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Divulgation divulgation extra-financière Normes d'encadrement normes de droit normes de marché Nouvelles diverses Responsabilité sociale des entreprises

Reporting extra-financier : présentation des référentiels

M. Cornet propose un document très intéressant sur le reporting extra-financier : une synthèse de tous les référentiels avec les grandes caractéristiques de chacun. Un document très utile ! À consulter : « Les principaux référentiels de reporting extrafinancier dans le monde ».

Je copie-colle le billet de blogue…

Extrait :

En pièce jointe, un tableau de synthèse actualisé sur les principaux référentiels de reporting extrafinancier et référentiels intégrant un volet ou des recommandations sur le reporting extrafinancier.

Réalisé pour les étudiants.es de l’Institut Léonard de Vinci MBA Management de la RSE et Performance des Organisations (MARPO), partagé aujourd’hui avec vous.

Outre son exhaustivité, il illustre la grande diversité des approches.

S’il existe sur le sujet des luttes de territoires et une volonté de réglementer, une étude approndie montre que bon nombre de principes sont quasi universels… Contextualisation, Inclusivité, Matérialité, Exhaustivité, Fiabilité, Clarté, etc…

Et que le point central, c’est la matérialité…

À la prochaine…

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Verser des dividendes dans le contexte de la COVID-19 ? Opinion à contrecourant

MM. Denis Terrien et Daniel Hurstel offre une tribune sur le versement de dividendes par les entreprises dans le contexte de la pandémie mondiale qui est à contre-courant du consensus qui semble se dégager : « Dividendes : cessons de fustiger les entreprises » (Les Échos.fr, 6 avril 2020).

L’argumentaire ne me convint pas totalement dans la mesure où les auteurs exclue l’interventiond e la loi et veulent responsabiliser les CA en oubliant :

1. Que la loi peut aider les CA

2. Que la loi envoie un message fort

3. Que le contexte est bien particulier avec une situation critique pour les parties prenantes

4. Que les entreprises peuvent se placer dans une position délicate en versant des dividendes (pensons à leur réputation !)

Extrait :

Le débat de ces derniers jours s’est focalisé sur le versement au titre de 2019 d’un dividende aux actionnaires et d’un bonus de performance à certains dirigeants. En effet, pour de nombreuses entreprises, l’année écoulée a été bonne, voire très bonne. Donc, dirigeants et actionnaires peuvent légitimement prétendre en percevoir les fruits. Le débat est d’autant plus vif en France que les dividendes et la rémunération des dirigeants ont souvent une image de gains indus versés à des personnes nanties. Cette vision est inopportune à un moment où nous avons besoin de travailler ensemble pour construire un capitalisme responsable. Nous aurons besoin des actionnaires, à court terme pour relancer l’économie après la crise et à moyen et long terme pour aider l’entreprise à s’adapter à un modèle de « stakeholders » et aux impératifs ESG.

Revenons donc aux dividendes. Les actionnaires contribuent au succès de l’entreprise en lui mettant à disposition des fonds pour le temps long. Les dividendes en sont la juste rémunération de même que l’intérêt d’un prêt est la rémunération de la banque.

Pour autant, dans la période actuelle, l’entreprise aura besoin de liquidités pour maintenir les compétences, innover avec de nouveaux produits et services adaptés au monde d’après, investir pour renforcer sa résilience, de la supply-chain aux systèmes d’information. L’intérêt objectif des actionnaires est donc de modérer ou différer le montant des dividendes à percevoir aujourd’hui, leur capital pour l’avenir en dépend. Plutôt que subir une contrainte émanant de l’Etat, les entreprises, grandes et petites devront décider de ce point en étant attentives à toutes leurs parties prenantes : elles sont en effet solidaires dans l’intérêt de leur bien commun : l’entreprise.

La règle contraignante si elle existe sera réductrice dans la mesure où elle aura du mal à prendre en compte la diversité des situations : banques mutualistes, entreprises familiales, groupes avec une majorité de contrôle, groupes à fort actionnariat salarié, entreprises dont l’actionnariat est fragmenté. D’autre part, les dividendes n’ont pas la même vocation pour la société cotée en Bourse, pour la PME/ETI ou pour un « petit épargnant » qui y attend un complément de revenu. Autant de cas de figure spécifiques.

C’est le rôle des administratrices et administrateurs engagés siégeant au conseil d’administration ou conseil de surveillance des entreprises que de traiter cette question avec les dirigeants de l’entreprise.

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Publication aux Cahiers de droit : une autre financiarisation du droit des sociétés et des marchés

Les Cahiers de droit viennent de publier mon dernier article rédigé avec ma doctorante Mme Margaux Morteo portant sur l’émergence d’une nouvelle économie que le droit relaie : « Une lecture juridique de l’économie « arrivante » : une autre financiarisation du droit des sociétés et des marchés » (Les Cahiers de droit, Volume 60, Numéro 4, Décembre 2019, p. 1151–1199).

Extrait :

Durant les trois dernières décennies, la financiarisation a donc transformé l’entreprise. Une gouvernance guidée par les nombres s’est peu à peu imposée. Au-delà d’une crise conjoncturelle, il s’agit d’entrevoir une crise structurelle qui amène à repenser les modèles d’affaires et le système socio-économique dans sa globalité. L’intégration des préoccupations extrafinancières sur la base d’une démarche volontaire des entreprises n’a pas eu l’effet escompté. Les grands enjeux sociaux et environnementaux n’ont su trouver de réponses efficaces et le manque d’éthique des entreprises a refait surface dans leurs gouvernances. Malgré un retrait de l’État, il a été nécessaire pour les autorités publiques de réglementer la RSE. Par exemple, la France s’est dotée de législations en matière de divulgation extrafinancière des entreprises cotées et non cotées, ainsi qu’a mis en place un devoir de vigilance. Le Canada a récemment fait évoluer sa jurisprudence au travers de décisions symboliques remettant ainsi en question son statut de paradis judiciaire des grandes entreprises. Se multiplient parallèlement les recommandations et les guides sur la nature des informations que devraient divulguer ces dernières. Or, les recours offerts aux parties prenantes qui pourraient être lésées par un manquement à des engagements volontaires sont peu dissuasifs envers les dirigeants et les administrateurs qui ne respecteraient pas ceux-ci.

Pour démontrer son implication et sa vocation, une entreprise qui souhaite aller au-delà de ses obligations fiduciaires, tout en réalisant des profits, peut se tourner vers une solution nouvelle : l’entreprise à mission sociétale.

Nées en Europe dès la fin du XXe siècle, ces sociétés par actions à but pourtant lucratif ont pour particularité d’inscrire dans leurs statuts juridiques une mission sociale. Désignée aussi sous le terme de « société à objet social étendu » ou d’« entreprise à mission », leur vocation n’est plus uniquement de verser des dividendes. Pour y parvenir, les principes du capitalisme traditionnel sont écartés pour laisser place à des considérations sociales, économiques et de gouvernance évoquant par exemple la constitution de réserves impartageables, un niveau significatif de risque économique et une gouvernance participative. À cette fin, « […] les résultats financiers dégagés doivent être partagés équitablement entre les différentes parties prenantes. Les objectifs financiers ne doivent pas être atteints par de la spéculation sur les marchés financiers, mais par le financement de l’économie réelle. Pour résoudre les conflits d’agence, leur gestion repose sur les principes fondamentaux de transparence et de gouvernance ». Progressivement, l’entreprise à mission sociétale prend sa place dans l’économie. Après avoir séduit la Belgique, l’Angleterre et la France, elle a atteint le continent nord-américain. Tant aux États-Unis qu’au Canada, elle a su convaincre certains législateurs. En plus d’offrir aux entrepreneurs une chance de se protéger contre une nouvelle crise dans les années futures, les entreprises à mission sociétale (et les instruments de la finance sociale) connaissent une croissance supérieure au secteur privé.

Les entreprises à mission sociétales ne peuvent être pensées isolément.Alors que la financiarisation de l’économie visait une accumulation du capital, la finance sociale et ses acteurs cherchent à maîtriser les mécanismes financiers pour parvenir à un rendement social, dont le capital pour l’investisseur est plus symbolique que monétaire, voire, plus expressif qu’utilitaire. Cette recherche de rendement social devient impérative pour apporter de la viabilité au nouveau modèle économique qui émerge. Ses caractéristiques favorisent une stratégie à long terme des entreprises de la finance sociale, à l’inverse de la « dictature des actionnaires » et du retour rapide sur investissement.

Cette finance, également appelée « positive », a pour but de créer de la valeur pour la société et pour l’ensemble des parties prenantes à travers des investissements à impact social et environnemental qui influencent la gouvernance et l’éthique du capitalisme afin de construire un capitalisme dit « patient ». C’est dans ce débat que l’investissement d’impact et le contrat à impact social prennent leur place.

L’objectif de cette étude est non seulement d’éclairer sous l’angle juridique de nouveaux concepts (entreprises à mission sociétales, contrats à impact social, investissement d’impact, engagement actionnarial…), mais encore de proposer une relecture de notions plus connues que l’on pensait établie (finalité de l’entreprise, investissement socialement responsable…). Notre article dresse un portrait des évolutions récemment faites, ainsi que celles actuellement discutées, en y apportant un regard critique. La comparaison des positions réglementaires entre l’Amérique, l’Europe et certains de ses États (France et Royaume-Uni notamment) offre des éléments de réflexion précieux pour le législateur canadien sur la pertinence de sa position actuelle et la nécessité de faire évoluer le paysage juridique pour apporter une réponse adéquate à la financiarisation.

À la prochaine…

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Assemblées annuelles : position récente des régulateurs canadiens

Les régulateurs canadiens viennent de prendre plusieurs positions entourant l’assemblée annuelle des grandes entreprises dans le but de faire face au COVID-19. Alors que les choses bougent vite, faisons le point :

Le 18 mars 2020, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) ont accordé une dispense temporaire de dépôt réglementaire touchant certains documents à déposer au plus tard le 1er juin 2020 (ici). La dispense générale accorde une prolongation de 45 jours aux dépôts périodiques que doivent normalement effectuer les émetteurs, les fonds d’investissement, les personnes inscrites, certaines entités réglementées et les agences de notation désignées au plus tard le 1er juin 2020. Les documents visés sont les états financiers, les rapports de gestion, les rapports de la direction sur le rendement des fonds, les notices annuelles, les rapports techniques et certains autres documents. Par ailleurs, les émetteurs qui choisissent de se prévaloir de la dispense et qui remplissent ses conditions n’auront pas à déposer de demandes d’interdiction d’opérations limitée aux dirigeants puisqu’elles ne se trouveront pas en défaut.

Le 20 mars 2020, les ACVM ont donné les indications qui suivent pour aider les émetteurs assujettis à réorganiser leur assemblée annuelle (AGA) tout en veillant à ce qu’ils respectent les obligations qui leur incombent en vertu de la législation en valeurs mobilières (ici). L’émetteur assujetti qui a décidé de modifier la date, l’heure ou le lieu de son AGA en personne en raison de difficultés attribuables à la COVID-19, mais qui a déjà envoyé et déposé ses documents reliés aux procurations peut en aviser les porteurs de titres sans devoir envoyer d’autres documents de sollicitation ou des documents reliés aux procurations mis à jour à un certain nombre de conditions (il publie un communiqué annonçant le changement de date, d’heure ou de lieu, il dépose ce communiqué au moyen de SEDAR, il prend toutes les mesures raisonnablement nécessaires pour informer tous les participants à l’infrastructure du vote par procuration du changement. L’émetteur assujetti n’ayant pas encore envoyé ni déposé ses documents reliés aux procurations devrait envisager d’y inclure une mention indiquant la possibilité de ce changement en raison de la COVID-19. L’émetteur assujetti qui compte tenir une AGA virtuelle (soit sur Internet ou par tout autre moyen électronique plutôt qu’en personne) ou hybride (soit une assemblée en personne qui permet également une participation par des moyens électroniques) devrait en aviser rapidement ses porteurs de titres, les participants à l’infrastructure du vote par procuration et les autres participants au marché, et communiquer des indications claires au sujet des détails logistiques de cette AGA, notamment la façon dont les porteurs de titres pourront y accéder à distance, y participer et y exercer leurs droits de vote. Dans le cas de l’émetteur assujetti n’ayant pas encore envoyé ni déposé ses documents reliés aux procurations, cette information devrait y figurer. Dans le cas contraire, et s’il a suivi les mesures susmentionnées concernant l’annonce d’un changement de date, d’heure ou de lieu, il n’est pas tenu d’envoyer d’autres documents de sollicitation ni de mettre à jour ses documents reliés aux procurations uniquement pour annoncer la tenue d’une AGA virtuelle ou hybride.

Le 23 mars 2020, les ACVM ont publié des dispenses générales temporaires de l’application de certaines obligations de dépôts réglementaires visant les participants au marché en raison de la COVID‑19 (ici). Les dispenses générales accordent une prolongation de 45 jours à l’égard des dépôts périodiques que doivent normalement effectuer les émetteurs, les fonds d’investissement, les personnes inscrites, certaines entités réglementées et les agences de notation désignées au plus tard le 1er juin 2020 et de certaines autres obligations indiquées dans les décisions. Les participants au marché doivent se conformer aux conditions des dispenses pour se prévaloir de la prolongation.

Le 23 mars 2020, les bourses TSX et TSX-V ont modifié leur réglementation des sociétés inscrites en prévoyant que : « TSX and TSXV issuer relief measures include timeframe extensions for holding annual shareholder meetings, and approvals of stock option plans. TSX has also made allowances for filing of financial statements and adjustments to share buybacks and delisting criteria » (ici).

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Comparons Benefit Corporation et B Corp

« Benefit Corporation : une normativité de concurrence au service de la RSE », c’est sous ce titre que Margaux Morteo et moi-même avons publié un article dans la revue en ligne Éthique publique : Ivan Tchotourian et Margaux Morteo, « Benefit Corporation : une normativité de concurrence au service de la RSE »Éthique publique [En ligne], vol. 21, n° 1 | 2019, mis en ligne le 24 septembre 2019, consulté le 13 novembre 2019 .

Nous y développons la thèse d’une normativité de concurrence.

Plan :

1. Introduction

2. Certification B Corp.

2.1. Intérêts de la certification

2.2. Procédure de certification : les trois étapes

3. Réglementation étatsunienne : présentation de la Public Benefit Corporation

3.1. Définition de bénéfices publics dans les statuts

3.2. Assouplissement des devoirs fiduciaires

3.3. Instauration d’une super-majorité

3.4. Obligation de reporting renforcée

4. Nouvelle forme d’interaction normative

4.1. Normativité de concurrence

4.2. Avantages et inconvénients des normes concurrentes

5. Conclusion

Résumé :

Les entreprises à mission sociétale (dont la fameuse Benefit Corporation américaine) constituent une innovation majeure du droit des sociétés et de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Poussée par la finance d’impact, la Benefit Corporation a la particularité de permettre à des sociétés par actions de poursuivre des fins lucratives et sociales. Cette étude s’intéresse à l’instrument normatif à la base de l’émergence de ces entreprises. Elle analyse l’interaction entre les normes pour démontrer qu’il y a hybridation autour d’une normativité originale de « concurrence ». La certification B Corp. constitue la première base normative de ces entreprises. Toutefois, le législateur américain de l’État du Delaware (mais également d’autres États américains) est venu contribuer à cette normativité en adoptant une législation consacrée à la Benefit Corporation. Cette étude met en lumière qu’en matière de Benefit Corporation, autorégulation et réglementation se concurrencent, en rupture avec l’opposition, la substitution, la supériorité ou la complémentarité entre normes traditionnellement soulignées dans la littérature.

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Rapport d’information français sur l’activisme actionnarial

L’Assemblé nationale vient de publier le rapport d’information qui conclut travaux d’une mission d’information relative à l’activisme actionnarial (rapport no 2287 du 2 octobre 2019).

Bilan du rapport

Né et encore très concentré aux États-Unis, le phénomène de l’activisme actionnarial se développe rapidement en Europe et en France. Il s’agit d’une nouvelle réalité de la vie des affaires, souvent très médiatisée.

Il est sain qu’un actionnaire soit actif dans la vie d’une entreprise. De même, un activiste peut être utile à l’entreprise. L’essentiel n’est finalement pas de différencier les actionnaires actifs des activistes, mais bien d’identifier les formes excessives de comportements activistes.

L’activisme désigne le comportement d’un actionnaire souvent minoritaire, qui fait campagne pour exiger d’une société cotée du changement, en allant au-delà du dialogue bilatéral avec la société, et en prenant parfois position publiquement.

Les fonds activistes sont-ils en train de « secouer le cocotier » du capitalisme continental ?

Les rapporteurs ont rencontré les principaux acteurs du marché (entreprises, fonds activistes, conseils, régulateurs, etc.), à Paris et à New York, pour mieux comprendre un phénomène complexe, multiforme et encore mal appréhendé.

Ils ont notamment été conduits à opérer une distinction importante entre l’activisme « long », où les fonds prennent des participations dans des entreprises dont ils souhaitent voir la valeur augmenter à court terme ou sur une durée plus longue ; et les activistes « courts », qui vendent « à découvert » les titres d’une société pour parier sur la baisse de son cours de bourse. Dans les deux cas, ils distinguent les comportements sains et normaux des abus parfois nuisibles.

Le rapport formule treize recommandations afin de mieux encadrer les comportements activistes, sans nuire à la compétitivité de la place de Paris, en articulant le recours à l’initiative privée, au droit souple et l’évolution des règles quand cela est nécessaire.

Ces recommandations visent à :

  • renforcer la transparence du marché et notamment la connaissance par les entreprises de leur actionnariat ;
  • réduire l’asymétrie de communication et d’information entre fonds activistes et sociétés cotées ;
  • encadrer plus étroitement la vente à découvert, et encourager la transparence sur le marché du prêt-emprunt de titres ;
  • rapprocher le temps de la régulation du temps du marché, notamment en donnant plus de moyens d’action au régulateur financier, l’AMF.

Le rapport souligne enfin l’importance pour les entreprises d’être activiste pour elles-mêmes en mettant en place une gouvernance solide ; en favorisant un dialogue actionnarial plus intense ; et en prenant mieux en compte les « parties prenantes » et les enjeux sociaux et environnementaux dans la recherche de la rentabilité.

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Fraudes financières et dirigeants : quelles leçons ?

Bien que cet article date de 2010, je le relaie sur le blogue tant il touche en plein coeur notre problématique : D. Cormier et M. Magnan, « Fraudes financières et dirigeants d’entreprise : les leçons à tirer » (Gestion, 7 juin 2010).

Extrait :

Les leçons à tirer

Quelles leçons peut-on tirer des cas de dirigeants accusés d’une fraude financière ou comptable et, de manière plus générale, du fait que cette fraude comporte des motifs irrationnels?

S’il ne faut pas dénigrer le succès, il faut aussi être conscient que celui-ci n’est pas éternel et qu’il peut contenir en germe l’échec. Nous insistons ici sur les leçons à tirer pour les principaux responsables du maintien de l’intégrité des marchés financiers, soit les conseils d’administration, les organismes de réglementation et les auditeurs, de même que pour les analystes financiers, les journalistes et les autres vigies de marché (…).

Le conseil d’administration

Le cas de Cinar, ainsi que plusieurs autres cas de fraude émanant de la direction de l’entreprise, illustre le bien-fondé de plusieurs pratiques de bonne gouvernance qui ont émergé ces dernières années afin de mieux équilibrer le pouvoir au sein des conseils d’administration. Ainsi, il importe de séparer les rôles de président du conseil et de P.D.G. (Micheline Charest cumulait les deux fonctions). En outre, il faut réduire le nombre d’administrateurs qui sont aussi dirigeants ou employés, le seul administrateur ultimement accepté étant le P.D.G. (outre le couple Charest-Weinberg, le conseil de Cinar comptait deux vice-présidents qui relevaient d’eux directement). De même, on doit s’assurer que le conseil compte sur l’expertise nécessaire afin de bien suivre les actions et les décisions de la direction.

Par ailleurs, il est important que le conseil d’administration rencontre régulièrement les membres de l’équipe de direction sans la présence du P.D.G. afin de prendre le pouls du climat organisationnel et de l’attitude du P.D.G., de mettre à jour régulièrement le plan de relève, d’établir des liens de confiance avec les membres de l’équipe et de vérifier que l’équipe de direction est au fait de la stratégie de l’entreprise et de sa mise en œuvre. Un P.D.G. fort, compétent et honnête ne devrait pas craindre cette pratique.

Le conseil d’administration doit également prêter attention à la manière dont les stratégies, les projets ou les plans d’action sont présentés, documentés et défendus. Poser des questions devient impératif lorsqu’on constate des incohérences dans les états financiers ou entre le discours et la réalité projetée par les indicateurs financiers et non financiers. Il doit également s’assurer que l’organisation se dote d’une politique en matière d’intégrité et d’éthique, que des mécanismes de communication sont mis en place pour que le personnel puisse faire part de ses préoccupations et que l’audit interne soit dévolu à des personnes compétentes et en lien direct avec le conseil. Il serait douteux que tous les faits rapportés dans la saga de Cinar soient passés inaperçus.

Enfin, le conseil d’administration doit se méfier des P.D.G. -vedettes. Les résultats de recherche à leur égard indiquent clairement que leur performance réelle est souvent médiocre, ce qui rend d’autant plus forte la tentation de frauder (pensons à Al Dunlap, ancien P.D.G. de Sunbeam, qui est arrivé auréolé de gloire à la direction de cette entreprise pour la quitter avec de nombreuses accusations de fraude pesant sur lui)18.

Les auditeurs

Les auditeurs ou les vérificateurs de Cinar, un cabinet international, ne semblent pas avoir vu venir les coups. Un autre cabinet a rapidement été engagé pour enquêter sur les diverses allégations de fraude et de nouveaux auditeurs ont été retenus par le conseil d’administration à la suite de la démission du couple Charest-Weinberg. La saga de Cinar confirme le diagnostic de Jamal (2008) que la fraude est le talon d’Achille de la profession comptable, car les attentes des investisseurs et du public dépassent nettement les responsabilités des auditeurs à l’égard de la détection de la fraude19.

De fait, selon un sondage réalisé par KPMG en 2002, moins de 3 % des fraudes sont découvertes par les auditeurs. Dans ces conditions, Salterio (2008) insiste sur l’importance d’adopter une approche beaucoup plus dynamique de détection de la fraude (et peut-être de la prévention, quoique cela aille au-delà des responsabilités actuelles des auditeurs).

Outre cette limite, la nature même de plusieurs fraudes remet en question la «rationalité» des dirigeants qui y sont impliqués. En effet, l’approche traditionnelle de détection des fraudes repose sur la rationalité des dirigeants. Or, les risques assumés par la plupart des dirigeants impliqués dans des fraudes comptables ou financières dépassaient largement les gains qu’ils ont pu réaliser, ce qui traduit probablement leur sentiment d’invulnérabilité. Les cas de Drabinsky (Livent), de Black (Hollinger) et de Charest en sont de bons exemples.

Par conséquent, les auditeurs doivent également s’attarder au processus de prise de décision stratégique d’une entreprise, une trop grande centralisation sans documentation valide ou indépendante devenant un facteur de risque. Ils doivent aussi élargir leur grille d’analyse de la fraude pour y intégrer des aspects comportementaux de la direction, lesquels incluront des entrevues avec les principaux intéressés et leurs collaborateurs, ainsi que certaines dimensions de la culture organisationnelle reflétant un mépris de l’éthique.

Enfin, les déclarations publiques de dirigeants ainsi que la couverture médiatique les entourant sont extrêmement importantes pour mieux dresser leur profil de même que le contexte de gestion. Il s’agit ici d’examiner l’adéquation entre l’image projetée à l’extérieur et la réalité organisationnelle : plus l’écart entre les deux est grand, plus le risque est grand.

Les autorités de réglementation

Le rôle des autorités de réglementation est très exigeant. En effet, la surveillance de milliers d’individus (initiés, personnes autorisées, etc.) et de sociétés cotées en Bourse n’est pas une mince tâche. D’une part, elles jouent un rôle réactif et se doivent d’agir avec célérité si des plaintes ou des doutes leur parviennent. Elles doivent pour cela pouvoir compter sur un service d’analyse et d’enquête compétent et efficace. D’autre part, elles doivent être proactives afin de s’assurer que les instances de gouvernance des sociétés cotées jouent leur rôle et qu’une information financière fiable est communiquée au public à temps.

Compte tenu du fait que les états financiers, même manipulés, peuvent receler certains indices de fraude, une analyse continue des informations financières communiquées par les entreprises s’avère nécessaire. En ce sens, l’évolution vers une plate-forme unique d’informations où les données financières sont comparables entre entreprises et secteurs d’activités (XBRL) peut faciliter la vigie20.

Les analystes financiers, les journalistes et les autres vigies du marché

Dans le cas de Cinar, alors que le bénéfice grimpait de 3,4 millions à 21,8 millions de dollars entre 1994 et 1998, son flux de trésorerie généré par l’exploitation (cash flow, ou les sommes reçues des clients moins les sommes versées aux fournisseurs, aux employés et aux gouvernements) chutait de +6,6 millions à -27 millions durant la même période (voir le tableau 1).

En d’autres termes, alors que Cinar affichait des bénéfices cumulatifs de 51 millions en 1994-1998, son exploitation faisait subir à l’entreprise une saignée de 44 millions, laquelle devait être financée par des prêts bancaires ou de nouvelles émissions d’actions. Les fraudes découvertes chez Enron, Worldcom, Mount Real ou Nortel montrent qu’un tel écart entre bénéfices et flux de trésorerie est souvent le signe annonciateur de manipulations comptables.

Le conseil à donner aux analystes financiers et aux journalistes vaut donc tout autant pour les membres du conseil d’administration, les auditeurs et les organismes de réglementation. Il s’agit de ne pas se laisser éblouir par le discours, l’arrogance ou les gestes d’éclat, mais de s’en tenir aux faits.

Sachant que la plupart des fraudes commises par des directions d’entreprise sont comptables ou financières, il s’agit de bien analyser les états financiers. Notons aussi que la surveillance des conflits d’intérêts et des opérations entre parties apparentées est une source sûre d’indices quant à des manipulations ou à des irrégularités possibles.

À la prochaine…