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Le législateur au secours de la démocratie actionnariale

Mme Boisseau de Les Échos publie une information bien intéressante pour la démocratie actionnariale : « Assemblées générales à huis clos : l’exécutif veut préserver les droits des actionnaires » (13 novembre 2020). À quand cette réaction au Québec et au Canada ?

Extrait :

Les actionnaires ne veulent surtout pas que les assemblées générales (AG) 2021 se tiennent dans les mêmes conditions que celles de 2020 . Pris de court en mars dernier par la pandémie du coronavirus, les pouvoirs publics ont autorisé leur tenue à huis clos, pour valider les comptes annuels, nommer des administrateurs et autoriser (parfois) le versement de dividendes. Une solution qui a privé les actionnaires de certains de leurs droits fondamentaux, comme de révoquer ou de nommer un administrateur en séance.

Depuis septembre, Better Finance, la fédération européenne des épargnants, la F2IC (Fédération des investisseurs individuels et des clubs), ou encore la SFAF (Société Française des Analystes Financiers) demandent au législateur et au régulateur des marchés financiers de réfléchir à une meilleure organisation des AG. L’Autorité des Marchés Financiers (AMF), qui doit rendre public très prochainement son rapport sur le gouvernement d’entreprise, va faire des propositions. Et surtout, Bercy a rédigé un projet d’ordonnance (la précédente ordonnance prise en mars prend fin le 30 novembre) qui tient compte de certaines de ces revendications.

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Raison d’être ou entreprise à mission, le faux débat

C’est sous ce titre (« Raison d’être ou entreprise à mission, le faux débat », La Tribune, 2 septembre 2020) que M. Patrick d’Humières propose une lecture de la raison d’être et du statut d’entreprise à mission qui, selon lui, vont se rejoindre dans une trajectoire commune.

Extrait :

En apparence, le statut d’entreprise à mission rencontre un succès d’estime avec une cinquantaine d’entreprises très différentes, d’agences conseils à des sociétés mutuelles, qui l’ont adopté. Ce n’est pas le cas du statut de raison d’être, au bilan beaucoup plus mitigé, car les démarches que l’on connaît expriment des positionnements déclaratifs dans la veine de « la RSE de bonne volonté » qui ne s’accompagnent pas de mécanisme de mesure, de pression et de transparence garantissant de vrais changements d’orientation des modèles.

À la décharge des entreprises qui ont fait preuve d’initiative en la matière, il faut dire que le dispositif légal proposé comporte de considérables faiblesses. L’essentiel du changement juridique porté par la loi réside dans la modification de l’article 1833 du Code civil qui enjoint à toutes les entreprises de « prendre en considération les enjeux sociaux et environnementaux » au côté de l’intérêt social de l’entreprise, dont on n’a pas tiré les implications fondamentales. Les organisations professionnelles concernées ont fait preuve d’un souci défensif, pour limiter la mise en cause conséquente de cette assertion fondamentale, qui acte la nouvelle mission de l’entreprise, à savoir créer de la valeur dans le respect des enjeux sociétaux ; mais ni les juges, ni la puissance publique n’ont eu encore le souci d’accompagner ce cadre, cherchant plutôt à le minimiser, alors même que c’est une innovation majeure : il articule l’économie de marché avec la stratégie nationale de développement durable (ODD) et il crée le socle de ce qu’on appelle désormais « l’économie responsable », consacrée par la nomination pertinente d’une ministre en charge du sujet, qu’on aurait pu ou du appeler aussi « l’économie durable » dans un souci de cohérence politique.

Le texte de loi appelle des transformations de fond dans la gouvernance des entreprises qui devrait se poser des questions à cet effet, sans attendre qu’une jurisprudence fasse le travail pour dire qu’un Conseil d’administration ou une direction générale a mesestimé les enjeux sociaux et environnementaux, définis désormais de façon claire et objective (cf. indicateurs des ODD, incluant l’alignement sur l’Accord de Paris etc.).

L’entreprise dispose de tous les éléments pour établir son niveau de durabilité qui reconnaît cette prise de considération attendue des enjeux communs ; le travail de fond engagé parallèlement en Europe afin de standardiser l’information extra-financière ne pourra qu’encourager les Conseils à débattre et à décider de l’état de leur trajectoire économique au regard de leurs impacts acceptables qui sera la règle en 2025, à n’en pas douter.

Certaines entreprises ont tenu à disposer d’un cadre formel beaucoup plus structuré pour assumer cette responsabilité élargie à la Société, celui de « l’entreprise à mission » ; il constitue une facilité juridique et une aide technique qui a le plus grand intérêt pour accélérer la mutation d’un « capitalisme a-moral » vers « un capitalisme « parties prenantes ». Ce choix implique le vote par les actionnaires, le comité de suivi, l’audit de contrôle etc.. Les actionnaires n’ont pas à craindre pour autant une démission de l’engagement fiduciaire, à leur détriment, car le contrat est explicite, même s’il gagnerait encore à ce que les objectifs de rendement financier soient précisés au regard des objectifs d’amélioration de la création et de la répartition de la valeur globale et de leurs ROI. Ceci afin de ne pas glisser vers « le non profit » : une attention déséquilibrée en faveur de la dimension sociétale de la mission marginaliserait le dispositif, alors que les statuts coopératif, mutualiste ou solidaire sont là pour ça.

Coincé entre le droit général et le cadre précis de « la mission », « la raison d’être » aura du mal à trouver sa place, d’autant que la loi Pacte ne dit rien sur le comment, laissant l’entreprise libre de son engagement, de son inclusion ou non dans les statuts, ce qui en fait un process au mieux pédagogique et au pire de communication ; les parties prenantes ne voient pas les conclusions qu’on en tire sur les conditions nouvelles de production et de répartition de la valeur – objectifs et indicateurs à l’appui-  pour exclure ce qui n’est pas « durable » dans l’offre et équilibrer l’allocation des résultats, voire la négocier, s’il existe un mécanisme ad hoc en amont de « l’arbitraire » des conseils. On voit bien qu’une Raison d’Etre bien posée conduit à terme au mécanisme de l’entreprise à mission et que dans le cas contraire l’entreprise ne fait que s’exposer à des critiques et frustrations qui mettent sa stratégie au défi de la cohérence et de la constance d’une gouvernance qui voudrait avancer sans oser le demander à ses actionnaires…

Cette décantation se fera inévitablement dans le temps, au détriment des entreprises « superficielles » et à l’avantage des entreprises authentiques. Le dispositif de Raison d’Etre va devenir un statut intermédiaire, de transition vers « l’entreprise à mission » ; il pousse à la construction d’un droit des sociétés qui recherche le changement profond de la gouvernance actionnariale, comme vient de le proposer la Commission Européenne dans un rapport très critique sur l’engagement insuffisant des gouvernances qui s’abritent derrière des intentions pour répondre aux pressions, rendant leur projet illisible ! Mais rien n’empêche les gouvernances d’accélérer par elles-mêmes sans attendre un règlement européen et éviter les malentendus autour d’une « raison d’être incantatoire » qui mine  la crédibilité des initiatives sociétales des entreprises ; dans un monde périlleux, les gouvernances doivent « choisir leur camp » !

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Dividendes : les grandes entreprises ont-elles joué le jeu ?

Dans Les Échos.fr, la journaliste Sophie Rolland fait un suivi intéressant su comportement des entreprises dans le contexte de la COVID-19 : « Coronavirus : les trois quarts des géants du CAC 40 ont annulé ou réduit leurs dividendes » (19 juin 2020).

La puissante Association française des entreprises privées (Afep), qui représente les 113 plus grands groupes français avait demandé à ses membres de se montrer exemplaires s’ils devaient avoir recours au chômage partiel ou aux prêts garantis par l’État. L’effort demandé était à hauteur dune réduction de 20 %.

Appelées à renoncer à leurs dividendes et à modérer les rémunérations en contrepartie du recours aux dispositifs d’aide de l’Etat, les entreprises du CAC 40 ont opté pour des stratégies variables. Les trois quarts ont annulé (35 %) ou diminué (40 %) les dividendes prévus en début d’année et 17 % les ont maintenus. Certaines ont décidé de les réduire alors même qu’elles n’avaient pas besoin du soutien de l’Etat.

Pas un mauvais résultat en termes de RSE !

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Assemblées annuelles : leçon de France

La journaliste Valérie Landrieu revient sur la tenue des assemblées anuelles françaises du printemps 2020 : « Assemblées générales : les leçons de la saison » (Les Échos.fr, 29 juin 2020).

Extrait :

Difficile d’imaginer saison des assemblées générales plus différente que la précédente. «L’année 2019 paraît très loin», commentait, le 29 mai dernier, Patrick Pouyanné, le PDG de Total, au cours l’assemblée générale (AG) virtuelle du groupe. Le Covid-19 a contraint les entreprises à tenir leur réunion annuelle à huis clos, avec, dans les meilleurs des cas, retranscription vidéo d’une séance confinée, en direct du siège social. Le législateur a autorisé le report sous certaines conditions. Quelques entreprises, parmi lesquelles Accor, AXA, L’Oréal ou LVMH, ont décidé de décaler leur AG en cette toute fin juin, en comptant peut-être sur des jours meilleurs. «La situation, inédite, aura au moins permis de passer à la digitalisation des pratiques», se félicite Denis Terrien, le président de l’Institut français des administrateurs (Ifa). Si cette crise sanitaire n’a pas révolutionné la vie des investisseurs institutionnels, habitués à voter à distance, le changement a été considérable pour les dirigeants et les actionnaires individuels. Les grands-messes de l’affectio societatis ont pris du plomb dans l’aile mais quelques enseignements peuvent être tirés pour améliorer la saison 2021.

En virtuel ou en IRL, développer l’interactivité

Premier constat partagé, sur la forme : les systèmes mis en place n’ont pas permis de voter à distance en temps réel et ont manqué de dispositifs permettant l’interactivité. Avant son AG, Atos SE a testé auprès de ses salariés actionnaires directs, une plateforme de vote maison avec technologie blockchain et a l’intention de procéder à de nouveaux tests avec des acteurs de la place. Mais pour l’heure, selon le verbatim recueilli par Capitalcom, les petits porteurs parlent de « frustration » et de « privation » quand Proxinvest regrette que « la plupart des assemblées générales se soient tenues sans modalité d’interaction numérique ». Chez ISS Governance, Cédric Lavérie déplore que l’on soit « en 2020, totalement incapable de tenir des AG virtuelles interactives au cours desquelles les actionnaires peuvent poser des questions et proposer de nouvelles résolutions en séance ».

Quelques entreprises ont toutefois fait exception en contournant les difficultés techniques. Comme l’année dernière, Air Liquide s’est distingué avec un tchat en ligne et un dispositif d’analyse sémantique permettant de collecter et regrouper les questions, et d’y répondre en direct. Total a fait d’un journaliste de Boursorama le porte-parole des actionnaires en séance.

Dividendes et politiques de rémunération : expliquer

Sur le fond, « la crise sanitaire a amené les sociétés à communiquer davantage avec leurs investisseurs sur des sujets qui n’étaient auparavant pas en haut de liste », observe Cédric Lavérie. Ainsi, « étant donné le contexte et les baisses de dividendes recommandées par le gouvernement ou l’Afep, les sociétés ont contextualisé leurs explications sur leur politique de distribution », note ce dernier. In fine, «  75 % des sociétés du SBF120 l’ont revue  », souligne Denis Terrien à l’Ifa, qui avait pris position sur la question. Comme Atos ou Engie, elles ont annulé les dividendes ou, comme Veolia ou Kering, les ont diminués.

De même, 50 % des entreprises ont baissé la rémunération de leurs mandataires sociaux. « Face aux baisses de cours, les investisseurs attendaient des informations sur les attributions d’actions de performance et de stock-options sur 2020 », fait valoir Cédric Laverie. Les entreprises se sont bien livrées à quelques explications sur les critères de performance, mais « seules une minorité a communiqué sur un possible effet d’aubaine sur les rémunérations en actions des dirigeants qui pourrait plus que compenser les gestes de solidarité », précise l’expert.

Le sujet sera potentiellement risqué en 2021 lorsque les actionnaires voteront la rémunération ex-post. Déception aussi sur le ratio d’équité – l’écart entre la rémunération des dirigeants et le salaire moyen des salariés – introduit par la loi Pacte. Cité et présenté par 7 entreprises du CAC 40 selon Capitalcom, il est peu analysé. « Un grand nombre de sociétés ne jouent pas le jeu, pointe Cédric Lavérie. Elles n’expliquent pas comment elles le calculent, sans compter celles qui comparent la rémunération du dirigeant à la moyenne de la vingtaine de cadres du holding. »

Raison d’être : faire la preuve

Après les premières raisons d’être votées en 2019 chez Atos ou Carrefour, deux autres sociétés du CAC 40, Orange et Engie, ont fait le choix de l’intégrer à leurs statuts. « La raison d’être est notre boussole stratégique », a déclaré Stéphane Richard, le PDG de l’opérateur télécoms. « Lorsqu’une résolution sur la raison d’être est déposée, elle est approuvée à plus de 99 % », relève Loïc Dessaint, qui espère toutefois davantage de coconstruction en la matière. Danone, connue pour son double projet économique et social, est officiellement devenue, le 26 juin après le vote des actionnaires, la première société à mission cotée, « un symbole fort de la saison », selon Denis Terrien.

Du reste, ce n’est pas tant le choix d’une mission ou d’une raison d’être que la façon dont elle est mise en oeuvre qui intéresse les investisseursEt, préviennent-ils, la RSE très présente lors de cette saison des assemblées générales – Kering, BNP Paribas et Vinci ont fait intervenir la direction qui s’y consacre – devra être accompagnée d’objectifs quantifiables Au coeur de la tempête sanitaire, les entreprises ont su démontrer leur utilité sociale. Le tout est de garder le cap pendant la crise économique.

Climat : contribuer au débat et passer à l’action

Autres temps forts de la saison 2020 : les résolutions d’actionnaires sur les sujets climatiques. Quelques jours avant le début du confinement, le fonds TCI avait envoyé deux projets de résolutions concernant l’information environnementale que Vinci n’a pas présentés.

Chez Total, une proposition de résolution climat présentée par une coalition de onze investisseurs, dont la société de gestion française Meeschaert et La Banque Postale Asset Management, avait, elle, pu être inscrite à l’ordre du jour de l’AG. Elle réclamait le vote d’une modification des statuts pour contraindre le pétrolier à aligner ses activités avec les objectifs de l’Accord de Paris. Rejetée, elle aura tout de même recueilli 16,8 % de votes favorables, un « tournant historique » pour les ONG , et fait entrer la question climatique sur le fond lors d’une AG. Au début du mois de mai, Total a annoncé ses nouvelles ambitions pour le climat en 2050, en Europe. Le conseil d’administration et les instances exécutives avaient mené en amont des discussions avec les investisseurs du Climate Action 100+.

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Participation des salariés : relancer l’idée ?

Dans Contrepoints, le professeur Michel Albouy soutient l’idée française exprimée récemment de relancer la participation des salariés : « Oui, il ne faut pas avoir peur de relancer la participation des salariés » (28 mai 2020).

Extrait :

Dans un monde en crise suite à la pandémie du Covid-19, le partage des richesses, via l’association capital-travail devient pour notre ministre un enjeu essentiel pour répondre « à la lutte des classes sociales que l’on voit resurgir ». Il n’a pas tort si on se réfère aux nombreuses déclarations d’intellectuels de gauche appelant à une répartition plus égalitaire des richesses dans le monde post Covid-19, avec évidemment davantage d’impôts et le rétablissement de l’ISF comme le réclament les économistes Thomas Piketty et Esther Duflo, prix Nobel d’économie.

La participation des salariés aux bénéfices des entreprises – une idée chère au Général de Gaulle – a été instaurée en 1967 par ordonnances sous le gouvernement Pompidou, malgré les résistances à l’époque du patronat qui y voyait une atteinte au droit des actionnaires et des syndicats ouvriers qui s’inquiétaient de cette collaboration de classes en devenir.

La réforme visait initialement les entreprises de plus de 100 salariés et prévoyait le blocage des sommes distribuées dans une réserve spéciale durant cinq ans. Cette règle a été étendue en 1990 aux entreprises de plus de 50 salariés. En 2015, la loi Macron a renforcé les avantages fiscaux dont la participation est assortie. En 2019, la loi Pacte en a assoupli certains dispositifs.

À l’heure actuelle, le ministre de l’Action et des Comptes publics n’a pas dévoilé les modalités concrètes pour développer davantage l’épargne salariale. Plusieurs pistes sont évoquées comme la généralisation à toutes les entreprises, ou encore une modification du plafond des primes, aujourd’hui fixé à 20 % du salaire brut. Une nouvelle réduction du forfait social pourrait être également envisagée.

Bien que les modalités concrètes de cette relance de l’actionnariat salarié ne soient pas encore connues, il est possible à partir des recherches réalisées en sciences de gestion de dresser un petit bilan des avantages et des risques d’une telle réforme.

L’actionnariat salarié est souvent présenté comme une stratégie gagnant-gagnant pour l’entreprise et ses salariés. Eh oui, il est vrai que la participation des salariés au capital des entreprises présente de nombreux avantages. C’est tout d’abord un moyen d’associer les salariés à la gestion de l’entreprise, de leur permettre de les faire participer à la création de valeur actionnariale, et de les fidéliser. C’est aussi un moyen de stabiliser le capital des entreprises et leur permettre de mieux résister à des opérations capitalistiques inamicales.

(Associer les salariés à la gestion de leur entreprise est un puissant levier de motivation si l’on en croit les nombreuses études réalisées sur cette problématique. Il apparait que les entreprises ayant une très forte culture d’actionnariat salarié enregistrent un taux moyen de départs volontaires inférieur à celui des entreprises ayant une faible culture dans ce domaine.

La participation permet également d’aligner les intérêts des salariés et ceux des managers sur les objectifs de développement de l’entreprise. Et puis, c’est un bon moyen de renforcer la cohésion et de sensibiliser les salariés aux objectifs économiques et financiers de l’entreprise.

Devenant actionnaires de leur entreprise, les salariés sont associés à sa valorisation. Ce mécanisme peut ainsi leur permettre de se créer un capital financier en bénéficiant en outre de dispositions financières et fiscales favorables. Les dispositifs utilisés permettent en effet d’acquérir des actions à des conditions préférentielles grâce aux décotes sur les cours, à l’abondement versé par l’entreprise et aux avantages fiscaux associés à ces dispositifs.

En matière de gouvernance, l’actionnariat salarié renforce la stabilité du capital par un actionnariat impliqué au devenir à long terme de l’entreprise. Comme le montre la recherche en gestion, l’actionnariat salarié constitue également un mécanisme de protection contre d’éventuelles tentatives de prise de contrôle (OPA) inamicale de la part d’une entreprise concurrente ou d’un investisseur financier. À condition naturellement que le capital aux mains des salariés soit significatif.

(…)

Si l’actionnariat salarié présente incontestablement de nombreux avantages, il ne faudrait pourtant pas passer sous silence ses risques, que ce soit pour les salariés comme pour l’entreprise, surtout si son développement devenait trop important.

1. Pour les salariés

Être associé au capital de l’entreprise c’est aussi être associé à ses gains comme à ses pertes. Ce rappel évident et bien connu des investisseurs, nous permet de relativiser les gains potentiels des salariés actionnaires. En ce sens, une participation aux bénéfices de l’entreprise n’est pas équivalente à une augmentation de salaire. Certes, si tout va bien et que l’entreprise prospère, les salariés seront gagnants mais ce scénario optimiste n’est pas garanti. Il est ainsi possible qu’à l’échéance de leurs plans de participation certains salariés soient déçus et que la promesse d’enrichissement ne soit pas tenue. En d’autres termes, il ne faudrait pas que les salariés oublient le principe de diversification cher aux investisseurs. Ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier reste un conseil de bon sens. Outre que les salariés investissent déjà leur capital humain dans l’entreprise, s’ils investissent également une part significative de leurs avoirs dans son capital, ils pourraient au final être perdants sur tous les tableaux.

2. Pour les entreprises

Si la présence des salariés au capital des entreprises est une bonne chose pour fidéliser et motiver les employés, et stabiliser la gouvernance, elle peut néanmoins se traduire par une perte d’agilité pour le management. En effet, même s’ils sont actionnaires de leur entreprise, les salariés mettront toujours en premier leur statut d’employé avant celui d’actionnaire surtout en cas de décisions difficiles de restructuration. Comment en effet des salariés actionnaires représentés au Conseil d’administration pourraient valider la fermeture de sites non rentables ? Entre leurs intérêts d’actionnaires et ceux des salariés l’arbitrage est vite fait. Le cas de Renault et à cet égard très révélateur lors de la fermeture en 1997 du site de Vilvorde en Belgique. Tant que les salariés actionnaires restent minoritaires, la logique financière de l’entreprise demeure. Mais si ceux-ci deviennent majoritaires on bascule dans un autre système proche de celui des sociétés coopératives (SCOP). Or, et malgré leurs intérêts, les SCOP n’ont jamais vraiment challengé les sociétés anonymes par action (SA), surtout en termes de croissance et de développement. Et puis, une participation trop importante des salariés au capital de l’entreprise peut effrayer des investisseurs au cas où l’entreprise en difficulté aurait besoin d’une recapitalisation.

Au total, que penser de la proposition du ministre des Comptes Gérald Darmanin ? Même s’il existe quelques risques à un développement trop important de l’actionnariat salarié, il nous semble que les avantages l’emportent largement, surtout dans la situation que connaît notre pays. Associer le travail au capital reste une belle et puissante idée dans un pays trop imprégné par la lutte des classes et les rêves de nationalisation. Le Général de Gaulle avait vu juste il y a plus de cinquante ans.

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Réponses des multinationales du CAC 40 à la crise

The Conversation publie un article sur la COVID-19 sur la réponse des multinationales à la crise : Sabine Urban et Ulrike Mayrhofer, « La grande disparité des réponses des multinationales du CAC 40 à la crise« , 4 mai 2020.

Extrait :

L’analyse des données collectées met en relief la diversité des réponses qui sont apportées par les multinationales du CAC 40. Nous avons identifié quatre groupes de multinationales :

  • Les multinationales « citoyennes » faisant preuve de générosité (15 entreprises) ;
  • Les multinationales tournées vers la continuité de l’activité (10 entreprises) ;
  • Les multinationales orientées vers l’innovation (5 entreprises)
  • Les multinationales n’ayant pas annoncé de mesures spécifiques face au Covid-19 (10 entreprises).

Plusieurs enseignements peuvent être tirés des réactions observées. Notre travail révèle que la plupart des multinationales s’adaptent à la nouvelle situation et font preuve de flexibilité et de responsabilité.

De manière surprenante, certaines multinationales n’ont pas annoncé de mesures spécifiques par rapport à la pandémie et il serait pertinent de s’interroger sur les raisons de ce choix.

Il ressort de notre analyse que la crise sanitaire mondiale provoquée par le Covid-19 entraîne de nombreux changements pour les multinationales du CAC 40, notamment au niveau des stratégies empruntées, des modes d’organisation et des relations avec les parties prenantes et la société.

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Aides de l’État et verdissement des entreprises

Le 21 avril 2020, Novethic m’apprend que un grand débat se joue au Parlement : plusieurs députés veulent conditionner les aides d’État liées à la crise du Covid-19 à des bonnes pratiques environnementales et sociales. L’amendement retenu demande à ce que l’agence de participation de l’État veille à ce que les entreprises aidées intègrent pleinement et de manière exemplaire les objectifs de responsabilité sociétale (RSE) dans leur stratégie, notamment en matière climatique. Le point sur ce qu’il implique vraiment.

Pour en savoir plus : Novethic, « Aide de 20 milliards d’euros : l’État mise sur la bonne volonté des entreprises pour être responsables ».

Extrait :

Les entreprises aidées devront être « exemplaires » en matière de RSE

Plusieurs amendements étaient examinés vendredi 16 et mercredi 22 avril au Parlement pour conditionner les participations de l’État dans les entreprises à des critères environnementaux et sociaux. C’est celui de Bérangère Abba (LREM, Haute Marne) qui a été retenu à la fois par les députés et les sénateurs. Il vise à ce que les entreprises ainsi aidées « intègrent pleinement et de manière exemplaire les objectifs de responsabilité sociale, sociétale et environnementale dans leur stratégie, notamment en matière de lutte contre le changement climatique« .

L’Agence de participation de l’État aux avant-postes…mais sans réel outil

C’est à l’APE, l’agence de participation de l’État, de « veiller » à ce que les entreprises aidées soient « exemplaires » en matière de RSE. Or il n’existe pas de labels ou de note garantie par l’État pour distinguer les bonnes démarches, par ailleurs largement volontaires, des entreprises. Pour l’avocat Arnaud Gossement, il y a donc deux façons de voir les choses. « Verre à moitié plein : la loi donne une valeur au volet RSE de la doctrine de l’APE et fixe bien une condition à l’allocation des ressources supplémentaires de ce projet de loi de finance rectificative vers les entreprises stratégiques vulnérables. Autre intérêt : le climat n’est pas le seul objectif. Verre à moitié vide : c’est l’APE qui doit « veiller » au respect de simples objectifs qui restent à définir dans un référentiel.« 

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