochaine…

Ivan Tchotourian

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Retour sur le devoir fiduciaire : une excuse pour maximiser le retour des actionnaires ?

Intéressant ce que relaie le Time. Il y a un des candidats à l’élection présidentielle américaine a invoqué le devoir fiduciaire pour justifier les politiques d’évitement fiscales qu’il a mises en œuvre pendant de nombreuses années : « Donald Trump’s ‘Fiduciary Duty’ Excuse on Taxes Is Just Plain Wrong ». Qu’en penser ? Pour la journaliste Rana Foroohar, la réponse est claire : « The Donald and his surrogates say he has a legal responsibility to minimize tax payments for his shareholders. It’s not a good excuse ».

 

It’s hard to know what to say to the New York Times’ revelation that Donald Trump lost so much money running various casino and hotel businesses into the ground in the mid-1990s ($916 million to be exact) that he could have avoided paying taxes for a full 18 years as a result (which may account for why he hasn’t voluntarily released his returns—they would make him look like a failure).

But predictably, Trump did have a response – fiduciary duty made me do it. So, how does the excuse stack up? Does Donald Trump, or any taxpayer, have a “fiduciary duty,” or legal responsibility, to maximize his income or minimize his payments on his personal taxes? In a word, no. “His argument is legal nonsense,” says Cornell University corporate and business law professor Lynn Stout,

 

À la prochaine…

Ivan Tchotourian

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État des dividendes dans le monde

Bonjour à toutes et à tous, petite nouvelle relayée par Les affaires : les dividendes continuent de croître ! Dans cet article « Dividendes: les endroits du monde où ils montent…et ralentissent », l’étude d’Henderson Global Investors est présenté dans ses grandes lignes (« Henderson Global Dividend Index – August 2016 »).

 

Le montant total des dividendes mondiaux a atteint 421,6 milliards de dollars d’avril à juin, soit une hausse de 9,7 milliards par rapport au deuxième trimestre 2015, selon un communiqué du gestionnaire d’actifs.

 

Quels sont les points essentiels à retenir ?

  • Global dividends rose in underlying terms by 1.2% year on year to $421.6bn.
  • US engine of global dividends decelerated to slowest growth since 2013, partly thanks to the stronger dollar.
  • Europe saw broad-based, encouraging growth year on year – Q2 saw two thirds of Europe’s dividends.
  • France and Netherlands show second and third fastest growth in the world.
  • 80% of European companies raise or maintain dividends.
  • The strong yen has impacted corporate profits and Japanese dividend growth, though in dollars, Japanese dividends rose strongly.

À la prochaine…

Ivan Tchotourian

Nouvelles diverses

Rachat d’actions : le vent en poupe

Selon un article de L’Agefi (« Les rachats d’actions aux Etats-Unis s’intensifient »), le montant des rachats d’actions effectués au premier trimestre par les entreprises de l’indice S&P 500 ne cesse de croître.

 

Sur la base des données disponibles, soit 80% de l’échantillon, ils sont de 20% supérieurs aux rachats effectués le trimestre précédent, et dépassent de 31% les montants enregistrés lors de la même période de 2015 aux Etats-Unis, selon les statistiques provisoires de S&P Dow Jones Indices.

Le compteur des rachats au premier trimestre atteint déjà 142,5 milliards de dollars sur la base des données provisoires. Au dernier trimestre 2015, ils approchaient 146 milliards de dollars, pour un total supérieur à 572 milliards sur l’année écoulée. Le record de rachat sur trois mois remonte au troisième trimestre 2007, qui a marqué le début de la crise financière, avec 172 milliards dépensés sur un trimestre par les sociétés du S&P 500 pour acquérir leurs propres titres.

 

J’avais eu l’occasion de m’exprimer il y a peu sur ce sujet dans un billet du blogue Contact intitulé : « Rachat d’actions: cul-de-sac pour les entreprises? ».

Petit extrait : Comme je l’ai démontré, le rachat d’actions est donc une décision atypique qui soulève ses propres contradictions et réserves. Si une décision de racheter des actions est prise par le CA d’une entreprise, celle-ci doit en mesurer les conséquences:

  • Ouvrir assurément et facilement la voie à la critique.
  • Envoyer un signal souvent interprété de manière différente par les partenaires internes (je pense aux actionnaires et aux salariés, par exemple) et externes d’une entreprise.

Plus grave, à mon sens, le rachat d’actions peut cacher une politique de court terme lourde de sens: empêcher des investissements d’avenir indispensables à la relance de l’économie.

Sous peine de menacer l’équilibre dans la répartition de richesse, l’économie ne saurait en être une de rachat d’actions. Entreprises et CA, vous avez là une responsabilité qui dépasse l’entreprise: une responsabilité sociétale!

 

À la prochaine…

Ivan Tchotourian