objectifs de l’entreprise

Nouvelles diverses objectifs de l'entreprise

Quel rôle pour les entreprises ? Extrait d’une entrevue

Dans Fortune, le président du CA de AT&T revient sur le rôle des grandes entreprises dans nos sociétés contemporaines (Alan Murray et David Meyer, « AT&T chair Bill Kennard: ‘Legacy businesses have to disrupt themselves’ », 23 mars 2021)

Extrait :

« The board at AT&T, like all boards today, is focused on the role of corporations in society. Increasingly you are seeing corporations step into the vacuum where government leadership has sometimes failed or just can’t get the job done, and you are seeing corporations stepping up…Corporations are increasingly questioning, what is their role in society?  How do corporations help solve the challenges of income inequality and racial inequality in the country, and political instability? These are questions that corporations have to address in order to be successful in society.”

À la prochaine…

objectifs de l'entreprise Structures juridiques

Retour sur l’entreprise : un bien commun

Bonjour à toutes et à tous, je vous signale cet édito dans Les Échos de M. Denis Terrien intitulé : « Faire de l’entreprise un bien commun ». Je ne peux que partager ce qui est exprimé d’autant que mes écrits y sont pour une grande part consacrés !

Petit extrait :

 

Depuis le boycott par des ­consommateurs anglais du sucre de canne des Caraïbes produit par des esclaves au XVIIIe siècle, l’affaire est entendue. Aux yeux d’un consommateur responsable, la mission de l’entreprise ne se réduit pas à engranger des bénéfices. Une entreprise est un créateur essentiel de richesse et de progrès, mais elle ne peut pas fonctionner comme si les conséquences de son activité pouvaient être cantonnées en son sein, comme si une paroi étanche existait entre le dedans et le dehors, comme si elle pouvait supprimer ses externalités négatives.

A l’intérieur et à l’extérieur de son périmètre, des parties prenantes, toujours plus nombreuses, se mobilisent pour défendre à la fois leurs intérêts particuliers et leur conception de l’intérêt général. La prise en compte et la ­convergence de ces aspirations multiples forment ce qu’on appelle depuis cinquante ans la responsabilité sociétale de l’entreprise (RSE). Avant de devenir la règle, grâce à la vision de certains dirigeants visionnaires, elle a longtemps été traitée avec dédain, désinvolture ou opportunisme.

A la prochaine…
Ivan Tchotourian

 

normes de droit Nouvelles diverses objectifs de l'entreprise Valeur actionnariale vs. sociétale

Nos étudiants publient : Discussions au tour de la primauté des actionnaires et de la propriété d’une entreprise

Le séminaire à la maîtrise de Gouvernance de l’entreprise (DRT-7022) dispensé à la Faculté de droit de l’Université Laval entend apporter aux étudiants une réflexion originale sur les liens entre la sphère économico-juridique, la gouvernance des entreprises et les enjeux sociétaux actuels. Le séminaire s’interroge sur le contenu des normes de gouvernance et leur pertinence dans un contexte de profonds questionnements des modèles économique et financier. Dans le cadre de ce séminaire, il est proposé aux étudiants depuis l’hiver 2014 d’avoir une expérience originale de publication de leurs travaux de recherche qui ont porté sur des sujets d’actualité de gouvernance d’entreprise. C’est dans cette optique que s’inscrit cette publication qui utilise un format original de diffusion : le billet de blogue. Cette publication numérique entend contribuer au partager des connaissances à une large échelle (provinciale, fédérale et internationale). Le présent billet expose une réflexion percutante de Mme Justine-Maleki Bagabana et M. Jean-Christophe Bernier. Leur travail remet en question le mythe de l’actionnaire-propriétaire. Rien de moins ! Je vous en souhaite bonne lecture et suis certain que vous prendrez autant de plaisir à le lire que j’ai pu en prendre à le corriger.

 Ivan Tchotourian

L’actionnaire-propriétaire : un débat sans fin

Le principe de la primauté des actionnaires[1], pourtant depuis longtemps abordé dans la doctrine moderne[2], fait encore aujourd’hui l’objet d’un certain débat, et ce, même au Canada[3]. Ainsi, si les défaillances de la gouvernance d’entreprise ont amené le professeur Adolph Berle à consacrer l’intérêt de l’actionnaire comme l’intérêt premier de la société par actions[4], le professeur Merrick Dodd lui a répondu que l’intérêt de la société allait bien au-delà des intérêts des actionnaires et rejoignait les intérêts de l’ensemble des groupes d’individus formant la société[5].

Si ce débat ne semble pas avoir encore trouvé solution[6], il est primordial de s’interroger sur la nature même de cette discussion. En effet, il est possible d’avancer le mythe de l’actionnaire-propriétaire comme argument principal en faveur d’une vision actionnariale de la société par actions. En est-il vraiment ainsi ? Et quel est le rôle de l’administrateur si un tel principe est tenu pour acquis[7] ?

Un mythe tenace !

Le mythe de l’actionnaire-propriétaire dérive d’une conception anglo-saxonne de la relation entre l’actionnaire et la société et de l’entité distincte de cette dernière par rapport à son actionnariat. L’auteur Kevin P. McGuinness affirme ainsi que : « Since a corporation is a separate person, it may have its own property and liabilities, and thus ownership of the corporation itself does not imply ownership of the assets of the corporation »[8].

Il faut comprendre que le terme anglais « ownership » fait ici référence à la participation dans son sens large plutôt qu’à la propriété juridique[9]. Le concept de personnalité distincte[10] implique donc que l’actionnaire, en tant que tel, n’a pas d’intérêt juridique dans les actifs de la société, mais plutôt un intérêt indirect dans la société elle-même. Il peut être considéré comme propriétaire-bénéficiaire de la société (« equitable owner »). « Stockholders in corporation are beneficial owners of its corporate property, although they do not have right to equitable title to the properties which would authorize them to require corporation to convey them legal title »[11].

Du point de vue de l’investissement, l’actionnaire recherche cette immunité quant à la responsabilité potentielle, qui se limitera à la valeur de la somme investie. La responsabilité limitée n’étant possible que par le jeu de la personnalité juridique distincte[12], c’est donc ce concept qui est à la base de l’intérêt de l’actionnaire dans la société et qui ne saurait lui conférer à la fois le statut de propriétaire de la société par actions et une responsabilité limitée.

Qu’en dit la jurisprudence ?

Un seul et unique jugement[13] (bien connu du droit américain) a reconnu le principe de la primauté des actionnaires et a permis à ces derniers de forcer le conseil d’administration de la société à leur verser les profits sous forme de dividendes plutôt que de poursuivre des idées de charité. Le célèbre Henri Ford, de la compagnie automobile du même nom, avait été ainsi l’objet de vives critiques des actionnaires de sa compagnie lorsqu’il avait tenté d’utiliser les profits astronomiques de la société Ford pour en faire bénéficier « l’humanité »[14]. Toutefois, bien que le principe de la primauté des actionnaires ait connu une hausse de popularité durant le XXe siècle, ce jugement n’a jamais eu d’échos, et le principe juridique demeure que les actionnaires ne peuvent forcer la main des administrateurs pour déclarer un dividende, les distançant ainsi de la propriété de la société.

Il est mal avisé de prétendre que l’actionnaire de la société par actions est propriétaire de cette dernière et que les intérêts de celui-ci doivent de ce fait primer. Tel que confirmé par la Cour Suprême du Canada[15], le conseil d’administration dans ses fonctions de gestion et de surveillance de la société est tenu de prendre en compte l’intérêt de l’ensemble des parties prenantes de la société.

Une primauté des actionnaires en question

Si le débat sur les bénéficiaires des devoirs du conseil d’administration ne cesse encore de susciter l’intérêt, il est possible de croire que cette polémique continuera d’emprunter des voies malencontreuses en raison de l’utilisation plutôt suspecte de théories inexactes, telle que celle de l’actionnaire propriétaire de la société par actions. Le concept de la primauté des actionnaires s’appuyant fortement sur celle-ci, on reconnaît facilement l’arbre à ses (mauvais) fruits !

Jean-Christophe Bernier

Justine-Maleki Bagabana

Étudiants du cours de Gouvernance de l’entreprise – DRT-7022


[1] À savoir que les intérêts des actionnaires d’une société par actions doivent être priorisés par le conseil d’administration dans son rôle de gestion et de surveillance de la société par rapport aux intérêts des autres parties prenantes.

[2] D.G. SMITH, «The Shareholder Primacy Norm» (1998) 23:2 J. Corp. L. 277; W.W. BRATTON et M.L. WATCHER, «Shareholder Primacy’s Corporatist Origins: Adolf Berle and The Modem Corporation» (2008) 34:1 J. Corp. L. 99; S. M. BAINBRIDGE, The new corporate governance in theory and practice, Oxford, Oxford University Press, 2008; R.G. ECCLES et T. YOUMANS, «Why Boards Must Look Beyond Shareholders?», (3 septembre 2015) MIT Sloan Management Review, en ligne: http://sloanreview.mit.edu/article/why-boards-must-look-beyond-shareholders/.

[3] S. ROUSSEAU et I. TCHOTOURIAN, «Pouvoirs, institution et gouvernance de la société par actions : lorsque le Canada remet en questions le dogme de la primauté actionnariale» (2012) Les cahiers de la CRSDD No 05-2012, en ligne : http://www.crsdd.uqam.ca/Pages/docs/05-2012.pdf. Plus généralement, R. CRÊTE et S. ROUSSEAU, Droit des sociétés par actions, 3e éd., Montréal, Thémis, 2011, aux pp 415 à 426, aux para 908 à 931; I. TCHOTOURIAN, avec la collaboration de J.-C. BERNIER, Devoir de prudence et de diligence des administrateurs et RSE – Approche comparative et prospective, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2014, aux pp 103 à 111, aux para 73 à 80.

[4] A.A. BERLE, « For Whom Corporate Managers are Trustees: A Note », (1932) 45:8 Harv. L. Rev. 136.

[5] E.M. DODD, Jr., «For Whom are Corporate Managers Trustees» (1932) 45:7 Harv. L. Rev. 1145.

[6] Voir, par exemple, la distinction entre le législatif et le juridique américain : I. TCHOTOURIAN, avec la collaboration de J.-C. BERNIER, supra note 3, aux pp.110-111, au para 80.

[7] Cet aspect n’étant pas détaillé dans le présent billet, voir I. TCHOTOURIAN, avec la collaboration de J.-C. BERNIER, supra note 3, aux pp. 26-41, aux para 12 à 18 ;

[8] K.P. MCGUINNESS, Canadian Business Corporations Law, 2e ed., Markham, LexisNexis Canada inc., 2007, aux pp. 92-93.

[9] Ibid., à la p. 93: « The ownership of a corporation is evidenced by shares in the corporation ». Voir aussi C.C. NICHOLLS, Corporate Law, Toronto, Edmond Montgomery Publications Limited, 2005, à la p. 63 : « At many of those very points along the historical road that the business corporation was being more strongly recognized as an organic “one” (rather than as merely an aggregate or collective), it was, paradoxically, also identified as a vehicle effectively “owned” by its shareholders, and its profits, as indirectly belonging to its shareholders ».

[10] Pour analyse complète de ce principe de droit commercial, voir : R. CRÊTE et S. ROUSSEAU, supra note 3, aux pp. 99 à 149, aux para 213 à 327.

[11] McAlister v. Eclipse Oil Co., 128 Tex 449, 98 SW2d 171. Cette théorie, d’origine américaine, est peu partagée en droit civil français. L’actionnaire, de par sa mise de fonds (G. RIPERT, Traité élémentaire de droit commercial, Paris, Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence, 4e éd., 1959, à la p. 498 : « Le mot action a un double sens. Il désigne le droit de l’associé dans une société de capitaux et s’oppose l’intérêt; il désigne également le titre qui, non seulement constate, mais représente le droit »), détiendrait des droits individuels dans la société : pécuniaires (« Le droit de l’actionnaire ressemble au droit du propriétaire en tant que c’est un droit privatif à opposabilité absolue. Il peut être classé à ce titre parmi les propriétés incorporelles ») et non pécuniaires (ces droits sont le droit à l’information et le droit de vote). Ces droits ne lui confèrent toutefois pas la propriété des biens de la société. Le droit français préfère, à défaut d’un régime de propriété, octroyer le statut de créancier à l’actionnaire, divergeant ainsi du statut de l’actionnaire-propriétaire en droit nord-américain et britannique (G. RIPERT sous la direction de M. GERMAIN, Traité élémentaire de droit commercial—Tome 2 : Les sociétés commerciales, Paris, Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence, 20e éd., 2011, à la p. 355 : « Les actionnaires ne sont pas copropriétaires des biens sociaux, qui appartiennent à la personne morale; […]. Ils ont apport des biens à la société, et ils sont créanciers de celle-ci en raison de leurs apports, dont ils n’ont plus la propriété. Ce droit de créance est original à plusieurs à plusieurs points de vue. C’est une créance éventuelle : droits aux dividendes futurs, droit préférentiel de souscription au cas d’augmentation de capital, droit de remboursement des apports et partage du boni de liquidation, s’il en existe. La définition de son contenu en fait une créance subordonnée : les associés acceptent que les créanciers sociaux, les obligataires en particulier, disposent d’un rang préférable au leur pour se faire payer sur l’actif social »).

[12] B.C. HUNT, The Development of The Business Corporation in England 1800-1867, Cambridge, Harvard University Press, 1936, à la p. 41.

[13] Dodge v. Ford Motor Company, 170 NW 668 (Mich 1919). Pour une critique de ce jugement, voir : L.A. STOUT, «Why We Should Stop Teaching Dodge v. Ford», 3 Va. L. & Bus. Rev. 163.

[14] Paradoxalement, Henri Ford aurait financé dès le début des années 1930 le parti nazi en laissant des profits en provenance d’Allemagne à ce parti et en versant 50 000 dollars chaque année à l’occasion de l’anniversaire d’Hitler. Il a ainsi reçu en 1938 la « Grand-Croix de l’ordre de l’Aigle allemand », soit la plus haute décoration nazie pour un étranger (A.C. SUTTON, Wall Street and the rise of Hitler, GSG & Associates Pub, 1976).

[15] Magasin à rayons Peoples inc. (Syndic de) c. Wise, 2004 CSC 68, aux para 42 et ss.

autres publications Gouvernance Normes d'encadrement objectifs de l'entreprise responsabilisation à l'échelle internationale

Nouvelle publication du professeur Alain Supiot sur l’entreprise

Toute publication du professeur Alain Supiot est un moment particulier. Que dire de celle-ci « L’entreprise dans un monde sans frontières ; perspectives économiques et juridiques » (Dalloz) qui tombe en plain dans les thématiques de blogue ! Vous apprécierez sans aucun doute la richesse de la table des matières ci-dessous.

A l’heure de la mondialisation, quelles sont les transformations qui affectent les entreprises ? Quelle sont leurs conséquences sur la liberté d’entreprendre et le statut du travail ?_x000D_ Cet ouvrage y répond en quatre thématiques :_x000D_ La première aura pour objet de tracer les cadres conceptuels du droit de l’entreprise, du point de vue de l’histoire du droit des sociétés, de la théorie économique, des théories du management et de la théorie du droit. La seconde sera consacrée à l’impact de la globalisation sur le droit de l’entreprise, telle qu’il se donne à voir en matière d’emploi, de fiscalité, de comptabilité, d’arbitrage ou de droit international. La troisième s’intéresse aux transformations du pouvoir et de la responsabilité dans l’entreprise sous l’influence de la doctrine de la Corporate governance ou des compliance programs. Enfin la quatrième est l’occasion de s’interroger sur la contribution des entreprises à l’intérêt général, au travers de leurs déclarations de « responsabilité sociétale », de l’action des autorités de régulation ou de l’expérience des entreprises publiques et du secteur social et solidaire.


Table des matières

Première partie : Cadres conceptuels.
1. L’entreprise dans la théorie économique.
2. Théorie(s) du management de l’entreprise : Entre actualité et histoire.
3. De la corporation au gouvernement d’entreprise : traditions nationales des sociétés anonymes et séparation entre propriété et direction de l’entreprise.
4. L’auto-constitutionnalisation des entreprises transnationales? Sur les rapports entre les codes de conduite «privés» et «publics» des entreprises.

Deuxième partie : L’impact de la globalisation.
5. L’entreprise est-elle soumise aux règles du droit international ?
6. L’Etat face à la protection internationale de l’entreprise : Regards sur le droit international des investissements contemporain.
7. Quelle fiscalité pour les entreprises transnationales ?
8. Mobilité des entreprises et mobilités des travailleurs dans l’Union européenne : réflexions sur l’espace juridique transnational.
9. De quelle entreprise cherche-t-on à rendre compte ? Retour sur la construction de l’image comptable.

Troisième partie : Le pouvoir et la responsabilité dans l’entreprise.
10. Le modèle allemand face aux défis de l’intégration européenne et de la mondialisation.
11. Le modèle anglo-américain de l’entreprise: mythe et réalité : La dynamique des programmes de conformité des entreprises : déclin ou transfiguration du droit pénal des affaires ?
12. Gestion, informations et responsabilité des dirigeants Pouvoir et responsabilité en droit du travail.

Quatrième partie : L’entreprise au service de l’intérêt général.
13. L’encadrement de la cession des sites voués à la fermeture.
14. Loi Florange et procéduralisation du pouvoir de l’entreprise.
15. Les entreprises «cruciales» et leur régulation.
16. L’entreprise sociale et solidaire : une source d’inspiration pour le droit de l’entreprise ?
17. L’entreprise publique : Une espèce hybride en voie de disparition ou une plante vivace porteuse d’avenir ?

Conclusion : La « fin » de l’entreprise privée


À la prochaine…

Ivan Tchotourian