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Recours dérivé : la bonne foi et l’intérêt de la société précisés

Dans l’arrêt St-Germain c. St-Germain (2016 QCCA 303), la Cour d’appel s’est penchée sur les conditions pour intenter une action dérivée en vertu de l’article 239 de la Loi canadienne sur les sociétés par actions. Dans cette affaire ayant trait à une dilution suite à une nouvelle émission d’actions, les juges reviennent en détail sur les deux conditions essentielles pour intenter une action dérivée que sont la bonne foi et l’intérêt de la société.

Morceaux choisis :

[49]       La juge a plutôt ciblé et retenu des événements reliés aux querelles familiales. Ceux-ci sont peu pertinents pour évaluer la bonne foi de Doris dans sa proposition d’intenter un recours en oppression par voie d’action dérivée dans le contexte du présent dossier. Ce qui doit être recherché est la bonne foi eu égard à l’action dérivée projetée et non pas la bonne foi historique concernant les affaires du passé n’ayant que peu de liens avec les questions ciblées par le projet d’action dérivée.

[52]        La dilution d’actions élaborée par Normand en 2006 a été admise et son but d’exclure l’appelante de toute participation dans l’équité des compagnies à cause de leurs disputes familiales a été suffisamment établi à ce stade. 176 inc. a intérêt à corriger cette situation à titre d’actionnaire de 2316 Québec inc. L’intérêt de Doris à titre d’actionnaire de 176 inc. coïncide avec les intérêts de cette dernière. L’action proposée cherchait à remédier à cette situation. Cela devait inviter la juge à conclure que l’appelante agissait de bonne foi en proposant l’action dérivée, vu le refus des administrateurs de 176 inc. d’intenter les procédures appropriées.

[55]        (…) Une émission d’actions qui a pour effet de diluer la valeur des actions déjà émises n’est pas en soi nécessairement oppressive. Elle ne sera pas oppressive si elle est faite pour le bénéfice de la société (par exemple en considération d’un nouvel investissement). Par contre, elle sera oppressive si elle est faite dans un but inapproprié (comme punir un autre actionnaire qui est un membre de la famille). En ce sens, dans le présent cas, l’émission est prima facie oppressive.

[56]        (…) Il est axiomatique et fondamental que les actionnaires aient droit à leurs parts proportionnelles des éléments d’actif de la société. En conséquence, il est raisonnable que les actionnaires s’attendent à ce que la valeur de leurs actions ne soit pas diminuée par les machinations de l’actionnaire majoritaire ou des administrateurs qui contrôlent les droits de vote. Ceci est particulièrement le cas pour des actions émises à la suite d’un gel successoral conçu pour que la valeur future d’une compagnie s’accroisse au bénéfice des nouveaux actionnaires (les héritiers présomptifs de l’actionnaire) (…). Un empiètement par l’actionnaire majoritaire sur les droits fondamentaux d’un actionnaire minoritaire est injuste et donne ouverture à une action en oppression (…). Normand ne peut pas justifier son comportement en disant que c’est lui qui a donné les actions à Doris. Une fois que Doris est actionnaire (indépendamment du mode d’acquisition des actions (achat, don, etc.)), elle bénéficie de tous les droits et recours d’une actionnaire.

Je vous invite à lire commentaire très bien rédigé de Me Bin Zeng sur le blogue du CRL : « Action dérivée en droit corporatif : les critères de bonne foi et d’intérêt de la société ».
À la prochaine…
Ivan Tchotourian
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Nouveau régime d’OPA au Canada

Les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) ont publié des modifications fondamentales au régime d’offres publiques d’achat qui devraient entrer en vigueur le 9 mai 2016 (ici). Les modifications accorderont plus de temps aux émetteurs visés pour réagir à une offre hostile, qui se traduira concrètement par un régime « offre permise » de 105 jours et un régime d’offres publiques d’achat harmonisé à l’échelle du Canada lorsque le Règlement 62-104 sur les offres publiques d’achat et de rachat (le Règlement 62-104) sera adopté en Ontario. Les modifications entraînent des incidences importantes sur l’utilisation de régimes de droits à la fois tactiques et stratégiques, et peuvent également influencer la façon dont les opérations seront structurées à l’avenir.

Une des modifications fondamentales prévoit que toute OPA non dispensée devra respecter une obligation de dépôt minimal de plus de 50 % des titres en circulation visés par l’offre (à l’exclusion des titres détenus par l’initiateur ou ses alliés).

Les modifications prévoient également un délai minimal de dépôt de 105 jours, sauf dans certaines situations où le délai peut être abrégé à la discrétion du conseil de l’émetteur visé ou si l’émetteur réalise l’une des opérations de remplacement prévues. Qui plus est, le délai minimal de dépôt fait l’objet d’une prolongation obligatoire d’au moins 10 jours une fois que l’obligation de dépôt minimal et toutes les autres conditions ont été remplies.

Selon le régime actuel, les OPA non dispensées doivent être maintenues pendant 35 jours et ne sont soumises à aucune obligation de dépôt minimal ni prolongation obligatoire une fois que l’initiateur a pris livraison des titres déposés.

Vous pourrez trouver un commentaire du cabinet Osler : ici.

À la prochaine…

Ivan Tchotourian

devoirs des administrateurs Gouvernance Normes d'encadrement Nouvelles diverses objectifs de l'entreprise

Retour sur Rona : encore !

Le professeur Yvan Allaire est revenu récemment sur l’affaire Rona : « Rona: faut-il protéger nos entreprises contre les prises de contrôle étrangères? » (Les affaires.com, 4 février 2016). Le professeur Allaire se pose 2 questions : faut-il protéger les entreprises et comment les protéger ?

Pour compléter la réflexion, je vous invite à lire ce rapport publié il y a un an et demi : Groupe de travail sur la protection des entreprises québécoises, « Le maintien et le développement des sièges sociaux au Québec », février 2014. Des solutions ont été proposées qui mériteraient peut-être d’être actualisées.

Les gouvernements au Canada ont peu de recours pour s’opposer à une tentative de prise de contrôle non souhaitée; toutefois, il serait important qu’à la première occasion, le conseil d’administration d’une entreprise visée demande aux tribunaux de statuer sur la validité de la position des commissions des valeurs mobilières qui va à l’encontre des jugements de la Cour suprême, pourtant l’autorité juridique ultime au Canada.

Quant aux prises de contrôle consensuelles, il faut rappeler aux conseils d’administration leur responsabilité envers l’entreprise et toutes ses parties prenantes. Une vente d’entreprise ne devient pas ipso facto acceptable parce qu’elle enrichit les actionnaires et la direction.

À la prochaine…

Ivan Tchotourian

devoirs des administrateurs mission et composition du conseil d'administration

Quels devoirs pour les administrateurs ?

Robert Dutton propose une analyse intéressante sur son blogue : « Si les conseils prenaient leur rôle de fiduciaires au sérieux » (Les affaires.com, 6 février 2016).

Être le gardien de quelque chose pour les générations futures, c’est une belle définition du rôle du fiduciaire. C’est aussi une belle définition du rôle d’un conseil d’administration (CA). On dit parfois que les administrateurs d’une entreprise en représentent les actionnaires et, qu’à ce titre, ils doivent se comporter comme s’ils en étaient les propriétaires. Mais, comme le dit Patek Philippe de ses montres, ils n’en sont jamais les véritables propriétaires. En bons fiduciaires toutefois, ils doivent en assumer la pleine responsabilité ; face aux actionnaires actuels, certes, mais aussi face aux générations futures.

À la prochaine…

Ivan Tchotourian

devoirs des administrateurs mission et composition du conseil d'administration Nouvelles diverses

Rona acheté

Une sacrée nouvelle que voilà : le quincailler Rona vient d’être racheté par l’entreprise américaine Lowe’s. Le gouvernement libéral a donc accepté l’offre faite à l’entreprise québécoise qui passe donc sous pavillon américain (ici). Quatre ans plus tard, c’est une autre époque !

Diane Bérard commente cette actualité sur son blogue sous l’angle de la responsabilité des administrateurs que je vous invite à lire : « Rona: quelle est la responsabilité des administrateurs? ».

Morceau choisi :

Quatre ans plus tard. Lowe’s récidive. Cette fois, le conseil de Rona a accepté. Qu’est-ce qui a donc changé depuis 2012? D’après ce que je comprends, deux facteurs ont changé. D’abord, l’offre a été été sérieusement bonifiée. Ensuite, Lowe’s laisse planer la menace d’ouvrir ses propres magasins au Québec. Ce qui concurrencerait Rona dans un marché passablement encombré. (…)

Résumons: une transaction qui n’était pas avantageuse pour l’économie du Québec en 2012 est devenue acceptable parce que l’acheteur a augmenté le prix et évoqué la menace de concurrence. «Vous êtes à moi ou contre moi!»

Et le long terme?

Le conseil de Rona aurait donc accepté cette transaction parce qu’elle favorise les actionnaires et que cela limite les dommages pour l’entreprise à court et moyen terme. Mais qu’en sera-t-il du long terme?

À la prochaine…

Ivan Tchotourian

autres publications devoirs des administrateurs Gouvernance mission et composition du conseil d'administration normes de droit rémunération

Osler : que retenir de 2015 en matière de gouvernance ?

Le cabinet Osler propose une intéressante rétrospective juridique de l’année 2015 en matière de gouvernance d’entreprise : « Gouvernance : la composition des conseils d’administration et la rémunération sous les projecteurs ».

La composition des conseils d’administration et le recrutement ont continué d’être des questions clés en matière de gouvernance en 2015, à la suite de modifications apportées aux exigences en matière de divulgation et d’initiatives relatives à la gouvernance d’entreprise de la part d’investisseurs institutionnels visant à promouvoir la possibilité pour les actionnaires de proposer des candidats (l’accès aux procurations), et ce, aux États-Unis et au Canada. La rémunération est aussi demeurée une question prioritaire. Alors que des actionnaires institutionnels ont manifesté leur opposition lors de votes consultatifs sur la rémunération tenus par trois grands émetteurs canadiens, la Securities and Exchange Commission a mis de l’avant plusieurs initiatives réglementaires relatives à la rémunération.

Je vous laisse découvrir la suite…

À la prochaine…

Ivan Tchotourian

devoirs des administrateurs divulgation financière mission et composition du conseil d'administration retour vers le futur

Incidences des enjeux environnementaux et sociaux pour les entreprises et la gouvernance : guide des CPA

Bonjour à toutes et à tous, en 2011 (vous trouverez ce billet notamment dans la partie « Souvenez-vous » de ce blogue), le Conseil sur la surveillance des risques et la gouvernance (CSRG) de CPA Canada a commandé un cahier d’information suivant (« Cahier d’information sur le développement durable : enjeux environnementaux et sociaux – Questions que les administrateurs devraient se poser ») pour aider les CA à s’acquitter de leur responsabilité à l’égard de la surveillance des enjeux environnementaux et sociaux susceptibles d’avoir des répercussions sur le risque, la stratégie et les finances des entreprises qu’ils servent.

Le conseil d’administration a plusieurs responsabilités de surveillance importantes en ce qui concerne les opportunités et les risques associés aux enjeux environnementaux et sociaux. Il est essentiel qu’il soit conscient de ces enjeux et attentif pour demeurer au fait de leur évolution rapide et de leurs incidences sur l’entreprise. Le présent cahier d’information expose les enjeux environnementaux et sociaux que les administrateurs doivent prendre en considération, explique leurs implications potentielles pour l’entreprise et présente des questions que les administrateurs pourraient poser dans l’exercice de leur responsabilité de surveillance.

Accéder à ce document : CPA, Cahier d’information sur le développement durable : enjeux environnementaux et sociaux : questions que les administrateurs devraient poser, 2011.

À la prochaine…

Ivan Tchotourian