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OPINION : L’entreprise responsable, sujet-frontière et spacialité

Présent au colloque no 421 de l’ACFAS sur « Le devoir de vigilance : regards croisés en droit international, droit comparé et au Canada » (15 mai 2024), je vous partage mes réflexions de ce matin sous forme d’opinion…

 

Les entreprises ont bousculé les frontières

Effectivement, les entreprises ont bousculé ce que l’on appelle le droit. Il y a eu un impact sur les frontières disciplinaires avec l’entreprise. La norme est apparue avec tous ses défis : la comprendre, la situer et la faire interagir. Depuis les années 80, place à l’autorégulation qui s’est traduite dans l’émergence et l’intensité du mouvement RSE. Qui doit intervenir quand se pose la question de la RSE ? L’État ? L’entreprise elle-même ? Les individus (salariés…) ? Le marché ? Pas simple !

Il en va de même dans le domaine de l’éthique où l’entreprise a défini et appliqué sa propre éthique. Elle a ainsi dessiné de nouvelles limites au comportement éthique. L’éthique « circonstantielle » ou organisationnelle s’est alors développé pour mieux comprendre.

Mais les entreprises ont été plus loin. Elles ont bousculé les frontières géographiques (pensons aux multinationales), frontières pourtant fondamentales pour l’applicabilité (et l’existence même) du droit. Elles ont bousculé aussi d’autres frontières comme celle de la justice et de la conception que le juriste en avait (nous faisons ici un petit clin d’œil à l’OCRE et au PCN canadiens) ; comme celle du politique et de l’économique où ce dernier s’est fait de plus en plus entendre. Il suffit de relire la saga SNC Lavalin pour s’en convaincre… Pourquoi ne pas également s’intéresser à Northvolt ou à ArrivCan ?

 

Les frontières des entreprises ont été bousculées

Les frontières de l’entreprise ont été à leur tour questionnées et remises en question. Sur les plans du droit et de l’éthique, ce qui a été admis pendant longtemps (et étant dans une frontière légale et morale) ne l’est plus forcément ou, de moins en moins. Les frontières du légal et du moral ont bougé et bouge encore ! La planification fiscale agressive, la rémunération des hauts dirigeants l’illustrent parfaitement tout comme le discours corporatif. L’entreprise n’est plus seulement économique avec une frontière de cette nature. Elle s’est vu imposer d’autres frontières qu’elle a parfois voulue et d’autres fois subit. Salariés, consommateurs et investisseurs lui rappellent ses frontières et l’importance d’être traitée comme des citoyens à l’intérieur de ses frontières.

C’est un défi de définir les frontières de l’entreprise, notamment en droit et éthique. En droit du travail, le seul rapport entre entreprise et individu se brouille lui-même. Les débats sur le télétravail ou la déconnection le montrent. Dans le domaine du droit des sociétés et des marchés, c’est la double matérialité et le reporting extra financier qui démontrent que les frontières de l’entreprise ne s’arrêtent plus à l’activité économiques et aux chiffres. La frontière de la transparence s’obscurcit… ce qui est un comble !

 

Les entreprises sont des objets frontières

La proposition doit être faite. Quelle est sa traduction sur les plans juridiques et éthiques ? Tout simplement la responsabilité des entreprises. La frontière définit un espace de responsabilité. Mais, la responsabilité n’est plus unique autour d’une raison économique. Elle est multiple et porteuse de contradiction. Peu importe, la responsabilité est là. Elle doit être alors pensée comme multiple.

Il est intéressant que l’entreprise soit vu ainsi. Il y a un mouvement derrière qui empêche l’interface qu’elle est, d’être vide. Derrière l’entreprise, c’est un collectif :

  • Ce sont des parties prenantes si complexe à saisir et pourtant tellement présentes !
  • C’est une chaîne d’approvisionnement, de valeurs ou d’activité avec différents acteurs.
  • C’est un dialogue et une participation qui doivent être développées.

 

Le droit dur est revenu

Un retour du droit est observé ou encore, un durcissement de la RSE qui devient progressivement une branche juridique. Des frontières sont donc rétablies en droit. L’intérêt pour la vigilance le montre. La mission, la raison d’être, l’écoblanchiment sont aussi animés de cette dynamique. Revenons à la vigilance. Instruments internationaux, accords internationaux, loi, règle douanière, jurisprudence sur le duty of care ou le contentieux climatique donnent à la vigilance un « vrai » contenu juridique. C’est la frontière de l’entreprise qui est étendue par la chaîne d’approvisionnement, mais qui dans le même temps se restreint à certaines entreprises. Si l’application de la vigilance reste à parfaire, le message est envoyé : la frontière existe de moins en moins.

Mais, ce droit dur se conjugue avec certains principes qui demeurent ancrés dans une posture ancienne. Il y a donc une frontière à bien comprendre : la frontière temporelle.

L’éthique elle-même se durcit et c’est par le territoire ou par la réputation qu’elle le fait. Des frontières à nouveau se dresse.

En dépit de ce durcissement, la logique économique et financière dans lesquelles naviguent les entreprises dessinent des frontières étriquées rejetant la responsabilité des entreprises aux abymes et faisant des États des acteurs sans pouvoir. La fonderie Horne et la création de la fameuse zone tampon sont intéressants sur ce point.

 

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engagement et activisme actionnarial Gouvernance Responsabilité sociale des entreprises

Mouvement anti-ESG : faut-il s’inquiéter ?

Depuis quelques temps, des tentatives sont faites pour réduire la participation des investisseurs engagés. À ce titre, l’entreprise américaine Exxon a entrepris un recours judiciaire contre certaines parties prenantes, critiquant l’usage « activiste » des droits des actionnaires.

 

Extrait :

Exxon Mobil said Friday it will continue to pursue a lawsuit against two activist investors even after they withdrew a shareholder proposal on climate change, setting up a clash over what constitutes legitimate debate between a public company and its owners.
Exxon (XOM.N), opens new tab had taken the rare step in January of filing the lawsuit to block the shareholder measure from being voted on at its annual meeting.
(…) Exxon’s unusual legal action has been closely watched by investor activists worried the move could lead other companies to block shareholder resolutions in court, rather than through the usual process of appealing to regulators.

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devoir de vigilance normes de droit Responsabilité sociale des entreprises

Les entreprises canadiennes et la vigilance européenne

Le 24 avril, la directive sur le devoir de diligence CSDDD (Corporate Sustainability Due Diligence Directive) a été adoptée par le Parlement européen. Ce texte voté par les représentants des 27 États membres de l’Union européenne représente une étape majeure pour mieux encadrer les pratiques des grandes entreprises et reconnaître le  « devoir de vigilance » des entreprises. La directive continue d’avancer dans le processus législatif…

 

  • Pour mieux comprendre la directive, et réfléchir à son impact sur l’économie canadienne, nous vous invitons à lire cette synthèse du RRSE : ici

 

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engagement et activisme actionnarial Gouvernance Responsabilité sociale des entreprises

La durabilité portée par les investisseurs : le bon choix

Le professeur Wolf-Georg Ringe a publié récemment une monographie que beaucoup de vous s’empresser de lire : « Investor-Led Sustainability in Corporate Governance » (Now Publishers, novembre 2022).

 

Résumé :

The transition to a sustainable economy currently involves a fundamental transformation of our capital markets. Lawmakers, in an attempt to overcome this challenge, frequently seek to prescribe and regulate how firms may address environmental, social, and governance (ESG) concerns by formulating conduct standards. Deviating from this conceptual starting point, the present study makes the case for another path towards achieving greater sustainability in capital markets, namely through the empowerment of investors.

This trust in the market itself is grounded in various recent developments both on the supply side and the demand side of financial markets, and also in the increasing tendency of institutional investors to engage in common ownership. The need to build coalitions among different types of asset managers or institutional investors, and to convince fellow investors of a given initiative, can then act as an in-built filter helping to overcome the pursuit of idiosyncratic motives and supporting only those campaigns that are seconded by a majority of investors. In particular, institutionalized investor platforms have emerged over recent years as a force for investor empowerment, serving to coordinate investor campaigns and to share the costs of engagement.

ESG engagement has the potential to become a very powerful driver towards a more sustainability-oriented future. Indeed, I show that investor-led sustainability has many advantages compared to a more prescriptive, regulatory approach where legislatures are in the driver’s seat. For example, a focus on investor-led priorities would follow a more flexible and dynamic pattern rather than complying with inflexible pre-defined criteria. Moreover, investor-promoted assessments are not likely to impair welfare creation in the same way as ill-defined legal standards; they will also not trigger regulatory arbitrage and would avoid deadlock situations in corporate decision-making. Any regulatory activity should then be limited to a facilitative and supportive role.

 

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devoir de vigilance normes de droit Responsabilité sociale des entreprises

Loi sur la vigilance et contentieux climatique : une étude

Voilà une belle étude de Mikko RajavuoriAnnalisa Savaresi et Harro van Asselt parue dans la revue Regulation & Governance, 2023, vol. 17, no 4, p. 944-953 : « Mandatory due diligence laws and climate change litigation: Bridging the corporate climate accountability gap? ».

Résumé :

The debate on corporate climate accountability has become increasingly prominent in recent years. Several countries, particularly in the Global North, have adopted mandatory human rights and/or environmental due diligence legislation. At the same time, judicial and quasi-judicial proceedings are helping to shape the contours of corporate climate accountability. This article considers how litigation against corporations and due diligence legislation interact, and thereby help develop and strengthen corporate climate accountability. While the practice in this area is still limited, there is scope to reflect on early developments and how they may influence both future climate litigation as well as ongoing and future law-making on due diligence. We first review recent developments in climate litigation against corporations, focusing on the extent to which they rely on climate due diligence obligations. We then survey existing and proposed due diligence legislation, examining the extent to which it addresses corporate climate accountability. Finally, we identify scenarios of how due diligence legislation and climate litigation may interact and possibly converge to strengthen corporate climate accountability. We furthermore identify knowledge gaps and areas for further research.

 

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finance sociale et investissement responsable Gouvernance Responsabilité sociale des entreprises Structures juridiques

Des banques canadiennes peu vertes !

Vidéo intéressante sur le positionnement des banques canadiennes par rapport aux entreprises de l’énergie fossile. Accablant, avouons-le !

 

Résumé :

Les cinq plus grandes banques du Canada financent toujours massivement le secteur des énergies fossiles malgré une promesse à verdir leurs portefeuilles. « Clairement les banques ne se sont pas responsabilisées » analyse Patrick Bonin, de Greenpeace Canada, en entrevue à Zone économie.

 

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Gouvernance mission et composition du conseil d'administration

IA et CA

Bel article court dans le Courrier international du 4 mai 2024 : « L’intelligence artificielle débarque dans les conseils d’administration ».

 

Extrait :

 

Ce que ces experts suggèrent, entre les lignes, c’est surtout que les conseils d’administration devraient se réunir plus fréquemment qu’une fois par mois ou tous les trois mois, mais aussi qu’en s’appuyant sur l’IA ce genre de réunion pourrait être plus efficace.

Cependant, faire siéger l’IA soulève de nouvelles questions, sur lesquelles il faudrait se pencher sans tarder, estime Alissa Kole, directrice générale du cabinet de conseil Govern Center. Par exemple, si l’IA suggère une stratégie qui est finalement adoptée, qui en sera responsable ? Mais cette question n’est pas nouvelle et, quel que soit le domaine, elle se pose.

 

À la prochaine…