Responsabilité sociale des entreprises

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Entreprises, solidarité et durabilité : le temps du droit

Durabilité et solidarité devraient être traduits dans le droit des entreprises et des affaires, tel est le message de la professeure Sjåfjell sur SSRN : Sjåfjell, Beate, Solidarity, Sustainability and the Role of Business, 29 juillet 2023, University of Oslo Faculty of Law Research Paper No. 2023-04, Forthcoming in Research Handbook on International Solidarity Law (Edward Elgar 2024).

Résumé :

This chapter positions the debate on a UN declaration on the right to international solidarity within a research-based concept of sustainability and in light of the urgent need to regulate business for sustainability.

Solidarity is an inextricable element of sustainability as a goal and of a sustainable development – a development that brings us towards sustainability. With the current focus on financial and corporate risks of climate change and, more recently, of biodiversity loss, discussing the role of business through a solidarity lens brings the social aspects of sustainability more to the forefront.

I suggest that the principle of solidarity in international law, as reflected in the Revised draft declaration on human rights and international solidarity, should be broadened to fully encompass intersectionality and to include interspecies solidarity. I also propose that core elements of sustainability should be taken as legal concepts in the regulation of business, to realise the crucial potential of business to sustainability, including solidarity.

Drawing on a decade of collaborative research through international research projects, I indicate how reforms of law could facilitate sustainable business, and the importance of solidarity and its proper relevance for business – and the significance of business for international solidarity. I conclude the chapter with reflections on the potential and hope for change.

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Changer de paradigme : toujours un bon conseil

Dans le contexte de la pandémie mondiale qui sévit, la tribune de Franck Renaudin prennent un tout autre relief : « « Il est temps que les chefs d’entreprise changent radicalement de paradigme » » (Le Monde, 26 août 2019).

Extrait :

Dans l’histoire de l’humanité, autant de responsabilités auront-elles jamais pesé sur les épaules de quelques hommes et femmes ? Ces épaules, ce sont celles des actionnaires et dirigeants de grandes entreprises : ils sont la courroie de transmission d’un système qui a atteint les limites de la biosphère terrestre. Mais ils ne donnent pas le sentiment d’avoir compris l’urgence de le réformer en profondeur.

Quand on les interroge sur leur compréhension des menaces qui pèsent sur notre planète, leurs discours sont toujours rassurants. Bien sûr, ils agissent pour un meilleur respect de l’environnement ! Bien sûr, leur entreprise est socialement responsable, et ils peuvent nous en donner maintes illustrations. Leurs pratiques sont plus transparentes, leurs fournisseurs sont passés au crible d’un cahier des charges exigeant, ils recrutent des personnes en situation de handicap ou en réinsertion, ils pratiquent la compensation carbone.

Je vous laisse lire la suite…

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Un peu de lecture sur le changement climatique

Curieux de savoir les rapports qu’entretiennent les entreprises et le changement climatique ? Je vous invite à lire ce numéro spécial de la revue Entreprises et histoire : « Entreprises et changement climatique » (2017/1 (n° 86)).

Extrait de l’introduction :

En 1999 paraissait un numéro spécial de la Business History Review consacré aux entreprises et l’environnement. Dans leur article introductif , Christine Meisner Rosen et Christopher Sellers observaient que les historiens des entreprises s’étaient peu préoccupés des problèmes environnementaux, notamment des conséquences sur l’environnement des activités industrielles et manufacturières. Ils avaient préféré se focaliser, dans la perspective ouverte par Alfred Chandler, sur les dynamiques des stratégies d’entreprise et sur l’évolution interne des entreprises.

2Dix ans plus tard, le constat n’avait pas fondamentalement changé. Dans un éditorial programmatique sur l’avenir de la même revue, Walter Friedman et Geoffrey Jones faisaient un constat similaire. Parmi les axes de recherche futurs identifiés, ils estimaient qu’il était « surprenant que les historiens des entreprises n’aient pas porté davantage d’attention aux questions de durabilité, étant donné que les actions des entreprises ont été les premières causes de la dégradation de l’environnement et du changement climatique au cours de ces deux derniers siècles » (notre traduction).

À cet égard, Entreprises et Histoire a été précurseur dans l’exploration des questions environnementales et de durabilité au regard des entreprises. Il y a dix ans paraissait un numéro d’Entreprises et Histoire sur les entreprises et le développement durable. L’éditorial de ce numéro s’interrogeait sur les conditions d’une recherche historique sur un thème d’actualité, empreint de considérations éthiques, morales et politiques et dont les contours demeurent flous. L’émergence d’une question d’actualité suffit-elle à en faire un objet de recherche sur le plan historique, se demandaient les auteurs ? La notion n’était-elle pas trop galvaudée, saturée de discours et d’interprétations pour permettre la prise de recul nécessaire ? Ils soulignaient également les impasses de la littérature en sciences sociales sur le sujet. Celle-ci avait tendance à étudier les problématiques du développement durable dans l’entreprise et de la responsabilité sociale (RSE) à travers un prisme universel et anhistorique, à partir d’une conception essentialisée des rapports de l’entreprise avec ses parties prenantes.

Dès lors, dans quels termes poser des questions de recherche adaptées à une démarche historique ? Pour y parvenir, ils proposaient trois éléments de méthode. Premier élément : laisser de côté la question de la nature de l’entreprise pour s’intéresser à ses projets et à ses rationalisations successives. Deuxième élément : non pas considérer les stratégies des entreprises et les régulations publiques comme deux champs séparés mais s’intéresser à leurs conditionnements réciproques et aux processus de régulation conjointe entre entreprise et société. Troisième élément : dépasser la seule analyse des discours managériaux pour étudier les pratiques des entreprises, notamment les plus innovantes. Dans cette perspective, les auteurs suggéraient, d’une part, d’étudier l’organisation et les outils de gestion du développement durable dans les entreprises et, d’autre part, d’analyser à quelles conditions le développement durable pouvait constituer un nouveau champ d’innovation pour les entreprises.

Pour étudier la mise à l’agenda stratégique du développement durable et de la RSE dans les entreprises, les auteurs s’étaient livrés à une généalogie des concepts et des pratiques afin d’identifier comment un projet politique, puis un projet managérial du développement s’étaient constitués au tournant des années 1980 et 1990, en montrant les ruptures qu’ils introduisaient par rapport à des formes plus anciennes de stratégies et politiques environnementales.

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Ownership (Lost) and Corporate Control: An Enterprise Entity Perspective

Merci à Yuri Biondi de publier des textes toujours aussi intéressant ! Je vous invite à lire son dernier article : « Ownership (Lost) and Corporate Control: An Enterprise Entity Perspective » (Accounting, Economics, and Law: A Convivium, 2019)

Résumé :

In recent decades, advocates of the shareholder value perspective regarding corporations have depicted the shareholding investor as the owner of the corporation and the entrepreneur proprietor of corporate activity. Political discourse and regulatory frameworks keep imagining that one single subject or legal person holds the whole bundle of rights and responsibilities related to corporate investment, management and control. This subject would be the shareholding investor (acting as the owner of the corporation), while the bundle would be embodied in the one kind of security issued by the corporation, that is, the share.

As a matter of fact, corporate practice shows fundamental disconnection between equity investment, enterprise management and corporate control. Over time, three main legal-economic innovations have featured this disconnection: (i) the very introduction of the corporate legal form; (ii) the working of corporate groups and financial intermediaries; and (iii) the overwhelming web of contractual arrangements and financial derivatives which characterise business affairs of listed companies and equity markets nowadays.

In this context, this article argues that an ownership view of corporate activity misleads understanding and undermines efforts to enforce corporate sustainability, responsibility and accountability. Ownership and market are insufficient to assure this enforcement, while ownership sovereignty is irremediably lost. Insisting on such misunderstanding would result in facilitating if not favouring structuring opportunities to circumvent control and responsibility, including through regulatory avoidance.

Instead, an enterprise entity view may comprehend the corporate activity (of which the corporation is one possible legal form, often embedded in a more complex legal structure involving an enterprise group) as an organisation and an institution which responds to and must submit to a variety of inside and outside checks and balances, with a view to assuring its consistent and continued role in business and society. From this systemic perspective, consolidated accounting and disclosure may represent a fundamental element of the institutional system of protection. In particular, a comprehensive accounting system – based upon economic substance (rather than legal form) – may make enterprise groups accountable for their ongoing activities to stakeholders (including shareholders), human community and nature.

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Gouvernance Nouvelles diverses Responsabilité sociale des entreprises Valeur actionnariale vs. sociétale

Milton Friedman is right, profit is a company’s only purpose

Dans un article du Financial Post de janvier 2019, Terence Corcoran revient sur les thèses de Milton Friedman pour les appuyer au travers d’arguments intéressants. Je vous invite à lire son analyse dans l’article suivant : « Milton Friedman is right, profit is a company’s only purpose » (Financial Post, 19 janvier 2019)

Petit extrait :

There is nothing in the redefine-capitalism movement that was not identified almost 50 years ago by Friedman as a danger to markets and economic freedom. The concepts and principles reviewed in his 1970 essay, ignored by Mayer and all the reformers, are as relevant today as they were then.

Generally, Friedman would have no problem with corporations that engage in virtue signalling. For example, Gillette’s “toxic masculinity” ad is an obvious attempt to sell products by piggybacking on a controversial social issue. Gillette is acting out of self-interest.

Friedman declined to denounce such corporate attempts to “generate goodwill” and draw attention to their products, although he warned that the strategic pursuit of social approval and conflict amounted to “hypocritical window-dressing.”

It is utterly false to portray corporations as manufacturers of profits at the expense of society. Today’s corporations, from Microsoft Corp. to GM to Amazon.com Inc., survive by producing goods and services that feed, clothe, transport, entertain and otherwise provide benefits to billions of people.

The corporate adoption of social purposes would take focus away from these core business purposes. Worse, expanding the number of corporate purposes places an undesirable undemocratic framework on corporate executives. As Friedman saw it in 1970, giving social and political responsibilities to business leaders installs unelected corporate managers in positions of unelected power

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Déclaration de la CNCDH français sur l’adoption d’un instrument international contraignant sur les entreprises et les droits de l’homme

Déclaration de la Commission nationale consultative des droits de l’homme français

Déclaration sur l’adoption d’un instrument international contraignant sur les entreprises et les droits de l’homme[1]

Le 2 octobre 2018, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (Ci-après « CNCDH ») a fait une déclaration sur l’adoption d’un instrument international contraignant sur les entreprises et les droits de l’homme. Cette déclaration est intervenu en prévision des discussions[2] du Groupe de travail intergouvernemental des nations unies sur les sociétés transnationales et autres entreprises commerciales en matière de droits de l’homme. Des discussions qui porteront sur l’examen du projet de traité[3] et son protocole optionnel[4] tendant à responsabiliser de manière contraignante les entreprises transnationales en matière de droits de l’homme.

Dans un premier temps, la CNCDH rappelle le rôle pionnier que n’a cessé de jouer la France dans la promotion de la thématique « Entreprises et Droits de l’homme » tant au niveau national, régional qu’international. La récente loi française sur le devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre[5] est une illustration topique de ce rôle moteur de la France en la matière.

Ensuite, la CNCDH exprime de nombreux regrets sur le projet de traité et son protocole optionnel soumis par l’Equateur en juillet dernier. Elle regrette notamment que « de multiples dispositions contenues dans le document ne soient pas suffisamment claires ». Elle souhaite cependant, « une clarification des dispositions du projet de traité actuel, notamment  le périmètre des entreprises concernées, la nature des responsabilités et des obligations des différentes entités et la compétence juridictionnelle ».

En outre, la CNCDH, tout en reconnaissant que « la multiplication d’instruments de soft law a permis de changer les pratiques d’entreprise dans la conduite des affaires », insiste sur la nécessité d’un instrument juridique international contraignant. Aussi précise-t-telle que « normes contraignantes et normes volontaires ne sont pas incompatibles ou forcement concurrentes, mais au contraire, elles sont complémentaires ».

Enfin, la CNCDH invite, de ce fait,  la France  « à jouer un rôle moteur dans les négociations en apportant son expertise et en contribuant à faire progresser le projet de traité » et surtout « à créer une dynamique au sein de ses partenaires européens pour qu’ils participent activement et de manière constructive aux négociations ».

Quelle sera l’attitude de la France lors de ces négociations du Groupe de travail intergouvernemental ?  La réponse nous sera donnée pendant le déroulement des discussions. Mais il y a fort à parier que la France jouera un rôle très actif dans l’objectif de favoriser l’irradiation de sa loi sur le devoir de vigilance au niveau international

[1]http://www.cncdh.fr/sites/default/files/181002_declaration_sur_le_projet_de_traite_pour_les_multinationales_et_les_droits_de_lhomme.pdf (Consulté le 6/10/2018).

[2] 4e Session du Groupe de travail intergouvernemental à composition non limitée sur les sociétés transnationales et autres entreprises commerciales en matière de droits de l’homme (du 15 au 19 octobre 2018 à Genève) https://www.ohchr.org/EN/HRBodies/HRC/WGTransCorp/Session4/Pages/Session4.aspx

[3] https://www.ohchr.org/Documents/HRBodies/HRCouncil/WGTransCorp/Session3/DraftLBI.pdf (Consulté le 9/10/2018).

[4]https://www.ohchr.org/Documents/HRBodies/HRCouncil/WGTransCorp/Session4/ZeroDraftOPLegally.PDF (Consulté le 9/10/2018).

[5] Loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre

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Responsabilité des entreprises à l’international

Les affiches parisiennes publient une intéressante synthèse d’Un colloque qui a eu lieu à Paris intitulé : « Vers une responsabilité des entreprises à l’international ? ». Une occasion de revenir sur un thème hot de ces derniers temps…

 

Les accords internationaux de libre-échange n’imposent que très peu d’obligations aux entreprises sur les droits de l’Homme. Cette asymétrie du statut juridique des sociétés dans le monde a été vivement discutée par le Centre de droit civil des affaires du contentieux économique (Cedcace) et le Centre d’études juridiques européennes et comparées (Cejec) de l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense, lors d’un colloque intitulé « Indépendance juridique de la personne morale versus dépendance économique ».

 

Pour rappel, j’ai publié avec 2 étudiantes brillantes (Valérie et Romy se reconnaitront) un article paru récemment dans Les Cahiers de droit : « Entreprises et responsabilité sociale : évolution ou révolution du droit canadien des affaires ? » (2016, Volume 57, numéro 4). De même, vous trouverez un modeste partage de réflexion dans le cadre de 2 billets de blogue publiés sur Contact (revenant sur des évolutions récentes du paysage juridique canadien) : « Devoir de vigilance: faut-il emboîter le pas? » et « Les droits de l’homme et les entreprises ».

À la prochaine…

Ivan Tchotourian