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La diversité sur les CA : le cas de Tim Hortons

Parce que nous sommes en 2015 (Justin Trudeau, premier ministre du Canada)

 

La question de la parité hommes-femmes fait couler beaucoup d’encre. Des actionnaires ont soulevé à maintes reprises des problèmes de diversité dans les CA. Malgré cela, certains dirigeants et administrateurs ont de la difficulté à délaisser le old boys’ club. C’est le cas de Tim Hortons, maintenant devenu Restaurant Brands International (RBI) depuis sa fusion avec Burger King en 2014.

 

Une proposition bien argumentée

 

Oceanrock Investments Inc. (ci-appelé « Oceanrock ») et Shareholder Association for Research and Education (SHARE) ont déposé une proposition d’actionnaire demandant à RBI d’élaborer une politique officielle sur la diversité et d’informer les actionnaires sur le « quand » et le « comment » la société aurait l’intention d’augmenter le nombre de femmes sur son CA, ainsi que dans les postes de cadres supérieurs.[1] Au cours de sa première année, le CA de RBI a eu l’occasion de nommer une femme à un poste d’administrateur. Le conseil a choisi de nommer un homme à cette place. De plus, RBI est l’une des deux sociétés de S&P/TSX60 n’ayant aucune femme sur leur C. A .[2]

Oceanrock et SHARE ont apporté plusieurs arguments afin de soutenir leur proposition. Outre le potentiel d’un meilleur rendement pour les actionnaires, les proposeurs indiquent que la diversité de genre est une mesure de bonne gouvernance d’entreprise et que la forte « concurrence sur le marché mondial oblige les entreprises à promouvoir et à choisir des personnes pour des postes de direction qui apportent diverses perspectives au processus de prise de décision ».[3]

De plus, ils soulignent les modifications de 2015 de la commission des valeurs mobilières de l’Ontario concernant l’Instrument national 58-101. Cette modification oblige maintenant les émetteurs à divulguer le nombre de femmes au sein du CA et au sein des postes de direction. La commission a établi un modèle « se conformer ou s’expliquer » dans le cadre duquel les émetteurs qui n’ont aucune femme dans ces fonctions doivent s’expliquer.[4] Pour de plus amples informations sur cet Instrument, vous pouvez consulter cette page-ci.

Finalement, Oceanrock et SHARE font savoir qu’avant la fusion avec Burger King, trois femmes siégeaient sur le CA de Tim Hortons. Un contraste important avec RBI qui n’en compte aucune. Sans compter que la plupart de leurs concurrents, tels que McDonald’s, Starbucks, Dunkin’ Brands et Wendy’s, ont au minimum deux femmes sur leurs CA.[5]

 

Une simple coïncidence que RBI n’ait pas de femme sur leur CA ?

 

Burger King était auparavant contrôlé par 3G Capital, un venture capital qui n’a aucune femme sur son CA.[6] Voilà qui donne encore plus de poids à cette proposition d’actionnaires. RBI devrait certainement songer à adopter une approche plus systématique pour améliorer la diversité dans ses rangs.

Les avantages d’avoir des femmes siégeant sur les C. A. sont nombreux. Pr. Claude Francoeur du HEC Montréal mentionne que la diversité des genres peut être bénéfique. Par ailleurs, « le style de leadership des femmes, plus centré sur le travail d’équipe, la participation et la recherche de compromis, en font généralement des gestionnaires habiles ».[7] Pr. Francoeur n’est qu’un des nombreux chercheurs universitaires s’étant penchés sur le problème. Les recherches révèlent souvent des résultats contradictoires les unes par rapport aux autres. En 2015, les chercheurs Corinne Post et Kris Byron ont effectué une méta-analyse de 140 articles sur la question de la présence des femmes sur les CA et la question de la performance. Dans leur article « Women on Boards and Firm Financial Performance: A Meta-Analysis », publié dans Academy of Management Journal, Post et Byron énoncent que la représentation au conseil des femmes est liée positivement aux rendements comptables[8].

Pourtant cette proposition n’a pas obtenu l’approbation des actionnaires lors de l’assemblée générale annuelle qui s’est tenue le 9 juin dernier. Plusieurs investisseurs institutionnels canadiens, comme l’Office d’investissement du Régime des pensions du Canada, Ontario Teachers’ Pension Plan et British Columbia Investment Management Corp. se sont prononcés en faveur de la proposition[9]. Le CA de RBI s’était abstenu de divulguer une recommandation de vote sur cette proposition d’actionnaires[10]. La société a cependant modifié son processus de nomination des administrateurs afin de prendre en considération un plus grand bassin de candidats (to consider diverse candidates).[11]

 

Pourquoi la proposition a-t-elle été refusée ?

 

« Je ne peux rien affirmer. Du point de vue de l’investissement responsable, une politique de diversité est rentable. Elle s’inscrit dans les actions de bonne gouvernance. Mais, un investisseur à court terme n’y voit pas de retour immédiat. Il faut compter 12 à 36 mois avant d’observer les fruits d’une politique de diversité. Si vous vous souciez uniquement du prochain trimestre, vous n’y verrez pas votre intérêt »[12], souligne Fred Pinto d’Oceanrock.

Tim Hortons est un cas de figure unique ? Absolument pas. Certains vont même jusqu’à dire que la question de diversité sur les C. A. d’entreprises canadiennes est devenue une source de tension entre les actionnaires et les dirigeants. La question de la diversité sur les conseils d’administration se retrouve encore en 2016 dans la liste focus NEI, le rapport des enjeux du GIR ainsi que plusieurs propositions d’actionnaires du MÉDAC. En effet, le MÉDAC a visé la Banque Laurentienne, SNC-Lavalin, BCE et Cascades en ce qui concerne les questions de diversité féminine sur le conseil d’administration. BCE a aussi rejeté la proposition d’actionnaires.[13] Des actionnaires de Dollorama ont aussi soulevé plusieurs inquiétudes au début du mois de juin 2016 en ce qui concerne le manque de femmes dans les postes de direction de la société.[14] Il semble donc que le sujet de la représentation des femmes sur les conseils d’administration risque d’attirer encore l’attention des investisseurs, des actionnaires et des dirigeants.

 

Le tout reste à suivre au cours des prochaines saisons des procurations…

 

Julie Bernard, MAP, Adm.A

Étudiante au doctorat (PhD) en sciences de l’administration (Management)

Faculté des sciences de l’administration

Université Laval


[1] Restaurant Brands International. (2016). « Notice of 2016 Annual and Special Meeting of Shareholders and Proxy Statement », [en ligne], page consultée le 2 juillet 2016.

[2] Milstead D. (2016). « With no women on its board, shareholder calls for diversity policy at Tim Hortons owner RBI », The Globe and Mail, [en ligne], 8 juin 2016, page consultée le 2 juillet 2016.

[3] Traduction libre

Restaurant Brands International. (2016). « Notice of 2016 Annual and Special Meeting of Shareholders and Proxy Statement », [en ligne], page consultée le 2 juillet 2016.

[4] Ibid.

[5] Ibid.

[6] Ibid.

[7] Breton, P. (2016). « Plus de femmes, plus d’argent », La Presse, [en ligne], 16 juin 2016, page consultée le 2 juillet 2016.

[8] Post C. et Byron K. (2015). « Women on Boards and Firm Financial Performance: A Meta-Analysis », Academy of Management Journal, vol. 58, no. 5, pp.1546-1571

[9] Milstead D. (2016). « With no women on its board, shareholder calls for diversity policy at Tim Hortons owner RBI », The Globe and Mail, [en ligne], 8 juin 2016, page consultée le 2 juillet 2016.

[10] À noter que lors des AGA nord-américaines, le conseil d’administration émet fréquemment la recommandation d’un vote contre la proposition.

[11] The Canadian Press. (2016). « Tim Hortons rejects shareholder request to add women to its all-male board », CBC, [en ligne], 9 juin 2016, page consultée le 2 juillet 2016.

[12] Tirée de la revue de presse du Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires (MÉDAC) : Bérard, D. (2016). « Tim Hortons: les dessous du vote contre la diversité », Les Affaires, [en ligne], 10 juin 2016, page consultée le 2 juillet 2016.

[13] Milstead D. (2016). « With no women on its board, shareholder calls for diversity policy at Tim Hortons owner RBI », The Globe and Mail, [en ligne], 8 juin 2016, page consultée le 2 juillet 2016.

[14] Ibid.

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Féminisation et résistance dans les CA

Retour sur la trop faible féminisation des CA au Canada dans cet article du Canadian Business : « Despite growing calls for more women on boards, Corporate Canada resists » (30 juin 2016).

 

Shareholders in some of Canada’s biggest companies have shown some resolve to increase female representation at the board level, yet efforts in recent months to boost the number of women have been rejected time and again.

Proposals to diversify the makeup of boards at Bell and the parent company of Tim Hortons and Burger King, among other firms, fail because they often come from independent shareholders who lack the clout — and shares — controlled by large institution asset managers, said Kevin Thomas, director of shareholder engagement for the Shareholder Association for Research & Education (SHARE).

Those managers tend to vote against shareholder proposals or align their votes with management direction by default, Thomas said.

 

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Ivan Tchotourian

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Féminisation des CA : la rémunération doit être aussi repensée

Le dernier billet de blogue de Les investigateurs financiers porte sur la féminisation des CA : « Forcer l’intégration des femmes dans les conseils d’administration? ». Les auteurs reviennent sur l’importance de la féminisation tout en montrant ses limites tenant aux pratiques de rémunération des administrateurs et des dirigeants.

 

Une question importante circule de plus en plus dans le monde des affaires, à savoir si l’on devrait changer les règlements un peu partout pour favoriser une présence plus équilibrée des deux sexes au sein des conseils d’administration. La société souhaite un traitement équitable des femmes, comme dans le cas des salaires, ce qui s’avère tout à fait juste et logique.

(…) Une sélection axée sur le genre, ou sur n’importe quel critère autre que la compétence, faite de façon systématique, risque d’accroître un problème auquel nous assistons depuis longtemps. Nous croyons que ce dernier a fortement contribué à la rémunération abusive des dirigeants des grandes sociétés, particulièrement aux États-Unis. Il s’agit de la rémunération des administrateurs du conseil eux-mêmes!

(…) Toute élection de administrateurs, si elle est exécutée pour se conformer à une exigence légale quelconque, risque d’amplifier la situation. Que ce soit sur le genre, la race, l’âge ou peu importe, la compétence devrait être le critère premier, comme le mentionnait l’entrepreneur québécois Nicolas Duvernois dans une chronique récente.

 

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Ivan Tchotourian

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La féminisation débattue dans les sociétés canadiennes

CTV News publie un article intéressant intitulé : « Lack of women on corporate boards creates tension among shareholders ». Cet article revient sur les deux assemblées annuelles de Dollarama et OceanRock Investments Inc. et les débats que la féminisation a occasionné.

 

The lack of women on corporate boards has become a source of tension among shareholders at the annual meetings this week of two big-name companies.

 

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Ivan Tchotourian

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La féminisation dans les CA sacrifiée

Dans son dernier billet de blogue, Diane Bérard revient sur l’assemblée annuelle de Restaurants Brands International (issu de la fusion de Tim Hortons et Burger King) (ici). Les actionnaires ont en effet rejeté la proposition d’OceanRock Investments demandant, pour la fin de décembre 2016,  la publication d’une politique formelle de diversité et un plan d’implantation pour celle-ci.

 

En somme, la majorité des actionnaires ne jugent ni important ni nécessaire ni utile que Restaurants Brands International se donne une politique pour promouvoir davantage de femmes à des postes de gestion et au conseil d’administration. Ou tout au moins de se questionner sur la diversité de ses dirigeants. Ça, ce sont les faits. J’ai voulu connaître l’histoire derrière ces faits. J’ai donc interviewé Fred Pinto, le pdg d’OceanRock Investments.

 

 

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Ivan Tchotourian

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Une critique malvenue ?

Dans un de ces derniers billets Yvan Allaire revient sur un article du New York Times qui se montre critique et réservée sur les conséquences de la féminisation des CA : « Le New York Times et la diversité au C.A. ». Nous ne pouvons qu’être d’accord avec l’auteur lorsqu’il exprime des réserves sur l’article d’autant que, comme il le dit très bien, la question est d’équité !

 

Or, justement, le New York Times faisait état récemment d’une étude menée auprès des 100 plus grandes sociétés américaines par la firme Equilar. Cette société, grande spécialiste de la rémunération des dirigeants, rapporte qu’une présence accrue de femmes aux conseils est associée à une rémunération du PDG qui est de 15% supérieur à ce qui est payé aux PDG d’entreprises dont le conseil est moins divers. (Gretchen Morgenson, « Where more women are on boards, executive pay is higher », NYT, May 27th 2016).

 

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Ivan Tchotourian

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Incertitudes sur les conséquences de la féminisation des CA

ECGI publie un nouveau papier ECGI Finance Series 466/2016 consacré à la féminisation des CA intitulé : « Women on Boards: The Superheroes of Tomorrow? » (par Renée Adams).

 

Can female directors help save economies and the firms on whose boards they sit?

Policy makers seem to think so. Numerous countries have implemented boardroom gender policies because of business case arguments. While women may be the key to healthy economies, I argue that more research needs to be done to understand the benefits of board diversity. The literature faces three main challenges: data limitations, selection and causal inference. Recognizing and dealing with these challenges is important for developing informed research and policy. Negative stereotypes may be one reason women are underrepresented in management. It is not clear that promoting them on the basis of positive stereotypes does them, or society, a service.

 

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Ivan Tchotourian