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Le Canada accuse un retard en matière de responsabilité des entreprises

La professeure Penelope Simons offre une tribune au vitriole (et à lire !) sur la création du poste d’ombudsman par le gouvernement fédéral, montrant toutes les insuffisantes de la situation canadiennes en matière de responsabilité des grandes entreprises (notamment celles du secteur extractif) : « Responsabilité des entreprises : retard du Canada » (La Presse+, 10 juin 2019).

Résumé :

Plus tôt cette année, le gouvernement libéral a offert aux Canadiens un aperçu des efforts qu’il a menés pour s’assurer que SNC-Lavalin échappe à une éventuelle poursuite au criminel en vertu de la Loi sur la corruption d’agents publics étrangers. Ce qui est moins évident cependant, c’est que la position du gouvernement dans cette affaire reflète son approche plus large en matière de responsabilité des entreprises. La tendance du gouvernement libéral à fermer les yeux sur les agissements douteux des entreprises menace de faire échouer une initiative novatrice : la création d’un poste d’ombudsman canadien pour la responsabilité des entreprises dans le but d’apporter de réels changements.

Extrait :

Le décret en conseil qui a officiellement créé la fonction d’ombudsman, créé son mandat et nommé Sheri Meyerhoffer à ce poste a été publié en avril dernier. Cela montre que le gouvernement a non seulement reculé de manière significative sur sa promesse initiale, mais semble également avoir créé une version légèrement modifiée du conseiller en matière de responsabilité sociale des entreprises aujourd’hui défunt et dont les pouvoirs étaient limités. Le gouvernement n’a jusqu’à présent pas octroyé à l’ombudsman les pouvoirs d’enquête dont il a besoin. Lors de la conférence de presse, le ministre Carr a déclaré qu’il « cherchait à obtenir un avis juridique externe » sur « la pertinence » d’accorder à l’ombudsman des pouvoirs de contraindre une personne à fournir des documents et d’assigner des témoins en vertu de la Loi sur les enquêtes et que la décision à ce sujet serait annoncée en juin.

Le gouvernement a également chargé le bureau d’enquêter sur les parties qui allèguent des actes répréhensibles commis par les entreprises, en d’autres termes, enquêter sur les victimes de violations présumées des droits de la personne ou sur celles qui soutiennent les victimes dans le dépôt d’une plainte.

Cette inclusion surprenante rendra certainement plus difficile pour les victimes de faire entendre leurs plaintes légitimes concernant des violations de leurs droits commises par des entreprises. 

Cela risque également de mettre plus en péril les défenseurs des droits de la personne, dont l’intégrité physique est souvent menacée.

À la prochaine…

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Sociétés d’État et salaires des hauts-dirigeants

Le rapport de la vérificatrice générale s’est penché sur la rémunération des hauts-dirigeants des sociétés d’État à vocation commerciale et son bilan n’est pas tendre : « Les salaires des dirigeants des sociétés d’État préoccupent la vérificatrice générale du Québec » (Le Devoir, 31 mai 2019).

Extrait :

La vérificatrice générale Guylaine Leclerc montre du doigt des « situations préoccupantes » dans la rémunération des hauts dirigeants des sociétés d’État du Québec, dont le versement d’indemnités de départ « négociées à la pièce » ou encore de « primes à la signature (bonis) » qui ont été dissimulées au regard des élus de l’Assemblée nationale.

De 2015-2016 à 2017-2018, la Société des alcools du Québec (SAQ) a accordé des compensations pécuniaires totalisant 2 millions de dollars à cinq personnes sur le point de quitter la société d’État. Pourtant, aucune indemnité de départ ne figure dans les rapports annuels de gestion de la SAQ, selon le rapport de la vérificatrice générale déposé à l’Assemblée nationale jeudi.

Durant la même période, Investissement Québec (IQ) a octroyé en indemnités de départ un montant total de 875 000 $ à deux hauts dirigeants. La société d’État avait pourtant divulgué seulement le départ d’un des deux individus, tout en précisant lui avoir versé 623 000 $.

Mme Leclerc a recensé « des indemnités de départ non divulguées sous prétexte d’une entente de confidentialité, des primes à la signature non clairement présentées et la rémunération de certains dirigeants non publiée » dans les rapports annuels de gestion de Loto-Québec, d’IQ et de la Société des alcools du Québec (SAQ). Ce « manque de transparence » de la part des sociétés d’État « ne permet pas aux parlementaires de faire une juste appréciation de la situation », soutient-elle. Bref, elle « nuit à la transparence et à l’imputabilité des décideurs ».

Cette situation s’explique notamment, selon elle, par l’absence de consignes claires du ministère des Finances sur l’information concernant la rémunération des hauts dirigeants devant se retrouver dans le rapport annuel de gestion. « Conséquemment, chaque entité auditée fait ses propres interprétations et l’information présentée n’est pas uniforme d’une société à l’autre. »

Rémunération injustifiée ?

Plus encore, la vérificatrice générale conteste les arguments avancés par des sociétés d’État à vocation commerciale ? Loto-Québec, IQ et la SAQ ? pour justifier la rémunération accordée aux membres de leur équipe de direction.

Les sociétés d’État soutiennent notamment qu’elles doivent offrir des conditions à leurs hauts dirigeants comparables à celles offertes par des sociétés du secteur privé. Cet argument « laisse perplexe » Guylaine Leclerc, puisqu’il « peut s’appliquer à toutes les sphères d’activité gouvernementales ». « Comment peut-on expliquer qu’il soit plus important d’attirer et de retenir les talents pour gérer des activités de nature commerciale que pour voir à d’autres enjeux de société que je considère à tout le moins comme aussi importants, tels que l’éducation des jeunes, la santé de la population et la gestion de la dette publique ? » demande-t-elle.

D’ailleurs, l’équipe de la VG n’a dénombré « aucun enjeu observable de rétention des hauts dirigeants » dans les trois sociétés d’État à vocation commerciale auditées. « Le départ d’un seul haut dirigeant sur 13 est attribuable à l’acceptation d’un emploi dans une société du secteur privé », souligne Mme Leclerc à gros traits.

À la prochaine…

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Nouveau billet sur Contact : la fonderie Horne en question

Bonjour à toutes et à tous, je viens de publier mon dernier billet de Contact intitulé : « Fonderie Horne et arsenic : une insoutenable légèreté » (partie 1 et partie 2). J’y aborde la question de la RSE.

Extrait :

L’actualité en matière de responsabilité sociale (RSE) vient de s’enrichir d’une nouvelle diffusée récemment par Radio-Canada : le niveau de pollution par contaminants d’une entreprise de Rouyn-Noranda et toléré par le ministre de l’Environnement. « Québec permet à la Fonderie Horne d’émettre 67 fois plus d’arsenic dans l’air que la norme provinciale » (Radio-Canada, 13 mai 2019), voilà une information qui n’est passée inaperçue ! Amené à me prononcer dans le cadre de l’émission de télévision RDI Économie animée par M. Gérald Fillion (ici), je partage avec vous quelques réflexions sur cette actualité (en plus de faire le point avec du recul), réflexions qui sont celles d’un professeur de droit travaillant dans le domaine de la RSE… et, surtout, celle d’un citoyen et d’un père qui se veut critique sur une situation qui lui apparaît insoutenable.

Plusieurs solutions sont envisageables pour répondre au niveau de pollution occasionné par les activités de la fonderie Horne. Le coût social de la pollution (qui, à terme, va reposer sur la province et ses contribuables) et les inquiétudes multiples de la situation appellent une réponse et un signal fort envoyé à la communauté et aux entreprises. J’ai entendu que fermer l’usine serait une option. Elle ne me semble pas crédible. Elle vient opposer frontalement la logique environnementale à la logique économique, alors qu’il convient de les faire travailler ensemble. La fermeture aurait des conséquences dévastatrices sur le plan économique, il ne faut pas s’en cacher. De même, des mesures punitives ne me semblent guère crédibles, le ministère étant le principal responsable du niveau de pollution atteint (et non l’entreprise qui ne fait qu’utiliser une tolérance – en étant d’ailleurs en-dessous du seuil maximum –). Comme évoqué par certains dans les journaux, la mise en place d’une zone tampon serait une avenue (et le respect de mesures sanitaires de base), même si cette option est contraignante pour les citoyens concernés, demeure à court terme et ne règle pas le problème de fond : le niveau de rejet des contaminants dans l’air. Aussi, il apparaît impératif de rehausser la norme demandée à l’entrepise Horne, tout en mettant en place des incitatifs pour la soutenir dans la recherche d’une solution environnementale.

Ne pas oublier la responsabilité de l’État

Que penser d’un éventuel recours judiciaire exercé non contre l’entreprise (qui reste dans la tolérance octroyée et ne franchit pas la ligne de l’illégalité) mais contre l’État ? Si la fonderie Horne suit bien le protocole (qui serait même en avance sur l’échéancier fixé avec le ministère de l’Environnement) suivant ce qu’avance le ministre Benoît Charette, la question est entière de savoir si les chiffres négociées et visés dans le protocle étaient adéquats. Que penser de la décision prise en 2011 par le ministère de l’Environnement ? Ne caractérise-t-elle pas une faute, une irrationnalité, une déraisonnabilité ou une insouciance grave commise par l’État ? Ces mots ne sont pas pris au hasard, ils ont des conséquences juridiques.

Contrairement à une croyance répandue, l’État québécois ne bénéficie pas d’une irresponsabilité. La maxime « the King can do no wrong » a vécu. La Cour suprême a clairement rappelé cette idée en 2011 : « Il importe que les organismes publics soient responsables en général de leur négligence compte tenu du grand rôle qu’ils jouent dans tous les aspects de la vie en société. Soustraire les gouvernements à toute responsabilité pour leurs actes entraînerait des conséquences inacceptables ». L’État québécois a tout d’abord une responsabilité extracontractuelle directe. Avec l’adoption en 1994 du Code civil du Québec (et l’article 1376), a été ajouté une nouvelle dimension à l’assujettissement de l’État au droit commun de la responsabilité civile. Le droit québécois assimile purement et simplement le gouvernement à une personne physique majeure et capable pour tout recours dirigé contre lui. Mais, l’État québécois peut également répondre de la faute de son préposé en vertu des articles 1463 et s. du Code civil du Québec. Avec cet article, le législateur cherche à écarter la possibilité pour l’État de se défendre en arguant que son préposé aurait agi en dehors de l’exercice de ses fonctions et que, pour ce motif, l’État n’aurait pas à répondre de sa faute.

Toutefois, la chose est subtile. En effet, le niveau de responsabilité de l’État québécois dépend de la nature de la décision prise. Il convient de distinguer entre les décisions relevant du « politique » et celles relevant de « l’opérationnel ». La nature de la faute exigée de l’État change. Si l’acte politique échappe la plupart du temps à la sanction des tribunaux et conduit à une immunité (sauf mauvaise foi, irrationalité ou insouciance grave), l’acte de gestion peut donner lieu à une action en responsabilité si l’acte en question a été accompli fautivement (une faute simple) et que cette faute a causé un dommage. Pour savoir à quelle catégorie appartient l’acte, il est « (…) illusoire de vouloir établir un critère absolu qui donnerait rapidement et infailliblement une réponse à l’égard de toute décision parmi la gamme infinie de celles que peuvent prendre les acteurs gouvernementaux ». L’appréciation se fait de manière contextuelle en tenant compte des caractéristiques des pouvoirs que la loi confère, ainsi que des devoirs qu’elle impose à l’officier public chargé de l’appliquer.

Quelle que soit la nature de l’acte en cause (qui m’apparaît toutefois relever davantage de l’opérationnel quoique…), on constate que l’on est proche d’une mise en cause possible de la responsabilité de l’État québécois dans ce dossier. Au regard des conséquences graves de l’arsenic sur la santé et du niveau de contaminants admis (et aussi de la légèreté à aborder ce problème de pollution), même les hypothèses exceptionnelles de faute mettant au rancart l’immunité – dans le cas des décisions politiques – semblent vérifiées. Que l’État se méfie, l’actualité démontre que la société civile dans toute sa diversité de courants, d’organisations et de mouvement d’opinion n’hésite plus à mettre les États et les villes devant les tribunaux en matière de changement climatique. La justice climatique prend corps !

La Loi sur la qualité de l’environnement et son chapitre III sur le droit à la qualité de l’environnement et à la sauvegarde des espèces vivantes méritent également d’être évoqués. Les mots utilisés dans la loi sont forts de sens : « Toute personne a droit à la qualité de l’environnement, à sa protection et à la sauvegarde des espèces vivantes qui y habitent ». Les articles 19.1 et s. permettent l’exercice d’un recours en injonction devant la Cour supérieur pour empêcher l’acte. Cependant, il a été observé que ces articles sont difficiles à invoquer en pratique. De plus, le ministère de l’Environnement a autorisé la fonderie Horne à déroger à la loi.

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Ombudsman au Canada : faut-il s’en réjouir ?

Mme Langlois propose une tribune intéressante (et critique) sur la définition des pouvoirs de l’ombudsman canadien dont la nomination a été tant salué : « De sérieuses questions sur l’ombudsman canadien » (Le Devoir, 29 juin 2019).

Le 8 avril dernier, le ministre de la Diversification du commerce international, Jim Carr, a annoncé la nomination d’une ancienne consultante pour le secteur extractif, Sheri Meyerhoffer, au poste d’ombudspersonne canadienne pour la responsabilité des entreprises (OCER). Le décret délimitant le mandat de l’ombudspersonne ne précise toutefois pas si elle aura le pouvoir d’exiger des documents et des témoignages, ni si son bureau aura un mandat explicitement orienté vers le respect des droits de la personne. Il s’agit donc, à première vue, d’un « ombudsmanqué », c’est-à-dire qui ne possède pas les moyens d’agir et ne remplit pas les fonctions d’un tel poste.

Extrait :

Le 8 avril dernier, le ministre de la Diversification du commerce international, Jim Carr, a annoncé la nomination d’une ancienne consultante pour le secteur extractif, Sheri Meyerhoffer, au poste d’ombudspersonne canadienne pour la responsabilité des entreprises (OCER). Le décret délimitant le mandat de l’ombudspersonne ne précise toutefois pas si elle aura le pouvoir d’exiger des documents et des témoignages, ni si son bureau aura un mandat explicitement orienté vers le respect des droits de la personne. Il s’agit donc, à première vue, d’un « ombudsmanqué », c’est-à-dire qui ne possède pas les moyens d’agir et ne remplit pas les fonctions d’un tel poste

De plus, le gouvernement donne à l’ombudspersonne le mandat d’« examiner une plainte déposée par une entreprise canadienne qui estime faire l’objet d’une allégation non fondée concernant une atteinte aux droits de la personne », et ce, « de sa propre initiative ». De ce fait, l’ombudspersonne, plutôt que d’être attentive aux droits de la personne, agirait au contraire comme mécanisme de contrôle pour les entreprises afin de faire taire leurs critiques. Dans sa version actuelle, le mandat d’ombudspersonne risque donc de susciter plus de méfiance que de confiance auprès des communautés affectées par les entreprises minières canadiennes.

À la prochaine…

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Entreprise et droits de l’homme : le Canada doit faire plus !

Bonjour à toutes et à tous, Les affaires.com publie une intéressante critique sur la posture canadienne en matière de droits de l’Homme : « Responsabilité des entreprises canadiennes: l’ONU déçue des retards d’Ottawa » (29 avril 2019).

Extrait :

Surya Deva, président du «Groupe de travail sur la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises», est à Ottawa cette semaine afin de tenter de comprendre pourquoi il a fallu 15 mois au gouvernement canadien avant de nommer son tout premier «ombudsman indépendant pour la responsabilité des entreprises».

Dans une entrevue accordée lundi, le professeur Deva estime que si le gouvernement canadien veut conserver le leadership dans ce secteur particulier — ou dans le secteur des droits de la personne en général —, il doit agir dès maintenant, parce que les choses vont vite en ce domaine. Il croit d’ailleurs que le Canada tire déjà de l’arrière face à d’autres pays tels que la France, l’Allemagne, la Suisse et l’Australie dans l’adoption de lois visant à améliorer le comportement de leurs entreprises menant des activités à l’étranger, en particulier dans les pays en développement.

Selon M. Deva, le gouvernement canadien doit absolument donner à cet ombudsman le pouvoir de contraindre les entreprises à venir témoigner et à déposer des documents lors des enquêtes, sans quoi la réputation du Canada en tant que leader des droits de la personne sera entachée.

À la prochaine…