Gouvernance | Page 10

engagement et activisme actionnarial Gouvernance objectifs de l'entreprise

Retour sur l’expérience de Ackman au CP

Yvan Allaire et François Dauphin publient un article dans Le Devoir : « L’activisme actionnarial est-il un sport payant? ». Les auteurs reviennent sur l’intervention de l’activiste Bill Ackman au Canadian Pacific. Qu’en déduisent-ils ?

  1. Aucune entreprise n’est à l’abri de l’assaut d’un activiste. Peu importe la taille de l’entreprise ou la composition du conseil, toute société est une cible potentielle. D’ailleurs, la réglementation canadienne est très favorable aux actionnaires activistes.
  2. Pour éviter d’apparaître sur le radar de ces activistes, les conseils d’administration et la direction des grandes sociétés peuvent être tentés de tout mettre en oeuvre pour atteindre les objectifs trimestriels, les « attentes » des analystes de façon à ce que la valeur de l’action croisse sans cesse ou, à tout le moins, ne chute pas. Bref, la menace de l’activisme actionnarial, que le passage d’Ackman au CP aura rendue bien réelle, pourrait bien avoir comme conséquence d’ajouter aux autres sources de pression exercées sur la direction pour l’inciter à prendre des décisions qui auront un effet positif à court terme.

 

Voici l’introduction de leur article :

 

La saga Bill Ackman au Canadien Pacifique (CP) est terminée. Le milliardaire américain à la tête du fonds de couverture activiste Pershing Square a liquidé ce qui restait de ses actions dans le CP après un passage pour le moins remarqué au sein du chemin de fer canadien. Un « succès » qui laissera peut-être un goût amer aux administrateurs et dirigeants des sociétés canadiennes inscrites en bourse.

Selon différentes sources, les gains réalisés par son placement dans le CP atteindraient 2,6 milliards de dollars américains pour Pershing Square. Au total, c’est entre 6 000 et 7 000 emplois qui auront été supprimés au CP pour réaliser ce beau profit.

 

À la prochaine…

Ivan Tchotourian

engagement et activisme actionnarial normes de droit objectifs de l'entreprise

Actionnaires-investisseurs et dirigeants : des tensions (exemple du droit)

« La tension entre fonds et dirigeants devrait persister » (Les Échos.fr, 12 juillet 2016)… voilèa un article illustrant l’activisme croissant de certains actionnaires et ses conséquences négatives (quoique…).

 

La Cour de cassation a donné raison à Eurazeo qui avait licencié pour faute lourde, donc sans droit à indemnités de rupture, Philippe Guillemot, ancien patron d’Europcar… Depuis la crise financière de 2008, les fonds se posent en investisseurs « actifs ».

Les conflits entre les fonds d’investissement actionnaires des entreprises et leurs dirigeants sont courants dans les LBO (rachats d’entreprise par la dette) et, depuis la crise financière de 2008, les premiers n’hésitent plus à évincer les seconds quand les résultats ne sont pas au rendez-vous.

 

À la prochaine…

Ivan Tchotourian

autres publications Gouvernance objectifs de l'entreprise Valeur actionnariale vs. sociétale

Reclaiming the idea of shareholder value

Michael J. Mauboussin et Alfred Rappaport ont publié il y a quelques jours un article dans la Harvard Business Review qui revient sur la valeur actionnariale : « Reclaiming the Idea of Shareholder Value ». Les auteurs insistent sur l’importance de définir et de communiquer clairement l’objectif des entreprises.

 

 

Corporate governance issues are constantly in the headlines. Activist investors challenge management strategies. Investors and others ask why companies binge on buybacks while skimping on value-creating investment opportunities. But discussions of corporate governance invariably miss the real problem: most public companies have extensive governance procedures but no governing objective. As a result, there is no sound basis for stakeholders, including shareholders, to assess the performance of the company and its executives.

Corporate governance is a system of checks and balances that a company designs to ensure that it faithfully serves its governing objective. The governing objective is the cornerstone upon which the organization builds its culture, communications, and choices about how it allocates capital. Think of it as a clear statement of what a company is fundamentally trying to achieve.

Today there are two camps that aim to define the idea of governing objective, but neither is effective. The first believes the company’s goal is to maximize shareholder value. Countries that operate under common law, including the United States and the United Kingdom, lean in this direction.

The second advocates that the company balance the interests of all stakeholders. Countries that operate under civil law, including France, Germany, and Japan, tend to be in this camp.

 

À la prochaine…

Ivan Tchotourian

Gouvernance objectifs de l'entreprise Valeur actionnariale vs. sociétale

The price of profits : à lire absolument !

« The American corporation has been transformed by globalization and new technology. But equally powerful is the belief on Wall Street and in boardrooms that the sole responsibility of a corporation is to maximize profits for its shareholders ». Ce résumé du rapport de Marketplace « The price of profits » illustre parfaitement les 5 beaux chapitres (pas trop longs et accessibles à tout public) qu’il nous est donné de lire. Revoilà la primauté de la valeur actionnariale sur le devant de la scène pour être critiquée…

 

Listen to business news on cable TV, and you’ll hear bankers, fund managers and CEOs talk about a corporation’s legal responsibility to “maximize shareholder value.” The idea that the product of a corporation is profits is gospel. It’s taught in business school. But it’s not true.

(…) If jobs were the first target, how to spend a company’s profits was next. A corporation can invest in itself and grow or — what? Giant investment funds pressed for higher returns — higher share prices. An increasingly favorite strategy was to spend profits buying back the company’s own shares. It was financial engineering: fewer shares, higher share price.

The former corporate raider Carl Icahn, for example, started buying shares of Apple in 2013, and eventually owned more than 50 million, nearly 1 percent. He pressured Apple to buy back shares — and Apple is spending more than $100 billion doing so.

Icahn sold his shares this spring. Economist William Lazonick, the author of a shareholder-value analysis, “Profits Without Prosperity,” noted that Icahn was a share-renter, not a shareholder. He never invested a dollar in Apple itself.

Icahn said his investment in Apple shares netted him $2 billion. Apple? Its shares are below what the company paid for them. So far, Apple is a loser.

 

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Ivan Tchotourian

mission et composition du conseil d'administration objectifs de l'entreprise

Les P-DG vont-ils parler de plus en plus de RSE ?

Les P-DG devraient investir davantage le terrain de la RSE dans leur déclaration. C’est en substance ce que l’on apprend d’un article du Wall Street Journal intitulé : “Salesforce’s Marc Benioff has kicked off new era of corporate social activism” (2 mai 2016).

 

Mr. Benioff is among CEOs of companies, including Apple Inc., Bank of America Corp., Walt Disney Co., Intel Corp. and International Business Machines Corp., that have begun pressuring lawmakers on social issues, often with a warning: Change laws or risk losing business.

That is a departure from the past, when U.S. CEOs often avoided weighing in on social issues lest they incur backlash from shareholders, customers and other constituents.

Now, the risk may be in not speaking up. “Our jobs as CEOs now include driving what we think is right,” says Bank of America CEO Brian Moynihan. “It’s not exactly political activism, but it is action on issues beyond business.

 

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Ivan Tchotourian

Gouvernance objectifs de l'entreprise

Les dividendes à tout prix : un risque

Bonjour à toutes et à tous, le Financial Times apporte un regard critique sur les politiques de distribution des dividendes des entreprises : “Alarm grows as investors get bulk of listed groups’ profits” (9 mai 2016).

 

The world’s listed companies have paid out more than half their profits to shareholders in the form of dividends over the past year, an unusual situation that tends to occur only in periods of widespread economic weakness.  “The implication is companies have kept paying out dividends even as earnings have fallen away, and the risk is companies are paying out dividends that are not sufficiently covered by their profits,” said Robert Buckland, global equity strategist for Citi Research…. Directors of public companies must balance demands from shareholders to receive an income from their ownership of a company against the need to reinvest profits in the cause of expansion and future growth.

 

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Ivan Tchotourian

 

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Nos étudiants publient : L’activisme actionnarial offensif expliqué

Le séminaire à la maîtrise de Gouvernance de l’entreprise (DRT-7022) dispensé à la Faculté de droit de l’Université Laval entend apporter aux étudiants une réflexion originale sur les liens entre la sphère économico-juridique, la gouvernance des entreprises et les enjeux sociétaux actuels. Le séminaire s’interroge sur le contenu des normes de gouvernance et leur pertinence dans un contexte de profonds questionnements des modèles économique et financier. Dans le cadre de ce séminaire, il est proposé aux étudiants depuis l’hiver 2014 d’avoir une expérience originale de publication de leurs travaux de recherche qui ont porté sur des sujets d’actualité de gouvernance d’entreprise. C’est dans cette optique que s’inscrit cette publication qui utilise un format original de diffusion : le billet de blogue. Cette publication numérique entend contribuer au partager des connaissances à une large échelle (provinciale, fédérale et internationale). Le présent billet est une fiche de lecture réalisée par Mmes Manon Berney et Chu-Ya Chia. Ces dernières analysent la notion l’activisme actionnarial offensif et reviennent en parallèle sur l’article « Shareholder Activism as a Corrective Mechanism in Corporate Governance » de Paul Rose et Bernard Sharfman. Je vous en souhaite bonne lecture et suis certain que vous prendrez autant de plaisir à le lire que j’ai pu en prendre à le corriger

 Ivan Tchotourian

La question fondamentale qui se pose en matière d’activisme actionnarial est d’en déterminer l’opportunité : est-ce une bonne chose ? Les auteurs de l’article « Shareholder Activism as a Corrective Mechanism in Corporate Governance »[1] commencent par asseoir la présence de l’activisme actionnarial au sein des entreprises et l’insère dans le débat actuel qui tend à opposer le capitalisme managérial et le capitalisme axé sur la plus-value actionnariale. À ce jour, c’est le second modèle qui semble prendre une place prépondérante. L’article répond à la question portant sur l’opportunité et la légitimité de l’activisme actionnarial dit « offensif » qui apparaît comme le nouveau mantra de la gouvernance d’entreprise contemporaine. Les auteurs démontrent comment ce type d’activisme peut servir à promouvoir la valeur actionnariale tout en étant bénéfique pour l’entreprise. Quelle analyse peut-on en faire ?

Intersection entre activisme actionnarial et gouvernance de l’entreprise

La configuration traditionnelle en droit des sociétés par actions place le pouvoir et l’autorité de manière centralisée : tout est entre les mains des administrateurs ! Ce choix est justifié par le fait que les administrateurs sont plus aptes à prendre des décisions vu leur compétence, leur connaissance de l’entreprise et leur absence de passivité (contrairement aux actionnaires). Une telle concentration du pouvoir laisse les actionnaires relativement impuissants et c’est ce déséquilibre qui est identifié comme le moteur de la montée de l’activisme actionnarial. Les auteurs soulignent que l’idée de l’activisme actionnarial ne tend pas vers un contrôle du conseil d’administration, mais plutôt un partage provisoire de compétences… en admettant la prémisse que, dans certaines situations, les actionnaires sont aptes à imposer des décisions qui s’inscrivent directement dans une optique de maximisation de la valeur actionnariale et de l’efficience des activités de l’entreprise.

Différencier les actionnaires

Les types d’actionnaires diffèrent au sein d’une entreprise et les auteurs en identifient un en particulier qui est susceptible de participer et implanter de politiques de gouvernance. Il s’agit des information traders. Sur la base de leurs recherches et des recommandations externes, ils analysent et échangent des données du marché pour faire des choix d’investissement optimal. Ce sont en général des investisseurs professionnels, très qualifiés et ayant une expertise de haut niveau (tels les hedge funds actifs).

L’avantage qu’ils représentent réside dans leur volonté d’investir des ressources non seulement dans l’identification d’opérations stratégiques pour accroître la valeur actionnariale, mais également dans l’effort à mener pour réaliser ce changement au niveau de l’entreprise. Ce phénomène n’est rien d’autre que l’activisme actionnarial offensif.

Activisme actionnarial offensif : pas si mauvais !

L’activisme actionnarial offensif constitue un mécanisme correctif. Il permet aux entreprises d’éviter les erreurs commises par le conseil d’administration dû à l’insuffisance de l’information de ce dernier dans certaines situations. L’actionnariat offensif implique un partage de pouvoir entre le conseil et les actionnaires activistes. Si, en théorie, ce partage du pouvoir peut provoquer une course aux procurations qui risque de conduire à une décision sous-optimale prise par l’ensemble des actionnaires dont la majorité n’est pas suffisamment informée, il est constaté dans les faits que ce risque est minime. Les études empiriques montrent que l’activisme actionnarial offensif augmente significativement la valeur actionnariale, et ce, particulièrement quand il mène à une vente de l’entreprise, une cession des actifs non stratégiques ou un changement de stratégie commerciale. Il est également établit que cet effet positif de l’activisme offensif persiste en général pendant au moins un an après l’intervention, prouvant que l’activisme actionnarial offensif est véritablement bénéfique aux entreprises.

Investisseurs long-terme vs. court-terme : la contradiction levée

Finalement, les auteurs démontrent que la critique du court-termisme des hedge funds actifs est en grande partie infondée. Quel que soit l’objectif souhaité de l’investissement, tous les investisseurs tiennent à leur liberté de pouvoir vendre leurs actifs quand ils le désirent. La valorisation des actions de l’entreprise se fait également de façon similaire, peu importe la période de détention envisagée. Plus important encore, si l’activisme actionnarial offensif des hedge funds était perçu par le marché comme court-termisme et nocif à l’entreprise sur le long terme, l’effet positif de ces hedge funds sur les prix d’actions n’aurait pas duré aussi longtemps que ce qui est observé dans les faits.

Conclusion : un questionnement fondamental oublié

Sans remettre en cause le rôle crucial du conseil d’administration, les auteurs démontre que l’activisme actionnarial offensif constitue un mécanisme correctif à la gouvernance qui augmente la valeur actionnariale. Une question cruciale demeure : la promotion de la valeur actionnariale par l’activisme des hedge funds ne se fait-elle pas au détriment de l’intérêt des autres parties prenantes, particulièrement quand cette augmentation de la valeur actionnariale est le résultat d’une vente de l’entreprise ou une cession des activités dites non stratégiques ?

 Manon Berney

Chu-Ya Chia

Étudiants du cours de Gouvernance de l’entreprise – DRT-7022


[1] ROSE Paul et SHARFMAN Bernard S., Shareholder Activism as a Corrective Mechanism in Corporate Governance, 2014 BYU L. Rev. 1015 (2015).