Le 3 février 2021, le Tribunal administratif de Paris a rendu son jugement[1] dans ce qu’on a appelé « l’Affaire du siècle » qui oppose l’Etat Français aux associations OXFAM France, NOTRE AFFAIRE À TOUS, FONDATION POUR LA NATURE ET L’HOMME et GREENPEACE France.
Le
Tribunal administratif a condamné l’Etat français pour son inaction en matière climatique.
Pour le Tribunal, l’Etat a brillé par des carences fautives dans le respect de
ses engagements en matière de lutte contre le réchauffement climatique.
Il
a été retenu aussi que L’Etat versera, à chacune des associations, la somme d’1
euro symbolique au titre du préjudice moral.
Par
ailleurs, le Tribunal a prononcé un supplément d’instruction de deux mois pour
statuer sur la question des mesures (réparation en nature) à prendre par l’Etat
pour réparation du préjudice écologique ou prévenir son aggravation
Ces associations ont
rappelé dans cette affaire que :
« L’État est soumis à une obligation
générale de lutter contre le changement climatique, qui trouve son fondement,
d’une part, dans la garantie du droit de chacun à vivre dans un environnement
équilibré et respectueux de la santé, reconnu par l’article 1er de la Charte de
l’environnement, à valeur constitutionnelle, d’autre part dans l’obligation de
vigilance environnementale qui s’impose à lui en vertu des articles 1er et 2 de
la même Charte et qui s’applique, eu égard aux engagements internationaux de la
France, notamment la Convention cadre des Nations Unies sur les changements
climatiques (CCNUCC) de 1992 et l’accord de Paris adopté le 12 décembre 2015, à
la lutte contre le changement climatique, enfin, dans le contenu même de la
notion de vigilance, qui doit être rapprochée du devoir de prévention des
atteintes à l’environnement et du principe de précaution, consacrés par les
articles 3 et 5 de la Charte, ainsi que du devoir de diligence défini par le
droit international ».
Quelques
extraits de la décision.
Article 3 : L’État versera à l’association Oxfam France, l’association Notre Affaire À Tous, la Fondation pour la Nature et l’Homme et l’association Greenpeace France la somme d’un euro chacune en réparation de leur préjudice moral.
Article 4 : Il est ordonné, avant de statuer sur les conclusions des quatre requêtes tendant à ce que le tribunal enjoigne à l’État, afin de faire cesser pour l’avenir l’aggravation du préjudice écologique constaté, de prendre toutes les mesures permettant d’atteindre les objectifs que la France s’est fixés en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, un supplément d’instruction afin de soumettre les observations non communiquées des ministres compétents à l’ensemble des parties, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement
On
observera avec attention les intentions de l’Etat français. Fera-t-il appel de
cette décision ? Quelle sera la position des juridictions supérieures ?
Quoi qu’il en soit, cette décision fera date dans ce long processus de la
consécration de la responsabilité préventive (ex ante) qui s’inscrit à contre-courant
de la conception classique de la responsabilité. Ce mouvement démontre qu’il
faut « Prendre la responsabilité au sérieux »[2].
Dans un arrêt récent, en date du 10 décembre 2020, les juges de la cour d’appel de Versailles devaient déterminer quel tribunal était compétent – entre le tribunal de commerce et le tribunal judiciaire -, dans le cadre d’un litige portant sur l’établissement et la mise en oeuvre d’un plan de vigilance ( Société Total en l’espèce).
Les juges devaient déterminer si la mise en place d’un plan de vigilance se rattachait à la gestion de la société afin d’admettre in fine la compétence du tribunal de commerce. Pour y répondre, les juges de la cour d’appel se sont basés sur un faisceau d’indices.
Indice 1 : Est apprécié le positionnement de la disposition prévoyant le devoir de vigilance ( L. 225-102-4 du code de commerce).
Indice 2 : Le fait que le plan de vigilance ainsi que sa mise en œuvre figure en annexe du rapport annuel de gestion.
Enfin, la cour d’appel s’est appuyée sur l’article 1833 du code civil (second alinéa), dans sa version du 22 mai 2019, pour justifier cet élargissement du domaine d’intervention de la société. Cet article prévoit en effet que « la société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité ».
La mise en cause d’une entreprise pour manquement à son devoir de vigilance relève donc du tribunal de commerce !
Entreprise à mission : nouveautés nord-américaines
La société à mission est une figure marquante de ces dernières années. Si elle est en réalité plus ancienne et que ses bases peuvent être trouvées dans la société à finalité sociale de Belgique (aujourd’hui emportée par la réforme intervenue en droit des sociétés en 2019), elle occupe une grande actualité dans le domaine juridique. Plusieurs pays et États ont fait place à cette nouvelle organisation alliant objectif lucratif et sociétal. Ils ont tantôt consacré une forme sociale à part entière (Angleterre, Italie, Colombie-Britannique, multiples États américains), tantôt intégré l’idée de l’entreprise à mission sans recourir à une structure juridique particulière (dernièrement la France avec la loi PACTE et les articles L. 210-10 et s. du Code de commerce). Au Canada et aux États-Unis, l’entreprise à mission vient de faire parler d’elle sur le plan législatif.
Ivan Tchotourian et Camille d’Astous publient un chapitre portant sur la rémunération des hauts-dirigeants en temps de COVID-19. Ce chapitre sera publié dans l’ouvrage « La rémunération dans tous ses états » aux Presses de l’Université Laval sous la direction d’ Yves Hallée, Renée Michaud et Patrice Jalette, à paraître.
Rémunération des hauts dirigeants au temps de la COVID-19 – Lecture éthique et juridique
La rémunération des hauts-dirigeants constitue depuis de nombreuses années un sujet intarissable de discussions et de débats. La littérature universitaire est foisonnante et la presse amène son lot quotidien d’affaires. Alors que les montants de cette rémunération n’ont cessé de croître, les États avancent en ordre dispersé sur cette problématique. Si certains se montrent discrets laissant le contrôle de la rémunération au marché, d’autres sont plus proactifs et ont fait évoluer leur droit. Toutefois, la rémunération demeure un thème que le juriste peine à encadrer comme en témoignent l’incohérence ou l’insuffisance de certaines modifications législatives. Une des questions qui se pose est de savoir si, au final, les modifications constituent des réactions de circonstances ou, au contraire, démontrent une démarche éthique pour promouvoir un bon comportement. Sans une recherche de plus d’éthique, le droit ne se révèle-t-il pas impuissant à changer les comportements en ce domaine ? Le contexte de la COVID-19 enrichit la réflexion sur les liens entre rémunération, positionnement du droit et éthique. La pandémie mondiale démontre que l’éthique n’a pas peut-être pas besoin de droit, sauf que la place et la pérennité de l’éthique en matière de rémunération apparaissent incertaines.
Il y aurait donc un mouvement général vers un meilleur encadrement des entreprises, leur responsabilisation sur des enjeux comme l’environnement, la diversité, le partage de la valeur ou le partage du pouvoir. Et les entreprises dites de la Tech en seraient le fer de lance. L’économie de demain sera écologique et sociale ou ne sera pas disent les uns… tout ceci n’est green ou socialwashing rétorquent les autres. Mais surtout, la question qui reste entière c’est de savoir qui dit le « good », de quel « bien » parle-t-on, qui et comment le mesure-t-on ?
Un débat à découvrir sur France Culture ou juste ci-dessous :
KPMG a publié cette semaine la 11e édition de son enquête KPMG sur l’état du reporting extrafinancier. Cette enquête annuelle permet de suivre les changements considérables survenus dans les rapports extrafinanciers depuis la première publication de l’enquête en 1993. Cette année, les professionnels de KPMG ont examiné les rapports de développement durable de 5 200 entreprises dans 52 pays et juridictions, ce qui en fait un document de référence !
L’enquête fournit un aperçu détaillé des tendances mondiales en matière de reporting extrafinancier et offre des perspectives aux dirigeants d’entreprises, aux conseils d’administration et aux professionnels du développement durable. Son objectif est d’aider ceux qui ont la responsabilité d’évaluer et de préparer ces rapports dans leur propre organisation.
L’enquête sert également de guide aux investisseurs, aux gestionnaires d’actifs et aux agences de notation qui tiennent désormais compte des informations sur le développement durable ou sur l’environnement, la société et la gouvernance (ESG) dans leur évaluation des performances et des risques des entreprises.
L’enquête 2020 se concentre sur quatre aspects clés des rapports de développement durable. Vous trouverez dans le lien ci-dessous un résumé des principales conclusions de l’enquête ainsi que le document au complet :
Au cours des prochains mois, le Groupe TMX* et l’Institut des administrateurs de sociétés (IAS) lanceront une nouvelle initiative importante visant à tracer l’avenir de la gouvernance des sociétés au Canada. En tant que membre de l’IAS, participant, participante ou partie prenante des marchés financiers canadiens, nous souhaitons que votre soutien et votre contribution éclairent nos travaux.
Il y a plus de 25 ans que le comité de la gouvernance de sociétés de la Bourse de Toronto a publié des lignes directrices (document connu sous le nom de « Rapport Dey ») qui constituent toujours aujourd’hui le fondement de la gouvernance des conseils d’administration des sociétés publiques canadiennes.
Depuis ce temps, le rôle du conseil d’administration a beaucoup évolué et de nouveaux concepts relatifs aux objectifs des entreprises et aux obligations des administrateurs font leur apparition. Alimentées par le rythme accéléré de l’innovation technologique, et dans le contexte d’une pandémie mondiale, les entreprises canadiennes font face à un nouvel ensemble de risques, de défis et d’occasions. Parmi ceux-ci, on peut citer une structure géopolitique en mutation, les changements climatiques et le développement durable, de nouvelles formes d’activisme de la part des parties prenantes, l’intelligence artificielle, ainsi que des appels à une plus grande équité, diversité et inclusion.
L’environnement des entreprises se transforme radicalement. La gouvernance de sociétés doit suivre le rythme et tracer une voie pour l’avenir. La question est de savoir comment y arriver.
Afin d’explorer cette question et de superviser la création de directives actualisées concernant les meilleures pratiques en matière de gouvernance de sociétés au Canada, le Groupe TMX et l’IAS mettent sur pied le « Comité sur l’avenir de la gouvernance des sociétés au Canada ».
Le comité, qui sera présenté cet automne, sera composé d’un groupe diversifié d’administrateurs et d’administratrices de sociétés publiques canadiennes chevronnés. Ses travaux se concentreront en particulier sur les domaines de surveillance dans lesquels le leadership des administrateurs peut contribuer à améliorer la résilience et la performance durable à long terme des entreprises, tout en tenant compte des défis que représente le fardeau réglementaire actuel pour les entreprises canadiennes.
Pour atteindre son objectif, le comité consultera et sollicitera la contribution d’un large éventail de parties prenantes, notamment des investisseurs, des organismes de réglementation, des universitaires et d’autres personnes et organisations. Le comité commencera ses travaux en septembre et prévoit la tenue de réunions virtuelles au cours de l’automne 2020 et de l’hiver 2021.
À la suite de ces réunions, un rapport périodique sera publié et soumis à la consultation publique. Le comité encourage toutes les parties prenantes, y compris les membres de l’IAS, intéressées par cette initiative à faire part de leurs commentaires sur ce rapport intermédiaire qui devrait être publié au début de 2021. L’IAS et le Groupe TMX sont très heureux de bénéficier pour cette initiative du soutien d’Osler, Hoskin & Harcourt S.E.N.C.R.L. qui a également fourni une assistance juridique au comité initial du Groupe TSX.
Nous pensons que l’actualisation des lignes directrices en matière de gouvernance pour qu’elles reflètent les réalités actuelles et les défis futurs aura des avantages durables et significatifs pour le Canada. Nous nous réjouissons à l’idée de communiquer davantage d’informations lorsque nous lancerons officiellement le projet et au cours de l’année à venir.