Le rôle des actionnaires semble de plus en plus contesté. Alors que certains mentionnent que les actionnaires et les administrateurs devraient être les seuls décideurs de l’entreprise , d’autres se demandent si les actionnaires représentent vraiment bien toutes les parties prenantes et si les actionnaires ont vraiment tous les outils pour prendre de « bonnes décisions » pour les employés, les consommateurs, les membres de la communauté, etc.
Dans tous les cas, pour le moment, les actionnaires tiennent dans leurs mains des pouvoirs importants principalement par le biais de leurs votes. À l’exception de quelques structures actionnariales qui émettent des actions sans droit de vote, les actionnaires détiennent habituellement des droits de vote avec chaque action qu’ils détiennent. Cette démocratie actionnariale permet, ou est censée permettre, une certaine forme de checks and balance et de reddition de compte.
Cependant, la démocratie actionnariale n’est pas au sommet de sa forme. Elle est quasi-inconnue par la plupart des particuliers et parfois utilisée par les investisseurs institutionnels comme forme d’engagement actionnarial. Peu semblent comprendre tout le pouvoir que représentent leurs votes. Dans ce balado Capitalisn’t: Shareholder vote suppression, plusieurs questions en lien avec la démocratie actionnariale est abordée avec les animateurs, mais aussi avec Rob Jackson, le commissionnaire des valeurs mobilières (Securities and Exchange Commission). Bien que le contexte de ce balado soit basé exclusivement dans un contexte américain, il y a plusieurs similarités dans le marché canadien.
Le site internet du balado ici : https://www.capitalisnt.com
N’hésitez pas à me faire parvenir vos questions ou certains sujets nécessitent plus d’approfondissement. C’est avec plaisir que je vous répondrais via un billet de blogue.
Bonne écoute!
Julie
Références: CEDROM-SNI (2019), » La rémunération des dirigeants d’une entreprise ne concerne que ses actionnaires et administrateurs », dans Le Soleil [en ligne], section Opinions, 20 mars, consultée le 19 mars 2020
Le Figaro avec APP (2019), « Rémunérations des dirigeants: les actionnaires non-représentés aux CA sont plus critiques », dans Le Figaro [en ligne], section Économie, 12 avril, consultée le 19 mars 2020
Selon un article du quotidien L’Agefi, les conseils d’administration peinent à intégrer concrètement le risque climatique (ici). À l’ère de la RSE, voici un constat plutôt inquiétant…
Extrait :
Si les administrateurs ont conscience de l’urgence, près de la moitié estimant le risque immédiat, les actions sont rares, note un sondage IFA-Carbone 4.
Le séminaire à la maîtrise de Gouvernance de l’entreprise (DRT-7022) dispensé à la Faculté de droit de l’Université Laval entend apporter aux étudiants une réflexion originale sur les liens entre la sphère économico-juridique, la gouvernance des entreprises et les enjeux sociétaux actuels. Le séminaire s’interroge sur le contenu des normes de gouvernance et leur pertinence dans un contexte de profonds questionnements des modèles économique et financier. Dans le cadre de ce séminaire, il est proposé aux étudiants depuis l’hiver 2014 d’avoir une expérience originale de publication de leurs travaux de recherche qui ont porté sur des sujets d’actualité de gouvernance d’entreprise. C’est dans cette optique que s’inscrit cette publication qui utilise un format original de diffusion : le billet de blogue. Cette publication numérique entend contribuer au partager des connaissances à une large échelle (provinciale, fédérale et internationale). Le présent billet est une fiche de lecture réalisée par M. Jérémy Gabin. À cette occasion, Jérémy fait une lecture critique de l’article de Renneboog, Geiler et Zhao intitulé « Beauty and Appearance in Corporate Director Elections » (European Corporate Governance Institute (ECGI) – Finance Working Paper Series, No. 537/2017). Je vous en souhaite bonne lecture et suis certain que vous prendrez autant de plaisir à le lire que j’ai pu en prendre à le corriger.).
Beauté et apparences dans les élections au CA (par Renneboog, Geiler et Zhao)
Si le sujet peut prêter à sourire, l’étude « Beauty and Appearance in
Corporate Director Elections » réalisée par Philipp Geiler, Luc Renneboog et Yang Zhao
(European Corporate Governance Institute
(ECGI) – Finance Working Paper Series, No. 537/2017), apporte de
nombreuses pistes de réflexion, révélant autant l’influence de composantes
superficielles telles que la beauté dans les élections des administrateurs, que
les traits des différents profils d’actionnaires. Le postulat de cette
recherche est simple :
« Notre hypothèse
de base est que la beauté faciale ne jouerait pas de rôle [dans les élections]
parce que les actionnaires qui [(ré-)élisent] les administrateurs peuvent
s’appuyer sur des informations concernant leur éducation et leur expérience,
ainsi que sur la performance passée de la société, tout ceci étant présenté
dans le rapport annuel disponible avant les (ré-)élections ».
Cadre
Cette étude empirique, présentée comme la
première en son genre, se base sur un échantillon de 621 élections et
réélections survenues au Royaume-Uni entre 1996 et 2007. Pour chaque administrateur, la photographie
fournie dans le rapport annuel a été collectée et soumise à un échantillon
d’utilisateurs certifiés du Turc-mécanique d’Amazon[1].
Pour chacune de ces photographies, les répondants ont dû évaluer ce que
représentait la personne à leurs yeux, selon 5 critères définis par les
analystes : beauté, compétence, capital confiance, sympathie inspirée, et
intelligence. Chacun de ces critères, évalués sur une échelle de 1 à 5, propose
un profil général de l’individu. Ce résultat est alors mis en relation avec le
« dissent vote » de chaque candidat, c’est-à-dire, la somme des votes
exprimés contre l’élection et les abstentions. Leur analyse porte sur plusieurs
points dans le but d’analyser l’influence de la beauté dans différentes
circonstances :
Beauté
(attractivité) ou compétences ?;
Élection
d’un homme ou d’une femme;
Élection
d’un membre exécutif ou d’un membre non exécutif;
Élection
ou réélection du membre;
Composition
de l’actionnariat.
Résultats
« Nous trouvons que les administrateurs avec
une meilleure apparence (mieux notés), s’en sortent mieux dans les élections
des administrateurs, [ainsi] une augmentation de note d’apparence d’un point
est associée à une réduction du vote négatif d’environ 6,5% ». Alors, aussi
étonnant que cela puisse paraître, la beauté générale influe sur les élections
des administrateurs.
Toutefois, il faut noter que la beauté
physique, c’est-à-dire l’attractivité pure, n’a aucune influence sur le vote
des actionnaires. Ceux-ci se basent essentiellement sur les traits de
personnalité qui se dégagent des photographies et notamment le capital. Mais ce
qui est d’autant plus intéressant c’est la manière dont l’influence de la
beauté varie selon les caractéristiques de l’élection et de l’actionnariat.
Typologie
des actionnaires
L’un des paramètres révélateurs est celui de la
composition de l’actionnariat. Autrement dit, l’influence de l’apparence dans
des sociétés présentant plus ou moins d’investisseurs institutionnels. Les
chercheurs remarquent ici que l’apparence est plus déterminante dans les
(ré-)élections des sociétés ayant peu d’investisseurs institutionnels. Ainsi
l’on pourrait avancer que les « petits porteur » sont moins enclin à effectuer
des recherches sur les compétences et les diplômes des administrateurs et se
base davantage sur les traits de caractère dégagés par la photographie contenue
dans la convocation. Contrairement aux investisseurs institutionnels qui
disposent de moyens et de temps pour analyser ces données — car les enjeux ne
sont pas les mêmes.
Personnalité
des candidats
La beauté n’influe pas en pratique sur l’élection
des femmes au conseil d’administration. Une des raisons évoquées à cet égard
est que la place des femmes à ce niveau de la direction est un enjeu en
lui-même, mais trop peu de candidatures parviennent. Dans certains pays, comme
la France, la composition des conseils de sociétés dont les titres sont admis
aux négociations sur un marché est soumise au respect de quotas/ratios[2].
En cas de non-respect des niveaux imposés (40 % en l’occurrence), cela peut
même entrainer une suspension du versement de la rémunération.
Paramètres
de l’élection
Simultanément, les résultats montrent que
l’élection des « executive directors »
est plus influencée par l’apparence que celle des administrateurs n’ayant pas
de responsabilité (« non-executive
directors »). Cette disparité provient probablement du souhait des
actionnaires que leur entreprise soit bien représentée dans les relations
publiques, avec notamment des administrateurs charismatiques. Par ailleurs, on
observe que l’influence de la beauté diffère selon qu’il s’agisse d’une élection
ou d’une réélection d’un membre.
L’apparence importe plus dans les cas de réélection, les chercheurs
avancent ici que lors des premières élections les actionnaires sont plus
favorables à suivre l’avis du comité de nomination. Mais cela pourrait aussi
s’expliquer qu’il est plus opportun d’analyser dans sa globalité un candidat
lors de sa première élection, que lors de sa réélection qui sera davantage
influencée par les résultats passés de l’entreprise.
Parallèle
politique
Un parallèle intéressant est celui que l’on
peut faire avec le monde politique, où le rôle de la beauté dans les élections
est bien plus documenté. Une étude finlandaise de 2010[3],
utilisant le même modèle d’analyse, démontre que pour une augmentation d’un
point du ratio de beauté les votes pour les parlementaires finlandais peuvent
augmenter de 20 %, et de 17 % pour les élections municipales.
Jérémy Gabin
Ancien étudiant du cours de Gouvernance de
l’entreprise – DRT-7022
[1] Amazon Mechanical Turc :
plate-forme de crowdsourcing faisant
appel à un large panel d’individus pour répondre à certaines questions, ou
réaliser des micro-tâches. Dans le cadre de cette enquête seuls les
utilisateurs « certifiés » par la plate-forme étaient habilités à
répondre : gage de qualité et l’un des nombreux « robustness-test »
mis en place.
[2] Loi n° 2011-103 du
27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et
des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à
l’égalité professionnelle, transposée aux articles L. 225-17 et s. du Code de commerce.
[3] N. Berggren, H. Jordahl et M. Poutvaara (chercheur ayant fourni les
questionnaires de cette étude), « The Looks of a Winner: Beauty and Electoral
Success », Journal of Public Economics,
2010, vol. 94, no 1-2, p. 8.
Les gérants sont bien plus attentifs que par le passé à la composition des conseils d’administration et à l’assiduité de leurs membres. La rémunération reste encore, malgré tout, en haut de la pile des sujets importants.
M. Jean-François Rérolle offre un billet intéressant sur l’engagement actionnarial intitulé : « Engagement actionnarial : Vers une gouvernance intégrée » (LinkedIn, 12 juin 2018). Une occasion de revenir sur une notion en pleine expansion…
L’engagement actionnarial constitue l’une des évolutions récentes les plus significatives dans le domaine de la gouvernance d’entreprise. Il recouvre le dialogue qui s’établit plus en plus fréquemment entre les émetteurs et leurs investisseurs sur des sujets liés à la façon dont l’entreprise est dirigée (la composition et le rôle du conseil, la répartition des pouvoirs, la rémunération des dirigeants…), notamment à l’occasion de la préparation des assemblées générales.
Encouragé par la réglementation européenne (directive sur le droit des actionnaires) et par sa (sur)transposition en droit français, ce dialogue s’inscrit dans la logique économique de grands investisseurs institutionnels dont la stratégie indicielle ou l’importance de l’investissement ne leur permettent pas de vendre facilement leurs actions. Privilégiant « the voice over exit », leur objectif est d’inciter les émetteurs à mettre en place une gouvernance efficace et protectrice de l’intérêt à long terme des actionnaires. (…)
Dès lors, l’analyse des investisseurs les plus sophistiqués recouvre un champ beaucoup plus large que celui de l’organisation du conseil d’administration et de ses rapports avec l’exécutif ou celui des considérations techniques liées aux résolutions de la prochaine assemblée générale. L’intérêt se concentre sur trois aspects de la gouvernance intimement connectés : la structure, les processus et les politiques. (…)
Ces trois composantes de la gouvernance sont naturellement intrinsèquement et logiquement liées. Ainsi, on attend de l’entreprise dont le projet s’inscrit dans une logique de croissance externe qu’elle puisse expliquer la façon dont le conseil est impliqué dans les opérations d’acquisition : quel a été le processus décisionnel retenu pour les opérations importantes ? Quelles sont les précautions prises pour éviter les erreurs stratégiques ? Comment s’assure-t-on de la compatibilité des projets avec les politiques de risque et d’allocation du capital définies par le conseil ? Dans quelles conditions et avec quelles précautions peut-on déroger à ces politiques ? Quels sont les critères de succès de l’opération et comment ceux-ci seront-ils suivis dans le temps ? Comment la structure de gouvernance est-elle impliquée dans ce processus de revue et de validation ? Quels sont les rôles respectifs des différents comités qui sont tous potentiellement intéressés par ce type d’opération et comment s’effectue leur coordination ? Quelles sont les conséquences de ces opérations sur l’évaluation des dirigeants et la structure de leur rémunération ?
Le 20 décembre dernier, IAS-Québec a communiqué au Ministre des Finances du Québec les enjeux de gouvernance soulevés par le Projet de loi 141, « Loi visant principalement à améliorer l’encadrement du secteur financier, la protection des dépôts d’argent et le régime de fonctionnement des institutions financières ». Le CA de l’IAS-Québec a identifié trois sujets qui le préoccupent du point de vue des administrateurs de sociétés et des principes de gouvernance et propose certaines recommandations. Voici la lettre adressée au Ministre : « Prise de position du CA de l’IAS-Québec sur le Projet de loi 141 « .
Extrait des recommandations :
En conclusion, l’IAS Québec est d’avis qu’il est opportun de procéder à une révision de la gouvernance des institutions financières québécoises, comme le propose le P.L. 141. Cependant, l’IAS Québec estime que certaines dispositions du P.L. 141 soulèvent des préoccupations pour les administrateurs de sociétés. Pour pallier à ces préoccupations, nous soumettons donc que le P.L. 141 devrait être modifié pour tenir compte de nos recommandations que nous reprenons ci-dessous :
1- Modifier le P.L. 141 afin que les règles de déontologie élaborées par le comité d’éthique d’une institution financière soient soumises à l’approbation du conseil d’administration (quitte à ce que le comité d’éthique puisse aviser I’AMF si le conseil d’administration néglige de les adopter) (reformuler par exemple l’article 104 de la Loi sur les assureurs édicté par l’article 3 du P.L. 141).
2- Modifier le P.L. 141 afin d’abandonner le régime de dénonciation auprès de I’AMF tel que proposé qui obligerait de communiquer à lAME l’avis relatif à une détérioration de la situation financière de l’institution financière ou un manquement aux saines pratiques commerciales et aux pratiques de gestion saine et prudente (retirer pat exemple l’article 96 de la Loi sur les assureurs édicté par l’article 3 du P.L. 141).
3- Si notre recommandation #2 n’était pas retenue, modifier le P.L. 141 afin de prévoir que les administrateurs désignés ou le comité qui a l’intention de communiquer à I’AMF l’avis relatif à une détérioration de la situation financière de l’institution financière ou un manquement aux saines pratiques commerciales et aux pratiques de gestion saine et prudente soit d’abord tenu d’aviser le conseil d’administration de son intention de communiquer à I’AMF afin de donner à ce dernier la possibilité ultime d’exercer ses pouvoirs de surveillance de façon appropriée dans les circonstances et ce, dans les meilleurs intérêts de la société et de ses parties prenantes (reformuler par exemple l’article 96 de la Loi sur les assureurs édicté par l’article 3 du P.L. 141).
4- Modifier l’article 17.01 du P.L. 141 afin de prévoir que la personne qui souhaite faire une dénonciation à I’AMF doive d’abord se prévaloir des systèmes internes existants d’une société.
5- Modifier l’article 17.01 du P.L. 141 afin de prévoit qu’un administrateur de société ne puisse pas se prévaloir de ce régime de dénonciation à l’AMF; et
6- Si notre recommandation # 5 n’était pas retenue, modifier l’article 17.01 du P.L. 141 afin de préciser la possibilité pour un administrateur de procéder à une divulgation à l’AMF sans encourir le risque d’un manquement à son devoir de loyauté qui emporte une obligation de confidentialité envers la société , en ajoutant à l’article 17.0.1(2) in fine une référence explicite à l’administrateur de société, par exemple en indiquant “notamment à l’égard de son employeur, de son client ou de la société dont elle est administrateur”.
Bonjour à toutes et à tous, je vous signale que je viens de publier mon dernier billet sur le blogue Contact de l’Université Laval : « Le retour des hedge funds » (18 octobre 2017).
Voici quelques extraits :
Depuis quelque temps, certains hedge funds développent une nouvelle activité: l’investissement dans les entreprises par l’entremise d’achat de titres. Utilisant leur statut d’actionnaire, ils sont accusés d’activisme. On leur reproche de pousser certaines sociétés à générer des rendements financiers rapides sans égard aux conséquences négatives à long terme de cette stratégie pour les entreprises, leurs parties prenantes et l’économie.
Pour y faire face, 2 orientations doivent être prises :
Un CA responsabilisé, placé au centre du jeu et qui dialogue : la présence d’administrateurs compétents, qui respectent des normes générales de conduite (loyauté, prudence et diligence), qui possèdent une compréhension des enjeux de l’entreprise et qui sont activement engagés envers elle et ses actionnaires est nécessaire.
Un droit de vote des actionnaires mieux compris et bien encadré : l’investissement dans les titres de sociétés réalisé par les hedge funds a entraîné l’émergence de phénomènes nouveaux comme la propriété occulte (hidden ownership) et le vote vide (empty voting). Si les hésitations sont encore nombreuses quant au choix législatif à privilégier pour faire face au découplage, quelques pistes d’action se dégagent : accroître la transparence associée à un contrôle plus grand de l’attribution et de l’exercice du vote des actionnaires; interdire le droit de vote découlant du découplage; renforcer les devoirs de loyauté des actionnaires en regard de l’entreprise; ou donner aux tribunaux plus de flexibilité pour dénoncer les situations d’abus et de violation du droit.