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Actionnaires et parties prenantes : quelle gouvernance à venir ? : un beau texte de l’IGOPP

À l’été 2020, Yvan Allaire et François Dauphin ont publié une belle tribune dans Le Devoir intitulé : « Actionnaires et parties prenantes : quelle gouvernance à venir ? ». Ils démontrent tout leur scepticisme en mettant en lumière les zones d’ombre du modèle des parties prenantes.

En raison surtout d’une véritable révolution des modes et quanta de rémunération des hauts dirigeants, les sociétés cotées en bourse en sont venues graduellement depuis les années ’80s à œuvrer presqu’exclusivement pour maximiser la création de valeur pour leurs actionnaires.

Tout au cours de ces 40 ans, ce modèle de société fut critiqué, décrié, tenu responsable pour les inégalités de revenus et de richesse et pour les dommages environnementaux. Toutefois, tant que cette critique provenait d’organisations de gauche, de groupuscules sans appui populaire, les sociétés pouvaient faire fi de ces critiques, les contrant par des campagnes de relations publiques et des ajustements mineurs à leur comportement.

Soudainement, pour des raisons multiples, un peu mystérieuses, cette critique des entreprises et du « capitalisme » a surgi du cœur même du système, soit, de grands actionnaires institutionnels récemment convertis à l’écologie. Selon cette nouvelle perspective, les sociétés cotées en bourse devraient désormais non seulement être responsables de leurs performances financières, mais tout autant de l’atteinte d’objectifs précis en matière d’environnement (E), d’enjeux sociaux (S) et de gouvernance (G). Pour les grandes entreprises tout particulièrement, le triplé ESG, de facto le modèle des parties prenantes, est devenu une caractéristique essentielle de leur gouvernance.

Puis, signe des temps, quelque 181 PDG des grandes sociétés américaines ont pris l’engagement, il y a un an à peine, de donner à leurs entreprises une nouvelle «raison d’être » (Purpose en anglais) comportant un « engagement fondamental » envers clients, employés, fournisseurs, communautés et leur environnement et, ultimement, les actionnaires.

De toute évidence, le vent tourne. Les questions environnementales et sociales ainsi que les attentes des parties prenantes autres que les actionnaires sont devenues des enjeux incontournables inscrits aux agendas politiques de presque tous les pays.

Les fonds d’investissement de toute nature bifurquèrent vers l’exigence de plans d’action spécifiques, de cibles mesurables en matière d’ESG ainsi qu’un arrimage entre la rémunération des dirigeants et ces cibles.

Bien que louable à bien des égards, le modèle de « parties prenantes » soulève des difficultés pratiques non négligeables.

1. Depuis un bon moment la Cour suprême du Canada a interprété la loi canadienne de façon favorable à une conception « parties prenantes » de la société. Ainsi, un conseil d’administration doit agir exclusivement dans l’intérêt de la société dont ils sont les administrateurs et n’accorder de traitement préférentiel ni aux actionnaires ni à toute autre partie prenante. Toutefois la Cour suprême n’offre pas de guide sur des sujets épineux conséquents à leur conception de la société : lorsque les intérêts des différentes parties prenantes sont contradictoires, comment doit-on interpréter l’intérêt de la société? Comment le conseil d’administration devrait-il arbitrer entre les intérêts divergents des diverses parties prenantes? Quelles d’entre elles devraient être prises en compte?

2. Comment les entreprises peuvent-elles composer avec des demandes onéreuses en matière d’ESG lorsque des concurrents, domestiques ou internationaux, ne sont pas soumis à ces mêmes pressions?

3. À un niveau plus fondamental, plus idéologique, les objectifs ESG devraient-ils aller au-delà de ce que la réglementation gouvernementale exige? Dans une société démocratique, n’est-ce pas plutôt le rôle des gouvernements, élus pour protéger le bien commun et incarner la volonté générale des populations, de réglementer les entreprises afin d’atteindre les objectifs sociaux et environnementaux de la société? Mais se peut-il que cette conversion des fonds d’investissement aux normes ESG et la redécouverte d’une « raison d’être » et des parties prenantes par les grandes sociétés ne soient en fait que d’habiles manœuvres visant à composer avec les pressions populaires et atténuer le risque d’interventions « intempestives » des gouvernements?

4. Quoi qu’il en soit, le changement des modes de gestion des entreprises, présumant que cette volonté est authentique, exigera des modifications importantes en matière d’incitatifs financiers pour les gestionnaires. La rémunération des dirigeants dans sa forme actuelle est en grande partie liée à la performance financière de l’entreprise et fluctue fortement selon le cours de l’action. Relier de façon significative la rémunération des dirigeants à certains objectifs ESG suppose des changements complexes qui susciteront de fortes résistances. En 2019, 67,2% des firmes du S&P/TSX 60 ont intégré au moins une mesure ESG dans leur programme de rémunération incitative. Toutefois, seulement 39,7% ont intégré au moins une mesure liée à l’environnement. Quelque 90% des firmes qui utilisent des mesures ESG le font dans le cadre de leur programme annuel de rémunération incitative mais pas dans les programmes de rémunération incitative à long terme. Ce fait est également observé aux États-Unis, alors qu’une étude récente de Willis Towers Watson démontrait que seulement 4% des firmes du S&P 500 utilisaient des mesures ESG dans des programmes à long terme.

5. N’est-il pas pertinent de soulever la question suivante : si l’entreprise doit être gérée selon le modèle des « parties prenantes », pourquoi seuls les actionnaires élisent-ils les membres du conseil d’administration? Cette question lancinante risque de hanter certains des promoteurs de ce modèle, car il ouvre la porte à l’entrée éventuelle d’autres parties prenantes au conseil d’administration, telles que les employés. Ce n’est peut-être pas ce que les fonds institutionnels avaient en tête lors de leur plaidoyer en faveur d’une conversion ESG.

Un vif débat fait rage (du moins dans les cercles académiques) sur les avantages et les inconvénients du modèle des parties prenantes. Dans le milieu des entreprises toutefois, la pression incessante des grands investisseurs a converti la plupart des directions d’entreprises à cette nouvelle religion ESG et parties prenantes même si plusieurs questions difficiles restent en suspens.

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Profit Keeps Corporate Leaders Honest

Article amenant à réfléchir dans le Wall Street Journal de Alexander William Salter : « Profit Keeps Corporate Leaders Honest » (8 décembre 2020).

Extrait :

(…) As National Review’s Andrew Stuttaford notes, this vision of wide-ranging corporate beneficence introduces a host of principal-agent problems in ordinary business decision-making. Profit is a concrete and clarifying metric that allows shareholders—owners—to hold executives accountable for their performance. Adding multiple goals not related to profit introduces needless confusion.

This is no accident. Stakeholder capitalism is used as a way to obfuscate what counts as success in business. By focusing less on profits and more on vague social values, “enlightened” executives will find it easier to avoid accountability even as they squander business resources. While trying to make business about “social justice” is always concerning, the contemporary conjunction of stakeholder theory and woke capitalism makes for an especially dangerous and accountability-thwarting combination.

Better to avoid it. Since profits result from increasing revenue and cutting costs, businesses that put profits first have to work hard to give customers more while using less. In short, profits are an elegant and parsimonious way of promoting efficiency within a business as well as society at large.

Stakeholder capitalism ruptures this process. When other goals compete with the mandate to maximize returns, the feedback loop created by profits gets weaker. Lower revenues and higher costs no longer give owners and corporate officers the information they need to make hard choices. The result is increased internal conflict: Owners will jockey among themselves for the power to determine the corporation’s priorities. Corporate officers will be harder to discipline, because poor performance can always be justified by pointing to broader social goals. And the more these broader goals take precedence, the more businesses will use up scarce resources to deliver diminishing benefits to customers.

Given these problems, why would prominent corporations sign on to the Great Reset? Some people within the organizations may simply prefer that firms take politically correct stances and don’t consider the cost. Others may think it looks good in a press release and will never go anywhere. A third group may aspire to jobs in government and see championing corporate social responsibility as a bridge.

Finally, there are those who think they can benefit personally from the reduced corporate efficiency. As businesses redirect cash flow from profit-directed uses to social priorities, lucrative positions of management, consulting, oversight and more will have to be created. They’ll fill them. This is rent-seeking, enabled by the growing confluence of business and government, and enhanced by contemporary social pieties.

The World Economic Forum loves to discuss the need for “global governance,” but the Davos crowd knows this type of social engineering can’t be achieved by governments alone. Multinational corporations are increasingly independent authorities. Their cooperation is essential.

Endorsements of stakeholder capitalism should be viewed against this backdrop. If it is widely adopted, the predictable result will be atrophied corporate responsibility as business leaders behave increasingly like global bureaucrats. Stakeholder capitalism is today a means of acquiring corporate buy-in to the Davos political agenda.

Friedman knew well the kind of corporate officer who protests too much against profit-seeking: “Businessmen who talk this way are unwitting puppets of the intellectual forces that have been undermining the basis of a free society these past decades.” He was right then, and he is right now. We should reject stakeholder capitalism as a misconception of the vocation of business. If we don’t defend shareholder capitalism vigorously, we’ll see firsthand that there are many more insidious things businesses can pursue than profit.

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Caisses de retraite au Canada : un pas de plus vers la finance verte

Dans La Presse, M. Décarie relaie une information intéressante pour la RSE et l’ISR : « Huit poids lourds pour une croissance plus durable et inclusive » (25 novembre 2020).

Extrait :

Ce sont les poids lourds de l’investissement au Canada. Ensemble, ils totalisent plus de 1600 milliards d’actifs sous gestion et ils ont décidé de mettre leur masse financière dans la balance en vue de forcer les entreprises à mieux présenter les données touchant les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance qui les concernent dans leur bilan d’activités.

Pour la première fois, les huit plus grands acteurs financiers au pays ont signé une déclaration commune qu’ils vont dévoiler ce mercredi et qui a le mérite d’être claire en formulant une demande simple : plus de transparence afin de permettre une meilleure prise de décision d’investissement qui tienne compte de facteurs autres que seulement financiers.

« La façon dont les entreprises définissent et abordent des enjeux tels que ceux qui concernent la diversité et l’inclusion, le capital humain et les changements climatiques peut contribuer de manière significative à la création ou à l’érosion de valeur. Les entreprises ont l’obligation de divulguer leurs principaux risques commerciaux ainsi que leurs occasions d’affaires aux marchés financiers, et elles doivent fournir des informations financièrement pertinentes, comparables et utiles à la prise de décision », résume la déclaration des huit PDG.

On le sait, chacune des huit organisations a ses propres critères d’investissement responsable et sa grille d’évaluation des enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), mais en regroupant leurs voix, leurs PDG sont d’avis qu’ils auront une plus grande force de persuasion.

C’est notamment l’avis de Neil Cunningham, PDG de l’Office d’investissement des régimes de pensions du secteur public (PSP), qui estime que la déclaration commune a le mérite d’envoyer un message au marché tout en sensibilisant les entreprises à l’importance de mieux rapporter leurs performances en matière d’enjeux ESG.

Standardiser la transparence

Investissements PSP gère 168 milliards d’actifs à partir de ses bureaux montréalais où travaillent plus de 750 professionnels de l’investissement. Neil Cunningham a observé que les entreprises qui mesurent et qui rapportent le plus fidèlement leur performance par rapport aux facteurs ESG vont mieux faire à long terme que celles qui ignorent ou minimisent ces enjeux.

Les PDG des huit plus grands gestionnaires de fonds de retraite du Canada se rencontrent deux fois par année avec le gouverneur de la Banque du Canada pour discuter des grands enjeux de l’heure. Lors d’une rencontre en mai dernier, ils ont convenu de l’importance de coordonner leurs efforts en matière d’enjeux ESG.

On est dans la vie de tous les jours des compétiteurs à la recherche d’opportunités de placement. On a tous des politiques d’investissement responsable et on s’est dit qu’il valait mieux se regrouper pour convaincre les entreprises d’adopter des normes qui vont permettre d’assurer une croissance économique plus durable et plus inclusive. 

Neil Cunningham, PDG de l’Office d’investissement des régimes de pensions du secteur public (PSP)

« Lors de notre dernière rencontre, il y a deux semaines, on a décidé de faire cette déclaration commune afin d’amener plus d’entreprises à rapporter leurs performances selon les normes du Sustainability Accounting Standards Board et celles du Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques », explique Neil Cunningham.

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CFA Institute : document de consultation

CFA Institute a proposé des standards en matière de divulgation des critères ESG dans les produits financiers : « Consulter Paper on the Development of the CFA Institute – ESG Disclosure Standards For Investments Products » (août 2020).

  • Pour un article de presse : ici

Petit extrait :

  • Disclosure Requirements Many of the Standard’s requirements will be related to disclosures. Disclosure requirements are a key way to provide transparency and comparability for investors. A disclosure requirement is simply a means of ensuring that asset managers communicate certain information to investors. There are different ways that disclosures might be required, both in terms of scope and method. Therefore, it is necessary to establish principles to ensure the disclosure requirements meet the purpose of the Standard. We propose the following design principles:
  • Disclosure requirements should focus on relevant, useful information. Disclosures must provide information that will help investors better understand investment products, make comparisons, and choose among alternatives. • Disclosure requirements should focus primarily on ESG-related features. Because the goal of the Standard is to enable greater transparency and comparability of investment products with ESG-related features, the Standard’s disclosure requirements should focus on these features. Focusing the disclosure requirements on ESG-related features also avoids adding unnecessarily to an asset manager’s disclosure burden.
  • Disclosure requirements should allow asset managers the flexibility to make the required disclosure in the clearest possible manner given the nature of the product. Disclosure requirements can easily be reformulated as questions. There are two types of questions—open-ended and closed-ended. Open-ended questions ask who, what, why, where, when, or how. Closed-ended questions require answers in a specific form—either yes/no or selected from a predefined list. The open-ended disclosure requirement format provides the flexibility needed for the Standard to be relevant on a global scale and to pertain to all types of investment products with ESG-related features. The open-ended nature of the disclosure requirements, however, must be balanced to a certain degree with a standardization of responses for the sake of comparison by investors. The forthcoming Exposure Draft will include examples of openended and standardized disclosures.
  • The disclosure requirements should aim to elicit a moderate level of detail. An investment product’s disclosures should accurately and adequately represent the policies and procedures that govern the design and implementation of the investment product. The Standard’s disclosure requirements can be thought of as a step between a database search and a due diligence conversation. The disclosures will provide more detail than can be standardized and presented in a database but less detail than the information one can obtain through a full due diligence process.
  • The disclosure requirements should prioritize content over format. The disclosure requirements will focus on what information is disclosed rather than how it is disclosed. The Standard will provide a certain degree of flexibility in the format for information presentation. Providing latitude in the format is intended to reduce an asset manager’s disclosure burden and allow for harmonization with disclosures required by regulatory bodies and other standards. The Exposure Draft will offer examples of presentation formats. • Disclosure requirements should be categorized as “general” or “feature-specific”. The Standard will have both general and feature-specific disclosure requirements. General disclosure requirements will apply to all investment products that seek to comply with the Standard. Feature-specific disclosure requirements will apply only to investment products that have a specific ESG-related feature.
  • The Standard should include disclosure recommendations in addition to requirements. We anticipate that in addition to the Standard’s required disclosures, the Standard will have recommended disclosures as well. Required disclosures represent the minimum information that must be disclosed in order to comply with the Standard. Recommended disclosures provide additional information that investors may find helpful in their decision making. Recommended disclosures are encouraged but not mandatory.

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Finance durable et gestion collective : l’AMF publie une mise à jour

A la suite de la publication le 11 mars 2020 de la position-recommandation DOC-2020-03 visant à assurer une proportionnalité entre la réalité de la prise en compte des facteurs extra-financiers dans la gestion et la place qui leur est réservée dans la communication aux investisseurs, l’AMF publie une première mise à jour de cette doctrine. Je vous laisse découvrir le tableau offert par l’AMF sur l’avant et l’après modification…

Extrait :

Adéquation de la communication et de l’importance de la prise en compte de critères extra-financiers dans la gestion

Jusqu’alors, la position-recommandation DOC-2020-03 prévoyait une distinction binaire : soit le placement collectif disposait d’une prise en compte significativement engageante sur la prise en compte de critères extra-financiers et il pouvait alors communiquer de façon centrale sur ces aspects, soit l’approche n’atteignait pas ces standards minimaux et il devait se contenter d’une communication « très brève et très proportionnée » dans sa documentation commerciale sur la prise en compte de ces critères.

La position-recommandation prévoit désormais, aux côtés de la possibilité de communiquer de façon centrale sur les aspects extra-financiers, la possibilité d’une communication dite ‘réduite’ pour les fonds qui prennent en compte dans leur gestion les critères extra-financiers sans en faire un engagement significatif. L’introduction de cette communication « réduite » sur la prise en compte de critères extra-financiers poursuit deux objectifs principaux :

  • Augmentation de la granularité: elle permettra de mieux distinguer entre elles des approches qui n’étaient jusqu’alors autorisées qu’à avoir une communication « très brève et très proportionnée » alors qu’elles mettent en œuvre des approches d’ambitions très variables, reflétant de manière plus adaptée la diversité des approches mises en œuvre par les sociétés de gestion dans ce domaine ;
  • Renforcement des exigences pour les approches n’atteignant pas les standards minimaux pour prétendre à une communication « réduite » : ces approches ne pourront plus communiquer sur la prise en compte de critères extra-financiers, en dehors de mentions dans leurs prospectus, là où une communication très brève et très proportionnée était possible jusqu’alors dans les documents commerciaux.

Les standards minimaux associés à la possibilité de se prévaloir d’une communication ‘réduite’ et devant figurer dans la documentation légale du placement collectif portent sur le fait de disposer d’une couverture significative d’analyse extra-financière (dont la portée est différenciée en fonction de la classe d’actifs) et d’assurer que la note ou l’indicateur moyen du placement collectif soit supérieure à la note ou l’indicateur moyen de l’univers d’investissement.

(…)

Communication centrale sur la prise en compte de critères extra-financiers pour certaines approches basées sur des indicateurs extra-financiers

La position-recommandation DOC-2020-03 mentionnait jusqu’alors deux approches présumées significativement engageantes et pouvant donc communiquer de façon centrale sur la prise en compte de critères extra-financiers. Ces approches, également reconnues par le label ISR Français, portent sur une exclusion significative de l’univers investissable et une amélioration significative de la note extra-financière du placement collectif (par exemple : moyenne pondérée de plusieurs critères portant sur des indicateurs sur les piliers environnementaux, sociaux et de gouvernance). Dans les autres cas, les SGP doivent être en mesure de démontrer à l’AMF en quoi leur approche est significative.

Cette mise à jour de la doctrine vise à expliciter la présomption du caractère significativement engageant à d’autres approches basées sur des indicateurs extra-financiers (émissions de gaz à effet de serre, équité femme-homme…) et non uniquement sur des notes extra-financières. Les standards minimaux associés sont comparables à ceux actuellement requis pour les approches significativement engageantes basées sur des notes extra-financières.

Cette extension est une nouvelle étape dans la reconnaissance d’approches pouvant communiquer de façon centrale sur la prise en compte de critères extra-financiers et pourrait être complétée à l’avenir.

Recommandations relatives aux politiques de gestion de controverses et d’engagement actionnarial

Enfin, la position-recommandation DOC-2020-03 est enrichie de deux recommandations relatives à la formalisation de politique de gestion de controverses et le contenu des politiques d’engagement actionnarial. Ces recommandations constituent des premières avancées de la doctrine de l’AMF sur ces thématiques d’importance pour la finance durable et pourront être complétées à l’avenir.

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From Shareholder Primacy to Stakeholder Capitalism

Billet à lire de Frederick Alexander et al. : « From Shareholder Primacy to Stakeholder Capitalism » (Harvard Law School Forum on Corporate Governance, 26 octobre 2020).

Extrait :

This policy agenda includes the following categories of interventions required for a broad transition to Stakeholder Capitalism.

We have drafted proposed Federal legislative language, “The Stakeholder Capitalism Act,” attached in Exhibit A of the full paper linked to below, which incorporates each of the following ideas:

Responsible Institutions: We propose that the trustees of institutional investors be required to consider certain economic, social, and environmental effects of their decisions on the interests of their beneficiaries with respect to stewardship of companies within their portfolios. This clarified understanding of fiduciary duty will ensure that institutional investors use their authority to further the real interests of those beneficiaries who have stakes in all aspects of the economy, environment, and society. These changes can be achieved through an amendment to the Investment Company Act of 1940 (15 U.S.C. 80a) by inserting language after paragraph (54) of Section 2 and after subsection (c) of Section 36.

Responsible Companies: Just as trustees of invested funds must expand their notion of the interests of their beneficiaries, the companies in which they invest must also expand the understanding of the interests of the economic owners of their shares, who are more often than not those same beneficiaries. We propose a federal requirement that any corporation or other business entity involved in interstate commerce be formed under a state statute that requires directors and officers to account for the impact of corporate actions not only on financial returns, but also on the viability of the social, natural, and political systems that affect all stakeholders. This change can be achieved through the addition of a new Chapter 2F of Title 15 of the U.S. Code.

Tools for Institutional Accountability: In order to allow beneficiaries to hold institutional investors accountable for the impact of their stewardship on all the interests of beneficiaries, we propose laws that mandate disclosure as to how they are meeting their responsibility to consider these broad interests, including disclosure of proxy voting and engagement with companies. We propose that the Securities and Exchange Commission should promulgate rules requiring each investment company and each employee benefit plan required to file an annual report under section 103 of the Employee Retirement Income Security Act of 1974.

Tools for Company Accountability: Corporate and securities laws that govern businesses must also be changed in order to give institutional investors the tools to meet their enhanced responsibilities. This will include requiring large companies to meet new standards for disclosure regarding stakeholder impact as an important element of their accountability. This proposal can be achieved through an amendment added to The Securities Exchange Act of 1934 (15 U.S.C. 78a et seq.) after section 13A.

(…)

This tension cannot be wished away. The White Paper proposes a solution: rules that facilitate and encourage investor-sanctioned guardrails. Such guardrails would allow shareholders to insist that all companies that they own forgo profits earned through the exploitation of people and planet. Unlike executives, the institutional shareholders who control the markets are diversified, so that their success rises and falls with the success of the economy, rather than any single company. This means that these institutions suffer when individual companies pursue profits with practices that harm the economy. We believe that by leveling the competitive playing field, these changes will pave the way for the type of corporate behavior imagined by the New Paradigm, the Davos Manifesto and the Business Roundtable Statement.

Indeed, far from being “state corporatism,” as the memo claims, what we propose is “human capitalism,” where the workers, citizens, and other humans whose savings fund corporations are given a say in the kind of world they live in. Will it be one in which all compete in a manner that rejects unjust profits? Or, in contrast, will it be one in which corporations continue to lobby against regulation that protects workers while the corporate executives make 300 times the median salary of workers?

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RSE : où en est-on ?

Mme Hoyé propose une tribune intéressante sur la RSE dans son article « Responsabilité sociale des entreprises: où en sommes-nous ? » publié sur Ligere.fr le 17 septembre 2020. Elle fait le point et soulève le chemin encore à parcourir…

Extrait :

Au cours de ces dix dernières année, une évolution a été observée dans le sens de la nécessité croissante de « redéfinir le droit des sociétés » pour mieux prendre en compte l’évolution de l’analyse du droit et de l’économie. L’objectif sociétaire traditionnel porté par la « doctrine juridique de la personnalité d’entreprise », tient à la protection des intérêts des membres et des créanciers de la société. Les profits générés sont ensuite partagés entre les actionnaires considérés comme propriétaires de l’entreprise. Ainsi, l’approche de la théorie contractuelle prévaut et la promesse tacite des dirigeants de maximiser la richesse des actionnaires s’opère. En effet, selon la théorie de la Corporate Governance, il existe une nette distinction entre le rôle des propriétaires d’une société (les actionnaires) et des dirigeants (le conseil d’administration) lorsqu’il s’agit de prendre des décisions stratégiques efficaces. L’actuelle « coutume de la retenue » en matière d’éthique, complète l’accent mis sur une analyse économique de la fonction d’entreprise où les concepts d’efficience et de rentabilité semblent persister. Caractérisés par ses propres règles de position, les bénéfices sont considérés comme la « ligne de fond » de l’entreprise, et par conséquent, selon l’argument, il n’y a aucune possibilité d’évaluer moralement les activités menées dans ce cadre d’activité.

Pourtant, face aux nouveaux enjeux auxquels se confrontent les sociétés au XXIème siècle, la thèse de « l’entreprise- profit » soutenue par Friedman ne semble plus être à l’ordre du jour. Dès lors, les entreprises peuvent-elles entreprendre une activité économique dite « durable », où la recherche exclusive de bénéfices s’estompe au profit d’une meilleure éthique entrepreneuriale? L’éthique s’érige désormais comme élément incontournable de l’ensemble des concepts que nous pourrions utiliser pour tenir compte de la fonction organisationnelle que détiennent les entreprises. Non pas que les actions des sociétés peuvent avoir des effets puissants, à la fois bénéfiques et/ou préjudiciables, mais parce qu’une prise en compte éthique des actions des sociétés est presque impérative pour atteindre une croissance durable. Il s’agit d’optimiser les performances en évoluant vers une responsabilité sociale et environnementale (RSE) où les sociétés sont responsables de l’impact de leurs actions sur la société civile. L’entreprise doit alors intégrer à sa stratégie l’ensemble de sa chaîne de valeur, dont les parties prenantes (« stakeholders »), de manière à minimiser et à compenser les effets négatifs de son activité. L’objectif étant d’atteindre une qualité de vie au moins aussi bonne que celle dont nous bénéficions aujourd’hui, comme le soutien le « rapport Brutland » (1987). Pour cela, il est primordial que les structures de gouvernance d’entreprise agissent tant en termes de bien-être des employés, qu’en termes d’efficacité et de productivité. Cela implique l’utilisation de critères éthiques, sociaux et environnementaux (les 3 piliers de la théorie de « corporate governance ») dans la sélection et la gestion des portefeuilles de placements. De ce point de vue, l’idée d’équilibrer les responsabilités de l’entreprise se développe, acceptant le fait que les entreprises peuvent créer de la valeur en gérant mieux le capital naturel, humain et social.

(…) Dans le cadre transnational, divers outils d’orientation souvent à caractère facultatif visent à promouvoir le développement durable et le civisme social. En tant que préoccupation mondiale, une croissance durable ne peut être atteinte que si tous les pays agissent de concert mettant en oeuvre des actions coordonnées. C’était notamment l’objectif de l’accord de Paris en « faisant en sorte que les flux financiers soient cohérents avec une voie vers une réduction des émissions de gaz à effet de serre et un développement résilient au climat ». Le pacte Mondial lancé officiellement en 2000 invite les entreprises à adhérer, appliquer et promouvoir 10 principes en matière de droits fondamentaux. Cette adhésion a été assortie à l’obligation pour les entreprises de publier chaque année une communication sur les progrès réalisés dans l’application des principes. L’entreprise qui ne réalise pas cette obligation est considérée comme « non communicante » et peut être à terme radiée. Aussi, les Nations Unies ont présenté un projet de normes sur les responsabilités des sociétés transnationales et autres entreprises commerciales en matière de droits de l’homme. Les principes de Rugie font peser sur les entreprises des contrôles et vérifications périodiques par des organes nationaux ou multinationaux, permettant ainsi de prescrire un grand nombre d’actions concrètes à mener par les entreprises pour respecter les droits de l’homme . Ces travaux ont abouti à l’adoption d’une résolution du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU s’articulant autour de trois axes: « protéger, respecter et remédier » contribuant à faire progresser le débat juridique sur le rôle des Etats et des entreprises dans le domaine des droits de l’homme.

Pour autant, malgré la construction d’une voie de responsabilité internationale des entreprises, de nombreuses divergences peuvent encore être mises en évidence. C’est surtout l’absence de réglementation uniforme qui a attiré l’attention de la Commission européenne poussée à établir une certaine crédibilité et une harmonisation des pratiques avec une transparence des critères afin de combler le vide existant. Ainsi, dans sa stratégie RSE du 25 octobre 2011, la Commission fournit un cadre normatif de protection, via des sections comprenant la Direction Générale des Entreprises et la Société de l’Information qui guident le comportement des entreprises afin d’étendre l’influence de la RSE pour les responsabiliser vis-à-vis des effets qu’elles exercent sur la société. Par ailleurs, le levier du droit fiscal a été adopté par l’Union européenne dans un contexte juridique de financement durable, mettant en place une taxation corrective qui promeut les projets les plus respectueux et taxe ceux qui sont dommageables dans le but d’orienter les comportements vers une situation économique jugée optimale. Ces initiatives ont été prises par les institutions européennes afin d’encourager les entreprises à « aller au-delà de la conformité », soulignant qu’il existe une relation entre les actions proactives et l’amélioration de la compétitivité. Au moins, la politique de l’UE indique clairement que les actions volontaires des entreprises ne doivent pas être considérées comme un substitut à la réglementation légale. C’est pourquoi l’UE doit continuer à soutenir de manière proactive les activités qui peuvent faciliter le progrès de la conduite responsable des entreprises en encourageant les acteurs des secteurs clés à s’appuyer sur des projets responsables et à définir des exigences de diligence raisonnable.

(…)

Ainsi, il apparaît essentiel de définir un équilibre stable entre les impératifs moraux et économiques. Les entreprises, comme l’ensemble des agents ont des devoirs moraux, des responsabilités sociales et devraient être de « bonnes entreprises citoyennes ». C’est ce que met en exergue le nouveau « duty of care » ( devoir de diligence) désormais attendu des sociétés, qui encourage une voie de réorientation de la logique du système productif vers de nouveaux objectifs plus responsables. Ce devoir conduirait à l’acceptation d’une rentabilité financière moindre à court terme, en renonçant aux bénéfices immédiats, afin d’encourager un développement éthique, social et durable sur une activité économique à plus long terme. Un tel principe doit être appuyé par toutes les parties prenantes afin que le mouvement soit étendu à l’ensemble des agents économiques. Néanmoins, il est encore tôt pour prédire les effets de ces changements, qui soulèvent la question des méthodes de régulation, leur introduction étant encore récente et sans changement réel, notamment du fait du peu de mesures actuelles permettant d’imposer des sanctions. Par ailleurs, il convient également de noter la spécificité des questions environnementales, qui ne sont pas seulement dépendantes de la gouvernance des entreprises mais font appel à d’autres acteurs (dépendance à la science, prospective, etc.) et suggèrent des investissements importants afin de se libérer des ressources naturelles et éviter une complète destruction de la valeur. Le problème ne dépend plus de l’ignorance, mais de la vitesse des changements ainsi que de la propagation des déséquilibres. Par conséquent, le droit des sociétés peut être une réponse, mais la réflexion interdisciplinaire semble hautement nécessaire pour parvenir à la possibilité d’un équilibre entre le développement durable et la primauté des actionnaires.