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Participation des salariés : relancer l’idée ?

Dans Contrepoints, le professeur Michel Albouy soutient l’idée française exprimée récemment de relancer la participation des salariés : « Oui, il ne faut pas avoir peur de relancer la participation des salariés » (28 mai 2020).

Extrait :

Dans un monde en crise suite à la pandémie du Covid-19, le partage des richesses, via l’association capital-travail devient pour notre ministre un enjeu essentiel pour répondre « à la lutte des classes sociales que l’on voit resurgir ». Il n’a pas tort si on se réfère aux nombreuses déclarations d’intellectuels de gauche appelant à une répartition plus égalitaire des richesses dans le monde post Covid-19, avec évidemment davantage d’impôts et le rétablissement de l’ISF comme le réclament les économistes Thomas Piketty et Esther Duflo, prix Nobel d’économie.

La participation des salariés aux bénéfices des entreprises – une idée chère au Général de Gaulle – a été instaurée en 1967 par ordonnances sous le gouvernement Pompidou, malgré les résistances à l’époque du patronat qui y voyait une atteinte au droit des actionnaires et des syndicats ouvriers qui s’inquiétaient de cette collaboration de classes en devenir.

La réforme visait initialement les entreprises de plus de 100 salariés et prévoyait le blocage des sommes distribuées dans une réserve spéciale durant cinq ans. Cette règle a été étendue en 1990 aux entreprises de plus de 50 salariés. En 2015, la loi Macron a renforcé les avantages fiscaux dont la participation est assortie. En 2019, la loi Pacte en a assoupli certains dispositifs.

À l’heure actuelle, le ministre de l’Action et des Comptes publics n’a pas dévoilé les modalités concrètes pour développer davantage l’épargne salariale. Plusieurs pistes sont évoquées comme la généralisation à toutes les entreprises, ou encore une modification du plafond des primes, aujourd’hui fixé à 20 % du salaire brut. Une nouvelle réduction du forfait social pourrait être également envisagée.

Bien que les modalités concrètes de cette relance de l’actionnariat salarié ne soient pas encore connues, il est possible à partir des recherches réalisées en sciences de gestion de dresser un petit bilan des avantages et des risques d’une telle réforme.

L’actionnariat salarié est souvent présenté comme une stratégie gagnant-gagnant pour l’entreprise et ses salariés. Eh oui, il est vrai que la participation des salariés au capital des entreprises présente de nombreux avantages. C’est tout d’abord un moyen d’associer les salariés à la gestion de l’entreprise, de leur permettre de les faire participer à la création de valeur actionnariale, et de les fidéliser. C’est aussi un moyen de stabiliser le capital des entreprises et leur permettre de mieux résister à des opérations capitalistiques inamicales.

(Associer les salariés à la gestion de leur entreprise est un puissant levier de motivation si l’on en croit les nombreuses études réalisées sur cette problématique. Il apparait que les entreprises ayant une très forte culture d’actionnariat salarié enregistrent un taux moyen de départs volontaires inférieur à celui des entreprises ayant une faible culture dans ce domaine.

La participation permet également d’aligner les intérêts des salariés et ceux des managers sur les objectifs de développement de l’entreprise. Et puis, c’est un bon moyen de renforcer la cohésion et de sensibiliser les salariés aux objectifs économiques et financiers de l’entreprise.

Devenant actionnaires de leur entreprise, les salariés sont associés à sa valorisation. Ce mécanisme peut ainsi leur permettre de se créer un capital financier en bénéficiant en outre de dispositions financières et fiscales favorables. Les dispositifs utilisés permettent en effet d’acquérir des actions à des conditions préférentielles grâce aux décotes sur les cours, à l’abondement versé par l’entreprise et aux avantages fiscaux associés à ces dispositifs.

En matière de gouvernance, l’actionnariat salarié renforce la stabilité du capital par un actionnariat impliqué au devenir à long terme de l’entreprise. Comme le montre la recherche en gestion, l’actionnariat salarié constitue également un mécanisme de protection contre d’éventuelles tentatives de prise de contrôle (OPA) inamicale de la part d’une entreprise concurrente ou d’un investisseur financier. À condition naturellement que le capital aux mains des salariés soit significatif.

(…)

Si l’actionnariat salarié présente incontestablement de nombreux avantages, il ne faudrait pourtant pas passer sous silence ses risques, que ce soit pour les salariés comme pour l’entreprise, surtout si son développement devenait trop important.

1. Pour les salariés

Être associé au capital de l’entreprise c’est aussi être associé à ses gains comme à ses pertes. Ce rappel évident et bien connu des investisseurs, nous permet de relativiser les gains potentiels des salariés actionnaires. En ce sens, une participation aux bénéfices de l’entreprise n’est pas équivalente à une augmentation de salaire. Certes, si tout va bien et que l’entreprise prospère, les salariés seront gagnants mais ce scénario optimiste n’est pas garanti. Il est ainsi possible qu’à l’échéance de leurs plans de participation certains salariés soient déçus et que la promesse d’enrichissement ne soit pas tenue. En d’autres termes, il ne faudrait pas que les salariés oublient le principe de diversification cher aux investisseurs. Ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier reste un conseil de bon sens. Outre que les salariés investissent déjà leur capital humain dans l’entreprise, s’ils investissent également une part significative de leurs avoirs dans son capital, ils pourraient au final être perdants sur tous les tableaux.

2. Pour les entreprises

Si la présence des salariés au capital des entreprises est une bonne chose pour fidéliser et motiver les employés, et stabiliser la gouvernance, elle peut néanmoins se traduire par une perte d’agilité pour le management. En effet, même s’ils sont actionnaires de leur entreprise, les salariés mettront toujours en premier leur statut d’employé avant celui d’actionnaire surtout en cas de décisions difficiles de restructuration. Comment en effet des salariés actionnaires représentés au Conseil d’administration pourraient valider la fermeture de sites non rentables ? Entre leurs intérêts d’actionnaires et ceux des salariés l’arbitrage est vite fait. Le cas de Renault et à cet égard très révélateur lors de la fermeture en 1997 du site de Vilvorde en Belgique. Tant que les salariés actionnaires restent minoritaires, la logique financière de l’entreprise demeure. Mais si ceux-ci deviennent majoritaires on bascule dans un autre système proche de celui des sociétés coopératives (SCOP). Or, et malgré leurs intérêts, les SCOP n’ont jamais vraiment challengé les sociétés anonymes par action (SA), surtout en termes de croissance et de développement. Et puis, une participation trop importante des salariés au capital de l’entreprise peut effrayer des investisseurs au cas où l’entreprise en difficulté aurait besoin d’une recapitalisation.

Au total, que penser de la proposition du ministre des Comptes Gérald Darmanin ? Même s’il existe quelques risques à un développement trop important de l’actionnariat salarié, il nous semble que les avantages l’emportent largement, surtout dans la situation que connaît notre pays. Associer le travail au capital reste une belle et puissante idée dans un pays trop imprégné par la lutte des classes et les rêves de nationalisation. Le Général de Gaulle avait vu juste il y a plus de cinquante ans.

À la prochaine…

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Un ambitieux projet de loi : inscrire le bien commun dans la Constitution

En France, a été déposée une Proposition de loi constitutionnelle portant inscription du bien commun dans la Constitution , n° 2909 (11 mai 2020).

Extrait :

Le Parlement est à la hauteur des défis du temps, lorsqu’il légifère pour lutter contre la fraude fiscale, l’esclavage moderne, les écocides ou l’accaparement des terres. Pourtant, plusieurs lois, poursuivant ces fins, ont en commun d’avoir été censurées par le Conseil Constitutionnel. 

Ce fut le cas par exemple de la loi imposant aux sociétés holding un reporting public pour lutter contre l’évasion fiscale ou encore de celle visant à garantir la protection et le partage du sol face à la spéculation foncière.

Ces censures, parmi d’autres, ont été décidées au nom du droit de propriété et de la liberté d’entreprendre, déduits par le Conseil Constitutionnel de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Au 18e siècle, ces principes ouvraient aux nouveaux citoyens la possibilité de s’affranchir de toute forme de despotisme.

Étonnante déformation de ces droits nés pour émanciper le sujet, devenus, par l’interprétation qui leur est donnée, des moyens offerts aux plus puissants de s’opposer au bien commun et à l’exercice de leurs libertés par les plus humbles ! 

Rien ne justifie de se complaire dans l’impuissance publique.

En ce début du 21e siècle, l’urgence est de donner leur pleine mesure à la justice et à la liberté. Face à la démesure, il appartient à l’État de droit de prévenir cette distribution inégale des droits et devoirs, qui met aux prises des populations humaines, soucieuses de leur développement et des puissances privées habiles à réclamer et à profiter des limites, que le Parlement se voit sommé de fixer à ses propres initiatives.

Comment justifier aujourd’hui notre incapacité à légiférer pleinement pour sanctionner le travail des enfants dans les manufactures du bout du monde, assurer une souveraineté alimentaire, protéger la biodiversité, lutter contre le changement climatique ou encore abolir le privilège des puissants à se soustraire à l’impôt ?

Le temps est venu de poser démocratiquement des limites à la puissance privée, afin qu’elle se déploie dans le respect de l’intérêt général. Des limites qui donnent un sens humain à l’extraordinaire potentiel d’innovation de l’esprit d’entreprise.

Une réforme sage et mesurée de notre Constitution est devenue une urgence. Dans l’esprit de ce que d’autres pays européens connaissent déjà, cette réforme pourrait prendre la forme d’une modification constitutionnelle[…].  »

Le mardi 29 mai 2018, Mme Mireille Delmas‑Marty, M. Antoine Lyon‑Caen, Mme Cynthia Fleury et 47 autres intellectuels ont publié dans Le Monde la tribune ci‑dessus rédigée avec le député Dominique Potier.

Lors de l’examen, non achevé, en juillet 2018 par l’Assemblée nationale du projet de loi constitutionnelle n° 911 pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace, le groupe Socialistes et Apparentés, avec l’appui de députés issus quatre autres groupes parlementaires, a présenté des amendements visant à inscrire le bien commun dans notre Constitution.

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

Article 1er

Avant la dernière phrase du premier alinéa de l’article 1er de la Constitution, il est ajouté une phrase ainsi rédigée :

« Elle garantit la préservation des biens communs mondiaux définis par la loi. »

Article 2

Après le dix‑septième alinéa de l’article 34 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La loi détermine les mesures propres à assurer que l’exercice du droit de propriété et de la liberté d’entreprendre respecte le bien commun. Elle détermine les conditions dans lesquelles les exigences constitutionnelles ou d’intérêt général justifient des limitations à la liberté d’entreprendre et au droit de propriété. »

À la prochaine…

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Proxy advisor : la SEC recule

Le quotidien Les Échos.fr vient de faire tomber la nouvelle : « La SEC renonce à sa proposition phare pour limiter le pouvoir les agences de conseil en vote ».

Le gendarme des marchés américains ne veut plus imposer aux agences de conseil en vote de soumettre leurs analyses aux entreprises cotées avant de les envoyer à leurs clients. En revanche, elle veut que les investisseurs arrêtent de voter aux assemblées générales en suivant aveuglément leurs recommandations.

À la prochaine…

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COVID-19 et réformes en matière de droit des sociétés par actions : tendances et questions

Bonjour à toutes et à tous, je signale cette intéressante étude : Zetzsche, Dirk Andreas and Anker-Sørensen, Linn and Consiglio, Roberta and Yeboah-Smith, Miko, « The COVID-19-Crisis and Company Law – Towards Virtual Shareholder Meetings », 15 avril 2020, University of Luxembourg Faculty of Law, Economics & Finance, WPS 2020-007.

Extrait :

Regulators and Parliaments around the world have responded to the COVID-19 epidemic by amending company law. This crisis legislation allows us to examine how, and to what effect, the corporate governance framework can be amended in times of crisis. In fact, almost all leading industrialized nations have already enacted crisis legislation in the field of company law. 

In our recent working paper, ‘The COVID-19-Crisis and Company Law – Towards Virtual Shareholder Meetings’,  we have sought to (1) document the respective crisis legislation; (2) assist countries looking for solutions to respond rapidly and efficiently to the crisis; (3) exchange experiences of crisis measures; and (4) spur academic discussion on the extent to which the crisis legislation can function as a blueprint for general corporate governance reform.

Countries considered in full or in part include Australia, Austria, Belgium, Canada, China, France, Germany, Hong Kong, Italy, Luxembourg, the Netherlands, Norway, Portugal, Singapore, South Korea, Spain, Switzerland, Thailand, the United Kingdom, and the United States. Readers are encouraged to highlight any inaccuracies in our presentation of the respective laws, and to bring further crisis-related legislation not considered in this working draft to the attention of the authors. Moreover, readers are invited to indicate where there is room for improvement therein, and/or to signal the need for policy reform.

Drawing on the analysis of these more than twenty countries, we note five fields in which legislators have been particularly active. First, the extension of filing periods for annual and quarterly reports to reflect the practical difficulties regarding the collection of numbers and the auditing of financial statements. Second, company law requires shareholders to take decisions in meetings—and these meetings were for the most part in-person gatherings. However, since the gathering of individuals in one location is now at odds with the measures being implemented to contain the virus, legislators have generally allowed for virtual-only meetings, online-only proxy voting and voting-by-mail, and granted relief to various formalities aimed at protecting shareholders (including fixed meeting and notice periods). Third, provisions requiring physical attendance of board members, including provisions on signing corporate documents, have been temporarily lifted for board matters. Fourth, parliaments have enacted changes to allow for more flexible and speedy capital measures, including the disbursement of dividends and the recapitalization of firms, having accepted that the crisis impairs a company’s equity. Fifth and finally, some countries have implemented temporary changes to insolvency law to delay companies’ petitioning for insolvency as a result of the liquidity shock prompted by the imposition of overnight lockdowns.

The legislation passed in response to the COVID-19 crisis provides for an interesting case study through which to examine what can be done to modernize the corporate governance framework with a view to furthering digitalization. Given the difficulties or indeed the impossibility of conducting in-person meetings currently, the overall trajectory of company law reforms has been to allow for digitalization of corporate governance, and ensuring the permissibility of virtual shareholder meetings (VSM), in particular. 

In this respect, it is safe to assume that the rules on VSM will have model character. While the details of the modus operandi of VSM will require careful adjustment, to ensure that shareholders will be afforded the same rights and opportunities to participate as they would at an in-person meeting (including Q&A), the experimental phase during the crisis will feed into the policy discussion, with some more successful and some less successful examples providing food for thought. Yet, it is safe to say that the COVID-19 pandemic has unveiled the need for virtual-only shareholder meetings, and that some types of VSM will stay for good long after the current crisis has subsided. 

À la prochaine…

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Droit de vote : son importance rappelée

Le 3 mai 2020, l’AMF France vient de rappeler le droit fondamental des actionnaires d’exprimer leur vote en assemblée générale. Un rappel pertinent me semble-t-il !

Extrait :

En amont de la tenue d’assemblées générales, dont certaines peuvent donner lieu à de vives contestations, l’AMF rappelle le droit fondamental des actionnaires d’exprimer leur vote en assemblée générale, dont le caractère d’ordre public a été rappelé par la jurisprudence et qui doit s’exercer dans le respect du principe d’égalité des actionnaires.

Si un dialogue actionnarial, et notamment des échanges entre les dirigeants sociaux (ou leurs mandataires) d’un émetteur et des actionnaires, peut naturellement intervenir en amont d’une assemblée générale, de telles démarches ne sauraient se traduire par des pressions de nature à compromettre la sincérité du vote ou à entraver la libre expression du vote des actionnaires, ou intervenir en violation du règlement (UE) n° 596/2014 du 16 avril 2014 sur les abus de marché.

Il est rappelé qu’aux termes de l’article L. 242-9 du code de commerce, constituent un délit le fait d’empêcher un actionnaire de participer à une assemblée d’actionnaires ainsi que le fait de se faire accorder, garantir ou promettre des avantages pour voter dans un certain sens ou pour ne pas participer au vote, ainsi que le fait d’accorder, garantir ou promettre ces avantages. 

À la prochaine…

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Une incorporation aux Pays-Bas vous tente ?

Plusieurs entreprises européennes ont choisi de s’immatriculer aux Pays-Bas plutôt que dans leur pays d’origine. Pourquoi ce choix ? Mme Laurence Boisseau fournit un bel éclairage dans l’article suivant : « Siège social aux Pays-Bas : les risques pour les actionnaires » (Les Échos.fr, novembre 2019).

Extrait :

Actions à droit de vote multiple

La différence la plus sensible réside dans les actions à droit de vote multiple, qui sont autorisées aux Pays-Bas et pas en France. Dans l’Hexagone, seuls des droits de vote double sont possibles. Aux Pays-Bas existent différentes catégories d’actions, sans aucune limite sur les droits de vote. Cela permet de verrouiller un capital et donc de protéger une entreprise contre une tentative de prise de contrôle.

Autre point, moins favorable aux actionnaires, le seuil à partir duquel il est possible de déposer des résolutions aux assemblées générales. Aux Pays-Bas, il faut avoir rassemblé 3 % du capital, en France, seulement 0,5 %. Et c’est déjà beaucoup, se plaignent certains représentants de fonds. Pour déposer une résolution chez Total, cela suppose d’avoir investi plusieurs centaines de millions d’euros. En revanche, les résolutions sont votées avec les mêmes majorités, simples la plupart du temps. La majorité qualifiée, soit 66 %, concerne des modifications de statuts.

Salaires des patrons

Les salaires des patrons sont en revanche scrutés de plus près en France. Pour l’instant, seule la politique de rémunération est soumise au vote des actionnaires néerlandais. Mais, en 2020, la donne sera différente car les Pays-Bas auront transposé la directive des actionnaires. L’assemblée générale votera donc les rémunérations individuelles des dirigeants, avec un vote consultatif. En France, ce vote est devenu contraignant avec la loi Sapin II suite à l’affaire Renault.

Les minoritaires sont mieux traités aux Pays-Bas en matière de retrait de la cote : le seuil à partir duquel une société peut être retirée est de 95 % aux Pays-Bas contre 90 % en France depuis la loi Pacte. Il est donc plus favorable aux minoritaires dans le premier cas.

Enfin, les Pays Bas offrent un cadre plus accueillant aux « class actions », ces actions collectives en justice par lesquelles des actionnaires peuvent demander des comptes à des entreprises. Dans certaines affaires, des plaignants ont obtenu des sommes importantes. En 2007, la justice a accordé 1,37 milliard d’euros à près de 300.000 actionnaires de la banque franco-belge Dexia, en lien avec l’effondrement du cours de Bourse en 2001. En France, les « class actions » n’existent pas pour les affaires concernant la Bourse.

À la prochaine…

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Le green deal, un pas de plus dans le sens de la RSE : lecture conseillée

Belle tribune de Jean-Marc Gollier dans La tribune intitulée « Le green deal, un pas de plus dans le sens de la RSE (responsabilité sociétale de l’entreprise) » (mars 2020). Je vous en conseille la lecture, une belle occasion de se mettre à jour sur ce qui se fait en Europe…

Extrait (références omises) :

La Commission nouvelle est arrivée

Depuis décembre 2019, il y a une nouvelle Commission européenne, présidée par Mme Ursula von der Leyen, qui a réclamé une Commission composée pratiquement paritairement de femmes et d’hommes – ce qui devrait inspirer notre profession encore trop masculine.

Cette Commission claironne que nous devons opérer une « transition » vers une société plus soucieuse de son environnement. De fait, notre prospérité est menacée de toutes parts, nos libertés vacillent, notre cohésion sociale est en lambeaux. Il est grand temps de revoir notre modus vivendi. Nous devons mieux exploiter la richesse qui nous entoure et que nous créons, en rendant cette exploitation plus durable.

Le Green Deal (Pacte Vert)

Parmi les multiples chantiers qu’Ursula von der Leyen veut ouvrir, il y a le « Green Deal », en français le « Pacte Vert », qui veut « faire de l’Europe le premier continent climatiquement neutre d’ici à 2050 ». Ce serait un exploit aussi extraordinaire et unique que le premier pas sur la Lune.

Ce pacte a fait l’objet d’une « communication » de la Commission européenne le 11 décembre 2019 (ci-dessous A). En exécution de ce pacte, la Commission a adopté, le 14 janvier 2020, un plan d’investissement pour une Europe durable de mille milliards d’euros et proposé la création d’un Fonds pour une transition juste (ci-dessous, B). Elle a déposé, le 4 mars 2020, une proposition de règlement européen établissant un cadre pour parvenir à la neutralité climatique en 2050, aussi appelée la « loi climat » (ci-dessous C). La Commission invite enfin chacun d’entre-nous à participer à une grande consultation destinée à mobiliser toutes les forces vives européennes autour du climat (ci-dessous, D).

A. Le Pacte Vert

En quoi suis-je concerné par ce grand projet ? Sur le site de la Commission, on trouve un florilège d’annonces qui vont d’un air plus pur, une énergie plus propre, des aliments plus sains, à de meilleures options de transport public, une meilleure santé et des institutions publiques (écoles, hôpitaux) rénovés.

Economiquement, cela signifie une production et des emplois adaptés à ce monde nouveau, des industries et des transports moins polluants, des PME soutenues dans la transition, un plan d’action pour une « économie circulaire » (plus de produits réparables, moins d’emballages, des productions plus proches du consommateur), et une « stratégie de la ferme à l’assiette » (40% de la PAC sera consacrée à la préservation de l’environnement, la production ‘bio’ sera encouragée) et une digitalisation de la société qui ne laisse personne sur le carreau.

Une feuille de route détaille le calendrier de la Commission : outre ce qui a été réalisé depuis décembre 2019, la Commission entend notamment, d’ici à fin 2021, revoir la directive relative aux « échanges de quotas d’émissions » de CO2, la directive relative aux normes de performance des véhicules automobiles et instaurer un mécanisme d’« ajustement carbone » aux frontières pour éviter d’importer des biens qui n’auront pas été produits d’une manière environnementalement durable.

B. Plan d’investissement pour une Europe durable

Ce plan s’insère dans les discussions du budget de l’Union européenne. Il a trois grands objectifs :

  • Mobiliser au moins 1.000 milliards d’euros pour soutenir les investissements durables en Europe entre 2021 et 2027. Le programme « InvestEU » sera utilisé, la Banque européenne d’investissement y participera également.
  • Créer un cadre facilitateur pour identifier les projets durables en fonction notamment de la taxonomie qui est mise en place dans la réglementation financière européenne.
  • Aider les administrations publiques et les promoteurs de projets à identifier, structurer et exécuter des projets durables.

Ce plan contient un Fonds de 7,5 milliards d’euros et un mécanisme « pour une transition juste » qui mobilisera jusqu’à 100 milliards d’euros. Les populations, les régions et les entreprises les moins bien préparées à la transition seront aidées au moyen de ce Fonds et de ce mécanisme. Le développement durable, ce n’est pas qu’une affaire de bobos. C’est pour tous et par tous.

C. La proposition de « Loi Climat »

Cette proposition de règlement part du constat du GIEC selon lequel pour limiter la hausse de la température à 1,5° par rapport à l’époque préindustrielle, il faudra parvenir à la neutralité carbone vers 2050. L’accord de Paris (COP21) ambitionnait seulement une hausse de 2°. La tendance actuelle (à pratiques constantes) aboutirait à une augmentation de 3,5 à 4°, ce qui impliquerait un bouleversement total de notre environnement et de nos conditions de vie.

Dans le préambule de la proposition de règlement, la Commission constate

  • que le Parlement européen a, par résolution, déclaré l’« état d’urgence climatique » le 28 novembre 2019 (ce qui nous fait une belle jambe, ndlr) et que le Conseil européen a fait de la « construction d’une Europe neutre pour le climat, verte, équitable et sociale » une de ses quatre grandes priorités de son programme stratégique 2021-2024 ;
  • que l’Europe a depuis longtemps un souci de l’environnement qui a permis, entre 1990 et 2018, une réduction de 23% de l’émission de gaz à effet de serre tandis que l’économie connaissait une croissance de 61% pendant la même période ;
  • que les politiques actuelles ne permettront de réduire les émissions de gaz à effet de serre que de 60% d’ici à 2050.

Le projet de règlement vise à établir un cadre pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Un seul pays reste pour l’instant en dehors de ce cadre, la Pologne, dont la production électrique, par exemple, dépend encore à 80% du charbon qu’elle extrait en grande partie de ses mines.

Le projet vient renforcer le règlement « gouvernance énergie-climat » du 11 décembre 2018 qui réclamait que chaque Etat membre adopte, pour la première fois pour le 31 décembre 2019 et ensuite au plus tard tous les dix ans un « Plan national intégré en matière d’énergie et de climat » portant sur les dix ans à venir et indiquant en quoi ce plan permettra, selon la « trajectoire » qu’il définit, d’atteindre la décarbonation de son économie. Ce plan national devait avoir été soumis au plus tard le 31 décembre 2018 à la Commission. La Commission procède à son évaluation et émet des recommandations. Tous les trois ans, les Etats membres examinent la pertinence de leur plan et informe la Commission de la nécessité ou non d’une mise à jour pour atteindre les objectifs du plan.

Le projet ajoutera à cette règlementation un objectif chiffré précis auquel les Etats membres devront adapter leurs ambitions si elles ne sont pas à la hauteur afin d’atteindre, ensemble, la neutralité carbone en 2050. Les sanctions du non-respect des objectifs ou d’un manque de solidarité des Etats membres se concrétisera plus par le jugement de l’opinion publique que par une sanction juridique contraignante.

D. Pacte européen pour le climat

Il faut enfin signaler que la Commission, dans son désir de mobiliser toutes les forces vives de l’Europe pour le but ambitieux qu’elle se fixe, a lancé une consultation populaire pour donner « à chacun une voix et un espace pour concevoir de nouvelles actions pour le climat, partager des informations, lancer des activités locales et présenter des solutions susceptibles d’être reproduites ailleurs ».

Alors allez-y, vous aussi, engagez-vous personnellement pour notre avenir commun et celui des générations futures. Participez à cette grande consultation.

Envoi

Au moment où je vous écris, je suis confiné en raison de la pandémie du Covid-19. Brusquement, nous nous sommes rendu compte que notre prudence au moment où la crise s’annonçait était capitale pour éviter la tragédie. Tout cela s’est passé dans un laps de temps très court.

L’urgence climatique est du même ordre, mais elle se passe sur un laps de temps qui dépasse la vie humaine. Cela explique le comportement irresponsable de certains. Mais il y a beaucoup à gagner à agir en assumant pleinement la responsabilité de ses actes. C’est avec cela que nous reconstruirons ce qui manque à notre époque.

L’Europe a une ambition à la hauteur du défi climatique. Elle veut montrer l’exemple. Elle parie que cette attitude renforcera sa position concurrentielle dans le monde. Je pense qu’elle a raison. Elle prend des risques, mais, dans ces temps troublés, il faut vivre dangereusement, avec audace, sous peine de vivre soumis, ce qui n’est pas digne d’un Européen, ni d’aucun citoyen du monde.

À la prochaine…