Gouvernance

Gouvernance Responsabilité sociale des entreprises

Responsabiliser les actionnaires : un bel ouvrage

Merci à la professeure Belinga de venir enrichir la réflexion sur la responsabilisation des actionnaires avec son ouvrage paru aux Presses des Mines : « Responsabiliser les actionnaires ».

Résumé :

Après avoir suivi pendant trois ans l’équipe de gouvernance d’une société de gestion doutant de la légitimité de ses pratiques d’engagement actionnarial, la chercheuse explique les défis posés par l’industrialisation de l’actionnariat et souligne l’insuffisance des initiatives existantes en matière de responsabilisation. A partir de ce constat, elle présente un régime de responsabilité novateur.

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engagement et activisme actionnarial Gouvernance Valeur actionnariale vs. sociétale

Lecture bien intéressante : tout est-il de la faute des actionnaires ?

Le professeur de finance Christophe Bonnet a publié en avril 2023 un ouvrage au titrage surprenant aux Presses Universitaires de France : C’est la faute des actionnaires ! Fausses croyances et vrais débats. Alors que le titre pourrait laisser penser à un contenu donnant davantage dans le sensationnalisme, il n’en est rien. Bien au contraire, il s’agit d’un livre on ne peut plus sérieux, produit par un universitaire d’expérience et qui partage là son recul sur un sujet qui fait souvent l’objet de prises de position de nature émotionnelle.

Six questions – sous forme de chapitres – qui sont posées et qui font l’objet de l’analyse :

  • Les actionnaires exigent-ils vraiment 15 % de rentabilité ? (chapitre 1)
  • Les dividendes nuisent-ils à l’emploi et à la croissance ? (chapitre 2)
  • Les actionnaires poussent-ils les entreprises à privilégier le court terme ? (chapitre 3)
  • Pourquoi les fausses croyances sur les actionnaires se diffusent-elles ? (chapitre 4)
  • La finance verte est-elle un mirage ? (chapitre 5)
  • Faut-il réduire le pouvoir des actionnaires dans l’entreprise ? (chapitre 6)

Un ouvrage à découvrir, je viens d’en finir la lecture !

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« Say on climate », une solution pour responsabiliser les entreprises ?

Merci à la professeure Vanessa Serret d’une telle proposition ! Pourquoi pas un say on climat ? Un billet à lire : « « Say on climate », une solution pour responsabiliser les entreprises ? » (The Conversation, 21 avril 2021)

Extrait :

Faut-il encourager une régulation semblable sur le risque climat, du type « say on climate », pour que les entreprises présentent également des résolutions internes concernant leur politique climatique ?

(…) Les actionnaires sont concernés par les défis environnementaux

En détenant un portefeuille diversifié et représentatif d’une part significative de l’économie, certains investisseurs perçoivent un rendement financier lié à la croissance économique. Ces actionnaires, qualifiés d’universels, sont donc impactés par les externalités négatives et positives générées par chacun des actifs financiers qu’ils détiennent. Ils seront donc plus attentifs aux politiques environnementales sociales et de gouvernance (ESG) des sociétés de leurs portefeuilles d’actifs sous gestion.

En outre, les investisseurs institutionnels agissent au nom de souscripteurs individuels en plaçant l’épargne de ces derniers. Leurs décisions d’investissement doivent ainsi être guidées par l’intérêt de leurs bénéficiaires. En se positionnant sur les enjeux ESG, ils se situent dans une logique de philanthropie déléguée. Leurs adhésions à différentes chartes d’investissement, telles que les Principes de l’investissement responsable, renforcent leurs préoccupations ESG. Dans cette lignée, le fonds de pension CalPERS est à l’initiative de Climate Action 100+.

Enfin, plusieurs travaux très récents ont montré que leur engagement ne pénalise pas la création de valeur actionnariale, ce qui constitue une information favorable à la prise en considération de l’enjeu climat.

(…) La création d’une régulation « say on climate » relève d’une résolution interne ; elle obligerait les sociétés à réaliser un exercice de style consistant chaque année à rendre compte aux actionnaires dans un cadre de normalisation internationale, entraînant des exigences communes mais minimales.

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Droit de parole en assemblée : le MÉDAC mécontent

Sous le titre suivant « Droit de parole verbal des actionnaires aux assemblées annuelles des sociétés par actions », le MÉDAC a partagé son expérience des dernières assemblées annuelles et son désarroi…

Je reproduis la lettre ci-dessous :

Montréal, vendredi le 30 octobre 2020

Éric Girard, ministre des Finances
390, boulevard Charest Est, 8e étage
Québec (Québec)  G1K 3H4

Chrystia Freeland, ministre des Finances
90, rue Elgin
Ottawa (Ontario)  K1A 0G5

Madame Freeland, Monsieur Girard, ministres des Finances,

La pandémie frappe le monde entier et il n’est pas possible de savoir quand le régime d’exception actuel prendra fin. Aussi, dans les circonstances, les assemblées annuelles des sociétés par actions, dont toutes les plus grandes, ont lieu virtuellement.

La tenue de pareilles assemblées virtuelles constitue une solution logique aux problèmes engendrés par la rigueur des consignes sanitaires de l’État. Cependant, les principes qui devraient encadrer ces assemblées ne sont pas respectés. Nous en témoignons. Calquer la pratique étasunienne ne suffit certes pas.

L’assemblée annuelle d’une société constitue le socle de sa légitimité quant à la délégation du contrôle de ses affaires aux administrateurs, par les actionnaires. Il en est ainsi depuis plusieurs centaines d’années. L’assemblée annuelle réunit les actionnaires. C’est leur assemblée à eux. Ceux-ci devraient pouvoir y prendre la parole verbalement, sur chaque point à l’ordre du jour. C’était du moins la pratique auparavant.

Les assemblées virtuelles devraient avoir pour objectif de reproduire, le plus fidèlement possible, l’ensemble des caractéristiques essentielles des véritables assemblées en personne, notamment le droit de parole verbal des actionnaires, en priorité.

Or, lors des assemblées virtuelles de cette année, de manière très générale, le droit de parole verbal a été refusé aux actionnaires. Nous le déplorons vivement.

Les Lois et les règlements devraient rendre ce droit de parole verbal explicite, comme il l’est dans la coutume, tel que confirmé dans la jurisprudence et repris par la doctrine. Le déni actuel de ce droit dans la pratique constitue un précédent inacceptable. Il faut agir.

Il s’agit là d’un seul problème parmi tous les autres qui doivent être réglés au sujet des assemblées virtuelles. C’est cependant le problème le plus important, à la source de plusieurs autres. Nous ne sommes pas seuls à penser cela. Par conséquent, nous vous invitons tous les deux à intervenir formellement pour régler la situation.

Nous demeurons bien évidemment disponibles pour discuter du détail de nos positions sur cette question (comme sur plusieurs autres), déjà communiquées à l’Autorité des marchés financiers (AMF), par ailleurs.

Prière d’agréer, Madame la ministre, Monsieur le ministre, notre considération cordiale.

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Missing in Friedman’s Shareholder Value Maximization Credo: The Shareholders

Luca Enriques a publié un intéressant billet sur l’Oxford Business Law Blog : « Missing in Friedman’s Shareholder Value Maximization Credo: The Shareholders » (25 septembre 2020).

Extrait :

What Friedman’s Essay Says

As Alex Edmans has noted here,

Friedman’s article is widely misquoted and misunderstood. Indeed, thousands of people may have cited it without reading past the title. They think they don’t need to, because the title already makes his stance clear: companies should maximize profits by price-gouging customers, underpaying workers, and polluting the environment’.

That is not, of course, what Friedman wrote. According to Friedman:

  1. Talking about the ‘social responsibility of business’ makes no sense because the responsibility lies with people. Public corporations are legal persons and may have their responsibilities, but they act through their directors and managers. Therefore, attention must be focused on the responsibilities of such players.
  2. Managers are employees of corporations, which in turn are owned by their shareholders. Therefore, managers must act in accordance with the wishes of the shareholders. Unless the shareholders themselves explicitly determine an altruistic purpose, this means ‘conduct[ing] the business in accordance with [shareholders’] desires, which generally will be to make as much money as possible while conforming to their basic rules of the society, both those embodied in law and those embodied in ethical custom’.
  3. If managers also had a social responsibility, they would find themselves in the position of having to act against the interests of shareholders, for example by hiring the ‘hardcore’ unemployed to combat poverty instead of hiring the most capable workers. By doing so, they would spend shareholders’ money to pursue a general interest. In other words, they would impose a tax on shareholders and also decide how to use its proceeds. Yet, it is countered, if there are serious and urgent economic and environmental problems, then it is necessary that managers face them without waiting for politicians’ action, which is always late and imperfect. According to Friedman, it is undemocratic for private individuals using other people’s money (and, importantly, exploiting the monopolistic rents of the large corporations they lead) to impose on the community their political preferences on how to solve urgent economic and environmental problems, which should instead be addressed through the democratic process.
  4. The market is based on the unanimity rule; in ‘an ideal free market’, there is no exchange without the consent of those who participate in it. Politics, on the other hand, operate according to the conformity principle, whereby a majority binds the dissenting minority. The intervention of politics is necessary because the market is imperfect. But the social responsibility doctrine would extend the mechanisms of politics to the market sphere, since a private subject (enjoying some monopoly power) would impose its political will on others.
  5. Often, the idea of corporate social responsibility (CSR) is just a public relations exercise to justify managerial choices already consistent with the interests of shareholders. Looking after the well-being of employees, devoting resources to the firm’s local communities, and so on may well be (and, as a rule, will be) in the long-term interest of corporations. Indeed, cloaking these actions under the label of CSR, as it was fashionable to do in 1970 (and is again today), can in itself contribute to increasing profits.

Missing from Friedman’s Picture: The Shareholders

Friedman’s essay assigned a totally passive role to what he calls the corporation’s ‘owners’ or ‘the employers’—that is, the shareholders. They are merely the beneficiaries of directors’ duty to increase profits, but they have no role to play in pursuing that very goal other than (as he notes in passing) when they elect the board.

That’s understandable. When Friedman wrote his piece, the shareholders of US companies were mostly individuals and rarely voted at annual meetings other than to rubber-stamp managers’ proposals. Today, a large majority of listed firms’ shares are held by institutional investors—that is, managers of other people’s funds. Institutions have become key players at US (as well as non-US) listed corporations (eg, this OECD study with data from across the world), because they regularly vote portfolio shares at shareholder meetings. And their pro-management vote is nowadays anything but certain.

This creates one additional layer of employee/employer relationships, to use Friedman’s terminology (today, we would say principal/agent relationships): the one between the institutions holding shares or (as Friedman saw it) their own managers, and the individuals (usually workers and pensioners) whose funds the managers invest. (To be sure, it is often more complicated than that because some institutions, such as pension funds, often delegate their asset management to other institutions; but this is not relevant for the purposes of my analysis).

Friedman’s essay raises the question: is there any room for asset managers to assume social responsibility duties in deciding how to invest and how to vote? In Friedman’s logic, the answer should be ‘no’, and it’s easy to imagine that he would chastise those fund managers who portray themselves (not always veritably) as socially responsible investors. Like corporate managers, fund managers manage other people’s money and should not grant themselves the license to make political choices, which will inevitably please some of their beneficiaries and not others. Their only goal should be giving their clients the highest returns on the funds invested.

Of course, much like a corporation can be set up with an altruistic (or mixed) purpose, so can asset management products expressly be marketed as socially responsible or ethically-investing. Intuitively, investors in such funds expect them to invest and vote in accordance with the socially responsible commitments undertaken. But absent a CSR connotation—namely, if the mutual fund has been marketed as a tool for generating financial returns—fund managers have to assume that the fund’s investors have a financial objective in mind and do not expect their own political preferences to be promoted by their fund manager, especially if that comes to the detriment of their return. Whether implicitly or explicitly, that’s the bargain with each of the fund shares buyers.

However, things are not always so straightforward. Passive institutional investors replicating indexes and, therefore, holding the entire market rather than picking stocks now hold more than 40 percent of the US stock market. As Madison Condon and Jack Coffee have noticed—here and here, respectively—for investors of that kind, portfolio value maximization may well mean pushing for ESG (Environment, Social and Governance) policies at the individual company level that, while not necessarily profitable for that company, will increase portfolio returns by making other companies more profitable. Think, for instance, of systemically important financial institutions adopting more conservative risk management policies that significantly reduce the chances of a potentially devastating financial crisis.

Hence, the overlap between socially responsible and profit-maximizing behavior, which Friedman himself acknowledged to be present at the individual company level and criticized only as being politically dangerous, is now even more pervasive at the institutional shareholder level.

In theory, all portfolio value maximizers’ decisions on ESG matters should be based on an assessment of the effects that the adoption of a given policy by an individual portfolio company would have, both on its value and on the value of the totality of other portfolio companies. Because ESG policies require widespread adoption to be effective, different scenarios will have to be elaborated and factored in to estimate those effects. Multiple other variables will have to be considered and a number of questionable assumptions made.

Passive investors, like any organization, are unlikely to have the human and financial resources to fully engage with this kind of assessment, let alone reach solid conclusions. And it would be naïve to assume that political preferences do not affect the simplified analysis they inevitably resort to in determining their ESG preferences.

Owing to shareholder pressure and/or managers’ desire to retain their jobs, the ESG preferences of portfolio value-maximizing institutions may well trickle down to the individual portfolio company level. Under what conditions that is the case will depend on a number of factors, including whether the company is protected from competition, undiversified shareholders’ stakes in the company, how politically divisive the socially responsible action is, and so on. Yet in some cases, and in respect of some of the socially and politically sensitive issues, managers will yield to those preferences. Given Friedman’s premise that ‘increasing profits’ must be the only corporate goal because the shareholders are the owners/employers, there is some irony to that.

Irony aside, today’s corporate world is very different from the one Milton Friedman wrote in. Yet, his essay still provides a useful framework for understanding the implications of managing companies for one purpose or another. And perhaps also for answering the reframed question of whether corporate managers should cater to the preferences of their portfolio-value-maximizing indexing investors when making decisions on behalf of their corporations.

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Gouvernance parties prenantes Valeur actionnariale vs. sociétale

Concilier actionnaires et parties prenantes : le temps !

Merci à M. Jean-Florent Rérolle qui offre une tribune bien intéressante sur la nécessité de faire concilier les intérêts des actionnaires et des parties parties prenantes et de ne pas les opposer. Seule cette conciliation permet de dégager une valeur globale : économique et sociale.

Jean-Florent Rérolle, « Actionnaires/parties prenantes : une union sacrée », Option finance, 17 juillet 2020.

Extrait :

Cette vision, qui repose sur l’idée que ce qui est donné à l’un est pris à l’autre, est archaïque et contre-productive. Elle ne correspond pas à la réalité des marchés, qui valorisent en fait le long terme (depuis 2005, 40 % en moyenne de la valeur des entreprises françaises s’explique par des flux de trésorerie qui seront générés au-delà d’une période de dix ans) et tiennent compte des performances ou des risques extra-financiers. L’intégration ESG et l’engagement actionnarial sont deux tendances lourdes dans la gestion d’actifs. Elles ont des répercussions très positives sur les entreprises, car elles les poussent à perfectionner sans cesse leur stratégie RSE.

Vouloir privilégier les partenaires de l’entreprise au détriment des actionnaires est aussi un mauvais calcul. Nous sommes tous à la fois des consommateurs, des employés, des contribuables, des épargnants et des futurs retraités ! Nous avons besoin de croissance, et donc d’investissement pour nos emplois et notre niveau de vie. De nombreuses recherches montrent que, à long terme, il existe une corrélation entre la valeur actionnariale et la valeur sociale. 

L’heure est donc à la réconciliation des intérêts des partenaires de l’entreprise avec celui de leurs actionnaires.

Plusieurs approches sont susceptibles de pacifier leurs relations : 

– Théorisée par Jensen, l’«enlightened shareholder value» considère que la valeur actionnariale ne peut être maximisée sur le long terme qu’à condition que l’entreprise serve correctement ses partenaires. La maximisation de la valeur actionnariale demeure l’objectif final, et la valeur sociale est un sous-produit de cette logique. 

– La «shared value» de Michael Porter consiste à rechercher une création de valeur qui bénéficie également à la société. L’objectif n’est plus le profit, mais la valeur partagée. La responsabilité des entreprises est de trouver les moyens de créer de la valeur économique tout en s’efforçant de générer de la valeur sociale. 

– La troisième approche est celle d’Alex Edmans, présentée dans un livre récent : «Grow the Pie1». Pour ce professeur de finance de la London Business School, la raison d’être de l’entreprise n’est pas le profit mais la maximisation de la valeur sociale. En créant de la valeur pour ses partenaires, les entreprises créent aussi de la valeur à long terme pour leurs actionnaires. La valeur actionnariale est le sous-produit de la valeur sociale.

Quelle que soit l’approche, la croissance de la valeur dépend de la matérialité stratégique de la politique ESG. Une politique ESG même ambitieuse, mais non matérielle, n’apporte aucun avantage et peut même conduire à une moindre performance. Du point de vue de l’investisseur, cette matérialité doit être définie en fonction d’un objectif clair et univoque : maximiser la valeur financière à long terme de l’entreprise (ce qui se traduira à terme dans le cours de Bourse), objectif cohérent avec la valeur sociale. Elle doit s’appuyer sur une compréhension fine des éléments clés de la valeur, financiers et non financiers, ce qui suppose une bonne dose d’empathie actionnariale. Elle doit viser l’amélioration des avantages concurrentiels, la résilience du business model et l’efficacité de l’allocation du capital.

Au bout du compte, les initiatives ESG retenues doivent résulter d’un arbitrage en faveur de celles qui sont les plus proches de la proposition de valeur de l’entreprise et qui ont un impact évident et démontré sur sa rentabilité et son risque. L’extra-financier doit être soumis à la même discipline que le financier. La valeur économique et sociale tout comme la confiance des actionnaires en dépendent. 

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Gouvernance Nouvelles diverses

COVID-19 : actionnaires v. retraités

Dans La presse, Stéphanie Grammond livre une belle réflexion dans sa chronique intitulée « Les retraités avant les actionnaires » (26 avril 2020). Très intéressant et qui rappelle le chapitre du livre que j’ai rédigé avec mon collègue Charles Tremblay-Potvin à paraître « Sears Canada : les retraités sacrifiés à l’aune de la primauté actionnariale ? » dans Droit des aînés (éditions Yvon Blais).

Extrait :

À la mi-avril, Ottawa a annoncé un assouplissement temporaire pour donner du lest aux employeurs qui parrainent un régime de retraite à prestations déterminées. Or, ces mesures affaibliront la protection des rentes à un moment où les régimes traversent une tempête parfaite.

(…)

Vu à l’envers, il y a maintenant un « trou » de 11 % dans les caisses de retraite, un déficit qui doit être comblé par des cotisations spéciales des employeurs.

Mais comme les sociétés grattent les fonds de tiroir, Ottawa a décrété un moratoire sur ces cotisations pour 2020 et laisse entrevoir un allégement pour 2021 pour les entreprises de compétence fédérale (ex. : transports, banques, télécoms).

Au Québec, les sociétés ont déjà eu de l’oxygène ces dernières années. Leurs cotisations ne sont plus établies en fonction du ratio de solvabilité qui donne le portrait en cas de faillite. Elles le sont plutôt en fonction d’un ratio de « capitalisation améliorée » qui permet l’utilisation d’hypothèques plus accommodantes fondées sur la « continuité des affaires », un concept qui semble bien fragile en cette ère de pandémie.

(…)

Les gouvernements font le pari que ces assouplissements aideront les entreprises à survivre et à payer des rentes pleines et entières. Mais en cas de faillite, les retraités seront doublement perdants, car ils se retrouveront avec une rente amputée plus sévèrement.

D’où l’urgence de trouver des solutions pour mieux les protéger.

Malheureusement, il est trop tard pour lancer un fonds de garantie des prestations de retraite comme en Ontario. Quand un 18 roues est sur le point d’emboutir votre voiture, ce n’est plus le temps d’appeler l’assureur.

Par contre, on devrait changer les lois encadrant les faillites pour donner une « super-priorité » aux retraités. Actuellement, ils sont considérés comme des créanciers ordinaires, ce qui ne leur laisse que des miettes une fois que les autres se sont servis.

(…) Mais les entreprises qui ont un régime de retraite déficitaire ne devraient pas avoir le droit de racheter leurs actions, à plus forte raison si elles ont reçu l’aide du gouvernement. Pourquoi les cadeaux aux actionnaires passeraient-ils avant les promesses aux retraités ?

À la prochaine…